Gestion collective de l'épandage d'un méthaniseur en commun
Cogestion de l'épandage avec un méthaniseur commun à 7 exploitations
Contexte de la mise en œuvre
Dans le cadre d’un projet de méthanisation regroupant plusieurs exploitations, la gestion des effluents produits (digestat) va être faite de manière collective sur 7 exploitations. L’objectif est de valoriser au mieux le digestat sur l’ensemble des exploitations en tenant compte des contraintes techniques.
L’objectif était d’appréhender les volumes à épandre au regard de contraintes techniques ainsi que les doses apportées en fonction des cultures, afin que le groupe puisse avoir tous les éléments pour l’organiser collectivement (délégation aux entreprises / CUMA, réalisation par les exploitations, de quelle façon,...).
Enjeux techniques
Deux réunions collectives avec le groupe d’agriculteurs ont permis de définir les points techniques à prendre en compte :
- Saisonnalité des épandages : répartition dans l’année ; identifier les pics de chantiers.
- Part des surfaces avec une meilleure portance au printemps – identifier la marge de souplesse au printemps en cas de problème de portance.
- Part des surfaces éloignées : identifier la part de surfaces éloignées qui n’ont pas pour vocation à recevoir un épandage annuellement, mais qui représente une sécurité en cas de besoin.
- Taille du matériel pouvant aller sur les parcelles : identifier les types de matériel qui seront nécessaires au regard des volumes à épandre.
Une réunion avec toutes les exploitations sur cartographie a permis de récupérer les informations techniques nécessaires à la réflexion (à l'aide de la cartographie des parcelles : outil GEO, Chambre Agriculture ou avec télépac) :
- Repérer les surfaces portantes au printemps (et/ou drainées).
- Repérer les surfaces non épandables pour des raisons techniques (accès/pente).
- Repérer les surfaces éloignées et qui seront écartées pour des questions économiques.
- Identifier la largeur de pendillard possible par parcelles (9m, 15m, 20m).
- Affiner l'assolement : usage des prairies (parc génisses, vaches laitières, fauche, ...) + échanger sur surfaces potentielles d'interculture (fourragères et CIVE).
Chaque exploitant, a symbolisé sur son parcellaire : les surfaces portantes, les surfaces exclues pour des raisons techniques, les surfaces éloignées (non prioritaires à l’épandage mais pouvant représenter une marge de sécurité en cas de besoin), la taille du matériel possible.
Les informations ayant attrait à la partie assolement et usages des prairies (pâture vaches laitières, génisses, fauche, ...) ont également été collectées.
Les informations sur les rendements actuels, ont permis de partir sur les bonnes références pour évaluer les doses de fertilisation.
Étapes de mise en place
Identification de l'ensemble des parcelles par informatique
- Réaliser des cartographies d’épandage dans MesParcelles (outil BDSOL), pour évaluer la surface potentielle d’épandage à 50 m des tiers (distance réglementaire pour du digestat avec pendillard).
- Exporter ces informations dans le système d'information géographique (SIG) QGIS pour saisir les attributs suivants par parcelle : Portance des sols, éloignement, techniquement non épandable, type de matériel. Puis les extraire sous forme excell.
- Intégrer dans la base de données les calculs de doses / volume de digestat (Traitement Excel et Access, tableaux croisés dynamique pour faire les analyses et des graphiques de synthèse).
- Réaliser une cartographie de synthèse sur fond de photo aérienne avec : les ilots, les parcelles culturales (code couleur selon les critères techniques: matériel, portance, éloignement), les limites de communes.
Catégorisation des parcelles selon des critères techniques
Portance & éloignement
Classement des surfaces épandables à 50 m (SPE : surface potentiellement épandable) des tiers en tenants compte des critères techniques suivants :
Portance moyenne
à faible au printemps |
Bonne portance
au printemps |
Total | |
Parcelles proches (ha) | 431,07 | 127,42 | 558,49 |
Parcelles éloignées (ha) | 34,8 | 5,47 | 40,27 |
Total (ha) | 465,87 | 132,89 | 598,76 |
Sur les 598 ha épandables, 132 ha présentent une meilleure portance au printemps, soit près de 22%. La majorité de ces surfaces portantes sont dans le secteur principal de proximité du méthaniseur : 127 ha sur 132 ha portants. Seuls 5 ha sont portants mais situés en zone éloignée.
Par type de matériel d'épandage
Les 3 types de largeur de matériel identifiés :
- Pendillard 20 m de large pour des parcelles très grandes et plates – PEND_20.
- Pendillard 15 m de large pour des parcelles relativement grandes – PEND_15.
- Pendillard 9 m de large pour des parcelles plus découpées et petites – PEND_9.
