Digestat

Le digestat est le résidu de la méthanisation.
Selon sa composition et sa texture, il peut être utilisé en tant que fertilisant de type II (pour la phase liquide), amendement (pour la phase solide) ou encore être composté.
L'épendage du digestat est décrit dans une page spécifique :
Les digestats de méthanisation et leurs intérêts agronomiques
Principes de la formation du digestat et principales caractéristiques

Au cours de la méthanisation, différentes familles de bactéries anaérobies dégradent des chaînes organiques complexes en éléments simples. Les quatre étapes de cette dégradation - l’hydrolyse, l’acidogénèse, l’acétogénèse et la méthanogénèse (voir Figure 1.1), se déroulent en même temps dans le digesteur, la plupart du temps en conditions mésophiles (35-40°C) et avec un temps de séjour du substrat de 40 à 60 jours.
Au cours de la digestion, environ deux tiers de la matière organique biodégradable sont transformés en biogaz (composé de CH4 et de CO2).
Au terme de ce processus, les matières organiques résiduelles, les minéraux dissous et l’eau constituent le digestat (voir Figure 1.2). Il est stocké dans une fosse, directement reliée au digesteur.
⚠️La composition du digestat dépend des matières entrantes, des procédés de digestion ainsi que de la présence éventuelle de post-traitement.

Les propriétés agronomiques des digestats
Les digestats bruts
Caractéristiques générales
Par rapport au substrat dont il est issu, un digestat a les propriétés suivantes :
- le pH est plus élevé (basique) ;
- le taux d’azote minéralisé (sous forme NH4+) par rapport au N total est plus élevé ;
- le rapport C/N est plus faible ;
- le taux de matière sèche est plus faible.
Composition en matière organique et valeur amendante
Dans le digestat, la matière organique se trouve sous trois formes (voir Figure 1.2) :
- une matière organique biodégradable (ou labile), fortement minéralisable, constituée de sucres solubles et d’une partie de l’hémicellulose. Cette fraction de matière organique sert d’énergie et de sources d’éléments nutritifs pour les bactéries et vers de terre du sol ;
- une matière organique peu biodégradable (ou stable), constituée de lignine et de cellulose. Cette fraction de matière organique est décomposée principalement par les champignons. Elle est un précurseur de matière humifère et améliore ainsi le complexe argilo-humique ;
- la matière organique vivante constituée de microorganismes qui transforment et stockent les éléments organiques en éléments minéraux accessibles pour les plantes (minéralisation).
Seule une partie de la matière organique fraîche des substrats (environ ⅔) est transformée en biogaz. Le taux de dégradation de cette matière organique fraîche dépend de la nature des intrants, du temps de séjour et de la technologie employée.
La fraction ligneuse (stable) n’est pas attaquée par les bactéries du digestat. Le potentiel d’humification du digestat est donc inchangé par rapport aux substrats dont il est issu. Lorsque le digestat est épandu, cette matière organique stable peut s’associer à l’argile des sols et renforcer ainsi le complexe argilo-humique du sol, essentiel pour la rétention d’eau et de nombreux éléments nutritifs. Par ailleurs l’activité biologique du sol serait améliorée, ainsi que la porosité du sol.
Valeur fertilisante
La méthanisation est un procédé qui conserve les éléments n’entrant pas dans la composition du biogaz. Les quantités totales en éléments fertilisants N, P, K et des oligo-éléments du substrat sont donc conservées dans le digestat obtenu et sont très variables en fonction des intrants.
En revanche, la méthanisation transforme certains de ces éléments. L’azote organique du substrat (protéines et urée principalement) se minéralise en partie sous forme ammoniacale, qui est une forme plus facilement assimilable par les plantes (voir Figure 1.3). La proportion en azote ammoniacal peut ainsi représenter jusqu’à 65 % de l’azote total des digestats bruts ou de la fraction liquide des digestats.

