Les différentes formes d'azote
Les différents engrais, organiques et minéraux, contiennent de l’azote sous des formes et dans des proportions différentes. Dans le sol, nitrate et ammonium sont les deux principales formes d’azote inorganique disponibles pour la plante. Les plantes non fixatrices de l’azote atmosphérique absorbent et assimilent ces deux formes d’azote anionique (NO3-) et cationique (NH4+).
Le cycle de l’azote s’opère entre les 3 compartiments que sont le sol, l’air et l’eau. Cependant, si certains transferts sont trop importants, ils peuvent avoir des conséquences sur l’équilibre des écosystèmes. Les flux les plus impactants pour un écosystème sont : la lixiviation des nitrates, avec un risque pour la qualité de l’eau, et la volatilisation de l’ammoniac, avec un risque pour la qualité de l’air.
L'azote inorganique
Les nitrates (NO3-)
C'est la principale forme d'azote minéral utilisée par les plantes supérieures. L'absorption du nitrate est un processus actif qui a un coût énergétique : la plante dépense de l'énergie pour absorber le nitrate. Le nitrate s'accumule dans les vacuoles jusqu'à une limite qui résulte d'un équilibre avec les autres ions minéraux et des acides organiques. Ensuite, le nitrate est réduit en ammonium, dans les feuilles ou dans les racines.
La réduction des nitrates en ammonium se fait en 2 étapes :
- Réduction des nitrates en nitrites, par l'action de la nitrate réductase ;
- Puis réduction des nitrites en ammonium, par la nitrite réductase.
- La réaction totale peut se symboliser ainsi : NO3- —> 2e- —> NO2- —> 6e —> NH4+
- Au cours de ce processus, la plante a besoin d'avoir des cofacteurs de la réaction enzymatique et donc d'autres éléments minéraux que l'azote :
- Nitrate réductase : besoin en composés contenant Mo et Co ;
- Nitrite réductase : besoin en composés contenant Fe et S.
Cette réaction a 3 conséquences :
- Augmentation du pH de la solution du sol, car elle capte des ions H+. Chaque ion nitrate réduit en ammoniac produit un ion OH−. Afin de maintenir un pH équilibré, la plante doit soit l'excréter dans le milieu environnant, soit le neutraliser avec des acides organiques. Il en résulte que le milieu autour des racines des plantes devient alcalin lorsqu'elles absorbent les nitrates.
- Turgescence = gonflement des cellules. La plante apporte de l'eau dans les cellules du feuillage, ce qui entraîne des parois plus fines et augmente les risques d'attaques de ravageurs (maladies fongiques par exemple).
- Maintient de l'équilibre ionique. Chaque NO3− absorbé dans la racine doit s'accompagner soit de l'absorption d'un cation, soit de l'excrétion d'un anion. Les plantes peuvent absorber des cations comme K+, Na+, Ca2+ et Mg2+ pour correspondre exactement à chaque nitrate absorbé et les stocker sous forme de sels d'acides organiques comme le malate et l'oxalate. Si ces cations sont en manque pour maintenir l’équilibre, une déficience peut apparaître dans ce processus de réduction. L’accumulation des nitrates dans la plante peut influer sur la sensibilité de la plante aux pathogènes.
L'ammonium (NH4+)
L’ammonium est principalement assimilé par les racines. Il est incorporé dans les acides aminés par la glutamine synthétase et la glutamate synthase (enzymes dérivées d'acides aminés).
- Le NH4+ provient de la dégradation d’azote organique.
- NH4+ est riche en énergie, il est rapidement utilisé par les bactéries nitrificatrices.
- Ces transformations peuvent être inhibées si l’on inhibe le métabolisme des bactéries (chaleur, pH trop acide, manque d’oxygène).
L’absorption de NH4+ peut avoir deux effets :
- L’acidification du milieu : le gradient de pH autour de la racine a une incidence sur la microflore. La microflore est peu existante en milieu acide, donc on aura peu de transformations d’azote minéral en azote organique.
