Monter un projet collectif de méthanisation agricole

De Triple Performance
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Unité de méthanisation Méthaveore

Olivier Courtial est agriculteur depuis 20 ans. Il développe depuis 5 ans un projet de diversification de son activité via l'installation d'une unité de méthanisation à la ferme.

Contexte de la mise en œuvre

La méthanisation en France

La géographie des méthaniseurs en France est plutôt développée dans un croissant au Nord de la France : Bretagne, Normandie et Picardie. Le Sud Est est plutôt dépourvu d’unités de méthanisation. Le projet Méthaveore est le 1er de la Drôme, un 2ème est en cours de construction depuis peu. À terme, au vu des projets qui se montent dans le département, ils seront 4 ou 5 dans la Drôme en fonction des autorisations des uns des autres et des problématiques que rencontrent la filière à créer de nouveaux sites.

Motivations pour la méthanisation

  • Le projet "Méthaveore" est soutenu par 3 agriculteurs dont les exploitations produisent des céréales (blé dur, maïs, tournesol), des cultures maraîchères (ail de consommation), et des fruits.
  • Le projet est né suite aux échanges menés entre les 3 agriculteurs et leurs pairs sur des sujets divers : performances techniques des exploitations, commercialisation des produits, confrontation des visions de différentes filières... Au cours de ces échanges, les agriculteurs se sont vite aperçus que s'ils avaient l'ambition de convertir une partie de leur assolement en bio, ils rencontreraient des difficultés puisqu'ils étaient complètement dépendants des engrais chimiques. Comme le label bio interdit les engrais azotés chimiques, il faut perpétuellement nourrir son sol par des engrais verts ou des apports exogènes via des engrais organiques plutôt onéreux et donc non rentables en cultures céréalières.
  • L'ensemble de ces réflexions les a ainsi menés à chercher une stratégie pour gagner de l'autonomie azotée sur leurs exploitations. Plusieurs choix s'offraient à eux : intégrer de l'élevage sur les exploitations ou mettre en place une unité de méthanisation.
  • Ils ont décidé de réfléchir, dès 2014, à l'installation d'une unité de méthanisation commune à leurs exploitations. Ce projet est long à développer et a finalement été finalisé en Octobre 2020 lors de la première injection du gaz dans le réseau GRDF.

Principes de la méthanisation

  • Olivier Courtial présente la méthanisation comme une "cocotte minute". Le principe est de placer des matières organiques, de la biomasse végétale (sans ligneux) dans un digesteur en anaérobie dans lequel se trouvent des bactéries. Ces bactéries anaérobiques sont similaires à celles trouvées dans la panse des vaches. On y fait coexister différentes familles de bactéries qui n'ont pas toutes les mêmes sensibilités, qui ne se reproduisent pas toutes à la même vitesse, d’où la nécessité de faire un suivi biologique quotidien pour noter la bonne santé de la biologie du digesteur. Cette vie biologique décompose les molécules des matières organiques qui se dégradent petit à petit en alcool puis en méthane (CH4).
  • Au sein de l'unité de méthanisation, un logiciel permet de représenter les échanges de flux du digestat et permet de gérer quotidiennement les incorporations de matières organiques, appelées "repas", dans le digesteur et contrôler la vitesse de digestion : il faut que celle-ci soit lente, progressive et très régulière. Toutes les heures, de la matière est incorporée dans le digestat. C’est automatique.  Si on fait des à coups, on risque de dégrader la vie biologique des digesteurs. La température du digesteur doit rester constante, entre 40 et 42°C, pour optimiser la multiplication des bactéries.


Pour en savoir plus sur la méthanisation agricole consultez cet article.

Étapes de mise en place

Se former à la méthanisation

  • Pour se former, Olivier a appliqué sa méthodologie de recherche d’informations sur Internet, qui est un outil fabuleux, même s’il faut faire le tri. Il faut être curieux et s'auto-instruire puisque le métier d'agriculteur ne permet pas de faire de longues formations.
  • Le montage du projet a été accompagné par le bureau d'études SCARA qui les a aidés dans les choix techniques, financiers et économiques.
Vue du site Méthaveore en construction

Matières utilisées

  • Les matières utilisées et stockées sur l'unité de méthanisation proviennent de gisement produits ou récupérés : pailles de lavande, lots de bananes trop mûres, déchets d'autres agriculteurs qui ont des chaînes de lavage, notamment les oignons,... Quelques agriculteurs viennent ainsi déposer leurs déchets sur l'unité de méthanisation. Des échanges de fumier et de digestat, à quantité d'azote équivalente, sont d'ailleurs mis en place avec des éleveurs de la région. Les matières produites sur l'exploitation comme les ensilages de seigle et sorgho sont stockées juste après la récolte au mois d'octobre.
  • Certaines matières sont plus simples à gérer : ensilages, gisements de fumier issu d’élevage. Elles permettent une digestion lente et très stable, à ces matières sont incorporées des produits beaucoup plus méthanogènes riches en glucides rendant la digestion très instable. L’ensilage est donc une base d’équilibre importante de l'unité de méthanisation. Cela permet d’incorporer de la bière, des sucres, des sorbets… Sans cette masse végétale l'unité de méthanisation irait vite vers l’acidose, ce qui obligerait pour des raisons techniques à arrêter la production pendant 3 mois.
Stockage d'ensilage sur l'unité de méthanisation

