Méthanisation agricole

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Méthaniseur


La méthanisation est un mode de transformation de la matière organique en énergie (biogaz) et fertilisant (digestat). C'est une technologie basée sur la dégradation de la matière organique par des micro-organismes, en conditions contrôlées et en l'absence d'oxygène.

Description

La méthanisation est un procédé à la fois innovant mais bien connu pour la production de biogaz à partir de matière organique, sous l’action de différentes bactéries et en l’absence d’oxygène (digestion anaérobie).

Il s'agit à la fois de traiter des déchets des industries agroalimentaires ou des collectivités (issues de céréales, tontes de pelouses, boues de stations d'épuration,...) et de valoriser des produits ou sous-produits des exploitations agricoles (effluents d’élevage, résidus de cultures, cultures intermédiaires,...) avec, in fine, un retour au sol pour la fertilisation des cultures ou prairies. A l’issue de ce procédé, on obtient :

  • Du biogaz qui est composé en moyenne de 55% de méthane (CH4), de 40% de dioxyde de carbone (CO2) et de 5% d’autres gaz.
  • Du digestat qui contient la matière organique non dégradée (lignine,...), les matières minérales (N, P, K,...) et de l'eau.


La méthanisation : sources d'intrants et valorisation du biogaz et du digestat produit. Source : Chambres d'Agriculture France.

Intérêts de la méthanisation

Les bénéfices de ce procédé font largement consensus :

  • Production d’énergie renouvelable valorisable sous forme de biométhane (injection), électricité et chaleur (cogénération) et/ou biocarburant (bioGNV).
  • Valorisation des effluents agricoles contribuant à la réduction des émissions de Gaz à effet de serre (GES) des élevages.
  • Evolution des pratiques et assolements permettant d'augmenter l'autonomie en azote (digestat) et la couverture des sols (Culture Intermédiaire à Valorisation Energétique (CIVE)).
  • Projets territorialisés combinant traitement des déchets, boucle énergétique locale, création de valeur ajoutée et d'emplois.

L’approvisionnement en substrats d’un méthaniseur est déterminante

Sur les projets de méthanisation, l’approvisionnement est fondamental puisque le choix des matières organiques (les substrats), chacune ayant un potentiel méthanogène, une dégradabilité et des caractéristiques spécifiques, détermine la production de biogaz, la technologie utilisée, le dimensionnement des équipements et la rentabilité du site.

Une grande diversité de substrats possibles

Les résidus organiques utilisés lors du processus de méthanisation sont appelés intrants. La méthanisation utilise différents types de substrats organiques, offrant ainsi une alternative écologique aux filières classiques de traitement de déchet. Certains sites traitent des déchets de l’industrie agro-alimentaire ou de stations d’épuration, d'autres reçoivent surtout des intrants agricoles. Le mélange d'intrants de différentes natures (végétal, animal, déchets urbains, etc.) est habituel et réglementé, afin d'équilibrer le procédé de méthanisation en apportant différents types de nutriments.

La majorité du gisement provient de l’activité agricole : des fumiers et lisiers (appelés "effluents d’élevage") et des matières végétales agricoles (ensilages de cultures, pailles et menues pailles, résidus de cultures, déchets issus de silos, cultures intermédiaires à vocation énergétiques).


Exemple d’intrants avec leur pouvoir méthanogène. Graphe réalisé par les Chambres d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes.

Différentes technologies

Différentes techniques de méthanisation permettent de valoriser les nombreuses matières organiques présentes sur nos territoires. Voie liquide, voie solide continue ou discontinue,… ? Le choix de la technique dépend en partie du type de mix de substrats obtenu.

La voie liquide

La technologie voie liquide pour les mélanges de substrats pompables. Source : Chambres d'Agriculture Auvergne-Rhône-Alpes.

La voie sèche

La technologie voie sèche discontinue est adaptée aux mélanges de substrats pelletables. Source : Chambres d'Agriculture Auvergne-Rhône-Alpes.

Valoriser au mieux sa méthanisation

Faire analyser le digestat

Connaître la composition exacte du digestat permet d’affiner son intégration dans un plan de fertilisation pour en optimiser la valorisation.

Plusieurs panels d’indicateurs existent :

  • Analyse simple : phosphore / matière sèche / humidité rèsiduelle / azote dumas / azote ammoniacal / azote nitrique / potassium.
  • Analyse complète : humidité résiduelle / potassium / phosphore / pH / magnésium / matière sèche / sodium / carbone organique total / calcium / azote dumas / azote ammoniacal / azote nitrique.

