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Les CDI ou couverts permanents comme outil de résilience économique et environnementale de l’exploitation

De Triple Performance
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La ferme du Grand Milly, polyculture élevage dans les Deux-Sèvres, est en semis direct depuis les années 2000, et a récemment mis en place une technique innovante : les Couverts à Durée Indéterminée (CDI), parfois appelés couverts permanents. Nous détaillons cette technique dans cet article et comment elle sert la résilience de l’exploitation, notamment d’un point de vue économique, de vulnérabilité au changement climatique et d’autonomie fourragère et protéique pour l’élevage.

Contexte de la mise en œuvre

Historique et motivation

La ferme du Grand Milly est une exploitation familiale. Elle est implantée au cœur de la région bocagère des Deux-Sèvres, à la frontière entre les petites régions agricoles du bocage de Bressuire et de la Gâtine, là où le paysage agricole plutôt vallonné est propice à l’élevage. Auparavant spécialisé en élevage bovin lait, le grand-père de Pierre Cogny passe à un élevage allaitant de charolaises en 1967. À l'époque, ce sont 35 ha qui étaient cultivés. Ce choix a été motivé par des problèmes de brucellose sur les vaches laitières. Les cultures de l’époque étaient sous système conventionnel classique avec du ray-grass, du maïs et des céréales à paille.



  • 2007 : Installation de Pierre Cogny, en poursuivant la démarche de son père : il a continué les couverts végétaux et est passé au semis direct intégral, technique que son père avait initiée. L’arrêt de la fertilisation en phosphore et potassium s’est faite à peu près au même moment, tant et si bien que Pierre n’en a presque jamais épandu, de façon très occasionnelle sur maïs. Il a également réussi, grâce à l’ACS, à réduire la fertilisation en azote, passant de 170 UN sur blé à 80 aujourd’hui. La stratégie bas intrants est aujourd'hui centrale sur l’exploitation, motivée d’abord par des motifs économiques (les marges brutes des cultures sont supérieures avec moins d’intrants, voir plus bas dans l’article) puis environnementaux.

Pierre n’a presque pas changé les productions de l’exploitation, bien qu’il ait aujourd’hui arrêté totalement de cultiver des cultures de printemps, jugeant celles-ci trop sensibles à la sécheresse et aux gelées tardives.


  • 2021 : Pierre met en place les CDI (Couverts à Durée Indéterminée). Cette dernière est détaillée plus bas.


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Système de culture sous CDI

Les CDI dans l’assolement

Assolement en 2022.

Les 20 ha de prairies naturelles ne rentrent pas dans la rotation de culture. Ainsi, les cultures se succèdent sur les 41 hectares restants. Pierre n’a pas de rotation bien définie, mais celle qui est en train de se mettre en place avec la technique des CDI, est un colza suivi de deux à trois céréales à paille (blé d’hiver ou orge d’hiver). Pour l’instant, toute sa surface en cultures n’est pas consacrée aux CDI. Par exemple, l’orge et les méteils ne le sont pas.


Récolte des mélanges fourragers

Dans une logique d’adaptation aux sécheresses estivales, Pierre a mis en place en 2021, les premiers essais de couverts à durée indéterminée sur 30% de sa surface en cultures de vente. Le terme de CDI est généralement préféré à "couverts permanents" dans les réseaux ACS car il illustre le caractère indéterminé de la durée du couvert. L’objectif est de garder ce dernier plusieurs années, mais la durée peut varier selon l’espèce, les conditions culturales, climatiques,... Cette technique vient en réponse à la difficulté croissante de réussir les couverts d’intercultures annuels d’été, avec les étés de plus en plus secs.

