Pâturage tournant
Produire de l'herbe en maximisant la productivité
Puisque l’herbe pâturée reste l’aliment le moins cher que l’on puisse trouver, il est important de valoriser au mieux cette ressource fourragère, dans un contexte de trésorerie tendue et fluctuante. Bien qu’ancienne, la pratique du pâturage tournant est toujours d’actualité et constitue un levier majeur vers la recherche d’autonomie et la réduction des charges.
Une technique éprouvée aux multiples avantages !
Meilleure gestion de l’herbe :
- Au printemps : pas de débordement, possibilité de faucher des paddocks.
- En été : meilleure gestion du coup de sec.
Intensification de la surface en herbe :
- Moins de refus.
- Parcelle densifiée.
Amélioration des performances animales :
- Herbe de qualité exploitée au bon stade.
Fertilisation à la baisse :
- Répartition homogène des déjections.
- Augmente la composition des prairies en légumineuses (trèfle blanc).
Une herbe pâturée au printemps permet une production de 25 kg de lait/jour
Si cette technique de pâture revient au goût du jour du fait du contexte global actuel, elle n’en est pas moins ancienne. Les premières expérimentations de pâturage tournant datent de … 1957 !
Depuis, cette technique n’a pas cessé d’être testée et évaluée dans de nombreuses fermes expérimentales ou sur le terrain par des agriculteurs. Les résultats sont tous identiques : si l’organisation des parcelles, les chemins d’accès et les points d’eau sont bien réfléchis, le pâturage entraine une meilleure valorisation de l’herbe par le ruminant cela se traduit aussi par moins d’achat de concentrés, moins de surface en maïs et un gain de temps de travail.
Les données qui suivent, largement inspirées des observations et réflexions d’André Voisin, proposent quelques orientations à l’éleveur soucieux de valoriser au mieux le potentiel de ses prairies et de favoriser la bonne santé et la production de ses animaux dans le cadre d’une agriculture aussi « naturelle » que possible.
Le pâturage est « la rencontre de la vache et de l’herbe » et il faut tenir compte des exigences de la vache aussi bien que de celles de l’herbe.
Les lois fondamentales du pâturage rationnel (méthode André Voisin)
Afin de réaliser un pâturage tournant de qualité, il est possible de surveiller quatre principes de base, ces principes ne sont toutefois pas des règles rigides à suivre qu’importe le contexte.
Première loi
Pour qu’une herbe pâturée fournisse sa productivité maximale, il faut qu’entre deux cisaillements successifs par la dent de l’animal il se soit écoulé un temps suffisant permettant à cette herbe :
- D’accumuler dans ses racines les réserves nécessaires à une bonne repousse.
- De réaliser sa croissance la plus rapide (flambée de croissance).
Ce temps de repos est variable selon le lieu, la saison, l’année mais on peut déterminer une moyenne dans chaque situation.
Deuxième loi
Le temps global d’occupation d’une parcelle doit être suffisamment court pour qu’une herbe cisaillée au début du temps d’occupation ne soit pas de nouveau broutée avant que les animaux quittent la parcelle.
Troisième loi
Il faut aider les animaux ayant les besoins alimentaires les plus élevés à récolter une quantité élevée d’herbe, de la meilleure qualité possible.
Quatrième loi
Pour qu’une vache fournisse des performances régulières, l'observation montre qu’il ne faut pas qu’elle demeure plus de trois jours sur une même parcelle.
Les performances seront maximales si l’animal ne demeure pas plus d’un jour sur la même parcelle.
Comprendre la pousse de l’herbe pour mieux la gérer
Une graminée comment ça fonctionne ?
La feuille = la gaine + le limbe.
La longueur des limbes est proportionnelle à celle des gaines avec le rapport :
Longueur de limbe = 2,3 x longueur de gaine.
A 14 cm = les limbes seront longs mais les gaines aussi ce qui induira des refus !
Attention ! Les réserves d’une graminée se situent au niveau du plateau de tallage et à la base des tiges. Si les animaux pâturent trop bas, ils vont entamer les réserves et pénaliser la repousse de la plante, voire sa pérennité !
Quelques repères pour éviter le surpâturage :
- Ne pas descendre en dessous de 5 cm à l’herbomètre.