- Le syndrome ammoniacal : lorsque l'azote ammoniacal est en quantité suffisante dans le sol, la plante se nourrit préférentiellement d’ammonium. Or, comme l'ammonium est un cation, sa présence entraîne une compétition avec d'autres cations (calcium, potassium, magnésium). Un équilibre ne se crée pas et la nutrition des cultures est impactée. Par exemple, une plantule de maïs absorbe préférentiellement l'azote ammoniacal plutôt que l'azote nitrique, et ceci d'autant plus facilement que la teneur du sol en Ca2+, K+, Mg2+ est faible. La fertilisation à base d'ammoniac, d'urée ou d'amendement organique dans un contexte de basses températures ne favorise pas la transformation d'azote ammoniacal en azote nitrique (nitrification). La faiblesse du rayonnement pendant cette phase de 3 à 6 feuilles ne permet pas une activité photosynthétique suffisante et la métabolisation de l'azote ammoniacal absorbé.
- L’absorption de l'ammonium permet l’absorption des sucres libres, qui activent la photosynthèse.
La nutrition mixte
La double absorption (NO3- / NH4+) permet un équilibre du pH. La nutrition mixte résout le problème de l’acidification de la rhizosphère.
L'urée
L'urée doit d’abord être transformée en ammonium par une enzyme, l’uréase. La vitesse de transformation dépend de la température du sol. À 10°C, le processus dure quelques jours. Cette durée augmente si la température baisse. Ainsi, si de l’urée est épandue sur un sol froid, elle reste stable et n’est pas disponible pour les plantes. Lorsque les températures montent, la croissance des plantes démarre et la transformation de l’urée en ammonium augmente.
- Transformée en ammonium, une partie est fixée au complexe argilo-humique et une autre partie est transformée en nitrate par les micro-organismes. La minéralisation de l’urée dans le sol commence au printemps, dès que la température du sol augmente.
- Le blé et le maïs sont capables d’absorber l’urée sous sa forme moléculaire, et d’utiliser l’azote uréique pour assurer leur croissance. Chez les céréales, l’urée représente la source d’azote la moins efficace en termes de rendement par rapport à l’ammonium et nitrate. Les plantes alimentées avec de l’urée comme seule source d’azote présentent aussi des symptômes caractéristiques d’une limitation en azote. Ce manque d’azote n’est pas généré par une incapacité des plantes à assimiler l’azote issu de l’urée. Il naît plutôt consécutivement à une moindre efficacité d’absorption de l’urée par les racines.
L'azote organique
Pendant longtemps, on a supposé que l'azote inorganique (sous forme de NH4+ et NO3−) était la seule source d'azote pour les plantes. Cependant, depuis 20 ans, des recherches ont montré que les acides aminés sont désormais traités comme une autre source d'azote pour la majorité des plantes (étude de GIOSEFFI et al., sortie en 2011 et intitulée "Interactions entre l'absorption d'acides aminés et d'azote inorganique pour le blé" qui conclu que l'azote organique peut constituer une source d'azote importante pour le blé et qu'il existe une interaction entre l'absorption de l'azote inorganique et organique).
Efficacité et rapidité d'assimilation
La forme la plus facilement assimilable par les plantes, sans transformation : c’est l’ion nitrate NO3-. D’autres formes, nécessitent pour être assimilées, une transformation chimique par des microorganismes pour atteindre la forme d’ion nitrate : c’est le cas entre autres de l’ion ammonium NH4+ (azote minéral) et de l’azote organique (urée ...).
La vitesse de cette transformation dépend de la température du sol. Cet azote a donc un effet retard et l’apport doit être anticipé. Dans les sols bien aérés, la nitrification est rapide : il en résulte une faible concentration en ammonium, le nitrate étant la principale source d’azote disponible pour les plantes. Dans les sols détrempés ou acides, l’ammonium s’accumule.
