Pratiquer l'affouragement en vert
L'affouragement en vert consiste à distribuer directement à l’auge d’un troupeau l'herbe fauchée quotidiennement.
Présentation
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
Cette technique, utilisée en élevages de ruminants (bovins, caprins ou ovins), vise à remplacer ou diminuer le pâturage en réponse à un manque de surface pâturable (chargement trop élevé ou parcelles trop éloignée), et à des difficultés ou craintes vis-à-vis du parasitisme (en caprin). Elle peut également être utilisée dans des cas où l’exploitation ne peut se permettre de faire beaucoup de stock de foin ou d’ensilage.
L’intérêt de cette technique est qu’elle permet de réduire la part de fourrages conservés, tel que l’ensilage de maïs par exemple, ainsi que les concentrés alimentaires riches en protéines comme les tourteaux de soja ou de colza. Cela contribue à tendre vers plus d’autonomie fourragère et protéique sur l’exploitation.
Le fourrage vert récolté peut être obtenu à partir de prairies (ex : légumineuse en culture seule ou association d’une légumineuse et d’une graminée ou prairie multi-espèces), de méteils immatures (mélange de céréales et protéagineux) ou de cultures dérobées (ex : colza ou chou fourrager).
Récolter les dérobées en interculture, permet de servir de complément pour sécuriser le système fourrager et/ou allonger la période d'affouragement. Pour récolter à l’automne, on peut semer, avant le 15 août et pour avoir un complément au printemps, il faut penser à semer, entre le 15 août et le 15 septembre.
Remarque : Pour pouvoir prolonger l’affouragement en été il est recommandé d’irriguer et/ou d’implanter de la luzerne et/ou d’avoir des parcelles humides.
Précision sur la technique :
Conditions de mise en œuvre de la technique :
Avant de mettre en œuvre cette technique il est nécessaire de vérifier que l’exploitation répond aux critères suivants :
- Parcelles regroupées et à proximité des bâtiments : un parcellaire trop morcelé et trop éloigné engendrerait un temps de travail quotidien considérable pour aller faucher avec des coûts de carburant associés.
- Exploitation de petite taille avec un petit cheptel : de la même façon un trop grand élevage induirait un temps de travail quotidien beaucoup trop important.
- Trésorerie suffisante pour investir dans du matériel spécifique pour l’affouragement.
- Sols portants et peu pentus pour l’accessibilité des machines.
- Bâtiment d’élevage adapté qui permet de circuler à l’intérieur et à l’extérieur facilement avec l’auto-chargeuse ou avec un tapis d’alimentation.
Recommandations pour une meilleure efficacité :
L’affouragement en vert est une technique qui demande une bonne maîtrise de la gestion des prairies. Afin de maximiser les bénéfices de cette technique, il est recommandé de :
- Adapter la ration à l’herbe.
- Privilégier des espèces à port dressé, en pur ou en mélange et qui soient disponibles à différentes saisons.
- Récolter un fourrage jeune pour une meilleure valeur énergétique et azotée.
- Respecter des temps de repousses suffisants entre les deux récoltes.
- Valoriser les parcelles les plus avancées en stade sous forme d’enrubannage ou de foin.
- Eviter de faucher trop ras pour favoriser des repousses rapides.
Matériel :
Le choix du matériel est capital car l’équipement d'affouragement sera utilisé quasiment tous les jours pendant plusieurs mois. Il existe trois types de matériels utilisables pour réaliser cette technique :
- L’ensileuse à fléaux couplée à une remorque distributive : c’est la solution la plus économique mais qui permet uniquement la récolte de fourrage avec peu de hauteur. L’herbe récoltée n’est pas franchement coupée et peut être souillée par aspiration de terre. C’est une solution rapide à mettre en œuvre et économique mais plutôt déconseillée.
- La combinaison d’une faucheuse frontale et d’une remorque auto-chargeuse : cette solution permet un débit de chantier élevé et une polyvalence d’utilisation.
- La remorque auto-chargeuse équipée d’une faucheuse à tambours intégrée : c’est LE matériel spécialisé pour l’affouragement en vert qui permet un débit de chantier élevé et une polyvalence d’utilisation.
Les deux dernières options sont des solutions plus adaptées à l’affouragement en vert et qui permettent une meilleure qualité de coupe, mais elles représentent un investissement plus important
Période de mise en œuvre Sur culture implantée
Echelle spatiale de mise en œuvre Parcelle
Exploitation
Application de la technique à...
Toutes les cultures : Sans objet
Cette technique s’applique aux cultures fourragères car l’objectif est de produire du fourrage pour l’alimentation du troupeau. La généralisation de cette technique à un autre contexte n’est pas recherchée dans ce cas de figure.