- Pâturer moins de 50 % de la surface foliaire.
- Rester moins de 3 jours par paddock :
- J1 -> la plante est pâturée.
- J4 -> la plante redémarre un nouveau cycle en mobilisant ses réserves.
Les valeurs alimentaires (azote et l’énergie) nécessaires aux animaux sont surtout contenues dans le limbe.
À quelle hauteur faire pâturer l'herbe ?
Le meilleur moment est très difficile à déterminer, c’est une question de « coup d’œil » ; on peut dire, en général, que le meilleur moment pour le pâturage se situe entre 8 et 14 centimètres de hauteur.
En fait, dans la pratique, cette hauteur sera souvent supérieure en début de saison et inférieure en arrière saison :
De plus, les dates de mise à l’herbe ne dépendent pas que de la hauteur de cette herbe ; elles sont aussi fonction des conditions climatiques, si le temps est sec et que l’herbe végète, il faut bien que les vaches mangent quand même.
Pour un pâturage de qualité, on s’efforcera de laisser à la plante un temps de repos suffisant pour qu’elle puisse reconstituer ses réserves et repartir dans de bonnes conditions.
Au vu de la composition des prairies françaises, on sait aujourd'hui qu’en moyenne au stade 3 feuilles, les réserves de la talle sont reconstituées et qu’après, la valeur alimentaire décroît.
Le stade 3 feuilles est un bon stade pour faire pâturer une graminée afin de conserver de bonnes performances animales sans dégrader le potentiel de la prairie.
Prévoir et organiser son pâturage
Diviser la prairie en plusieurs paddocks
Quand on établit le plan d’un pâturage, il faut d’abord fixer le nombre de paddocks. On en déduit ensuite leur surface. C’est en effet le nombre des paddocks , et non leur surface qui détermine les temps de repos des parcelles.
Idéalement, on prendra le temps nécessaire pour l’herbe d’atteindre une hauteur de 8 à 14 cm pour déterminer le temps de repos de la parcelle.
Ce temps de repos à observer n’est pas fixe au cours de l’année, il varie selon les saisons, le contexte pédo-climatique et les années.
Il pourra être, à titre d'exemples :
- De 18 à 21 jours au printemps.
- De 35 jours en été.
- De 40 jours à l’automne.
Il est intéressant que les animaux les plus productifs soient placés dans des conditions leur permettant de récolter davantage d’herbe ; la division du troupeau en groupes permet d’atteindre cet objectif : les vaches les plus productives ou en pleine lactation passent d’abord pour « écrémer » l’herbe et les autres viennent derrière.
Il faut bien noter que cette division du troupeau en groupes diminue peu les temps de repos.
Si on a, par exemple, un système avec vingt parcelles et un troupeau séjournant deux jours sur chaque parcelle, le temps de repos pour chaque parcelle est de 20 jours au total moins une parcelle occupée, c’est-à-dire 19, multiplié par le temps de séjour qui est ici de deux jours ; on aboutit donc à un temps de repos de 38 jours pour chaque parcelle.
Nombre de parcelles au repos x temps de séjour = temps de repos
Avec 2 groupes le temps de repos devient : (20 – 2) x 2 = 36 jours.
Et avec 3 groupes : (20 – 3) x 2 = 34 jours.
On voit donc que le temps de repos de l’herbe est peu modifié par le nombre de groupes qui pâturent.
Quel est le meilleur temps de séjour et le nombre de groupes optimum ?
C’est évidemment variable selon les conditions locales, la composition et l’importance du troupeau, etc. On peut cependant donner, comme solution moyenne, 2 jours de séjour avec un troupeau divisé en 2 groupes, mais il va de soi que ceci est une solution moyenne et c’est à chaque agriculteur d’adapter les principes de base à son cas propre en ayant toujours comme souci de respecter le temps de repos de l’herbe.
Il faut également que la parcelle soit convenablement broutée, ni trop, ni trop peu, et ce facteur peut, lui aussi, entraîner une variation du temps de séjour.
