La Ferme du Bois des Saules

De Triple Performance
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Vous allez lire un retour d'expérience sur la ferme de Baptiste Lemonnier, éleveur laitier en Seine-Maritime (Normandie), installé depuis mars 2012 sur 90 hectares, dont 40 ha en herbe pour l'alimentation de ses 60 vaches laitières de race normande. Il transforme le lait en crème et beurre, avec des projets de fromages à venir.

Son système est axé sur l'autonomie, avec une forte proportion d'herbe dans la ration. Baptiste utilise des prairies temporaires en rotation avec des cultures de vente comme le blé, le lin et la betterave, en mettant en place un pâturage tournant pour optimiser la valorisation de l'herbe et minimiser le piétinement. Son objectif ? Diminuer sa dépendance aux engrais de synthèse et produits phytosanitaires pour avoir des cultures, des sols et des animaux en meilleure sante ! Dans ce sens, il a également implanté des haies pour favoriser la biodiversité et l'ombrage du troupeau.


Caractéristiques

  • Nom de la ferme  : La Ferme du Bois des Saules
  • Agriculteurs : Baptiste Lemonnier
  • Localisation : Fongueusemare, en Haute-Normandie
  • Ateliers : Grandes cultures, lait, beurre et crème
  • Surface agricole utile (SAU) : 90 ha (dont 40 ha en herbe)
  • Taille du troupeau : 55 vaches laitières Normandes
  • Proximité du foncier  : Parcellaire regroupé sur la ferme
  • Unité de Travail Humain (UTH) : 2,5 UTH
  • Cultures principales : Maïs, Blé, Lin, Betterave, Luzerne
  • Labels : Aucun label
  • Mode de commercialisation : Notamment de la vente directe (environ 50% du CA).
  • Lait : Lactalis récupère le lait et le lait écrémé, ¾ du lait sont transformées
  • Blé : Vend directement son blé en fonction des cours du marché
  • Lin : Agy Lin
  • Betterave : Cristal Union
  • Engagements : Fait partie du groupe d'éleveurs en systèmes herbagers, animé par les Civam Normands.

Spécificités

Vaches Normandes dans prairie temporaire





Contexte pédoclimatique de la ferme

  • Texture de sol : Limons profonds
  • Mo : 2 %
  • PH : 6,8









Diagramme Ombrothermique Goderville (76) années 2024 - Station la plus proche

Source des données : https://www.meteociel.com/climatologie/obs_villes.php?code=76302002&mois=2&annee=2024&sn=2010.

Étapes de transition

  • Installation en 2012.
  • Début de mise en place des dérobées depuis 2012.
  • La vente directe existe depuis 1978 mais Baptiste la développe davantage depuis 2012 (passage de 80 000 litres transformés à 280 000 litres aujourd'hui).
  • Système pâturage  tournant dynamique depuis 2017.
  • Pâturage des couverts végétaux d’hiver depuis 2021.

Nourrir son sol : suivi des cultures et des prairies

Assolement


  • Blé : 22.5 ha
  • Betteraves : 7.5 ha
  • Lin : 9 ha
  • Maïs : 8.5 ha
  • Luzerne : 6.5 ha
  • Herbe : 37 ha (⅔ de prairies permanentes)
  • 27 ha de dérobées environ par an


Il y a eu une réduction de la taille des parcelles qui font désormais une taille d’environ 5/6  ha avec souvent des haies en bordure (1,5 km de haies plantées en deux fois). L’objectif est d’avoir au moins 4 / 5 km de haies à l'échelle du parcellaire.


Usages des différentes cultures :

  • Prairie permanente : Pâturée majoritairement; 4 ha de prairies permanents en pâture et fauche de foin.
  • Prairie temporaire : Sur 4 ha : 1 fauche pour de l’ensilage + pâture. Le reste que de la pâture.
  • Luzernières : Pour les prairies de luzerne pure c’est n’est que de l'ensilage.
  • Blé : Entièrement vendu en vente directe.
  • Maïs épis : Autoconsommation
  • Lin : Vente (Agy Lin)
  • Betterave : Vente (Cristal Union)

Rotation type

  • Ses cultures incluent betterave, blé, lin et maïs.
  • La rotation comprend PT (prairie temporaire) →  maïs → blé → dérobée → lin ou betterave → blé → dérobée → betterave → blé → dérobée → maïs.
  • Une parcelle temporaire dure maintenant 4 à 5 ans, contre 2 à 3 ans auparavant dans sa ferme, ce qui permet de réduire les intrants et d’augmenter les rendements.


