Hawk Mill Farm - David White
Ferme en agriculture de conservation des sols
David White


David White, agriculteur dans le Sud Est de l’Angleterre, est passé à l’agriculture de conservation des sols en 2016. Il a choisi le semis direct avec Base UK pour sortir de l’impasse du système conventionnel. Depuis peu, il ajoute la dimension biodiversité avec l’organisation WildFarmed.
Les 3 et 4 juillet derniers, le festival Groundswell a réuni les acteurs clés de l'agroécologie, de la fertilité des sols et de l'agriculture de conservation des sols au Royaume Uni.
Cet événement unique, dédié à l'agroécologie, à la santé des sols et aux pratiques innovantes, a rassemblé un large éventail de professionnels, des agriculteurs aux vendeurs de solutions technologiques.
David White, agriculteur passionné, fait partie de ces acteurs clés que l'on a pu croiser au détour d'un stand, écouter lors d'une conférence, ou avec qui l'on a pu échanger sur la réinvention de nos pratiques agricoles. Son approche et son expérience sont un témoignage précieux des évolutions en cours outre-Manche. Son défi pourrait se résumer ainsi : Comment concilier biodiversité, performances agronomiques et bien sûr économiques.
Hawk Mill Farm
- Installation en 1974 (3ème génération, la ferme est dans la famille depuis 30 ans).
- SD depuis 2016 sur la totalité de la surface
- 1 UTH
- Localisation : Cambridgeshire (Sud Est de l’angleterre)
- Sols calcaires légers.
- 160 ha (30 ha blé tendre, 25 ha de blé de printemps (WildFarmed), 15 ha de féveroles, 35 ha d’avoine de printemps, 30 ha d’orge de printemps, 5 ha de semences de couverts végétaux.
- 25 ha de blé de printemps pour WildFarmed conditions :
- Pas d’insecticides, d’herbicides ou de fongicides
- Maximum 120 kg d’azote sur le blé tendre d’hiver
- Maximum 80 kg d’azote par ha sur le blé de printemps, l’orge et l’avoine
- Maximum 40 unité d’azote par application pour limiter les risques de lessivages.
- 2 semoirs pour la polyvalence :
- Horsch CO4 (ancêtre du sprinter) semoir à dents fines et 2 trémies utilisé pour semer ¾ des semis car plus polyvalents en conditions extrêmes (humidité, sécheresse) il a environ 20 ans.
- Horsch Avatar (utile dans les grands couverts végétaux) 4m à disques avec 3 trémies 2021. David utilise ce semoir spécialisé principalement pour semer dans les couverts végétaux.
- Intrants : Pas de phosphore et potassium, peu d’azote et arrêt total des insecticides.
- Rendement moyen en blé : 8t/ha
Du conventionnel au semis direct.
Jusqu’en 2016, David cultivait principalement du blé et des légumes racinaires comme des betteraves qui engendrent une forte perturbation mécanique des sols (tassement, érosion, hydromorphie etc.). La “fatigue” des sols et la dépendance croissante aux intrants ont entraîné un déclic.
Avec le passage au semis direct, il cherchait d’abord à s’émanciper des filières agro-industrielles et de l’usage massif de produits phytosanitaires nécessaires à la production des légumes de consommation. Le changement a été radical et rapide. David a notamment poussé le curseur encore plus loin dans la biodiversité.
Diversifier pour restaurer le sol et la biodiversité

La pression sociétale a également compté dans sa décision. Avant sa transition, ses pratiques conventionnelles étaient régulièrement critiquées. Plus tard, une voisine lui confia que ses champs semblaient plus “souples” qu’avant, et plus que ceux des parcelles voisines. Une confirmation précieuse qui poussa David à continuer dans cette voie.
Les couverts végétaux (sarrasin, phacélie, trèfle, tournesol, radis..) ont très rapidement fait leur entrée dans son système avec une présence systématique après récolte.
Le premier objectif des couverts végétaux pour David est d’améliorer la structure du sol. Ils sont composés de lin, phacélie, radis, sarrasin, pois fourrager, féverole et moutarde.