Tous les types de sols : Généralisation parfois délicate
Pour pouvoir réaliser cette technique, il est nécessaire d’avoir un sol bien portant car la répétition journalière du passage d’engins lourds pour la fauche peut créer des phénomènes de tassement. Dans les parcelles moins portantes (ou en début / fin de saison, lorsque les parcelles sont humides), il est recommandé d’utiliser un équipement avec des pneus larges et à basse pression afin d’augmenter la surface de contact avec le sol et mieux répartir la charge locale sur le sol
De plus sur des sols très pentus, comme en montagne par exemple, il est nécessaire de s’équiper avec un matériel suffisamment puissant pour ne pas être confronté aux risques de retournement.
Tous les contextes climatiques : Généralisation parfois délicate
Par temps de pluie, l’herbe récoltée sera trop humide pour être directement distribuée aux animaux. Les éleveurs laissent souvent « ressuyer » l’herbe dans l’auto-chargeuse quelques heures avant de la distribuer (cela est surtout valable à l’automne). Il est donc parfois nécessaire de repousser la fauche par temps de forte pluie.
De plus dans le cas des cultures dérobées, la réussite est très dépendante des conditions météos.
Réglementation
Il n’existe pas de réglementation spécifique concernant la pratique de l’affouragement en vert, hormis certains cahiers des charges d’AOP (Mâconnais et Charolais) qui en impose 120 jours annuels minimum de pâturage et/ou d’affouragement en vert.
De plus, si l’on implante des cultures dérobées comme ressource fourragère, celles-ci doivent faire l'objet d'une déclaration sur papier libre auprès de la DDT (Direction Départementale des Territoires). De plus, toutes cultures implantées pendant la période d’interculture doivent respecter la réglementation en vigueur à cette période, c’est-à-dire la Directive Nitrates.
Services rendus par la technique
Autonomie fourragère
Cette technique permet de produire son propre fourrage pour des exploitations qui ne pratiquent pas le pâturage. Cela réduit la dépendance aux fourrages conservés, tel que l’ensilage de maïs par exemple. Récolter le fourrage vert toute l’année et avec une grande diversité de couverts permet de limiter les pertes de matière sèche et d’obtenir une ration alimentaire de qualité.
Niveau d'effet : FORT, même si technique utilisée seule
Indice de confiance : FORT
TECHNIQUE(S) COMPLEMENTAIRE(S)
Cultiver des associations d'espèces pluriannuelles
Cultiver des légumineuses / fabacées
Récolter des associations céréale(s)-protéagineux à un stade immature
Cultiver des espèces pluriannuelles
Implanter des cultures dérobées ou une double-culture
Cultiver des associations d'espèces annuelles
Autonomie protéique
Cette technique permet de renforcer l'autonomie protéique du système via la valorisation de fourrage jeune, riche en MAT (Matière Azotée Totale). Cela permet de réduire la dépendance aux concentrés alimentaires riches en protéines comme les tourteaux de soja ou de colza.
Niveau d'effet : FORT, même si technique utilisée seule
Indice de confiance : FORT
TECHNIQUE(S) COMPLEMENTAIRE(S)
Cultiver des associations d'espèces pluriannuelles
Cultiver des légumineuses / fabacées
Récolter des associations céréale(s)-protéagineux à un stade immature
Cultiver des espèces pluriannuelles
Implanter des cultures dérobées ou une double-culture
Cultiver des associations d'espèces annuelles
Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air : Pas d'effet (neutre)
Effet sur la qualité de l'eau : Pas d'effet (neutre)
Effet sur la consommation de ressources fossiles : En augmentation
Faucher tous les jours implique une augmentation d’utilisation de carburant qui induit une augmentation des émissions de Gaz à Effet de Serre. Afin de limiter cette consommation, il est recommandé de ne pas pratiquer cette technique si les prairies à faucher sont à plus de 3 Km de l’exploitation.
Critères "agronomiques"
Productivité : Variable
Afin de connaitre la productivité, le suivi des refus et du lait au tank se fait quotidiennement, étant donné que l‘herbe est fauchée et distribuée tous les jours. Or, la nature de la prairie et le stade de récolte fluctuent régulièrement, comme le taux de matière sèche de l’herbe. Les indicateurs de productivités fluctuent donc tous les jours et la quantité de lait peut varier d’un jour à l’autre.
Qualité de la production : Variable
Pour les mêmes raisons que la productivité varie, la qualité du lait peut varier d’un jour à l’autre en fonction de la qualité de l’herbe. La qualité varie également en fonction de la période de fauche et du stade physiologique de la culture.
Fertilité du sol : En augmentation
L’affouragement en vert utilise généralement des légumineuses en culture seule (ex : prairie de luzerne) ou en associations (ex : mélange Ray Grass Italien et trèfle incarnat). Or, les légumineuses par la fixation d'azote contribuent à enrichir le sol en azote et à terme à augmenter le potentiel de minéralisation. Certaines légumineuses ont également un effet positif sur la structure du sol notamment via leurs systèmes racinaires pivotants (luzerne, féverole).
De même l’utilisation de dérobées fourragères apportent une couverture de sol, structurent le sol et intensifient le rendement de la parcelle.