Culture de blé de lin:

  • Plusieurs faux semis sont réalisé avant le semis en combiné (herse rotative plus semoir classique).
  • Densité de semis :  120 kg/ha avec traitement de semence.


Culture de blé sur betteraves et maïs :

  • Déchaumage après récolte et ensuite labour avant semis en combiné.
  • Densité de semis  : 120 kg/ha avec traitements de semence.


Fertilisation des cultures  :

Blé :

  • 40 UN / ha fin février, amo 27
  • 90 UN / ha fin mars
  • 40 UN / ha entre mi et fin avril

Betterave :

Que de la fertilisation organique, au printemps :

  • 20 t / ha de fumier.
  • 20 t de digestat solide.
  • 30 m2 de lisier de vache.

Maïs :

Fin avril après les dérobées :

  • 30m2 de lisier de vache
  • 20 t de fumier
  • fin avril après dérobées

Lin :

20 UN / ha avant semis


Coût des cultures :



Intégration des prairies temporaires dans la rotation

  • Les prairies temporaires ne tournent pas sur l’ensemble du parcellaire, car certaines zones sont plus adaptées.
  • Les parcelles de prairies temporaires intégrées à la rotation sont choisies en fonction de la fertilité du sol, de leur accessibilité au pâturage et des besoins agronomiques.

Motivation du père de Baptiste pour implanter des prairies temporaires :

  • Le père de Baptiste a commencé à introduire des prairies temporaires de 3 ans pour maîtriser la flore adventice et améliorer l’alimentation du troupeau.
  • L’objectif était aussi d’accroître la qualité du lait produit, en sélectionnant des espèces spécifiques pour l’alimentation des vaches.
  • Les prairies temporaires permettaient également de réduire les coûts en intrants, en améliorant naturellement la fertilité des sols.
  • Enfin, elles ont contribué à une meilleure gestion agronomique, avec des effets bénéfiques sur les rotations et les cultures suivantes.

Gestion des prairies temporaires

Vache normande dans une prairie temporaire
  • L’exploitation conserve certaines prairies permanentes pour maintenir des écosystèmes stables et garantir un pâturage toute l’année.
  • Implantation : Le semis des prairies temporaires a lieu début ou mi-août, après la récolte du blé ou du lin. Baptiste effectue le semis dans les 48 heures suivant la récolte, après un labour.
  • Valorisation : Les prairies temporaires sont soit pâturées soit fauchées. Les premières sorties en pâture ont lieu à la mi-octobre, en fonction du temps. Baptiste utilise le pâturage tournant pour éviter le piétinement et le refus de l'herbe par les vaches. Il déplace les vaches quotidiennement (vaches tournent sur des paddocks de 1ha tous les jours ou tous les deux jours). Il adapte le pâturage en fonction de la pousse de l'herbe, préférant la fauche au pâturage si l'herbe est trop basse.
  • Fertilisation :  Sur les prairies temporaires pâturées, Baptiste n'utilise pas d'azote, comptant sur le trèfle et la luzerne pour fixer l'azote de l'air. Il apporte du fumier sur les prairies fauchées pour compenser l'exportation de l'herbe. Entre 20 et 30 t / an pas compostées.
  • Destruction des prairies : Pour la destruction des prairies temporaires, Baptiste fait pâturer à ras ses génisses pour minimiser la quantité d'herbe restante. Il réalise ensuite un déchaumage avant de labourer. Il laboure à une profondeur maximale de 15 cm pour ne pas enfouir la richesse du sol. Bien qu'il pratique actuellement le labour, il envisage de réduire le travail du sol à l'avenir en adoptant des techniques de semi-direct.
Génisses dans une prairie temporaire,, Janvier 2025





Mélanges utilisés et semis

  • Baptiste utilise différents mélanges d’espèces fourragères (plusieurs variétés de luzerne, plusieurs variétés de trèfle, fétuque, ray-grass). Mélange TMCE.
  • Densité de semis : environ 25 kg/ha.
  • Achat de semences en fonction des objectifs nutritionnels pour la transformation du lait (acidité, couleur, texture), la santé des vaches et agronomiques pour les cultures qui suivent les prairies .

