Lutter contre les limaces en maraîchage

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Les limaces et les escargots provoquent chaque année des pertes considérables en productions maraîchères. Et si les salades concentrent les plus gros dégâts, toutes les espèces sont potentiellement concernées.


Quelles limaces ?

On distingue deux espèces de limaces :

Limace grise
  • La limace grise (Deroceras reticulatum) qui se déplace à la surface du sol.
    • Couleur grisâtre à brun jaunâtre, avec des tâches allongées.
    • Mucus blanc, orifice respiratoire à l'arrière du bouclier.
    • Taille : jusqu'à 70 mm en extension.
    • Par temps humide, elle consomme tout végétal vert.
    • En conditions humides, elle s'attaque aux racines.
    • Elle peut consommer 1/3 de son poids en une nuit[1].
    • Cette limace est surtout nuisible en période de sécheresse.
    • Polyphage, elle s’attaque à diverses cultures : pois protéagineux, légumineuses, carotte, endive, fraisier, tomate et laitue.


Limace noire
  • La limace noire (Arion hortensis), moins mobile, qui se trouve le plus souvent dans le sol et apparaît plus rarement en surface. Ces limaces sont assez difficiles à détruire.
    • Couleur noire ardoisée.
    • Pied (face inférieure) jaune-orangé.
    • Mucus jaune
    • 40 mm en extension.
    • Omnivore, elle peut consommer 40% de sa masse corporelle en 2 heures.
    • Cette espèce est néfaste surtout aux cultures d’automne par temps pluvieux et persistant. Elle provoque des dégâts importants au moment de l’implantation des cultures car elle mange les racines sous terre.


Ces deux espèces ont une activité essentiellement nocturne. Par temps couvert et humide le jour, elles sont également actives. En France, 80% des parcelles attaquées le sont par des limaces grises[2].

Facteurs de développement

Période de présence :

J F M A M J J A S O N D

Les limaces présentent un pic de développement au printemps.


Les facteurs de développement des limaces sont multiples :

  • Les conditions météorologiques : les hivers doux et les étés pluvieux favorisent la multiplication des limaces tandis que le gel et la sécheresse diminuent leur activité.
  • La disponibilité en refuges : la quantité de refuges dépend du tapis végétal et de la structure du sol. Les sols motteux et aérés et l’enfouissement des résidus de culture fournissent un milieu de vie parfait pour les limaces.
  • La présence d’ennemis naturels : les limaces ont de nombreux ennemis, prédateurs et parasites parmi les invertébrés et les vertébrés. Leur présence permettent d'aider à réguler la densité de limaces.
  • Les conditions agronomiques : le type de sol et sa préparation influent sur les populations de limaces. Ces mollusques sont surtout fréquents dans les sols argileux et argilo-limoneux, mais présentent parfois de fortes concentrations dans les limons. Ils préfèrent les sols bien aérés avec des cavités qui leur permettent de se déplacer. Ils se trouvent surtout dans les zones motteuses à cailloux, dans les sols grossièrement préparés.


Conséquences de la présence des limaces

Périodes de risques élevés

Sur légumes, le risque de dégâts de limace peut exister de la levée à la récolte :

  • Les périodes au cours desquelles les légumes sont les plus sensibles à ce ravageur, s’étendent d’avril à mi-juin et de septembre à octobre.
  • A la sortie de l'hiver, les limaces s'attaquent aux jeunes pousses des cultures car elles manquent d'autres sources alimentaires.
  • En été, les limaces ont du mal à voyager sur la terre sèche et chaude, elles restent ainsi en dormance dans le sol. A chaque pluie, elles se réveillent et remontent à la surface du sol. Comme il y a peu de jeunes plantes en été, les limaces s'attaquent aux légumes feuilles mieux formés.


Dommages provoqués

Les limaces sont responsables de 2 types de dommages sur les cultures :

  • Dommages directs : en consommant les organes aériens, voire les organes sous terrains (racines, tubercules…), les limaces et les escargots peuvent provoquer :
    • des pertes mécaniques (les plantes disparaissent),
    • des pertes commerciales (le légume souillé ou troué n’est plus commercialisable).
  • Dommages indirects : en étant physiquement présents dans la récolte, les limaces et les escargots provoquent le refus pur et simple du lot par les opérateurs commerciaux.


Evaluer les risques

La densité des populations de limaces et leur activité peuvent être estimées par l’observation d’indices de présence : traces de mucus, feuilles lacérées et le piégeage.

Pour cela, il est possible de placer, avant le semis, 4 pièges (tuiles, cartons humidifiés recouverts d’une bâche…) par parcelle. Le comptage, 3 jours plus tard du nombre de mollusques piégés permet de déduire le nombre d'individus au m². Ce comptage permet de comparer la pression des limaces par rapport à des seuils de nuisibilité :

Pour faciliter le comptage des limaces, il est possible d'utiliser le LIMACAPT, un capteur autonome et connecté pour la détection et le comptage des limaces au champ.