Voici un graphique venant d’un essai d’Arvalis de 2013 visant à mesurer l’efficacité des différentes formes d’engrais azotés sur blé tendre : ammonitrate, urée et Nexen (urée + retardateur de minéralisation).
- On remarque que l’ammonitrate et le Nexen sont légèrement au-dessus de l’urée en termes d’efficacité.
- Cependant, l’urée est quasiment au même niveau dès lors que l’engrais est bien positionné.
Répartition de l’azote dans les différents effluents
Dans les fertilisants organiques, l’azote est organisé selon trois formesf:
- Une fraction minérale qui a un effet sur le court terme (la première année d’épandage).
- Une fraction organique rapidement minéralisable qui a pour partie un effet direct et pour autre partie un arrière effet à court terme.
- Une fraction organique plus stable avec des effets sur le long terme.
Plus un fumier est composté plus il contiendra une fraction organique stable avec un effet sur le long terme. Les lisiers auront eux un effet direct sur les plantes plus importants du fait d’une plus grande part de fraction minérale.
Coefficient d’équivalence
Les effets fertilisants sur la culture réceptrice sont estimés par le pourcentage de l’élément considéré (N, P2O5, K2O, MgO, SO3) qui est apparemment utilisé par la plante (CAU) et par l’équivalence à un engrais minéral de référence pour cet élément (Keq). L’engrais minéral de référence est l’ammonitrate pour l’azote, le Super 45 pour le phosphore, le chlorure de potassium pour le potassium et le sulfate de magnésie pour le magnésium.
Le coefficient d’équivalence correspond à l’équivalence engrais de référence d’un kilogramme d’élément (N, P, K,…) apporté par le Produits Résiduaires Organiques (PRO). Ce coefficient s’obtient à l’aide d’une courbe de réponse de l’absorption de l’élément en fonction de doses croissantes de cet élément appliquées sous forme d’engrais minéral soluble et de la quantité d’élément absorbé par la culture fertilisée par une dose de PRO.
Le Keq est d’autant plus élevé que le PRO contient de l’azote minéral et de l’azote organique rapidement minéralisable. Il dépend aussi de la culture réceptrice, de la période d’apport, et s’il est enfoui ou non. En pratique, il faut multiplier la dose totale d’élément fertilisant apportée par le coefficient d’équivalence engrais minéral pour obtenir la fourniture réelle en éléments fertilisants à la culture.
Fumiers de bovins
Les fumiers de bovins ont des caractéristiques très différentes selon les élevages, il est nécessaire de les faire analyser. Les résultats d’analyses dépendent des types d’animaux, du logement et du stockage des fumiers. Les fumiers participent également à la fumure de fond des parcelles car ils sont riches en potasse et phosphore.
Plus le fumier est composté, plus la part d’azote total augmente, mais il s’agit d’azote stable qui participe à la formation d’humus dans le sol.
Les fumiers sont bien valorisés par les têtes de rotation comme le colza ou le maïs. Une grande part de l’azote présente n’est cependant pas assimilable dés l’épandage mais va progressivement amender le sol.
Attention, en prairies les épandages de fumier peuvent provoquer une baisse d’appétence si le fumier est mal dégradé.
Lisiers de bovins
Là encore une analyse permettra de connaître son effluent. Les fosses à lisier peuvent être couvertes ou non et les effets de dilution auront un impact sur la quantité d’azote contenue. La part d’azote minéral, donc directement assimilable par la plante, est proche des 50 %, l’effet fertilisant est direct.
Les lisiers sont mieux valorisés au printemps, période où le risque de lessivage est moins important.
Que ce soit à l’automne ou au printemps ce sont les prairies qui valorisent le mieux les lisiers. Un apport peut aussi être fait avant colza pour engendrer un effet starter sur la culture.
Fientes de poules
Les fientes de poule sont très riches en azote, elles contiennent aussi du phosphore, du potassium et du calcium. Les fientes de poules sont très rapidement minéralisées dans le sol : l'azote est presque aussitôt disponible pour les plantes. Plus les fientes de poules sont séchées plus l’azote sera concentré.