Selon les surfaces proches
Répartition du matériel adapté par surface selon sa portance (en ha)
Matériel | Portance moyenne
à mauvaise (ha) |
Portance
bonne (ha) |
Total général
(ha) |
PEND_9 | 64 | 10,68 | 74,68 |
PEND_15 | 32,31 | 1,78 | 34,09 |
PEND_20 | 334,76 | 114,96 | 449,72 |
Total
général |
431,07 | 127,42 | 558,49 |
Les surfaces portantes au printemps sont aussi des surfaces assez grandes et accessibles avec du matériel de taille importante (81% de la surface proche). Cependant il pourra être pertinent d’utiliser le matériel plus petit au printemps sur ces surfaces pour limiter le tassement.
Selon les surfaces éloignées
Les mêmes graphiques ont étés réalisés pour les surfaces éloignées. Ce sont principalement des prairies et des petites parcelles, donc plutôt accessibles avec du petit matériel (64% de la surface éloignée avec un pendillard 9 m). Les 5 ha portants éloignés sont accessibles avec du gros matériel ce qui permet de rationaliser le déplacement en cas de besoin au printemps.
Détermination des volumes à évacuer selon les critères techniques
Les données ci-après sont des données moyennes.
La variabilité inter-annuelle et intra-annuelle peut être assez forte en fonction des conditions climatiques et météo rencontrées.
Au printemps, les périodes d’épandage optimales peuvent voir leurs dates avancer de +15 j ou reculer de – 15 j selon les années.
Les données ci-après sont dans la théorie où toutes les surfaces concernées sont épandues à la période idéale, ce qui sera rarement le cas. Un lissage des chantiers s’opèrera en fonction des créneaux météo, ou se reporteront quand cela sera possible.
Les tonnages annuels de produits seront de :
- Environ 12800 m3/an de digestat liquide.
- Environ 2300 t/an de digestat solide.
Les chiffres ci-après concernent le détail pour la gestion du digestat liquide, qui présente la contrainte matériel et agronomique la plus importante. En effet, par son effet azoté, le digestat liquide devra être utilisé au bon moment pour être valorisé par les plantes. La phase solide présente plus de souplesse (plus facile à stocker et transporter), elle pourra être évacuée au fil de l’année.
Le tonnage selon la portance et l'éloignement
Tonnage de digestat liquide à épandre par an, en fonction du double critère portance / éloignement
Portance des sols | Zone proche | Zone éloignée | Total |
Portance moyenne
à faible (t) |
9 344 | 558 | 9 902 |
Portance bonne(t) | 2 960 | 105 | 3 065 |
Total (t) | 12 304 | 663 | 12 967 |
Focus sur la période de sortie hiver/début de printemps (Février, Mars, Avril) :
Portance des sols | Zone proche | Zone éloignée | Total |
Portance moyenne
à faible (t) |
5 680 | 354 | 6 035 |
Portance bonne(t) | 2 027 | 53 | 2 080 |
Total (t) | 7 708 | 407 | 8 115 |
Au printemps, environ 25% du tonnage à épandre sera sur des surfaces de plutôt bonne portance. Ce qui veut dire que les 75% restants seront plus fortement tributaires des conditions pedo-climatiques.
Les tonnages par type de matériel
Répartition des tonnages à épandre par type de matériel pour les zones proches et éloignées
Type de matériel | Zone Proche | Zone éloignée | Total |
PEND_9 | 1 249 | 383 | 1 632 |
PEND_15 | 690 | 150 | 840 |
PEND_20 | 10 365 | 131 | 10 496 |
Total | 12 304 | 663 | 12 967 |
La saisonnalité de l'épandage
Sur les prairies, les épandages peuvent démarrer à partir de mi-février / début mars (premier apport d’azote). En sortie d’hiver, les céréales à paille peuvent aussi bénéficier si le sol est portant, d’un apport azote par le biais du digestat.
Le gros des chantiers de printemps concerne les maïs (grain et fourrage).
Les épandages de printemps sont très dépendants des conditions météo, et de la portance des sols.
Les mois de mai, juin, juillet peuvent faire profiter aux prairies d’un nouveau passage de digestat (entre 2 coupes ou 2 pâtures).
Les chantiers d’automne concerneront la fertilisation avant implantation de nouvelles céréales / prairies.
N’apparait pas ici la part de fertilisation qui pourrait profiter aux intercultures fourragères et aux CIVEs (Cultures Intermédiaires à Valorisation Énergétique), implantées après les moissons de céréales et qui pourrait donc rééquilibrer le volume de chantier sur l’été, ce qui peut être particulièrement intéressant pour :
- Evacuer les éventuels stocks du printemps qui n’auraient pas été entièrement épandus (ex : chantiers non réalisés en totalité à cause de la météo, disponibilités des entreprises et autres aléas).
- Lisser le travail.
- Donner plus de souplesse pour la gestion des épandages.