En mai 2021, les premières parcelles ont été implantées en CDI, après la récolte en enrubannage des mélanges fourragers (seigle, blé, vesce, trèfle squarrosum), au lieu du tournesol, qui auparavant, était conduit en double culture. Cependant, en 2022, Pierre a semé les nouvelles parcelles de CDI avec un colza (10 ha), et c’est cette technique d’implantation qu’il préférera à l’avenir. Les trois espèces utilisées en CDI sont la luzerne, le trèfle violet et le lotier. L’itinéraire technique de la luzerne sera le suivant pour les trois prochaines années :


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L’objectif de la technique est de garder le CDI 4 ans, avec un colza, deux blés et une orge.

Chez Pierre, les céréales à paille sont généralement semées mi-octobre. C’est plus tôt qu’un semis conventionnel, car avec le système de semis direct, les cultures d’hiver sont plus lentes à se développer en début de cycle. La totalité des semences des cultures annuelles (céréales et colza) sont des semences fermières. Pour les cultures fourragères (lotier, luzerne, trèfle violet) ce n’est pas le cas car il est difficile de les récolter en graine et Pierre ne cherche pas à produire les graines de ces espèces. Le choix des semences fermières s’est fait par souci économique mais en contrepartie, Pierre augmente les densités de semis de 25% pour assurer une levée suffisante. En effet, ces semences ont quelques impuretés et un taux de germination plus faible que des semences certifiées, une plus haute densité permet donc d’assurer un nombre de pieds suffisants à la levée. Seulement quelques hectares sont parfois semés avec de la semence certifiée pour le renouvellement de la génétique.

La luzerne

Dans le blé

En 2022, les 14 ha de blé ont été semés à 160 kg/ha début octobre. Avec le colza, ces cultures de vente ont donc été semées en association avec des CDI. Pierre utilise principalement de la luzerne pour des raisons bien particulières. En effet, son territoire est froid et humide au printemps, il limite donc les espèces de printemps qui ont du mal à démarrer et qui peuvent geler. Les saisons estivales étant de plus en plus sèches, il avait aussi besoin d’une plante qui soit tolérante à la sécheresse. N'ayant pas la possibilité d’avoir recours au désherbage mécanique pour faire face à l’enherbement, il lui fallait choisir une espèce avec une bonne couverture au sol qui puisse étouffer les adventices. Le blé étant une culture rémunératrice pour les agriculteurs, il fallait également une espèce qui s’associe bien avec, qui soit bénéfique à sa croissance, en lui offrant des exsudats racinaires riches en azote. L’intérêt de la luzerne est également d’avoir un bon potentiel de production de fourrage afin de nourrir ses bêtes. C’est pour toutes ces raisons que cette espèce est le CDI majoritaire sur les parcelles concernées.

Dans le colza

Concernant l’implantation de la luzerne dans le colza, le semis est réalisé séparément, en perpendiculaire, afin d’optimiser le recouvrement du sol. Aussi, après la récolte du colza, les pailles de celui-ci sont exportées du champ, pour que la luzerne puisse bien se développer, sans concurrence de lumière. Comme il est notifié sur l'itinéraire technique, tout au long des 4 ans où la luzerne reste en place, il est nécessaire de calmer la luzerne avec des désherbages chimiques (1 litre de glyphosate), afin que celle-ci laisse de la place au développement de la culture de vente.

Aucun fongicide ou insecticide n’est épandu sur les parcelles en CDI, ni sur le reste de l’exploitation car le système ACS permet de s’en passer en favorisant la régulation biologique.

Cependant, dans les parcelles drainées, Pierre préfère semer en tant que CDI du trèfle violet, pour éviter que la luzerne ne bouche les drains, avec son système racinaire profond.


Parcelle implantée colza-trèfle violet en 2022 (photo au 8 octobre 2022).


Parcelle implantée colza-trèfle violet en 2022 (photo au 22 janvier 2023).


Dans les parcelles sablo-limoneuses, légèrement acides, le lotier semble être un CDI plus adapté, et c’est cette espèce que Pierre préfère à la luzerne.

Suivi blé-luzerne - 1ère année

Parcelle implantée en luzerne en mai 2021, après le mélange fourrager, semis 1ère année blé 2021 (photo d’octobre 2021).
Parcelle implantée en luzerne en mai 2021, après le mélange fourrager, semis 1ère année blé 2021 (photo de février 2022).