Le digestat contient également de l’azote sous forme organique, qui n’a pas été dégradé lors de la méthanisation. Une partie de cet azote se minéralise au cours de l’année suivant l’apport, sous l’action des organismes vivants du sol. L’autre partie est stockée, associée à du carbone, dans la matière organique du sol (humification). La fraction humifiée minéralisera ensuite à la même vitesse que la matière organique du sol.
Par conséquent, on peut considérer deux types d’effets du digestat pour l’alimentation azotée des cultures :
- un effet à court terme lié à l’absorption par la culture réceptrice (et éventuellement par la culture suivante) d’une partie de l’azote minéral et de l’azote organique minéralisé ;
- un effet à long terme lié à la modification du stock d’azote organique du sol et à sa vitesse de minéralisation.
En moyenne, le digestat brut a une teneur en azote assimilable plus élevée qu’un fumier ou un lisier, du fait des apports d’azote par les éventuels substrats extérieurs (azote total accru) et de la minéralisation de l’azote organique par la digestion (% d’azote ammoniacal élevé).
La question de la biodisponibilité à court terme du phosphore dans les digestats par rapport aux substrats n’est pas tranchée. Pendant la méthanisation, une partie du phosphore est solubilisée dans la fraction liquide et forme ensuite des substances minérales insolubles qui précipitent au fond et sur les parois des digesteurs. Ce phénomène conduit à des biodisponibilités immédiates du phosphore dans le digestat très variables en fonction des études. Dans certains cas, elles sont améliorées alors que dans d’autres, elles sont diminuées par rapport aux substrats de départ. Dans tous les cas, la biodisponibilité à long terme du phosphore du digestat serait équivalente à celle d’une forme minérale de phosphore soluble.
Pour le potassium, présent sous forme majoritairement soluble dans le digestat, la méthanisation ne modifierait pas sa biodisponibilité pour les plantes.
Qualité sanitaire
Globalement, la digestion mésophile classique (autour de 37°C) permet d’éliminer environ 99 % des germes pathogènes (facteur de réduction de 100) et la digestion thermophile (autour de 55°C) 99,99 % de ceux-ci (facteur de réduction de 10 000).
La digestion thermophile est donc considérée comme un traitement hygiénisant des produits à haute concentration en agents pathogènes. La digestion mésophile convient pour des produits peu contaminés, mais elle peut être complétée par des traitements hygiénisants (pasteurisation, post- compostage…) si nécessaire.
Pour ce qui concerne les micropolluants, la méthanisation permet d’obtenir des taux élevés d’élimination des polluants organiques et des germes pathogènes. Les hydrocarbures aromatiques polycycliques sont partiellement dégradés, les quantités résiduelles sont fixées à la matière solide, avec une très faible sortie vers la phase liquide. Les micropolluants métalliques ne sont pas éliminés mais fixés dans la fraction solide sous une forme non biodisponible.

Odeurs
Plusieurs études font état de la réduction d’odeurs permise par la méthanisation, du fait de l’abattement de la matière organique facilement dégradable, qui est également responsable des mauvaises odeurs. Cette dégradation ayant lieu dans l’espace clos du digesteur, les nuisances olfactives liées au stockage et à l’épandage des matières organiques sont considérablement réduites. Cependant, ces résultats sont souvent obtenus «à dire d’expert» et nécessitent d’être validés par des mesures olfactométriques.
Fluidité
La dégradation de la matière organique des substrats par la méthanisation a pour conséquence une diminution de la siccité et donc une amélioration de la fluidité du digestat par rapport au substrat. Ceci peut avoir des conséquences agronomiques positives en facilitant l’infiltration dans le sol des lisiers digérés par exemple.
La séparation de phase
Certains digestats subissent un traitement dit de “séparation de phase”, par exemple par centrifugation ou utilisation d’une presse à vis, qui permet d’isoler :
- une fraction solide concentrée en matière organique et en éléments phosphatés, utilisable comme amendement de fond ;
- une fraction liquide concentrée en azote, sous forme ammoniacale principalement, et en potassium (Figure 1.4).