Cependant, contrairement à de nombreux agriculteurs en semis direct qui misent sur les légumineuses dans les couverts végétaux pour stocker l’azote dans les sols, David les limites afin de réduire le risque de pathogènes pour les haricots et féveroles qui composent désormais son assolement.
Pour David, la diversification des espèces dans les couverts végétaux et l’assolement permettent de favoriser la biodiversité. Dans cette optique, il a rejoint rapidement le réseau Wildfarmed.
Wildfarmed, un réseau d’agriculteurs

En 2022, David intègre le réseau Wildfarmed, qui rassemble des fermes engagées dans le non-labour et surtout dans la réduction d’utilisation d’intrants.
Ce collectif offre à ses membres un espace d’échanges, d'expérimentations et une valorisation commerciale.
Le cahier des charges Wildfarmed ne permet plus l’utilisation ni d’herbicides, d’insecticides ou de fongicides et demande une réduction d’utilisation d’engrais de synthèse avec un maximum de 80 unités d’azote par hectare sur blé par exemple.
Aujourd’hui, aucun insecticide n’est plus utilisé sur l’exploitation entière de David et 22 ha de l’exploitation sont sous le cahier des charges de Wildfarmed.
Sur ces 22 ha, David produit du blé sans phytos et avec une quantité d’azote réduite. L’itinéraire technique blé WildFarmed de David est le suivant. Sur ces parcelles, un blé de printemps est cultivé contrairement à un blé tendre d’hiver sur les autres parcelles de David. En effet, le blé de printemps permet de limiter la concurrence face aux adventices puisque les herbicides ne sont pas une option sur les parcelles WildFarmed. Ce blé de printemps intervient après une avoine de printemps ou une féverole, lorsque le blé tendre conventionnel de David est placé à la suite d’un blé ou d’une orge de printemps.
Avant l’implantation des blés (Wildfarmed et conventionnel), David met systématiquement en place un couvert végétal composé de sarrasin, phacélie, trèfle, tournesol et radis semé à 35 kg/ha à l’aide de son semoir de semis direct à dent HorshCO4.
Ce couvert végétal est détruit par un déchaumage superficiel avant le semis du blé Wildfarmed, alors qu’il est détruit au glyphosate avant le blé d’hiver.
Le semis du blé d’hiver a lieu début octobre en direct dans le couvert végétal à une dose de semis de 185 kg/ha et le semis Wildfarmed se déroule au mois de mars après un déchaumage à disque superficiel à une dose de semis autour de 210 kg/ha.
La fertilisation des blés diffère également. Le blé dit “conventionnel” reçoit 200 à 220 unités d’azote en 3 applications de février à avril. Le blé Wildfarmed quant-à-lui ne reçoit que 80 unités d’azote par ha au total réparties de la manière suivante : 40 kg de N sous la forme d’ammonitrate au semis, puis 15 kg de N en végétation, complétées par 2 applications foliaires d’urée.
Wildfarmed influence le reste de la ferme. Encomplément, David essaye de limiter l’utilisation de phytos sur la totalité de son exploitation. Son blé tendre d’hiver reçoit ainsi, un désherbage anti-graminées et dicotylédones en post semis prélevés. Un rattrapage anti-graminées peut avoir lieu au mois de mars appliqué seulement aux tours de champs. Si nécessaire, il peut également faire un anti-dicotylédones à cette période. De fait, aucune gestion désherbage chimique n’est appliquée sur le blé WildFarmed. En revanche David a essayé la herse étrille mais n’y a pas vu une grande efficacité.
Le rendement du blé de printemps WildFarmed, avec un potentiel de rendement inférieur à un blé tendre d’hiver, est de 3,5-4,5 t/ha lorsque le blé tendre d’hiver est de 7 à 8 t/ha soit une baisse de rendement autour de 50%.
Suite à son entrée dans le réseau, David a mis en place différentes expérimentations comme l’association Avoine/féverole par exemple permettant de répondre aux exigences du cahier des charges. Le réseau WildFarmed permet à David d’expérimenter à moindre coût des pratiques pour potentiellement les mettre en place sur la totalité de l’exploitation.