Nombre de parcelles nécessaires selon le nombre de groupes :
Temps de séjour d'un groupe | 1 groupe | 2 groupes | 3 groupes |
---|---|---|---|
1 jour | 37 parcelles | 38 parcelles | 39 parcelles |
2 jours | 19 parcelles | 20 parcelles | 21 parcelles |
3 jours | 13 parcelles | 14 parcelles | 15 parcelles |
4 jours | 10 parcelles | 11 parcelles | 12 parcelles |
Les clôtures
Il est bon que chaque grande parcelle à diviser soit entourée par une clôture fixe en fil de fer ou une haie ; les clôtures servant à délimiter les parcelles du rationnement sont plus légères pour qu’on puisse les déplacer au début, pendant la période de tâtonnement et même par la suite, si le besoin s’en fait sentir.
La clôture électrique est évidemment une clôture mobile pratique, bien que pas toujours très sûre.
Le problème de l’eau
Il faut s’arranger pour que le ou les groupes puissent s’abreuver en permanence.
Divers systèmes sont possibles, en voici trois exemples théoriques simples, modifiables et adaptables.
Remarques : Sur la figure B, on remarque que les vaches sont dans la parcelle 2 et que l’ouverture de la barrière de cette parcelle qui permet de libérer les animaux vers le point d’eau les empêche en même temps de revenir en arrière dans le couloir d’accès, évitant ainsi que ce dernier soit trop piétiné. Dans le cas de la figure C, le point d’eau le plus commode est constitué par un ensemble : puits/grand bac/pompe mue par une éolienne dans les régions où il y a suffisamment de vent.
La mise à l’herbe
Elle doit toujours être progressive pour éviter les accidents, mais la mise à l’herbe dans le cas du pâturage rationnel doit être conduite avec un soin particulier ; en effet, si on attend que l’herbe des premières parcelles ait suffisamment poussé pour y mettre les animaux, les dernières parcelles de la première rotation risqueraient d’avoir une herbe durcie et trop longue.
Au contraire, si on les fait pâturer trop tôt, on risque de retarder la repousse de l’herbe. Il faut donc trouver un juste milieu et faire pâturer les premières parcelles un peu avant que l’herbe ait atteint sa longueur optimale.
On peut également résoudre partiellement le problème en faisant au début de l’année des apports de purin ou lisier fermentés en conditions aérobies ou au moins très étendus d’eau, à des doses variables selon les parcelles.
On effectue les apports les plus importants dans les parcelles pâturées les premières. Les dernières ne recevront qu’un faible apport.
On a ainsi une repousse progressive de l’herbe et, à la deuxième rotation, les premières parcelles, fortement soutenues par le purin, auront bien repoussé. Ceci suppose bien sûr qu’on dispose de lisier ou de purin au bon moment.
Le déprimage d’une partie des parcelles est aussi une solution pour retarder leur démarrage et, dans certains cas, pour limiter le salissement. Il faut veiller à ce qu’il soit effectué dans de bonnes conditions.
La date de mise à l’herbe a une influence sur la flore de l’herbage, car selon qu’une plante est cisaillée à une période plus ou moins sensible de sa végétation, elle repoussera plus ou moins bien, sera dominée par les autres herbes ou, au contraire, les étouffera.
Il importe donc de faire la mise à l’herbe chaque année sur des parcelles différentes pour que des différences de flore entre les parcelles ne se fassent pas peu à peu sentir au cours des années.
Gestion de la variation d’herbe entre les saisons
Si l’herbe pousse plus vite que prévu, il ne faudra pas hésiter à prolonger un peu le temps de séjour. Dans le cas contraire, on le diminuera et on fera appel à une autre parcelle mise en réserve ou à une source alimentaire extérieure à la surface de l’herbage.
Plusieurs méthodes permettent de maintenir un apport en nutriments constants au troupeau malgré les variations saisonnières de l’herbe à pâturer.
La variation du nombre des parcelles broutées
Cette technique consiste à faucher certaines parcelles au printemps, pour avoir du foin et à les faire pâturer ensuite au fur et à mesure des besoins : c’est le pâturage des regains.
Exemple : On veut un temps de repos de 42 jours en fin d’été et de 18 jours au printemps.
On obtient cette modification uniquement par la variation du nombre de parcelles pâturées.
Si le temps d’occupation est de 2 jours, il faut :
- en septembre au repos 42 : 2 = 21 parcelles avec, en plus, la parcelle occupée cela fait 22 parcelles ;
- au printemps, seulement 18 : 2 + 1 = 9 + 1 = 10 parcelles.
