Agriculture Biologique et séquestration carbone en élevage bovin viande

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Troupeau de Blondes d'Aquitaine


Clément Souques nous partage son retour d'expérience sur son passage en AB et ses objectifs d'autonomie alimentaire du troupeau et d'autonomie en fertilisation.

Contexte de l'exploitation

  • Nom: Clément SOUQUES.
  • Localisation: Masseube et Roquelaure dans le Gers.
  • Statut: Agriculteur éleveur.
  • SAU : Surface morcelée de 504 ha au total (366 ha + 50ha + 88ha) dont 200 ha de prairies pâturables.
  • UTH : 3.
  • Label : Agriculture biologique.
  • Production Élevage bovins viande (un peu moins d’une centaine de têtes : Blondes d’Aquitaine, Gasconnes et Angus), avoine blanche (18 ha), lin (10 ha ), soja (46 ha), blé (20 ha), mélanges céréales protéagineux pour l’alimentation animale.
  • Sol: Boulbènes et sol argileux.
  • pH : 8 dans les argiles, entre 4 et 6 dans les boulbènes.
  • Autres activités : président du GIEE (Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental) Agro-écologie en Astarac qui travaille sur la séquestration carbone.


Motivations

Quatre ans après la reprise de l’exploitation de mon père, j’ai décidé de prendre le tournant du bio en 2019. Je suis autonome sur la production alimentaire pour les animaux et je vise l’autonomie en fertilisation des cultures. Je travaille, dans cette optique, sur un projet de méthanisation. Je suis également président d’un GIEE qui réfléchit à la question de la séquestration du carbone.


Historique

1977 : Installation de mon père.

2010 : Arrêt du labour sur l’exploitation de mon père, alors en conventionnel.

2015 : Reprise de l’exploitation de mon père qui avait un élevage de 200 blondes d’Aquitaine.

2019 : Conversion à l’agriculture biologique et reprise du travail du sol.

2020 : Acquisition de deux tracteurs équipés d’autoguidage.


Conversion en agriculture biologique

Le passage de l’élevage en bio s’est fait en 2019, quatre ans après la reprise de l’exploitation en 2015.  La surface de l’exploitation est restée identique mais le nombre de têtes a diminué. La taille du troupeau trop importante posait des problèmes de rentabilité et de main d’œuvre.  J’ai revendu les deux tiers du troupeau de blondes d’Aquitaine pour convertir progressivement le troupeau vers des croisements de Gasconnes et Angus.


Autonomie alimentaire de l’élevage

Nous sommes autonomes sur la production alimentaire pour l’élevage.  Nous intégrons dans nos rotations des cultures de soja, de blé et de colza séparées par des intercultures constituées d’un mélange de céréales (orge, triticale, blé, avoine), pois, vesce et radis fourrager. Ce méteil permet d’équilibrer le rapport en protéines et en énergie de la ration.

Intégrer les intercultures à la ration des animaux ajoute une contrainte supplémentaire pour la gestion de la fertilisation puisque la biomasse produite est exportée et non restituée au sol pour fertiliser avant la culture suivante.


Fertilisation

Pour restituer au sol la matière organique exportée, j’apporte à l’automne, du fumier qui provient de mon atelier d’élevage (environ 100 tonnes/an), et un mélange de fiente et de compost que j’achète. J’applique 3 tonnes/ ha pour les cultures de blé et de colza. La gestion de la fertilisation est d’autant plus importante que le travail du sol augmente la minéralisation de la matière organique.


Gestion du salissement

La transition en agriculture biologique s’est accompagnée d’une reprise du travail du sol qui a été nécessaire pour remédier au salissement des parcelles. Il est difficile de faire du semis direct comme c’était le cas en conventionnel car les adventices sont déjà montées avant le semis. Je n’effectue pas de labour profond, je limite le travail au 15 à 20 premiers centimètres du sol. La pression des adventices est plus importante en bio ce qui implique de faire des passages plus fréquents. Cela a nécessité plusieurs investissements dans de nouveaux outils de désherbage : un scalpeur et une herse étrille en achats individuels ainsi qu’une bineuse en CUMA. Pour éviter le salissement en agriculture biologique, il est impératif de semer après la pluie. Avec cette année très sèche (2022), il n’y a pas eu de faux-semis et le ray-grass est sorti en même temps que le colza semé avant la pluie.

