Implanter des cultures intermédiaires pièges à nitrates
1. Présentation
Une culture intermédiaire piège à nitrates (CIPAN) est une culture temporaire de plantes à croissance rapide destinées à protéger les parcelles entre deux cultures de vente.
Caractérisation de la technique
Description de la technique :
Implanter un couvert à l'interculture qui va capter de l'azote minéral avant l'entrée en période de drainage (automne / hiver), et ainsi limiter sa lixiviation.
Le couvert peut être constitué d'une seule espèce (moutarde, phacélie, avoine...) ou d'un mélange d'espèces permettant de cumuler les qualités de chacune (systèmes racinaires différents permettant d'absorber l'azote dans différents horizons, espèce à installation rapide et espèce plus "pérenne"...).
Le couvert peut être détruit par le gel, mécaniquement (broyage, roulage, labour...) ou chimiquement. La quantité d'azote absorbée est fonction de l'azote disponible dans le sol et de la biomasse produite.
L'azote absorbé sera ensuite restitué progressivement après destruction du couvert, au fil de la minéralisation des résidus. Une partie sera disponible pour la culture suivante.
Exemple de mise en œuvre :
Dans le cas d'une succession "blé tendre d'hiver => orge de printemps" : Implantation de moutarde entre un blé tendre et une culture de printemps. Le semis est réalisé fin août / début septembre à la volée, à raison de 10 kg/ha. Le couvert est broyé début décembre.
Précision sur la technique :
Cultures intermédiaires
Avoine diploïde, Cameline, Fenugrec, Gesse, Moutarde printemps, Navette, Phacélie, Ray-grass d'Italie, Vesce commune...
Période de mise en œuvre
Pendant l'interculture
Echelle spatiale de mise en œuvre
Parcelle
Application de la technique à...
Toutes les cultures :
Généralisation parfois délicate
La période d'interculture doit être assez longue pour permettre le semis du couvert, son développement et sa destruction suffisamment longtemps avant le semis de la culture suivante pour éviter un déficit hydrique ou azoté lié à la minéralisation des résidus, des phénomènes d'allélopathie (exemple : moutarde avant maïs). L'implantation de CIPAN se justifie donc particulièrement pour des intercultures longues, laissant le sol nu pendant la période de drainage, comme par exemple entre une culture récoltée à l'été et une culture implantée au printemps de l'année suivante.
Après la récolte d'une culture de printemps, aucune espèce de CIPAN semée fin octobre ne pousse suffisamment vite pour produire une biomasse suffisante qui piège une quantité d'azote significative avant la reprise du drainage. Dans ce cas, il existe la possibilité d'implanter du ray-grass ou de la navette dans le maïs au stade 5-10 feuilles, à l'aide d'une bineuse équipée d'un système de semis à la volée et d'un rappuyage avec un peigne. La CIPAN germe avant que la végétation du maïs ne se referme et repart en septembre quand le maïs se dessèche. La CIPAN couvre le sol après la récolte du maïs. Mais cette technique de sous-semis dans le maïs a une réussite très aléatoire selon les conditions météo (dessèchement de la CIPAN si trop sec, attaques de limaces si trop humide).
Tous les types de sols :
Généralisation parfois délicate
L'implantation de CIPAN peut se justifier sur tous type de sol. Cependant, sur certains sols (ex. argileux), l'implantation ou la destruction du couvert peuvent être très délicat. Il sera nécessaire de raisonner judicieusement les espèces implantées (ex. gélives) et la technique de destruction (gel, broyage, ...).
Tous les contextes climatiques :
Généralisation parfois délicate
La réussite de la technique est conditionnée par une pluviométrie suffisante à l'automne (septembre-octobre) pour permettre un développement du couvert avant l'hiver.
Dans des contextes pédo-climatiques soumis à de forts déficits hydriques en été (Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes), la levée et le développement du couvert sont parfois délicates.
Réglementation
POSITIVE
Le 4ème programme d'action de la directive nitrate impose, dans la majorité des départements, la couverture totale des sols pendant l'hiver en zone vulnérable depuis 2012. Les repousses de colza sont considérées comme une couverture.