Parcelle de blé-luzerne, 1ère année, (photo de mai 2022).


Récolte du blé sous couvert de luzerne, 1ère année (photo du 10 juillet 2022). Les andains de paille de blé + luzerne ont ensuite été enrubannés.

Suivi blé-luzerne - 1ère année

Parcelle de blé-luzerne, semis de blé 2ème année (photo du 12 octobre 2022).


Parcelle de blé-luzerne, blé 2ème année (photo du 10 février 2023).

Focus sur le semoir

Sur la ferme, les CDI sont implantés avec un semoir de semis direct brésilien. Il s’agit d’un Semeato TDNG 300E. Pierre l'a acheté d'occasion et la fait venir de l’Est de la France. Il est équipé de trois trémies mais Pierre n’en utilise qu’une. Ainsi, les semences de CDI et de cultures de vente sont mélangées dans la même trémie. La vitesse de semis est 5 km/h.

Une fertilisation minérale limitée grâce aux CDI

La présence de l’élevage sur cette exploitation, avec le cheptel de vaches allaitantes (35) et l’atelier d’engraissement de jeunes bovins, offre des fertilisants organiques. Le fumier est composté sous bâche afin d’avoir une texture meuble compte tenu du fait que Pierre est en système semis direct. Le bâchage est une solution pour un bon compostage car il limite les pertes en éléments minéraux par la pluie et permet d’avoir un substrat solide, concentré, facile à épandre et qui ne nécessite pas d'enfouissement. Le compostage favorise également l’assimilation de l’azote. Chaque parcelle en céréales à paille reçoit du fumier qui est épandu à l’automne car Pierre limite au maximum les passages sur la période printanière. C’est une période humide, les passages de tracteur tassent le sol. En plus, les CDI sont des légumineuses pluriannuelles qui fixent continuellement de l'azote et le relâchent par exsudats racinaires dans le sol, ce qui est profitable à la culture de vente en place au même moment.

La fertilisation azotée est marginale, elle est effectuée avec de l’urée. Seulement 80 unités d’azote minéral sont apportées en 2 passages, le premier 10-15 février et le second fin mars. Dans un contexte de hausse des prix des engrais azotés, valoriser au mieux l’azote permet de viser un optimum économique. Ainsi, sur la ferme, l’efficience azotée ou encore appelée efficience agronomique (définie par le rapport entre le rendement de la culture (blé) et la quantité d'azote appliquée) est de : Rendement/Nmin*100, soit une moyenne de 65Qx/80*100 = 81,25%.

En ce qui concerne la fertilisation en phosphore et potassium, Pierre a fait le choix de ne plus en faire, les apports réguliers de compost de fumier de bovins semblent couvrir les besoins.

Avantages et limites

Les avantages des CDI sont nombreux. Ils permettent :

  • Une couverture de sol, vivante en tout temps.
  • Des ressources fourragères supplémentaires.
  • La possibilité de faire plus de céréales à paille dans une rotation.
  • Une meilleure résilience de l’exploitation…

Tout cela est détaillé plus bas.


La technique comporte tout de même des limites :

  • Ce n’est pas une technique simple. Dans le numéro 118 de la revue TCS, Nicolas Courtois (AgriGenève) identifie 5 points critiques pour la réussite de la technique :
    • Réussir l’implantation (sous colza généralement).
    • Obtenir une couverture de sol à 100% après le colza.
    • Etre le plus propre possible en adventices notamment graminées.
    • Faire en sorte que le CDI ne concurrence pas les cultures de vente et de manière générale bien gérer le CDI.
  • Il faut identifier la bonne espèce à mettre en couvert selon les caractéristiques des parcelles.
  • La récolte de la culture de vente peut aussi être rendue compliquée par une fourragère trop développée, notamment en cas d’année humides.
  • Dans le cas de Pierre Cogny, un point d’attention pourrait être soulevé pour la matière organique. En effet, beaucoup de biomasse est exportée (3 coupes de luzerne + paille et grains de blé en 2022), là où le retour de fumier est limité.

