Association et rotation de cultures en Afrique
L’association des cultures ou la polyculture consiste à installer plusieurs cultures sur une même parcelle. La rotation quant à elle, consiste à faire se succéder sur une même parcelle plusieurs cultures.
Description
Quasiment tous les contextes sont propices à l’association et à la rotation des cultures, et ce particulièrement pour les paysans ne disposant ni de mécanisation, ni de grandes superficies pour l’agriculture. Elles sont particulièrement recommandées dans le cas de terres pauvres ou soumises à une forte pression démographique.
Intérêts
- L’association de cultures permet d’augmenter la diversité spatiale dans l’agroécosystème, tandis que la rotation des cultures permet d’augmenter la diversité temporelle. Ensemble, elles permettent donc d’augmenter la diversité globale de l’agroécosystème, et ainsi de maximiser les interactions bénéfiques et les complémentarités entre les plantes[1].
- Ces techniques permettent d’accroître la productivité et l’efficience des fermes biologiques[2]. Une méta-analyse sur les associations de cultures en Afrique montre que les rendements sont en moyenne 23% plus élevés et que les revenus bruts augmentent de 172 USD/ha/an (~100'000 FCFA/ha/an) en comparaison avec les monocultures dans des conditions semblables[3]. En profitant des interactions entre les plantes, ces techniques permettent également généralement de diminuer les coûts de production (irrigation, engrais, etc.).
Il est important dans les rotations comme dans les associations d'utiliser des variétés autochtones et d’inclure des légumineuses (Fabacées) car elles ont la particularité de fixer l’azote de l’air dans le sol[4] et peuvent donc se substituer aux engrais azotés de synthèse. Elles contribuent également à l’apport de matière organique et d’autres macronutriments importants comme le phosphore et le potassium. De plus, les légumineuses indigènes sont mieux adaptées aux conditions locales, mais également plus riches en nutriments que leurs substituts originaires d'ailleurs[5].
Critères de choix pour les associations de cultures
Plusieurs critères principaux sont à considérer dans le choix de l’association.
Effet sur les ravageurs ou maladies
Les plantes sensibles à une certaine maladie ou un certain ravageur peuvent être associées à des plantes résistantes ou répulsives. C'est la technique du Push-Pull.
Familles botaniques
Il faut éviter d’associer des plantes appartenant à la même famille botanique. En effet, les plantes d’une même famille sont généralement menacées par les mêmes maladies ou ravageurs. Les principales familles botaniques (Selon la classification APG IV (2016)) cultivées sont mentionnées ci-après, les plantes non répertoriées appartiennent à des familles dont elles sont souvent les seules plantes cultivées (manioc, igname, ananas, etc.)
- Amaranthacées : Amaranthe, betterave, blette, épinard, baselle,...
- Amarylidiacée : Oignon, poireau, ail, ciboulette,...
- Apiacées : Carotte, céleri, fenouil, coriandre, persil, anis,...
- Astéracées : Laitue, pissenlit dent-de-lion,...
- Brassicacées : Brocoli, chou, navet, radis,...
- Cucurbitacées : Courge, courgette, concombre, pastèque, melon,...
- Fabacées : Arachide, soja, haricot, pois,...
- Lamiacées : Thym, basilic, menthe,...
- Malvacées : Coton, gombo,...
- Poacées : Maïs, sorgho, riz, canne à sucre, mil, fonio,...
- Solanacées : Pomme de terre, tomate, piment, poivron, aubergine, gboma,...
Occupation de l'espace (horizontal et vertical)
Certaines plantes sont grandes comme la plupart des Poacées (maïs, sorgho, etc.), elles vont donc pouvoir abriter d’autres plantes qui s’étalent sur le sol comme les courges ou bien même servir de tuteur à des espèces grimpantes comme certains haricots.
Vitesse de croissance
Les plantes ont des vitesses de croissance différentes, il convient par exemple de planter les plantes à croissance lente (chou, tomates, piment,...) avec des plantes à croissance rapide qui vont rapidement couvrir le sol (laitue, radis,...).
Besoin en lumière
Les plantes ont des besoins en lumière différents, la courge, la coriandre, le basilic sont par exemple tolérants à l’ombre, tandis que les tomates ou les piments ont besoin de plus de soleil. Ex: Le plant de tomate apporte de l'ombre au basilic.