La séparation de phase engendre une gestion différenciée du digestat en fonction de critères techniques (mode d’épandage, distance des parcelles, etc.), économiques (coût d’épandage) et agronomiques (besoins des parcelles et des cultures en termes d’amendement ou de fertilisation).
Le contexte réglementaire
Cadre général
Le digestat de méthanisation, en fonction de sa composition et de sa teneur en matière sèche, peut être considéré à la fois comme une matière «amendante» (qui modifie ou améliore les propriétés physiques, chimiques ou biologiques des sols) ou «fertilisante» ayant un rôle d’engrais (qui apporte aux plantes des éléments directement utiles à leur nutrition).
Dans tous les cas, c’est une matière qui a vocation à être épandue sur les sols agricoles. Ainsi, la gestion de ces digestats de méthanisation est encadrée par deux types de réglementations (voir Tableau 2.1) :
- une réglementation visant à encadrer la qualité agronomique et l’innocuité sanitaire du digestat, et qui s’adresse au producteur du digestat
- une réglementation qui vise le milieu « récepteur » de ces digestats (exploitations agricoles), en introduisant des exigences supplémentaires pour l’épandage des digestats dans certaines zones.
| Production de digestat | |
|---|---|
| Textes réglementaires | Contenu |
| Législation sur les installations classées : relevant de la rubrique ICPE 2781-1 et 2781-2 et des régimes d’autorisation*, enregistrement ou déclaration | Dispositions sur :
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| Règlement (UE) N°142/2011 (portant application du règlement n°1069/2009 du Parlement européen et du Conseil) :
établissant des règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine et l’arrêté du 9 avril 2018 fixant les dispositions techniques nationales relatives à l’utilisation de sous-produits animaux et de produits qui en sont dérivés, dans une usine de production de biogaz, une usine de compostage ou en « compostage de proximité », et à l’utilisation du lisier. |
Dispositions sur :
|
| Utilisation des digestats | |
| Zone vulnérable (ZVN) | Directive Nitrates 91/676/ CEE :
|
| Zone non vulnérable | Code de bonnes pratiques agricoles |
| Toute zone | Pour un exploitant recevant du digestat, la réglementation ICPE précise que ce dernier souscrit un contrat écrit avec le producteur de digestat, précisant notamment les engagements et responsabilités réciproques.
Les règles d’épandage établies dans les arrêtés ICPE s’appliquent. |
* Les exploitations en autorisation relevant de la rubrique ICPE 2781‑2 doivent se conformer aux prescriptions des articles 36 à 42 de l’arrêté du 2 février 1998 relatif aux émissions de toute nature des ICPE.
Il faut aussi savoir que le digestat sous statut de déchet ne peut être monnayé, s'il est vendu, il doit avoir le statut AMM (Autorisation de Mise sur le Marché).
Installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE)
Les installations de méthanisation sont soumises à la législation sur les Installations Classées pour la Protection de l’Environnement. La rubrique ICPE n°2781 est spécifique à la méthanisation. Elle définit un régime de déclaration avec contrôle périodique (DC), un régime d’enregistrement (E) et un régime d’autorisation (A). À l’heure actuelle, les régimes sont définis selon le Tableau 2.2 :

Le régime de l’installation (autorisation, enregistrement ou déclaration) définit notamment les mesures à respecter sur le site de méthanisation et en termes d’épandage, avec des précisions sur les substrats et les digestats.
Directive nitrate
L’épandage de digestat est également soumis à la Directive Nitrates (Directive 91/676/CEE), qui vise à réduire la pollution des eaux provoquée par la lixiviation de nitrates générée par les pratiques agricoles.
Les programmes d’action définis dans le cadre de cette Directive contiennent un ensemble de mesures dont la mise en œuvre est obligatoire dans les zones vulnérables aux nitrates (ZVN) désignées ou sur l’ensemble du territoire.