Relation culture / élevage : ressources fourragères supplémentaires

A côté des cultures, la ferme du Grand Milly compte une trentaine de vaches allaitantes et sa suite. L’élevage n’est plus la production principale de l'exploitation mais c’est une des productions historiques de la ferme (depuis 1967). De plus, elle donne de la cohérence au système par sa complémentarité avec les cultures de vente. Afin de rendre plus facile son travail auprès du troupeau, Pierre a opté pour une race assez rustique (la Charolaise) et sélectionne son troupeau avec beaucoup d'attention sur l'aptitude au vêlage. Ainsi, Pierre n'a connu qu’une seule césarienne depuis le début de sa carrière.

L’autonomie alimentaire

Avec 35 vaches et sa suite (génisses et jeunes bovins mâles de 0 à 2 ans) Pierre compte 50,5 UGB sur son exploitation pour un chargement apparent de 1,7 UGB/ha de SFP (Surface Fourragère Principale). C’est à peu près le chargement moyen qu’on retrouve dans les systèmes bovins viande naisseur/engraisseur de l’Ouest de la France[1]. Cependant, c’est souvent le maïs ensilage qui permet à ces systèmes d’augmenter leur productivité à l’hectare. Contrairement à ces systèmes, Pierre a choisi de ne plus faire de maïs ensilage (depuis 2016) car c’est une plante trop gourmande en eau et pour laquelle la semence coûte cher. De plus, les étés de plus en plus secs rendent sa culture difficile.

Pour nourrir ses animaux, en plus de ses prairies naturelles à faible production, il valorise ses couverts à durée indéterminée. Ainsi, la luzerne et le trèfle violet sont fauchés puis récoltés sous forme d’enrubannage deux à trois fois après la moisson (une seule fois l’année d’implantation). Ce fourrage supplémentaire récolté ne vient pas de la SFP car il est cultivé sur les parcelles de cultures de vente mais permet de nourrir une bonne partie du troupeau avec un fourrage de qualité (mélange paille légumineuse ou légumineuse pure). À titre d’exemple, en 2022 sur une parcelle de 3,1 ha de luzerne semée avec du blé tendre d’hiver, en plus des 7 tonnes/ha de grain, environ 10t de MS de fourrages par hectares ont été récoltés en trois coupes. Sur l’ensemble de la parcelle, cela représente une production d’environ 33t de MS de fourrages, soit plus de 10% des besoins du troupeau.

À côté de ça, l’exploitation compte 5 ha de prairies temporaires composées de fétuque élevée (25 kg/ha) et trèfle blanc (2.5kg/ha) et 4,5 ha de méteil fourrager composé de blé tendre (80 Kg/ha), vesce (10 Kg/ha), trèfle violet (10 Kg/ha). L'augmentation des CDI avec les 10 ha de luzerne supplémentaires semées avec le colza en 2022 pourra permettre à terme de se passer de méteil fourrager et ainsi augmenter la part de l'assolement dédié aux cultures de vente.

Grâce à ce système, Pierre est totalement autonome en ce qui concerne l'alimentation fourragère du troupeau mais aussi l'alimentation en concentrés puisqu’il autoproduit ses 30 t d’orges consommées par le troupeau. Aucune complémentation minérale n’est donnée aux animaux, seuls des blocs de sel sont à leur disposition.


Bovins à l’engraissement avec l’enrubannage paille de blé + luzerne.

Un système ACS perfectionné se traduisant par une bonne rentabilité économique

En travaillant depuis de nombreuses années sur son système, Pierre réussit aujourd’hui à avoir des rendements de cultures de vente plus que raisonnables et ce en limitant ses charges au maximum. Ainsi en 2022, les coûts sur les principaux postes de charge étaient limités pour :

  • Les semences, car Pierre utilise sa propre semence de ferme.
  • Les engrais minéraux, en limitant sa fertilisation azotée à 90 kg d’azote par hectare.
  • Les produits phytosanitaires en se passant de fongicides et d’insecticides.
  • Le carburant en ne travaillant pas du tout le sol.