Utilisation du digestat

Le digestat est épandu sur l’ensemble de l’assolement des 3 exploitations agricoles. Tout l’intérêt agronomique de cette chaîne de méthanisation est de boucler les flux : les sols sont couverts après récolte, ce support végétal est récolté pour nourrir le digesteur et le digestat est ensuite utilisé pour enrichir les sols.

Organisation du travail

Initialement, Olivier était à plein temps sur son exploitation, depuis que l’unité de méthanisation est fonctionnelle, un salarié (à mi-temps) le décharge un peu du travail sur son exploitation pour qu’il puisse consacrer plus de temps à la méthanisation. Il y a donc un mi-temps sur la méthanisation.

Mise en circulation

  • Le gaz est mis en circulation par un opérateur agréé pour stocker du gaz dans le réseau de GRDF. Un contrat a été passé avec cette structure.
  • Le gaz est distribué de façon locale, sur l’agglomération de Valence. Pour l'instant, il n’est pas réutilisé sur l'exploitation.

Résultats

Rendements

  • 138 m³ de gaz/h.
  • Sur une année, cela représente 14 000 Méga Watts = consommation moyenne de gaz de ville de 3 000 foyers = consommation en gaz de 40 à 50 bus sur une année.

Résultats économiques

  • Le capex (toutes les dépenses se rattachant aux investissements matériels) de ce projet de méthanisation est compris entre 4 et 5 millions d’euros. 
  • La rentabilité d’un projet comme celui-ci est basée sur un contrat d’Etat régi par l'ADEME. Ce contrat sur 15 ans rassure les financeurs et permet d’avoir un Business Plan sur les 15 années d’exploitation à venir. Cela permet d’avoir une visibilité sur le chiffre d’affaires et d’être rentable, pour peu qu’on alimente bien la biologie : la biologie est la plus grosse prise de risque dans ce type de projet.
  • Le projet Méthaveore a perçu une aide régionale pour renforcer et cofinancer le renforcement du réseau GRDF.
  • Chiffre d'Affaires : 1 300 000€ par an (110 000€ par mois).

Bilan

Avantages

  • La méthanisation permet de résoudre de nombreux problèmes de stockage de déchets en plein champ.
  • Tout l’avantage d’un tel projet c’est qu’on se rend compte qu’autour de la méthanisation existent divers facteurs d’améliorations et de diversifications :
    • gagner de l’autonomie en consommables électriques en installant des panneaux photovoltaïques : la consommation d'une unité de méthanisation est relativement constante, cela se prête à l'utilisation d'énergie produite par des panneaux photovoltaïques.
    • commercialiser soi-même son gaz. Une unité de méthanisation (Méthamoly) commercialise déjà son propre gaz.
  • Mener ce projet en collectif a permis de lever certains verrous notamment en terme d'autofinancement. Le groupe permet d'assoir sa capacité financière, de se conforter dans les choix stratégiques du projet et d'être plus fort pour soutenir le projet.

Conseils

  • Il faut savoir rassurer les voisins. Un projet de méthanisation fait peur, à tort, parce qu’on montre toujours ceux qui ont des difficultés et c’est vrai que les pionniers ont eu des déboires, de différents ordres : mauvaises digestions, digestats avec une odeur forte notamment à l’épandage et cela a construit une image de la méthanisation très négative. Aujourd’hui la nouvelle génération de digesteurs sont plus aboutis et efficaces.
  • Ne pas faire un projet seul ! Être 3, 4 ou 5, pour se soutenir dans les périodes de relâchement moral. Cela conforte l’assise financière, il y a plus d’autofinancement, cela rassure les banques, et multiplie les compétences. Le fait d’échanger sur le projet, prendre les décisions ensemble, c’est rassurant et permet de partager le temps de travail.
  • Se rapprocher des chambres d’agriculture pour développer le projet. Certaines sont plus ou moins avancées dans le développement de cette filière ouverte au monde agricole depuis 7 ans environ. Si la chambre d'agriculture n'a pas les compétences, se tourner vers des bureaux d'études spécialisés en méthanisation agricole.


Retrouvez le témoignage d'Olivier Courtial dans la vidéo suivante réalisée par une équipe d'étudiants de l'EM Lyon (attention aux oreilles sensibles, il y a un sifflement assez désagréable en début de vidéo... Désolés !) :


Annexes

Leviers évoqués dans ce système


Cultures évoquées


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