Type d'enracinement
Des plantes avec un enracinement différent vont exploiter des portions du sol différentes. Il convient donc d’associer des plantes à enracinement relativement profond (aubergine, tomate, concombre, courge, maïs, betterave, pois, etc.) avec des plantes à enracinement superficiel (chou, laitue, ail, oignon, radis, etc.). Il faut rappeler aussi que les racines structurent le sol et l’enrichissent en matière organique.
La fertilisation
Les plantes ont des besoins différents en fertilisants. Pour ne pas épuiser le sol, il est important de ne pas cultiver continuellement des plantes très exigeantes sur les mêmes parcelles.
Ces critères permettent de choisir des plantes qui vont maximiser leurs interactions bénéfiques et améliorer la productivité ou l’efficacité énergétique.
L’association peut prendre différents visages en fonction du but recherché.
Organisation des parcelles
Les cultures entourées
La culture qui entoure le champ permet une protection de la culture au centre. On peut penser par exemple à la citronnelle qui permet d’éloigner les insectes du champ ou bien à une culture relativement haute pour protéger du vent. Dans la technique du Push-Pull, on met une plante attractive autour du champ pour piéger les insectes repoussés par les plantes répulsives placées au milieu du champ.
Cultures alternées
Les rangs permettent d’optimiser les interactions entre les 2 plantes, on peut penser par exemple à une plante haute qui fait de l’ombre à une plante qui apprécie l’ombre ou bien à une légumineuse qui permet d’enrichir le sol pour une autre culture plus exigeante en azote. Chaque rang n’est pas forcément composé d’une seule espèce, mais peut déjà contenir une alternance entre plusieurs plantes.
Cultures mélangées
Cette méthode est plus spécifique, car le mélange aléatoire des plantes rend l’entretien particulier de chaque plante plus difficile. Mais elle est bien adaptée par exemple aux cultures se semant à la volée et qui demandent peu de soin particulier, comme par exemple l’association de deux cultures de couverture (graminée + légumineuse).
La technique du Push-Pull
Le Push-pull est une technique biologique de lutte intégrée contre les ravageurs, utilisant une plante répulsive ("Push") et une plante attractive ("Pull") qui piège les ravageurs. Au fil des années, cette technique a été adaptée aux effets du changement climatique et est connue sous le nom de "Climate-smart Push-pull".
Cette technique répond à 3 problèmes auxquels les paysans sont confrontés :
- La pauvreté générale des sols en Afrique.
- Les strigas (ou herbes des sorcières) qui parasitent les racines de nombreuses cultures comme le maïs, le sorgho ou le riz.
- Les insectes foreurs de tiges (Busseola fusca et Chilo partellus) dont les larves creusent les tiges du maïs en particulier, mais peuvent aussi s’attaquer au sorgho ou au millet.
Si tous ces facteurs sont réunis le producteur peut perdre une grande partie de sa récolte. Face à ces problèmes, le Climate-smart Push-pull tire parti de deux plantes résistantes à la sècheresse en association avec la culture principale :
- Le Desmodium intortum (ou Desmodium à feuilles vertes) qui est une légumineuse pérenne qui recouvre le sol entre les rangs de la culture principale. Il produit des composés chimiques volatiles qui repoussent ("Push") les ravageurs et attirent leurs ennemis naturels. Ses racines produisent des composés qui détruisent les graines de strigas dans le sol. De plus, ses racines en association avec une bactérie peuvent également fixer l’azote dans le sol. En fin de saison, la biomasse produite par le Desmodium peut être utilisée comme fourrage ou bien comme apport de matière organique pour le sol.
- Le Brachiaria ruziziensis (Mulato II) qui est une graminée pérenne qui produit des composés volatiles qui attirent ("pull") les ravageurs pour la ponte. Or cette plante n’apporte pas les conditions suffisantes pour le bon développement des larves, ce qui empêche la multiplication du ravageur. De plus, le Brachiaria attire également les ennemis naturels des ravageurs. Finalement, cette plante constitue un fourrage très apprécié du bétail.
Fortuitement, le Climate-smart Push-pull se révèle aussi efficace contre un nouveau ravageur en provenance d’Amérique : la chenille légionnaire d’automne (Spodoptera frugiperda). Elle cause d’importants dégâts sur les cultures de céréales dans toute l'Afrique.