Productivité des prairies

Prairie permanente chez Baptiste Lemonnier





Les prairies temporaires ont une productivité supérieure aux prairies permanentes, avec un gain d’environ 2 tonnes de MS/ha, cela est dû à la flore.

Méthodes et période de destruction des PT

  • Méthode : Soit fauche rase soit pâturage intensif pour épuiser la végétation, suivi d’un travail mécanique (déchaumage, labour 15cm). L’objectif à l’avenir est de réduire le labour sans phytosanitaires, à travers plusieurs faux-semis.
  • Période : Mai, avant implantation d’un maïs ou d’une culture de vente.
  • Impact positif sur les rotations suivantes, réduisant les besoins en herbicides et engrais.

Gestion de l’interculture après PT

Impact économique environnemental de l’implantation des prairies temporaires

  • Amélioration des rendements. Passage de 80 à 100 tonnes / ha pour la betterave. 6 t / ha  de lin precedent prairie temporaire, alors que ses collègues étaient à 4 t en 2023.
  • Réduction des intrants chimiques : l’usage de l’azote est passé de 90 unités à 40 unités, sans perte de rendement.
  • Augmentation des litres de lait par vache sans suralimenter le troupeau (couplé aussi avec le fait que Baptiste a un silo en libre service, donc toutes les vaches ont accès à la même quantité d’herbe, insémination artificielle, travail sur la génétique, effets au bout de 10 ans). Tout en sachant que l’objectif de Baptiste est plutôt la qualité plutôt que la production.
  • L’élevage a gagné en autonomie avec une baisse des achats d’aliments de 50 %.
  • La longévité des vaches est passée de 1,8 lactation à 3,5 lactations, réduisant les coûts vétérinaires par 5. Cet impact est également lié à l’augmentation globale de la part d’herbe dans la ration.

Avantages supplémentaires des prairies temporaires

  • Biodiversité : l’implantation de prairies temporaires favorise le retour de certaines espèces d’oiseaux et de pollinisateurs. L’investissement dans des haies (implantées sur 1,5 km) favorise la biodiversité et réduit les besoins en produits phytosanitaires (insecticides et fongicides) .
  • Comptages et relevés : Baptiste observe une diversité accrue des espèces et note un équilibre amélioré du sol.
  • Meilleure structure du sol.
  • Réduction des intrants :
    • Diminution notamment de l’utilisation des herbicides dans le blé et la betterave suivant une prairie temporaire.
    • Au niveau des engrais, Baptiste a progressivement diminué les engrais (son père utilisait 90 UN/ha). Il remarque qu’en diminuant les engrais sur ses prairies permanentes il favorise le trèfle et la luzerne dans ses prairies plutôt que le ray grass.
  • Durée des effets positifs des PT : Les bénéfices sont observables jusqu’à 4 à 5 ans après leur destruction, notamment en termes de fertilité et de gestion des adventices (diminution de l’utilisation des phytos).
  • Baptiste argumente également que l’implantation des prairies temporaires entraîne un certain coût et que les laisser 4 ou 5 ans plutôt que 2 ou 3 ans, comme son père le faisait, permet davantage de lisser les coûts d’implantation et obtenir de meilleures marges à l’hectare.

Effets négatifs des PT

  • Aucun effet négatif majeur observé, à condition d’une bonne gestion du pâturage et de la destruction.

Nourrir les animaux

Prairie permanente

Elevage et transformation

  • Il possède environ 60 vaches laitières de race Normande, élevées à l’herbe aux trois quarts.
  • Passage d’une production de 300 000 L en 2012 à 480 000 en 2024.
  • Quantité de lait produit par jour par vache (L/j) : entre  20 et 22 L / vache / jour.
  • La ferme transforme aujourd'hui 300 000 litres de lait par an, contre 70 000 litres au début de son installation en 2012.
  • Le lait est également  transformé en crème et beurre, avec un projet futur de fabrication de fromage.
  • La ferme est axée sur l’autonomie, élevant une partie des génisses à l’extérieur, tandis que les mâles sont vendus à 15 jours.