Les moyens de lutte prophylactique

La gestion des limaces repose sur la compréhension de leur mode de vie et des raisons de leur présence.


Il est donc possible de mettre en place des mesures prophylactiques efficaces pour gérer les limaces et limiter les dégâts.

Choix de l'assolement

Le choix de l’espèce cultivée et la succession des espèces influent directement sur la présence ou non des limaces selon :

  • Leur appétence,
  • La possibilité de refuges qu’elles offrent,
  • La couverture hivernale qu’elles présentent.


Les cultures couvrant le sol l’hiver comme le colza ou les céréales sont favorables à la bonne alimentation des limaces et facilitent leur développement à l’automne comme au printemps. Ainsi, les cultures d’hiver et les jachères sont les précédents les plus risqués pour les cultures suivantes.

Les rotations à interculture courte sont les plus favorables aux gastéropodes.

Gérer la période d'interculture

La période d'interculture est une période de plus grande sensibilité pour ces ravageurs car leur principale ressource disparaît, qu’il s’agisse de s’alimenter ou de se mettre à l’abri.

  • Il est possible d'intervenir lors de cette période pour renforcer la vulnérabilité des limaces :
    • En été les opérations de déchaumage sont particulièrement efficaces pour dessécher les œufs.
    • Les CIPANs sont souvent favorables aux limaces: le choix du couvert et de la date de destruction sont des éléments à prendre en compte pour limiter le risque. Les légumineuses et les céréales sont appréciées par les limaces alors que certaines moutardes sont peu appétantes.
    • Le maintien d’un sol nu est défavorable aux limaces s’il ne fournit ni nourriture, ni abri.


Travail du sol

Le travail du sol peut contribuer à réduire les populations de limaces en perturbant le milieu dans lequel elles évoluent et en limitant leurs possibilités de déplacement et de mise à l’abri.

  • L’humidité du sol au moment de ces travaux est décisive : moins le sol est saturé en eau et plus les bénéfices seront élevés.
  • Refermer ou tasser le sol après chaque façon culturale est également très profitable… s’il n’y a pas de risque de compactage ou de battance.
  • Le travail profond permet de réduire les populations par enfouissement et par destruction.
  • Le labour présente en plus l’avantage de faire disparaître les sources d’alimentation pour les limaces mais son action semble limitée dans le temps (une ou deux semaines).
  • Le travail superficiel permet aussi de détruire les œufs, les jeunes individus et les adultes directement ou indirectement en les exposant aux prédateurs naturels et à l’action du soleil.
  • On estime que la majorité des limaces et de leur œufs sont dans les 10 premiers centimètres du sol.
  • Pour limiter le déplacement des limaces, quand c’est possible, en plus d’une préparation fine, le rappuyage du sol est conseillé.
  • Les déchaumages après la récolte sont particulièrement importants en période estivale. Les œufs sont alors exposés aux rayonnements solaires qui entraînent une mortalité importante par dessiccation.
  • En outre, il est reconnu qu’enfouir assez profondément les graines lors du semis permet de réduire les attaques.


Gérer les abris et l'alimentation des limaces

Il existe deux types de gestion des abris et de l'alimentation des limaces.

  1. Supprimer toutes les ressources alimentaires disponibles pour les limaces, notamment pendant les périodes d'interculture
    • Il est préférable de broyer et d’enfouir les résidus de récolte pour éviter qu’ils ne servent d’abri ou de nourriture de substitution.
    • La maîtrise du développement des mauvaises herbes dans l’interculture réduit l’augmentation des populations dans la parcelle.
    • Par ailleurs, le contrôle de la végétation dans les abords empêche la constitution de foyers de mollusques qui pourront migrer des adventices vers les cultures.
  2. Offrir une nourriture aux limaces au printemps plus appétantes que les cultures en place pour éviter leurs attaques
    • Elles apprécient tout particulièrement les jeunes pousses de crucifères
    • Favoriser des endroits d'ombres, de fraîcheur pour attirer les limaces en dehors du jardin.


Favoriser les ennemis des limaces

  • Pour favoriser les ennemis des limaces il faut leur offrir un stock de nourriture : des insectes. Une solution pour attirer des insectes est de disposer du bois en décomposition aux alentours des parcelles maraîchères. Un tas de bois en décomposition en périphérie de la parcelle fabriquera des champignons, qui vont attirer des collemboles qui sont à la base de la chaine alimentaire. Au printemps, tous ces collemboles vont décroitre par prédation des staphylins, qui, peu à peu vont se reporter sur les limaces des cultures et réguler leur population. A partir de là on peut attirer les staphylins et carabes dans le jardin dès qu'ils vont commencer à manquer de nourriture à la sortie de l'hiver. On peut également attirer les limaces vers les tas de bois en semant des crucifères dont les limaces sont friandes.
  • Il est également possible d'introduire directement des ennemis des limaces dans les parcelles potagères : canards coureurs indiens, poules...