Ainsi, il met un point d’honneur à assurer la pertinence économique de ces pratiques. L’expérimentation comprenait donc une comparaison entre l’association et la culture des deux espèces en pure.
- L’avoine pure a reçu une dose classique d’azote
- La féverole n’a pas reçu d’azote
- Le mélange n’a également pas reçu d’azote.
Le mélange a été semé selon la densité suivante : 50 kg/ha d’avoine et 250kg/ha de féverole.
A la récolte, le résultat est sans appel : le rendement est 1,3 fois supérieur en mélange qu’en cultures pures. De plus, aucun fongicide n’a été apporté sur la féverole.
David nous fait remarquer que la difficulté de ces mélanges réside dans la synchronisation de maturité des deux espèces ou bien une fauche avant récolte est nécessaire pour pouvoir récolter le mélange. De plus, ce mélange nécessite un triage post récolte qui entraîne un coût. Pour encourager la biodiversité et limiter le recours à la chimie, d’autres modes de diversifications sont à l’essai à l'image des bandes fleuries.
Les bandes fleuries : combiner biodiversité et performances agronomiques.
Le réseau WildFarmed axe ses travaux sur l’amélioration de la biodiversité intra et extra-parcellaire. Les espèces associées sont un bon moyen de favoriser cette biodiversité intraparcellaire. Cependant, elle présente de nombreux inconvénients. Dans cet objectif, WildFarmed a développé un réseau de parcelles d’essai en bandes fleuries. L’intérêt de ces bandes est de séparer les plantes d’intérêt pour la biodiversité de la culture.
Cette expérimentation est partie d’un constat. La distance maximale parcourue par les pollinisateurs et les auxiliaires est estimée par WildFarmed autour de 90 m. Une parcelle de plus de 90 m de large d’une même culture entraîne une baisse de la biodiversité au cœur de la parcelle. Cela a pour conséquence de diminuer le potentiel de pollinisation, le nombre d’oiseaux et de manière générale la biodiversité présente dans la parcelle. Les cultures sont alors plus sensibles aux attaques de ravageurs.
L’idée est donc d’intégrer à intervalles réguliers inférieurs à 90 m, des refuges pour les auxiliaires. Cet intervalle est calculé selon la largeur du pulvérisateur utilisé sur l’exploitation.
Les bandes fleuries font de 3 à 4m de large. Ces bandes peuvent être implantées pour l’année culturale puis enlevées pour la culture suivante ou bien maintenue sur plusieurs années.
Ces bandes fleuries sont composées d’espèces mellifères. La composition a été établie selon l’effet bénéfique des espèces mais également le coût d’implantation.
Le mélange est composé de sarrasin (25%), phacélie (25%), Tournesol (36,5%), trèfle violet (12%), de mauve musquée (0,75%) et de centaurée (0,75%).
David a implanté ces bandes fleuries en mars 2021 et les a maintenues jusqu’à l’été 2025.
Certaines de ces bandes étaient dépourvues d’adventices à la récolte du blé et composées à 99% de phacélie dû à la disparition des autres espèces lors des conditions sèches du printemps/été. David a donc décidé de récolter cette phacélie. Ce qui a permis de diminuer l’impact financier de l’implantation de ces bandes fleuries qui entraînent en moyenne une perte de 5% de surface cultivable. Cette phacélie sera utilisable pour les futurs couverts végétaux ou pourra intégrer le mélange des bandes fleuries. L’année prochaine, les parcelles WildFarmed vont changer, David a donc détruit/récolté les bandes fleuries. Cependant, si les bandes reviennent naturellement, il est prêt à les laisser.
WildFarmed
Fondé en 2018 par Andy Cato (ancien musicien devenu agriculteur primé et pionnier du semis direct), Edd Lees (ancien financier) et George Lamb (animateur et créateur du programme GROW), WildFarmed vise à réconcilier agriculture, biodiversité et résilience économique. Le collectif rassemble plus de 100 fermes au Royaume-Uni. Il promeut des pratiques régénératives : non-labour, cultures associées, couverts multi-espèces, bandes fleuries, suppression d’insecticides, fongicides et herbicides. La farine issue de ces fermes est distribuée dans les supermarchés et auprès de 500 boulangers et restaurateurs, garantissant un débouché stable et valorisant pour les producteurs. L’accent est mis sur la traçabilité, le marketing et la valorisation économique pour les producteurs, via des primes “biodiversité” et la reconnaissance de leur rôle dans la transition écologique.