Stress hydrique : En diminution
La diversité spécifique du peuplement végétal permet une meilleure valorisation de l'eau disponible (complémentarité des systèmes racinaires)
Biodiversité fonctionnelle : En augmentation
La diversité spécifique du peuplement végétal favorise la biodiversité floristique et faunistique (biomasse microbienne, ingénieurs des cultures, auxiliaires des cultures…)
Critères "économiques"
Charges opérationnelles : Variable
L’affouragement en vert permet de diminuer la part de concentrés alimentaires dans la ration ce qui réduit leurs achats.
De plus, l’introduction de prairies temporaires dans la rotation peut permettre de diminuer les doses d’engrais azoté minéral surtout si ces prairies sont constituées de légumineuses.
L’introduction de prairies temporaires permet également de réduire les interventions phytosanitaires.
Il faut cependant faire attention aux coûts de production (implantation et de fertilisation) dans le cas d’une culture dérobée car contrairement à une prairie, les charges ne sont pas diluées sur plusieurs années. A titre d’exemple implanter un colza fourrager revient à environ 60-80 €/ha, un sorgho fourrager à 100 €/ha et un mélange ray-grass italien-trèfle incarnat entre 100 et 110 €/ha.
Charges de mécanisation : En augmentation
L’affouragement en vert nécessite d’investir dans un matériel spécifique, qui sera utilisé quasiment tous les jours pendant plusieurs mois de l’année, ce qui entraine un consommation de carburant importante. Les coûts sont variables en fonction du type de machine utilisée (ensileuse ou faucheuse). Il est donc nécessaire d’opter pour un matériel de qualité et adapté à sa situation.
Marge : Variable
La rentabilité de cette technique dépend de deux paramètres :
Economies réalisées sur les intrants (concentrés, et éventuellement sur l’azote minéral et les produits phytosanitaires). Ces économies sont plus importantes dans le cas d’une prairie que dans le cas d’une culture dérobée.
Coût de l’achat du matériel et coût du carburant lié à l’utilisation du matériel
Si les bénéfices sur les intrants compensent le coût du matériel et du carburant alors la marge sera positive. Dans la cas inverse elle sera négative.
Cette technique est donc plutôt rentable à long terme, le temps d’amortir le coût du matériel.
Critères "sociaux"
Temps de travail : En augmentation
Faucher tous les jours augmente le temps d’astreinte quotidien, celui-ci est estimé à entre 20 min et 1h30 selon la taille du troupeau, le type d’animaux à nourrir et la distance des parcelles aux bâtiments. Cela implique d’être plusieurs sur l’exploitation afin qu’il y ait toujours une personne disponible pour assurer l’astreinte.
De plus, les animaux passant plus de temps en bâtiment que s’ils pâturaient, cela induit des opérations supplémentaires de nettoyage (raclage et paillage)
Période de pointe : En diminution
Le travail est réparti sur toute l’année avec un travail quotidien et en principe pas de pics de travail, par rapport à la production d’ensilage ou de foin par exemple.
Effet sur la santé de l'agriculteur : Pas d'effet (neutre)
Pour en savoir plus
- L'affouragement en vert en élevage caprin
- -Jérémie Jost (Institut de l’Elevage-REDCap) et Nicole Bossis (Institut de l’Elevage).
Ouvrage, 2017
- Pratiquer un affouragement en vert
- -Institut de l’élevage, Chambre d’agriculture, Confédération Nationale de l’Elevage.
Brochure technique, 2017
- Affouragement en vert : des vaches hautes productrices avec peu de concentré
- -Mathieu Merlhe (Chambre régionale d’agriculture de Bretagne)
2016
- Affouragement en vert Joseph Lalloué : « Au pré ou à l'auge, de l'herbe fraîche dix mois sur douze »
- -Nathalie Tiers (journaliste agricole indépendante)
Article de presse, 2019
- Affouragement en vert, Choisir des prairies multi-espèces et des dérobées adaptées à la fauche
- -Robin Vergonjeanne (journaliste pour Terre-net Média), Fabien Olivier (conseiller agronomie à la Chambre d'agriculture de la Manche)
Interview, 2014
- L’autonomie alimentaire en filières fromagères AOP, entre lien au terroir et agroécologie
- -Sophie Hulin (Pôle fromager AOP Massif central), Jean-Marc Arranz (Chambre d’agriculture des Pyrénées Atlantique), Jérémie Jost (IDELE)
Ouvrage, 2019
Mots clés
Méthode de contrôle des bioagresseurs :
Mode d'action :
Type de stratégie vis-à-vis de l'utilisation de pesticides :
Annexes
Est complémentaire des leviers
- Cultiver des associations d'espèces annuelles
- Cultiver des associations d'espèces pluriannuelles
- Cultiver des espèces pluriannuelles
- Cultiver des légumineuses / fabacées
- Implanter des cultures dérobées ou une double-culture
- Récolter des associations céréale(s)-protéagineux à un stade immature
Contribue à
S'applique aux cultures suivantes