Au printemps, il y aura donc 12 parcelles qui seront fauchées et introduites dans la rotation au fur et à mesure des besoins en cours d’été.
Le nombre de parcelles fauchées sera également fonction des besoins en foin de l’exploitation.
D’une façon générale, il ne faut pas prévoir le nombre des parcelles « trop juste » pour éviter par exemple d’être à la merci d’une sécheresse inattendue.
Pâturage de prairies temporaires ou de couverts
Sur les exploitations de polyculture-élevage pratiquant l’agriculture biologique, il est généralement nécessaire d’introduire la prairie temporaire à base de légumineuses dans la rotation.
Ces prairies temporaires peuvent servir à compenser les fluctuations de la pousse de l’herbe soit sous forme de renfourrage en vert à l’étable ou à la stabulation soit sous forme de pâturage.
Introduction de fourrages verts
Choux de printemps et d’hiver, colza, féverole, navette, etc. et les engrais verts utilisables comme fourrages.
À chaque agriculteur de les utiliser au mieux selon les conditions de son exploitation.
L’affouragement avec des aliments secs
Le renfourrage avec des aliments secs (foins, céréales) doit normalement être réservé à l’alimentation hivernale, mais il peut se faire, lors d’années à conditions climatiques extrêmement mauvaises qu’on soit obligé de le pratiquer pendant la saison de plein pâturage.
Ceci doit rester, en élevage biologique de bovins, une pratique liée aux conditions climatiques et ne pas devenir une forme d’intensification toujours risquée vis-à-vis de la santé des animaux et de la qualité des produits laitiers.
Différents types de pâturage tournant
Tournant, dynamique, fil avant/fil arrière, différentes pratiques mises en œuvre pour obtenir un même but : offrir régulièrement aux animaux une nouvelle surface pour pâturer de l’herbe de qualité, faite de jeunes pousses, gage d’un aliment équilibré et riche.
Stade | Valeur énergétique | Valeur azotée |
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Feuillu | 0,97 UFL/kg MS | 17% MAT |
Début épiaison | 0,89 UFL/kg MS | 13% MAT |
Floraison | 0,66 UFL/kg MS | 9% MAT |
Pâturage tournant dynamique
Plusieurs pâtures sont exploitées chacune à leur tour afin de laisser reposer la parcelle le temps d'une reprise de végétation de l'herbe[2].
Adaptation
- Lait : Minimum 6 paddocks au printemps avec un temps de présence de 3-4 jours. L'accès aux paddocks doit se faire facilement.
- Viande : Minimum 4 paddocks au printemps avec un temps de présence de 5-6 jours.
Avantages | Inconvénients |
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Pâturage tournant rationné[2]
Pâturage tournant + fil avant.
Adaptation
- Lait : Utilisé pour offrir un menu en herbe nouvelle chaque jour ou chaque repas aux animaux.
- Viande : Peu utilisé
Avantages | Inconvénients |
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Pâturage rationné, fil avant, fil arrière
Délimiter l'herbage sur une parcelle par un ou deux fils que l'éleveur doit déplacer chaque jour[2].
Adaptation
- Lait : Plus rarement utilisé à cause de la contrainte en temps de travail journalier.
- Viande : Pas ou très peu utilisé.
Avantages | Inconvénients |
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Pâturage cellulaire
Principe du pâturage fil avant/fil arrière, avec des cellules préétablies (chargement instantané très élevé et avec un temps de séjour très court)[2].
Adaptation
- Lait : Encore peu développé mais possible.
- Viande : Encore peu développé mais possible.
Avantages | Inconvénients |
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Articles dans cette thématique
Pour aller plus loin
- Guide du pâturage - Herbe et fourrages Centre
- Le pâturage tournant dynamique (2020)
- Ecoutez le podcast des Chambres d'agriculture de Normandie sur le sujet en cliquant ici.
Sources
- Chambre d'agriculture de Lorraine.2018.Pâturage tournant : ce qu'il faut savoir
- Olivier Leray et al.2017.Présentation des différentes techniques de pâturage selon les espèces herbivores utilisatrices
- Joseph Pousset - Association Nature et Progrès,AGRECO, GRAB.2009.Le pâturage « tournant » : importance, conception et conduite.