Calcul des doses de fertilisation et de la valeur fertilisante
Estimation de la valeur fertilisante
Le processus de méthanisation est en phase liquide mésophile (38°C). Le digestat brut sortant va faire l’objet d’une séparation de phase liquide (DL), épandue via pendillard et d'une phase solide (DS), épandue directement ou compostée (puis épandue avec un épandeur à fumier/compost).
Les données ci-après ont pour objectif de préciser la méthode utilisée pour évaluer les tonnages de digestat produits et leurs teneurs en principaux éléments fertilisants que sont le N, P et K. Seules les analyses sur le produit fini permettront de déterminer les teneurs définitives.
Le processus de méthanisation devrait aboutir à une perte d’environ 15% sur le tonnage entrant total pour obtenir le tonnage de digestat brut. Cet abattement a été observé sur d’autres méthaniseurs de type agricole. Cependant il pourra effectivement varier en fonction de la réalité des intrants et du fonctionnement de l’unité : dans le cadre du présent dossier cela n’impact pas le calcul des besoins en surface, puisque les tonnages totaux en éléments fertilisants restent constant quelque soit le taux d’abattement pris, ils se retrouveront simplement plus ou moins concentrés dans les produits finaux à épandre. Les analyses sur la valeur agronomique des produits et le suivi des matières entrantes/sortantes une fois l’unité en fonctionnement, permettront de réajuster les variables.
Le digestat brut qui fera l’objet de la séparation de phase, devrait à nouveau permettre de séparer 15% du tonnage vers le solide et 85% vers le liquide.
Les teneurs du digestat liquide devraient se rapprocher des teneurs du type « lisier » : ces teneurs ont été fixées à dire d’expert (et par retour d’expériences sur des méthaniseurs avec des intrants majoritairement agricoles), et par déduction, les teneurs NPK du digestat solide ont été calculées pour retrouver les tonnages globaux de NPK à gérer.
La perte en azote (inhérente au processus) est estimée à 20%.
Estimation des doses de fertilisation
Résultats
La mise en place de ces pratiques à un impact positif sur le secteur de l'environnement, du social et de l'économie.
Environnement | Social | Economie |
Epandage aux périodes
et en quantité adaptées pour favoriser les éléments fertilisants absorbés par les plantes (réduction lessivage) |
Echanges
humains |
Valorisation
des éléments nutritifs des effluents |
Améliore la qualité de l'air
et du sol |
Diminution
du travail |
Baisse du
coût de fertilisation |
Capacité de stockage des
effluents augmentée |
Partage de
ressources |
Partage du
coût du projet |
Bilan
Sur environ 600 ha épandables (à 50 m des tiers) :
- 560 ha sont sur les communes proches et limitrophes du méthaniseur :
- 130 ha avec une portance qualifiée de plutôt bonne au printemps : 120 ha accessibles plutôt avec du gros matériel (pendillard 15 et 20 m) et 10 ha accessibles avec du petit matériel (pendillard 9 m)
- 430 ha avec une portance qualifiée moyenne à mauvaise au printemps : 365 ha accessibles plutôt avec du gros matériel (pendillard 15 et 20 m) et 65 ha accessibles avec du petit matériel (pendillard 9 m)
- 40 ha sont sur des communes plus éloignées :
- 5 ha avec une portance qualifiée de plutôt bonne au printemps, dont la quasi-totalité est accessible avec du gros matériel (pendillard 15 et 20 m)
- 35 ha avec une portance qualifiée moyenne à mauvaise au printemps, dont la quasi-totalité est accessible avec du petit matériel (pendillard 9 m)
Les presque 13 000 m3 de digestat liquide à épandre devront l’être pour moitié à 2/3 sur la période de printemps soit 8 000 m3. Sur ces 8 000 m3, environ 2 000 m3 au printemps pourront être mis en priorité sur les surfaces portantes.
Les maïs représentent une part importante des chantiers de printemps. Les épandages de céréales au sortir de l'hiver seront très dépendants des conditions pedo-climatiques.
Avec une fosse de stockage de 7000 m3 sur le site, et avec un besoin théorique au printemps de 8 000 m3 (valeur optimiste, qui sera sans doute inférieure compte tenu des différents aléas inhérents à ce type d’activité) et si la fosse est pleine en sortie hiver :
- Ce sont principalement 2 000 m3 qui pourront être valorisés sur sol portant.
- En cas de printemps défavorable, il faudra pouvoir compter sur du report de chantier en début d'été (prairies, CIVE, intercultures fourragères), et il faudra gérer l’approvisionnement du méthaniseur en fonction.
Un peu plus de 80% du volume annuel de digestat peut être épandu avec du matériel de grande taille.
Cependant le critère de poids et de risque de tassement des sols devra aussi être pris en compte dans les choix de matériel avec un compromis à trouver.
Outils d'aide à la mise en place
Passerelle : Application pour faciliter et simplifier les démarches réglementaires et administratives.
MéthAnov : Plateforme d’expertise d'Agronov pour développer des projets de méthanisation en voie sèche ou en voie liquide.