Par ses différents aspects, la technique du Climate-smart Push-pull permet de lutter efficacement contre ces ravageurs à moindre coût, en se substituant à l’utilisation de pesticides nocifs pour l’environnement et la santé des paysans, et permet ainsi d’augmenter les rendements de la culture principale tout en améliorant le sol et en produisant du fourrage pour le bétail.
Pour plus d’informations sur le "Climate-smart Push-pull": www.push-pull.net
Critères de choix pour les rotations de cultures
Famille botanique
Ce critère est sans doute le plus important, étant donné que les plantes d’une même famille sont généralement menacées par les mêmes maladies ou ravageurs. Les maladies ou ravageurs peuvent survivre dans le sol pendant plusieurs années même sans trouver des cultures propices. Il faut donc respecter un certain délai avant de replanter une plante au même endroit. Il est difficile de donner une durée exacte, un minimum de deux saisons serait néanmoins dans tous les cas recommandable. Si on remarque la récurrence d’une maladie ou d’un ravageur, de plus longues durées doivent être envisagées.
Couverture du sol
Certaines plantes ne couvrent pas suffisamment le sol (carotte, navet, etc.) et sont à cultiver en alternance avec des cultures couvrant uniformément et rapidement les sols de manière à éliminer les adventices (engrais vert, soja, courge, etc.).
Besoin en fertilisants
Les plantes ont des besoins différents en fertilisants. Pour ne pas épuiser le sol, il est important de ne pas cultiver continuellement des plantes très exigeantes sur les mêmes parcelles. Une alternance avec des plantes moins exigeantes est donc à encourager. On peut aussi intégrer dans la rotation des engrais verts avant des plantes exigeantes. À noter néanmoins que l’apport en engrais organique ne profite pas seulement à la plante cultivée, mais à l’ensemble de l’écosystème du sol. Un sol bénéficie grandement d’un apport régulier d’engrais organique comme le compost, indépendamment de la future culture qu’il accueillera.
Incertitude des critères de sélection
Il est important de mentionner que les critères de sélection pour la rotation n’ont fait l’objet que de très peu de recherches sérieuses[6]. Les critères sélectionnés ici sont ceux qui paraissent les plus fiables. En règle générale, pour les associations et les rotations, le meilleur choix se fait en fonction des conditions environnementales locales, des espèces indigènes et de l’expérience acquise au fil des saisons.
Conditions de mise en œuvre
Il faut au préalable avoir des connaissances en matière d’association des cultures et maîtriser la planification de plusieurs saisons.
Matériel nécessaire
- Houe, coupe-coupe : Nettoyage de la parcelle et préparation du sol.
- Cordeau : Dimensionnement de la parcelle et repiquage des plants/pousses.
- Bottes : Protection des pieds.
- Bassine : Transport du compost solide.
- Brouette : Transport des matériaux et du matériel.
- Pulvérisateur : Épandage des biopesticides et du compost liquide.
Matériaux/matières premières
- Semences.
- Engrais organiques.
- Biopesticides.
- Paille (si nécessaire).
Etapes de mise en place
- Déterminer la configuration de l’association et des rotations : Quelles plantes utiliser ? Dans quel ordre ? Avec quel agencement spatial ?
- Se procurer les semences des cultures choisies.
- Préparer et aménager le terrain.
- Procéder au semis selon la configuration choisie.
- Entretenir le champ : sarclages et traitements organiques.
Difficultés et contraintes
- Nécessite plus d’attention lors de l’entretien, en particulier pour les associations.
- Nécessite une bonne connaissance des plantes et de l’environnement.
- Nécessite souvent une planification sur plusieurs saisons.
Rotation ou association faut-il choisir ?
Dans l’idéal, il faudrait pratiquer les associations et les rotations conjointement. Cela requiert cependant de bonnes connaissances du contexte local et des différentes plantes, connaissances qui s’acquièrent essentiellement par la pratique et les expériences. Certains privilégieront plutôt les associations, et d’autres plutôt les rotations, l’important réside dans la maximisation d’une diversité qui bénéficie au producteur comme à la nature.
Sources
Manuel des bonnes pratiques agroécologiques - SECAAR.
Cette page a été rédigée en partenariat avec le projet Urbane et grâce au soutien financier de l'Union Européenne.