Pâturage et infrastructures

Abreuvoir
  • Un bloc de 80 hectares, dont 32 ha de prairies accessibles et une partie des dérobées accessibles, sont regroupés autour de la ferme ce qui permet une sortie toute l’année.
    • Pâturage des dérobées après blé et lin (Décembre, Janvier, Février quand la pousse de l'herbe est réduite).
      • Couverts valorisés : Luzerne, trèfle, fétuque.
  • Ration des vaches : Pâturage à 100 % au printemps, 75 % en été et automne, 25 % en hiver, avec un complément en ensilage d’herbe et de luzerne.
  • Temps passé à l’extérieur : 365 jours/an, sauf conditions météorologiques extrêmes.
  • Il a mis en place un réseau d’eau sur toute la ferme pour assurer un accès facile aux animaux.
  • Il fait très attention à la gestion de la pousse de l’herbe par le pâturage (hauteur d’entrée des vaches à 15/20 cm )
  • Un déprimage est  fait sur toutes les parcelles.
  • Débrayage au printemps d’une partie des prairies car trop d’herbe en entrée de jeu. Débrayage de nouveau au mois de septembre car il y a une grande pousse d’herbe à ce moment donné également.
  • Les chemins d'accès permettent un pâturage sur l'ensemble des parcelles, ce qui améliore la gestion du troupeau.
  • Paddocks de jour et paddock de nuit, système fil avant, fil arrière pour éviter le piétinement si les vaches restent plus qu’une journée sur le paddock.                                        

Pratiques d’élevage

  • Taux de renouvellement du troupeau : environ 30 % par an.
  • IVV (Intervalle Vêlage-Vêlage) : optimisé pour être inférieur à 400 jours.
  • Gestion de l'eau : L'eau est acheminée au milieu des parcelles grâce à des tuyaux posés au sol, avec des abreuvoirs. Baptiste a mis en place des chemins d'accès et des systèmes pour éviter que les vaches n'endommagent les tuyaux.
  • Mortalité du troupeau : très faible, moins de 5 % pour les vaches laitières, et bien gérée chez les veaux, environ 7%.
  • Ration pour les vaches laitières : La ration des vaches laitières est composée de :
    • 7 kg de matière sèche de luzerne.
    • 2 kg de matière sèche de pulpe récupérées de Cristal Union pour les vaches laitières.
    • 15 kg de matière sèche d'ensilage de maïs.
  • Ration hivernale : Ensilage mélangé en libre-service. Baptiste constitue un gros mélange  dans le silo une fois par an, qu'il met à disposition en libre-service. Ce mélange est composé de :
    • Ensilage de luzerne
    • Ensilage d'herbe
    • Pulpe
    • Betterave
    • Maïs épis
  • Pâturage des prairies restantes et des dérobées : Les vaches ont accès aux pâtures restantes et aux dérobées, couvrant environ 20 hectares. Ces dérobées sont situées de manière regroupée, ce qui facilite le pâturage des vaches laitières.
  • Foin à volonté : En complément, les vaches reçoivent du foin à volonté.
  • Concentré : Un kilo de concentré, incluant du soja et des protéines, est ajouté à la ration.

Bilan et perspectives

  • La ferme a évolué vers une meilleure rentabilité grâce à la vente directe et la diversification des productions.
  • Le maïs a été réduit de 20 hectares à 6-7 hectares, permettant une augmentation de la part de l'herbe.
  • L’ensilage de luzerne et herbe est intégré pour équilibrer les rations.
  • Un objectif futur est de réduire le labour au profit de techniques de semis direct.


Baptiste Lemonnier met l’accent sur la qualité du lait plutôt que sur la production de masse, et sa transition vers une autonomie alimentaire et une gestion agroécologique plus durable continue de porter ses fruits.

Sources

Entretien réalisé par Les CIVAM Normands et Ver de Terre Production le 20 Janvier 2025. Entretien vidéo disponible ici : https://www.youtube.com/watch?v=ejIcxSuZz6Q&t=3966s.