Privilégier la séparation des phases

Exemple d’analyse des deux phases d’un digestat de méthanisation en Lorraine (54)

Dans certaines unités de méthanisation, les digestats bruts sont traités avec un processus de séparation des phases avec :

  • Une phase solide : forme de matière organique stable avec un rapport C/N élevé, peu minéralisable, qui contribue à l’amélioration du taux d’humus du sol à long terme ;
  • Une phase liquide : forme de matière organique avec un C/N plus faible, facilement minéralisable, qui rend des éléments nutritifs rapidement assimilables pour les cultures.

‍Privilégier la séparation des phases permet de garder un meilleur contrôle sur l’utilisation du digestat en tant que fertilisant, en fonction des spécificités de la rotation et du parcellaire.

Valeur fertilisante du digestat

Pour prendre en compte l'épandage du digestat dans un plan de fumure, il est important de connaître sa valeur fertilisante. On va donc s’intéresser à son coefficient d’équivalence engrais (Keq), qui permet de connaître la part d’azote qui sera disponible pour la culture sur la campagne. Pour valoriser au mieux le digestat, on vise un Keq le plus élevé possible. Ce taux varie selon les périodes de besoins de la culture.

Keq du digestat de méthanisation selon le type de culture et la période d’apport (CHAMBRE D’AGRCULTURE DES VOSGES, 2019)

Ce coefficient d’équivalence met en évidence les cultures qui valorisent le mieux les apports de digestat, et donc sur lesquelles les apports sont à privilégier :

  • Prairies de fauche : à privilégier en sortie hiver (faible valorisation de l’azote ammoniacale pour des apports d’automne) ;
  • Colza : à l’automne ;
  • Maïs : en sortie d’hiver ;
  • Céréales : en sortie d’hiver ;

Exemple d’utilisation du Keq pour une céréale d’hiver

Pour un apport de 25 m3 de digestat brut à 4,56 kg/t d’azote total (25 x 4,56 = 115 UN au total) :

  • Apport sur blé à l’automne : 115 x 0,2 = 23 UN disponibles sur l’ensemble du cycle du blé ;
  • Apport sur blé en sortie hiver : 115 x 0,4 = 45 UN disponibles sur l’ensemble du cycle du blé.


⚠️ Sur céréales, mieux vaut éviter tout apport à l’automne : les besoins en azote des céréales à l’automne sont limités (5 à 15 UN) et le sol est à même de fournir ces besoins. L’azote est mal valorisé et présente des risques de pertes ammoniacales dans l’atmosphère et de percolation des nitrates vers les eaux souterraines.

Pour les apports d’automne, on privilégiera les apports sur colza ou sur couvert végétal qui valorise bien l’azote, uniquement si celui-ci a une levée correcte. Le couvert restituera l’azote à la culture de printemps qui le valorisera à son tour.


⚠️ Il est essentiel d’enfouir le digestat si celui-ci est apporté avant le semis, afin de limiter les pertes d’azote ammoniacale par volatilisation.

Apports recommandés : 20 à 25 m3, sauf avant colza et sur couvert où l’on mettra 15 à 20m3.

  • Si un enfouissement est prévu, il convient de le faire immédiatement après épandage, ce qui permet de fortement limiter les pertes.
  • Si l'épandage est effectué seulement en surface, il convient de passer sous la pluie, ou juste avant la pluie, dans les conditions faiblement venteuses et avec des températures inférieures à 15°C.

Maximiser la biomasse produite et le rendement méthanogène

Biomasse

Rendement des CIVE longues selon la date de récolte (AGRO-TRANSFERT, 2020)

Pour les CIVE d’hiver, l’enjeu principal est de récolter la CIVE le plus tard possible sans impacter la culture alimentaire suivante.

Pour des récoltes échelonnées du 20 mars au 20 avril, la production peut être doublée ou triplée. 20 à 40 % de la production se fait dans les 15 derniers jours.

L’adaptation de la culture suivante est donc un facteur de réussite essentiel, tout comme la précocité de la date de semis des CIVE.

Fertilisation

  • Les besoins azotés des CIVE d’hiver sont concentrés au printemps, ce qui permet d’assurer la fonction de piège à nitrates à l’automne. Les niveaux de fertilisation selon la séquence de cultures et les fournitures du sol vont de 60 à 100 UN.
  • Dans les situations où les CIVE alimentent des méthaniseurs, les digestats sont de bons candidats pour la fertilisation. Dans ces cas-là, il faut veiller à positionner l’apport de digestat avant les précipitations pour les CIVE d’hiver à faible écartement sous peine de subir des pertes par volatilisation.
  • Pour les CIVE d’été à plus large écartement, l’enfouissement des digestats à l’application limite les pertes d’azote.