A la suite du passage en bio, j’ai également investi dans deux tracteurs équipés d’autoguidage pour assurer plus de confort au travail et plus de précision et d’efficacité dans les passages.  La prise en main de l’autoguidage n’est pas évidente au démarrage.


Résultats

Sur le plan agronomique, le passage en bio n’a pas été source d’améliorations notables mais a augmenté le salissement des parcelles. Je n’ai pas observé de dégradation de la qualité du sol à la suite de la reprise du travail du sol. Je suppose que c’est notamment grâce aux couverts d’interculture qui permettent de préserver une bonne vie et qualité du sol. Lors du passage en bio, il faut également s’attendre à une diminution des rendements. Les rendements des cultures d’orge et des mélanges de céréales ont diminué de 30% avec la sécheresse en cette année 2022.

Blé : 5 tonnes/ha.

Tournesol : 13 tonnes/ha.

Bilan

Nous n’avons pas encore atteint notre rythme de croisière sur le plan financier à la suite du passage au bio. Nous bénéficions encore des aides dédiées à l’agriculture biologique. Pour convertir son exploitation au bio, je recommande de ne pas investir seul et de ne pas faire reposer la viabilité économique du projet sur les aides versées pendant les 5 premières années car les investissements peuvent être conséquents.

Charges

  • Scalpeur : 18 000 €.
  • Herse étrille : 23 000 €.
  • Bineuse achetée en CUMA.
  • Semoir à 9 rangs.
  • Equipement d’autoguidage : 15 000 €.
  • Compost :  Entre 70 et 80 €/ tonnes en fonction du taux d’humidité.


Perspectives

A l’avenir, j’aimerais pouvoir concilier agriculture biologique et une agriculture qui limite au maximum le travail du sol, pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et améliorer le stockage du carbone.


Séquestration carbone

Je suis président du GIEE (Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental) Agro-écologie en Astarac qui travaille sur la question du stockage du carbone. Ce groupe a plusieurs vocations :

  • Améliorer les pratiques agricoles par les intercultures. Avec une vingtaine d’autres agriculteurs, je participe à des essais de couverts dans le cadre du projet Quantica mené par le living lab OccitANum. Ce projet vise à produire une méthode qui permette de quantifier le stockage additionnel de carbone induit par les cultures intermédiaires. Je leur fournis des données de terrain (nombre de graines semées, estimation de la biomasse produite par des prélèvement avant fauche et/ou après destruction des couverts, précisions sur les pratiques et l’assolement) qu’ils peuvent confronter aux images satellites et aux données déjà existantes pour quantifier le stockage de carbone en fonction de la biomasse produite. Cela nous permet également de mieux évaluer le moment le plus opportun pour détruire et exporter les couverts d’interculture en fonction des objectifs poursuivis.
  • Valoriser et rémunérer le stockage du carbone en tant que service rendu par les agriculteurs à la société et à l’environnement. Cette rémunération prendrait la forme d’un crédit carbone qui peut être racheté par des acteurs qui souhaitent compenser des émissions qu’ils n’auraient pas pu éviter ou réduire.

Les méthodes de calcul de l’empreinte carbone n’ont pas encore été suffisamment éprouvées. Nous attendons les résultats de la première année d’expérimentation. Il y a un manque de recul sur cette question du stockage du carbone, le marché n’est pas mature.


Autonomie en fertilisation

Pour la gestion de la fertilisation, un projet de méthanisation est en cours. Le fumier que j’apporte actuellement est un réservoir d’adventices, notamment de ray-grass, et le passage du fumier dans le méthaniseur permettrait de remédier à ce problème et d’obtenir un digestat exempt d’adventices. La mise au point du projet de méthanisation avec trois autres agriculteurs en bio est un processus long mais qui me semble nécessaire pour viser l’autonomie en fertilisation. Je suis accompagné du bureau d’étude Vertigo ENR pour l’élaboration de ce projet qui devrait voir le jour en 2023 ou 2024.


Sources

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