Chiffres clés par WildFarmed :
- +500 % d’invertébrés dans les champs
- +55 % d’infiltration en eau
- 2,8 kg de CO₂ économisés par kg de farine régénérative
- 3,6 Mt de CO₂ économisés d’ici 2030 si généralisation dans la restauration britannique (Zero Carbon Forum 2024)
Implication de la chaîne de valeur
Les créateurs de WildFarmed travaillent en collaboration avec des acteurs des filières comme Nestlé déjà très impliqués dans la régénération des sols et de la résilience des exploitations. L'objectif est de joindre les forces afin d’impliquer et transformer les filières dans la transition agroécologique des exploitations.
Pour cela, l’accent est mis sur le markéting et la vulgarisation. Les pratiques plus vertueuses sont vulgarisées et mises en avant sur les réseaux sociaux, des packaging attractifs sont également créés afin d’attirer l'œil du consommateur.
La présentation des pratiques avec des visites d’exploitations sont courantes afin de convaincre les agro-industries puis les consommateurs. Des données chiffrées sont également récoltées afin de convaincre.
Mesurer pour convaincre
Sur ces expérimentations, les techniciens de WildFarmed réalisent des suivis biodiversité (comptages de pollinisateurs, oiseaux, chauves-souris) et évaluent l’impact économique.
Les bandes fleuries entraînent souvent une légère baisse de marge compensée par des primes filières valorisant la biodiversité.
Une grande partie du rôle de WildFarmed concerne la pertinence et la simplicité des méthodes de relevées et d’analyse de la biodiversité. C'est notamment pour cela que WildFarmed travaille en collaboration avec des instituts scientifiques et des étudiants. Différents outils sont utilisés dans les parcelles afin de mesurer efficacement la biodiversité. Ces méthodes sont testées et comparées.
De nouveaux outils apparaissent : des détecteurs acoustiques pour chauves-souris et insectes, ayant pour vocation de remplacer des pièges à eau. Ces détecteurs ont pour avantages de ne pas être destructeurs, d’avoir une mémoire et donc de pouvoir fournir les données précises en termes de temporalité sans demander un relevé journalier.
Les résultats observés sont nets : une augmentation de 20% de vers de terre, de 3,7 fois plus de bourdons, une nette hausse du nombre de pollinisateurs, d’oiseaux et de chauves souris. Cela est expliqué par le réseau comme un effet concomitant à l’arrêt des insecticides, à la mise en place des techniques agronomiques et à la diminution de l’utilisation des herbicides.
Au-delà de l’aspect biodiversité, sur les parcelles du réseau WildFarmed on a pu observer une augmentation de 55% de l’infiltration d’eau. Cela entraîne une résilience du système face aux aléas climatiques à l’image des longues périodes de sécheresses de cette année.
Des résultats visibles et partagés
David est globalement satisfait : les rendements progressent grâce aux associations culturales, les aides compensent les bandes fleuries, la biodiversité revient. Les herbicides et les fongicides ont fortement réduit et les insecticides ont entièrement été supprimés. Sa ferme est devenue “plus agréable à vivre”.
Et demain ?
David souhaite maintenir les bandes fleuries pluriannuelles, la diversification, affiner le suivi par vidéo et les expérimentations autour des nouveaux pièges.
Il en profite pour nous fournir quelques conseils ; se concentrer sur des résultats mesurables pour se lancer., diversifier l’assolement afin de limiter les maladies et intrants, enfin travailler avec les consommateurs, en apportant des preuves de biodiversité et de qualité des productions.
David White illustre la convergence entre innovations agronomiques, biodiversité et viabilité économique. Son expérience montre que performances agricoles ne s’opposent pas mais se complètent. Cette transition est d’autant plus facile, qu’un Label habile comme WildFarmed permet de franchir le pas.