2. Effets sur la durabilité du système de culture
Critères "environnementaux"
Effet sur la qualité de l'air :
Variable
émission GES : VARIABLE
Effet sur la qualité de l'eau :
Variable
N.P. : DIMINUTION
pesticides : VARIABLE
Effet sur la consommation de ressources fossiles :
Variable
consommation d'énergie fossile : VARIABLE
Autre :
Pas d'effet (neutre)
Air : L'implantation et la destruction du couvert entrainent des émissions de GES liées à la consommation de carburant, mais permet aussi de stocker du carbone (si développement du couvert) et de diminuer les émissions de N2O indirectes. Le bilan GES est donc "variable" à l'échelle de la culture.
Eau : L'impantation de CIPAN permet de réduire fortement le transfert d'azote par lixiviation et dans une moindre mesure le phosphore. Cependant, en cas d'implantation d'espèces non gélives, la destruction du couvert peut nécessiter l'emploi d'herbicides.
Energie fossile : L'implantation et la destruction du couvert entrainent une consommation de carburant plus importante que le maintien du sol nu pendant l'interculture. Mais l'ameublissement du profil par le couvert peut autoriser un travail du sol réduit pour l'implantation de la culture suivante. De plus, en fonction du choix des espèces, cette technique permet de diminuer les apports d'azote minéral sur la culture suivante et diminue ainsi la consommation d'énergie fossile pour produire de l'azote minéral.
Biodiversité : Augmentation
Le choix d'espèces mellifère peut contribuer à nourrir des insectes pollinisateurs.
Critères "agronomiques"
Productivité :
Variable
En cas de destruction trop tardive, la culture intermédiaire peut provoquer des effets dépressifs sur la culture suivante (disponibilité en eau et en azote). Certaines cultures intermédiaires peuvent également présenter un effet allélopathique sur la culture suivante.
Mais si la date de destruction est suffisamment précoce et le choix du couvert adapté, le couvert présente un effet neutre à positif sur la culture suivante.
Fertilité du sol :
En augmentation
L'azote capté par le couvert pendant son développement est restitué progressivement après sa destruction. Une partie sera directement disponible pour la culture suivante.
Le couvert permet aussi d'améliorer la disponibilité en phosphore et en potasse pour la culture suivante (remobilisation des éléments).
Stress hydrique :
Variable
Le prélévement d'eau pendant le développement du couvert peut augmenter le déficit hydrique. La destruction du couvert devra être adaptée au type de sol et aux exigences en eau de la culture suivante.
Biodiversité fonctionnelle :
En augmentation
La biodiversité végétale domestique est accrue par l'implantation d'espèces différentes des cultures principales. De plus, la culture intermédiaire constitue un couvert favorable à de nombreuses espèces animales (avifaune, petit gibier, micro et macrofaune...).
Autres critères agronomiques :
Variable
Pression maladies : variable
L'implantation de cultures intermédiaires permet de "casser" les rotations et ainsi le cycle des maladies (ex. fusarioses, piétins) dans les rotations céréalières. Cependant, le couvert peut aussi accroitre la pression maladies si les espèces implantées sont hôtes des mêmes pathogènes que les cultures principales (implantation de crucifères dans des rotations à fréquence de retour en colza élevée, avoine ou seigle dans des rotations à base de céréales à paille, certaines légumineuses dans des rotations incluant du pois, ...).
Pression ravageurs : variable
L'implantation de cultures intermédiaires peut permettre de diminuer ou réguler la présence de certains ravageurs (ex. nématodes de la betterave // moutarde et radis anti-nématodes). Cependant, le couvert peut aussi accroitre la présence de certains ravageurs (limaces, tenthrèdes, altises, pucerons) en constituant un lieu de refuge et de nourriture.
Pression adventices : variable
Une cipan qui démarre vite et couvre bien le sol peut concurrencer les adventices. A l'inverse, un couvert qui ne se développe pas bien laisse la place au adventices tout en empêchant de pratiquer des déchaumages.
Structuration du sol : Augmentation
Le développement du système racinaire du couvert favorise la restructuration du sol.
Critères "économiques"
Charges opérationnelles :
En augmentation
En fonction de l'espèce ou du mélange d'espèces choisit, le coût de semences peut varier de 10 à 100 €/ha.