Rendement méthanogène

La production de biomasse est corrélée au potentiel méthanogène des CIVE, exprimé en litres de méthane produit par kg de matière sèche. Le rendement maximal se situe autour de l’épiaison, comme montré sur le graphique ci-dessous qui provient des résultats d’expérimentations du projet “Réseau de sites démonstrateurs” dans les Hauts-de-France.

Les rendements méthanogènes connaissent de fortes variations entre les espèces. Cependant, dès lors qu’un mélange est mis en place, par exemple graminée + légumineuses, les différences entre espèces s’estompent, et ce, d’autant plus que la récolte est tardive.

Potentiel méthanogène des CIVE longues selon la date de récolte (AGRO-TRANSFERT, 2020)

Maximiser la fixation azotée dans les CIVE

Pour une CIVE d’hiver, des mélanges de graminées (avoine, triticale, orge) ou des associations graminées / légumineuses sont les plus adaptés.

L’introduction de légumineuses réduit la production de biomasse totale mais participe à l’autonomie azotée du système via le retour au sol des digestats de méthanisation. Un seuil de 20 % de légumineuses semble opportun (vesce commune, vesce velue, féverole).

Concernant le choix variétal, les critères à privilégier sont :

  • La précocité ;
  • La productivité de biomasse ;
  • La tolérance à quelques ravageurs, maladies ou viroses ;
  • Le caractère non gélif (en fonction des conditions locales).

Réduire les coûts de désherbage sur les CIVE

Le désherbage est à adapter à l’espèce choisie et à gérer dans la séquence de cultures :

  • Une pression adventices plus importante qu’en culture alimentaire peut être acceptée en raison d’une récolte immature des plantes et d’une moindre montée en graine des adventices.
  • Les associations limitent les possibilités de désherbage mais garantissent souvent une couverture du sol qui concurrence et pénalise les adventices.

La filière

La filière méthanisation représente l'ensemble des acteurs économiques impliqués : agriculteurs, constructeurs, fournisseurs d'équipements, bureaux d'étude, financeurs, chercheurs, etc.

Par ailleurs, plusieurs services publics peuvent être impliqués dans le soutien aux projets ou la gestion des dossiers administratifs, à différentes échelles (mairie, département, région, Etat).

Les Chambres d’agriculture soutiennent le développement de la méthanisation agricole et territoriale, sous forme de projets individuels ou collectifs portés par les agriculteurs. Ces projets peuvent être développés vers la cogénération, l’injection du biogaz dans les réseaux de gaz naturel ou encore pour la production de biométhane carburant. L’essentiel est de privilégier des projets "sur mesure" et rentables, montés et pilotés par des agriculteurs motivés, ancrés dans les territoires avec des partenariats stratégiques.

Les Chambres d'agriculture ont renforcé leurs moyens dédiés au développement de la méthanisation agricole, avec notamment un réseau national de 50 experts. Aujourd'hui, dans la majorité des régions, les Chambres d'agriculture accompagnent des projets sur différentes étapes, de l'émergence jusqu'au suivi des unités existantes et à la capitalisation de références.

Les effets de la méthanisation

Agronomiques

La méthanisation participe à la transition agroécologique de différentes façons. Les effets agronomiques sont plus ou moins importants en fonction de la typologie des installations : à la ferme (intégrée dans une exploitation agricole), en collectif agricole (portée par plusieurs structures agricoles) ou territoriale (portée par plusieurs types d'acteurs, collectivités, développeurs, industriels, agriculteurs et valorisant les déchets d'un territoire donné).

Quelle que soit la typologie, la méthanisation permet d'assurer le retour au sol des déchets organiques d'un territoire par l'épandage du digestat et rentre ainsi dans la boucle vertueuse de l'économie circulaire.

  • Méthanisation et cycle des nutriments
    • Evolution des matières minérales pendant et après la méthanisation
    • Accessibilité de l'azote dans le digestat
  • Effets des digestats utilisés en agriculture sur les sols et les cultures
    • Bilan humique des sols et méthanisation
    • Propriétés amendantes du digestat
  • Méthanisation et cultures agricoles
    • La conduite des cultures intermédiaires à vocation énergétique
    • Production de biomasse et impact des cultures intermédiaires sur les sols et la matière organique
    • Concurrence des CIVE avec d'autres productions ou fonctions
  • Valorisation des co-produits agricoles
    • Stockage des co-produits avant méthanisation
  • Digestat
    • Évolution de la matière organique pendant et après la méthanisation

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Environnementaux

L'activité agricole est la source d'émission de plusieurs gaz à effet de serre (CO2, CH4, N2O ...), soit par émissions directes dans le champs, soit indirectement à travers la consommation d'engrais ou d'énergie. La méthanisation permet de diminuer plusieurs des sources d'émissions sans modifier les modes de fonctionnement agricoles. Les émissions propres au procédé de méthanisation sont faibles comparées aux réductions observées des émissions agricoles directes et indirectes.