Dans ce cadre, le digestat de méthanisation est classé dans la catégorie « fertilisants azotés de type II ». Il s’agit des « fertilisants azotés à C/N bas » (c’est-à-dire inférieur ou égal à 8), contenant de l’azote organique et une proportion d’azote minéral variable.
Les règles applicables aux zones vulnérables portent sur :
- l’équilibre de la fertilisation azotée et l’établissement de documents d’enregistrement (plan prévisionnel de fumure et cahier d’enregistrement des pratiques)
- les périodes d’application des engrais organiques et minéraux et leur utilisation près des cours d’eau et dans les terrains en pente
- l’interdiction d’épandage sur sol enneigé, gelé, inondé
- la couverture végétale des sols en interculture et l’obligation de bandes enherbées ou boisées non fertilisées de 5 mètres le long des cours d’eau et plans d’eau de plus de 10 ha
- le respect de durées minimales de stockage des effluents d’élevage et la quantité maximale d’azote des effluents d’élevage épandue annuellement .
Sources
- Sophie Carton et Quentin Bulcke. L'utilisation des digestats en agriculture. [03/11/25]. https://projet-methanisation.grdf.fr/cms-assets/2022/06/Utilisation-des-digestats-en-agriculture-web_compressed.pdf
- ADEME, AILE, Solagro, Trame. Septembre 2011. La Méthanisation à la ferme - Guide pratique
- ADEME. Janvier 2019. Réaliser une unité de méthanisation à la ferme
- APESA (coordinateur), BIOMASSE NORMANDIE, RITTMO. Janvier 2015. Le cadre réglementaire et juridique des activités agricoles de méthanisation et de compostage, Étude réalisée pour le compte de l’ADEME
- Arvalis (coordinateur), ADEME, CTIFL, Terres Inovia, IFV, ITAVI, IDELE, IFIP.2020. Guide GES’TIM+
- Chambre Régionale d’Agriculture de Lorraine. Mai 2019. Fiche Technique Digestats de méthanisation : Optimiser le retour au sol pour profiter des bénéfices agronomiques et économiques - Résultats d’essais et suivis d’exploitations - Bilan de 4 années
- Chambre d’agriculture de Lorraine. Octobre 2019. Guide pratique pour les porteurs de projet et les conseillers - Digestats de méthanisation : Optimiser le retour au sol pour profiter des bénéfices agronomiques et économiques
- Comifer. Mai 2013. Calcul de la fertilisation azotée, Guide méthodologique pour l’établissement des prescriptions locales
- CPE Artois Picardie. Unités de méthanisation : Épandage des digestats, Guide méthodologique. Edition 2020
- Doublet S., Leclerc B., Couture C. et Berger S. Décembre 2004. Qualité agronomique et sanitaire des digestats issus de méthanisation - Rapport final
- EREP SA et EAWAG. 24/09/2009.État de l’art des méthodes (rentables) pour l’élimination, la concentration ou la transformation de l’azote pour les installations de biogaz agricoles de taille petite/moyenne - Rapport final
- Fédération régionale des CUMA de l’Ouest. 2018. Bien épandre ses digestats issus de méthanisation, Fiche technique réalisée dans le cadre du projet TEpLis
- Gaillot B. et Lavarde P. (coordonnateur). Juillet 2015. Les épandages sur terres agricoles des matières fertilisantes d’origine résiduaire - Mission prospective sur les modalités d’encadrement et de suivi réglementaire - Rapport CGEDD n°009801-01, CGAAER n°14074
- Levasseur P., Soulier A., Lagrange H., Trochard R., Foray S., Charpiot A., Ponchant P. et Blazy V. 2019. Valorisation agronomique des effluents d’élevages de porcs, bovins, ovins, caprins, volailles et lapins. RMT Elevage et Environnement, Paris, 83 pages
- Nitrawal asbl, Chambre d’agriculture de l’Aisne, Chambre d’agriculture de région du Nord-Pas de Calais. Choisir son matériel d’épandage d’engrais organique. Fiche réalisée dans le cadre du projet SUN (Sustainable Use of Nitrogen)