Charges de mécanisation :
En augmentation
Le coût de l'implantation peut varier de 0 €/ha (semis à la récolte sous la coupe) à 60 €/ha (semis direct). Le coût de destruction varie également de 0 €/ha (gel) à 30 €/ha (broyage + enfouissement).
Marge :
En diminution
Les restitutions d'azote pour la culture suivante suite à la destruction du couvert ne couvrent généralement pas les charges liées à son implantation et sa destruction.
La marge globale à court terme sera donc diminuée, cependant les effets "à long terme" sont difficilement quantifiables et chiffrables et ne sont généralement pas pris en compte dans le calcul des marges (restructuration, limitation érosion, vie du sol, ...). Le couvert peut aussi être valorisé (récolte, fourrages, ...).
Autres critères économiques :
Variable
Consommation de carburant : variable
L'implantation et la destruction du couvert entrainent une consommation de carburant plus importante que le maintien du sol nu pendant l'interculture. Mais l'ameublissement du profil par le couvert peut autoriser un travail du sol réduit pour l'implantation de la culture suivante.
Critères "sociaux"
Temps de travail :
Variable
En fonction du mode d'implantation et de destruction, la charge de travail peut être plus ou moins importante que celle liée à la réalisation de faux-semis en interculture.
Temps d'observation :
Pas d'effet (neutre)
3. Pour en savoir plus
- Choisir son interculture : quelques pistes de réflexion
- -Maurice R. (CRA Pays de la Loire) Brochure technique, 2006 lien vers la brochure
- Couverts végétaux en intercultures : 6 clés de réussite
- -Riou V., Fourmond S., (CA 49), Cornuault F. (UDCUMA Pays de la loire) Anjou Cultures n°134, Article de presse, 2009
- Couvrir les sols en automne
- -Bodilis A.M. (Arvalis), Fougère M. (CA 44),Cozannet H. (CA 49), Lebreton J.C. (CA 53), Gendry M. (CA 72), Chauvin M. (CA 85), Moinaud H. (CRA Pays de la Loire) Brochure technique, 2003
- Cultures intermédiaires : La protection des eaux pour un surcoût de 20 à 45 €/ha
- -Labreuche J., Laurent F., Moquet M., Protin P.V., Aubrion G. (Arvalis) Perspectives agricoles n°321, p22-29, Article de presse, 2006 lien vers l'article
- Effets sur le stock d'azote minéral dans le sol - Aptitude à piéger le nitrate et à contribuer à l'alimentation azotée de la culture suivante
- -Cohan J.P., Castillon P. (arvalis) Perspectives agricoles n°357, p 30-36, Article de presse, 2009 article payant
- Fiche n°9 : Conduite de l'interculture
- -Coufourier N., Lecomte V., Le Goff A. (CA76), Pivain Y. (CA27), Lheriteau M., Ouvry J.F. (AREAS) AREAS, Brochure technique lien vers la brochure
- Gestion du couvert végétal : Profiter au maximum de l'effet azote
- -Delpech C. Cultivar n°530, p14-15, Article de presse, 2002
- Guide cultures intermédiaires pièges à nitrates
- -CRA Bretagne Brochure technique, 2009 lien vers la brochure
- Les CIPAN bien plus que des pièges à nitrates
- -Vanhaesebroucke R. Horizons, Article de presse, 2010
- Les cultures intermédiaires : mieux gérer l'interculture pour un bénéfice agronomique et environnemental
- -Minette S. (CRA Poitou-Charentes) Brochure technique, 2009 lien vers la brochure
- Pertes d'azote par lessivage - Cultures intermédiaires : une efficacité immédiate et durable
- -Laurent F., Fontaine A. (Arvalis) Perspectives agricoles n°327, p26-30, Article de presse, 2009 article payant
- Piège à nitrate ou couvert végétal : la date de destruction guidée par l'objectif agronomique
- -Labreuche J. (Arvalis) Perspectives agricoles n°295, p26-28, Article de presse, 2003 article payant
- Que devient l'azote piégé par les CIPAN ?
- -Hanocq D. Cap Agri, Article de presse, 2009
Annexes
Favorise les bioagresseurs suivants
- Altise du colza
- Charbon des inflorescences
- Limace
- Petite altise
- Puceron cendré du chou
- Puceron vert du feuillage
- Rouille couronnée
Défavorise les bioagresseurs suivants