Le ramassage manuel

Une solution fastidieuse consiste à ramasser manuellement les limaces à la main (ou avec une pince à limaces).

Pour cela, il est conseillé de placer une tuile, un morceau de carton ou encore une planche en bois dans la parcelle pour offrir un abri aux limaces et les concentrer au même endroit. A l'aube, il suffit alors de soulever l'abri et de ramasser les limaces présentes. Pour être efficace, cette technique doit être répétée régulièrement.

Barrières naturelles anti-limaces

Il existe de nombreuses barrières naturelles anti-limaces, dont l'efficacité est parfois à prouver : coquilles d'œufs, cendres, marc de café, sable, cheveux, bogues de châtaignes, branches à aiguilles, paillis, extrait d'ail ...


Une étude comparative de ces barrières est disponible ici.

Le cuivre

Le cuivre est un répulsif naturel pour les limaces, escargots et autres gastéropodes.

Il existe un grand nombre de barrières à base de cuivre : bandes, filets, anneaux.

  • Le ruban adhésif en cuivre protège les plantes en pot ou en carré-potagers contre les limaces
  • L'anneau de cuivre est d'une redoutable efficacité et facile à utiliser. De 5 cm de hauteur, il permet de maintenir les limaces, escargots et autres gastéropodes loin des jeunes plans.


La lutte directe

Les nématodes parasites

Il existe des possibilités de lutte biologique contre les limaces.

  • Le nématode Phasmarhabditis hermaphrodita est un parasite spécifique des limaces.
  • Il est actuellement commercialisé sous le nom de Phasmarhabditis-system et autorisé sur toutes les cultures légumières.
  • Ces vers microscopiques se développent dans le corps du mollusque, entraînant sa mort.
  • Le produit est à diluer dans l’eau, puis à pulvériser au sol. Une irrigation copieuse permet ensuite aux nématodes de pénétrer dans le sol. Dans certaines conditions, l’efficacité de ce produit se révèle très bonne, cependant les résultats sont encore assez aléatoires.
  • Le coût très important (environ 35€ pour 100m² ) limite pour l’instant l’utilisation aux jardiniers bio ou aux maraîchers cultivant de petites surfaces à haute valeur ajoutée.


Le phosphate de fer

L’utilisation de molluscicides permet de lutter directement contre les limaces.

  • Les granulés à base d’orthophosphate de fer sont autorisés en Agriculture Biologique à la dose de 50 Kg/Ha.
  • Les traitements doivent être positionnés judicieusement.
    • Toutes les études montrent que les applications précoces apportent de meilleurs résultats.
    • Une fois les limaces détectées, l’épandage du molluscicide doit donc être positionné au semis ou avant la levée des cultures. Après ce premier traitement, il est nécessaire de surveiller les parcelles et de renouveler l’application si des limaces subsistent ou si les granulés se détériorent à cause de pluies.
    • Les applications en végétation, quand les cultures sont bien développées, ne sont pas très efficaces, elles permettent simplement de limiter les dégâts d’une attaque déclarée.
    • Plusieurs méthodes d’épandage de granulés sont envisageables, selon le type de matériel disponible sur l’exploitation : la solution de base et la plus courante est l’épandage en plein en surface, ce dernier peut également être localisé sur la raie de semis, une dernière solution est aussi de mélanger les granulés à la semence.


Conseils

  • Privilégier les luttes précoces, elles sont toujours plus efficaces.
  • Eviter les applications curatives  : qu’il s’agisse des limaces ou des escargots, intervenir quand le ravageur est présent dans ou sur la plante est moins efficace.
  • La protection anti-limaces doit aussi se concentrer sur les abords des parcelles afin de limiter les risques de réinfestation ; elle pourra être renouvelée jusqu’à la récolte, notamment en cas de risque escargots.

Annexes

La technique permet de favoriser la présence des auxiliaires et bioagresseurs suivants

La technique limite la présence des auxiliaires et bioagresseurs suivants

La technique est complémentaire des techniques suivantes

Cette technique fait référence aux outils d'aide à la décision suivants

  1. LEGRAND M. (FREDON Nord Pas-de-Calais), DELANOTE L. (PCBT), DELEBECQ A. (GABNOR), DUCATILLON C. (CARAH), GREBERT D. (PLRN), VERCAIGNE JP. (CARAH), 2014, Comment lutter contre les limaces en maraîchage biologique ? , Vetabio
  2. ARVALIS - Institut du végétal, en ligne, Limaces
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