  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre de l'agriculture
    • Emissions de méthane par l'agriculture
  • Traitement des déchets et économie circulaire
    • Méthanisation des boues de stations d'épuration
    • Méthanisation des biodéchets
  • Impact potentiel de l'épandage du digestat
    • Réduction des odeurs par la méthanisation
    • Digestat et qualité de l'eau

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Socio-économiques

Installer une unité de méthanisation relève de l’initiative d’un acteur ou d’un collectif d’acteurs (agriculteurs en particulier) généralement implanté sur le territoire ou ayant des liens forts avec le territoire. Cette composante territoriale est fondamentale pour le succès du projet qui dépendra de son appropriation par les acteurs du territoire. Cette appropriation comporte une dimension géographique (choix du site), une dimension sociale et une dimension politique : elle pourra s’appuyer sur la dynamique territoriale de transition énergétique pouvant exister sur le territoire.

  • Création d'emplois
  • Méthanisation et territoire
    • Appropriation sociétale de la méthanisation
    • Dynamique territoriale de transition énergétique
  • Etat des lieux de la méthanisation en Europe
  • La filière méthanisation

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Energétiques

La méthanisation permet une production locale d'énergie sous forme de biogaz à partir de matières du territoire. Elle contribue ainsi à l'indépendance énergétique nationale en réduisant l'importation de gaz naturel fossile.

Il existe différents débouchés pour cette énergie qui peut avoir plusieurs fonctions pour les professionnels et les particuliers : production de chaleur, d'électricité ou de biométhane injecté ou non dans les réseaux de gaz naturel.

Cette énergie d’origine agricole présente l'avantage de la stabilité pour les systèmes énergétiques français (électricité et gaz). En effet, la production constante de biogaz en fait une source d’approvisionnement non intermittente. Enfin, le biométhane est facilement stockable dans les installations de stockage de gaz naturel pour répondre aux variations de la consommation d'énergie.

  • Des débouchés énergétiques variés
  • Contribution du biogaz à la stabilité du système énergétique
  • Biogaz

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Réglementation

La méthanisation, comme toute activité économique, est soumise à différentes réglementations et peut faire l'objet de normes nationales ou internationales.

En France, les unités de méthanisation relèvent des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement), ce qui impose des démarches particulières en préfecture avant la mise en service et durant l'exploitation. Il y a différentes réglementations en fonction du type d'approvisionnement du méthaniseur.


Les intrants impactent le régime d'installation classée d'une unité de méthanisation. Source : Chambres d’agriculture Auvergne-Rhône-Alpes.


Les digestats sont par défaut soumis à des plans d'épandage, sauf pour certains digestats agricoles répondant à l'un des cahiers des charges Dig'Agri.

Des normes internationales sont actuellement à l'étude pour les unités de méthanisation (domestiques et non-domestiques). Des réglementations européennes peuvent aussi s'appliquer, notamment à travers les directives sur les énergies renouvelables (RED).

  • Normalisation internationale sur la construction des méthaniseurs
  • Hygiénisation : la réglementation française
  • Valorisation du digestat en France: aspects réglementaires
  • Plan d’épandage et digestats de méthanisation

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Cadre réglementaire et juridique des activités agricoles de méthanisation et de compostage

Trouver une unité de méthanisation

L'ATEE a mis en place une carte des unités de méthanisation en France, vous pouvez la consulter ici.

Une pratique qui fait polémique

De nombreuses inquiétudes surgissent lorsque l'on parle de méthanisation. Comme par exemple le fait que des parcelles soient spécialement dédiées à des cultures pour alimenter le méthaniseur et non plus pour des cultures alimentaires (humaine ou animale).

Parmi les nuisances le plus souvent avancées, il y a l'odeur. Quand les sites sont à proximité d'habitations, les riverains s'en plaignent.

La qualité du digestat épandu est aussi source de craintes. Si "l'hygiénisation" est insuffisante, ce mélange peut contenir des bactéries qui vont ensuite s'infiltrer dans les sols voire les nappes phréatiques. Il peut également contenir des métaux lourds et d'autres résidus nocifs polluants.

Enfin ces installations comporteraient parfois des fuites. Le méthane étant un gaz à effet de serre, les fuites pourrait faire baisser voir annuler le bénéfice écologique de ce procédé.

Pour aller plus loin

Sources



Annexes

Cette technique s'applique aux cultures suivantes

La technique permet de favoriser la présence des auxiliaires et bioagresseurs suivants

Cette technique utilise le matériel suivants

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