L’année 2022 a connu un cours du blé tendre très élevé, Pierre a pu vendre son blé à la récolte à 340 € la tonne. Pour un rendement moyen de 6,5 t/ha cela nous donne un produit céréales de 2 210 €/ha auquel il faut ajouter les primes PAC : 260 €/ha. Au final, en soustrayant les charges opérationnelles aux produits, nous obtenons une marge brute de 2 144 €/ha pour le blé tendre 2022 (cf détail ci-contre).


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En plus de la rentabilité directe pour les cultures, Pierre limite ses charges de mécanisation car il n’a ni besoin de matériel de travail du sol ni de tracteur à forte puissance. Les fourrages récoltés à la suite de la culture (paille + luzerne ou paille + trèfle enrubannés) ont aussi une valeur économique non négligeable car ils permettent l’autonomie alimentaire du troupeau. A titre d’exemple, si Pierre devait acheter les 33 tonnes de fourrages qu’il produit grâce aux CDI sous forme de foin par exemple, à 80 € la tonne, cela lui coûterait environ 2 640 €.

Résilience de l'exploitation

Comme exprimé au travers des parties précédentes, cette exploitation de polyculture élevage, typique des Deux-Sèvres, en plein bocage Bressuirais, présente une résilience forte. Tout d’abord, elle est faiblement dépendante des intrants. Ceci grâce à l’utilisation de semences de ferme pour les cultures, l’autonomie alimentaire du troupeau ainsi que la présence de l’élevage bovin, qui permet de diminuer les achats d’engrais minéraux. De plus, comme l’explique Pierre Cogny, grâce à l'ancienneté du système ACS et la mise en place massive des couverts végétaux annuels, les cultures sont moins demandeuses en éléments minéraux. Avec les années, le sol s’est structuré et équilibré, la fertilité endogène joue maintenant un rôle important dans la nutrition des plantes. D’ailleurs, l’indice de régénération (le diagnostic agroécologique d’un système de production développé par "Pour une Agriculture du Vivant") ressort pour cette exploitation à 74/100.


Analyse de terre réalisée à 20 cm de profondeur en Octobre 2022.


Du point de vue économique, la mise en place de CDI permet de diminuer les charges d'exploitation. En effet, l'achat des semences de couverts et leur semis ne se fait qu'une fois tous les 3 ans, plutôt que chaque année. Les risques d'échec des couverts végétaux annuels, donc de se retrouver avec un sol nu en hiver, sont diminués. Les étés chauds et secs ont moins d’impact sur le CDI, qui est implanté durablement, que sur les couverts annuels, dont l’implantation doit être réussie chaque année pour être rentable. La technique des CDI permet également d'enchaîner des blés dans la rotation, culture rémunératrice.

Pierre Cogny a également fait le choix de se passer de toute culture de printemps depuis 2016, donc de diminuer le risque climatique de printemps et d’étés secs, pesant lourd sur le rendement de ce type de cultures. Les récoltes de l’année sont donc plus sûres avec les cultures d’hiver. En effet, en plus de le remarquer sur le terrain, l’exploitant suit d’un œil attentif les relevés météo de Pouzauges qui est proche de chez lui. Les précipitations diminuent bel et bien, en particulier sur la saison estivale.


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De plus, à en croire les projections climatiques locales, le déficit hydrique des cultures sur la période mai/août ne va faire qu’augmenter, donc encore moins d’eau disponible pour les cultures (voir figure suivante). La stratégie adoptée par Pierre d’arrêter totalement les cultures de printemps et de ne plus se reposer sur le maïs pour son élevage semble judicieuse dans une logique de résilience de l’exploitation.