La teneur en azote ammoniacal élevée dans les effluents d’élevage liquides ou pâteux, entraîne le risque de perdre jusqu’à 70 % de l’azote après épandage par volatilisation de l’ammoniac. Ces pertes sont préjudiciables sur le plan économique mais surtout environnemental : l’ammoniac réagit en effet avec des composés acides pour former des particules très fines de nitrates ou de sulfate d’ammonium responsables de l’acidification des sols et de l’eutrophisation des milieux. Un enfouissement rapide après épandage sera donc à privilégier afin de réduire ces pertes azotées : le gain est évalué à 60 % du total des pertes pour un labour immédiat après épandage.
Fientes de poules | N Total | P205 | K2O | % MS |
---|---|---|---|---|
Fientes poules humide | 15 | 14 | 12 | 25 |
Fientes poules préséchées | 22 | 20 | 12 | 40 |
Fientes poules séchées | 30 | 40 | 28 | 80 |
Composts
- Le compost jeune de fumier, obtenu par un compostage court (généralement entre 1 et 3 mois), est riche en azote et en polysaccarides (apportés par la paille). C’est un produit « starter » qui se comporte comme un engrais et stimule fortement l’activité microbienne du sol. Grâce à son action sur l’activité microbienne, il permet aussi d’améliorer la structure du sol et d’atténuer les phénomènes de blocage d’éléments dans les sols calcaire. A apporter de préférence en fin d’hiver.
- Le compost mûr de fumier, obtenu par un compostage long (plusieurs mois), est un produit à dégradation lente qui se comporte comme un amendement et apporte beaucoup moins d’éléments fertilisants. Il a moins d’effet sur l’activité microbienne du sol que le compost jeune, mais augmente plus le taux d’humus stable. Il a donc une action sur la structure du sol et améliore les capacités de rétention en eau.
- Le compost de déchets verts se caractérise par un effet amendement fort et un pouvoir fertilisant faible. Il présente une dynamique d’évolution lente et une grande stabilité, et aura tendance à augmenter le stock de carbone organique du sol.
COMPOSTS | Azote total |
---|---|
Compost fumier bovin | 8 kg/t |
Compost fientes volailles | 15 kg/t |
Compost déchets verts | 9 kg/t |
Digestats de méthanisation
Comme pour les fumiers ou les lisiers, les digestats de méthanisation présentent 3 fractions différentes d’azote : l’azote minéral, l’azote organique minéralisable dans l’année et l’azote organique minéralisable les années suivantes et comme pour les autres effluents, chaque digestat est unique et nécessite d’être analysé.
Lors de la séparation de phase, la part minérale est concentrée dans la phase liquide. Le digestat est très bien valorisé en sortie d’hiver en remplacement du premier apport.
Pour les apports d’automne, on privilégiera les apports sur colza. Il est également possible d’apporter sur CIPAN (Culture Intermédiaire Piège à Nitrates) qui valorise bien l’azote, mais uniquement si celui-ci lève correctement. La CIPAN restituera l’azote à la culture de printemps qui la valorisera à son tour. Il est essentiel d’enfouir le digestat si celui-ci est apporté avant le semis, afin de limiter les pertes d’azote ammoniacal par volatilisation. Toutefois, attention aux doses d’apport sur cette période car les besoins sont réduits.
Sources
- Les différentes formes d’azote - Chambre d'Agriculture de la Meuse : https://meuse.chambre-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/Grand-Est/037_Inst-Meuse/Eau/NT7-RDM-valeur_de_la_MO.pdf
- Les différentes formes d'azote, AgroLeague
- Techniques pour optimiser les apports azotés, AgroLeague
La version initiale de cet article a été rédigée par Camille Crespe, Julien Basuyaux, Ludovic Purson, Lorraine Briard et Jean-Luc Lefevre.