Somme du déficit hydrique quotidien lors de la période de mai à août.


Du côté de l'atelier élevage, la sélection génétique permet aujourd'hui un élevage rustique. Rappelons également la complète autonomie alimentaire (fourragère, protéique et énergétique) du troupeau qui permet de diminuer les coûts de production et de ne pas dépendre des fluctuations des marchés, avantage d’autant plus intéressant avec la conjoncture actuelle.

Cependant, un certain nombre de points de vigilance se traduisent au sein de ce système.

  • Le retour très régulier du blé avec parfois 3 années de blé à la suite questionne sur la résilience pour la biodiversité.
  • La disparition des cultures de printemps, ce qui peut poser des questions de résistances de certains ravageurs et adventices aux produits phytosanitaires similaires utilisés avec cette rotation simple.
  • Techniquement, des questions se posent aussi au moment de la récolte, notamment lors d’années humides, où la luzerne profite de précipitations abondantes. Celle-ci pourrait se développer fortement, dépassant le blé. Dans cette situation, quid de l’impact sur le rendement de la céréale et sur la possibilité de la récolter ?

Conseils et perspectives

Pierre Cogny.

Si l’implantation des CDI était à refaire, Pierre ne s’y prendrait pas différemment. La première année a bien marché. Il sera néanmoins nécessaire d’observer si la technique est une réussite à l’avenir.

Pierre Cogny a prévu de continuer l’expérience des CDI et de l’étendre à l’ensemble des surfaces en culture de l’assolement. En effectuant cela, il espère ainsi finir de pérenniser son système et pourquoi pas diversifier ses produits de vente en proposant aux éleveurs voisins des surplus de fourrages, dus aux coupes de CDI.

Face au climat, le projet à venir est de renouveler les prairies permanentes, qui souffrent des périodes de canicule et de sécheresse. L’objectif étant de sursemer en direct dans la prairie des espèces résistantes (et en particulier pivotantes : chicorée, plantain) à la sécheresse et produisant du fourrage avec peu d’eau.

Pour deux parcelles entourées d'habitations, une réflexion est en cours pour installer de la silphie qui a le mérite d'être une fourragère durable et zéro intrant.

Dans les prairies naturelles, ce serait intéressant de replanter des haies, en particulier le long des cours d'eau, pour le bien-être des animaux l'été et la restauration des corridors verts/bleus.

En termes de conseils, Pierre déclare uniquement ceci : "Si tu veux te lancer en ACS, fonce, achète un semoir SD d’occasion et sème le plus de couverts possibles".

Conclusion

Depuis plus de 25 ans, la démarche vise à préserver la structure et la fertilité des sols en s’approchant le plus possible du système naturel de la forêt, c’est-à-dire en s’appuyant sur la restitution du carbone fixé par les cultures. Ainsi, la couverture végétale permanente des sols valorise au maximum l’énergie solaire pour produire une quantité de biomasse élevée tout au long de l’année. De plus, la logique agronomique qui est suivie sur l’exploitation permet de produire autant, voire plus avec moins d’intrants.


De surcroît, les pratiques culturales participent à atténuer le réchauffement climatique, grâce au stockage de CO2, puis assurent le développement d’une agriculture durable, productive et protectrice tout en augmentant la résilience des productions végétales présentes sur l’exploitation, notamment dans le contexte du changement climatique.


Comme toute réorientation d’un système de production, cela nécessite un temps d’adaptation, puis fort de ses échecs et réussites, Pierre partage ses pratiques dans son réseau APAD Atlantique, ce qui est essentiel pour progresser et nourrir ses réflexions techniques. Expérimenter de nouvelles pratiques est vécu comme une opportunité en vue d’assurer la durabilité de la ferme (triple performance : économique, agroenvironnementale et sociale) tout en retrouvant la sérénité et la confiance au quotidien.

Galerie photo


Sources


Leviers évoqués dans ce système

Matériels évoqués dans ce retour d'expérience

Cultures évoquées


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