Maîtrise du pâturage pour diminuer les phytos et augmenter son autonomie alimentaire
David Libot, éleveur laitier, souhaitait réduire l’usage des produits phytos sur son exploitation. En faisant la part belle aux prairies et en optimisant son exploitation grâce au pâturage tournant, il a fortement réduit l’emploi d’intrants chimiques tout en améliorant la durabilité de son système.
Contexte de l'exploitation
- Localisation : Avessac, Loire-Atlantique (44).
- Productions : 35 vaches laitières (270 000 L produits / an).
- Main d’œuvre : 1 UTH - Délégation régulière à ETA.
- SAU : 64 ha (52 % engagé dans DEPHY).
- Types de sol : Limono-argileux - Potentiel moyen (terres portantes mais séchantes).
- Spécificités exploitation / Enjeux locaux : Exploitation située dans un bassin de production en polyculture-élevage. Bocage préservé.
- Assolement 2014 (tous systèmes de culture) :
Le système initial
- A son entrée dans le réseau DEPHY, David Libot conduisait une exploitation de vaches laitières principalement nourries d’herbe pâturée et de maïs ensilage. Les systèmes de culture étaient orientés vers l’alimentation des vaches. Environ 10% de la SAU était consacrée à des cultures de vente (blé tendre d’hiver).
- David tâtonnait pour tenter de réduire les produits phytosanitaires sur ses cultures (maïs ensilage et blé).
Objectifs et motivations des évolutions
- Motivations liées aux risques santé et environnementaux.
- Diminuer le temps de travail.
- Réduire les charges de l’exploitation.
- Gagner en autonomie alimentaire du troupeau.
Les changements opérés
- Mise en place du pâturage tournant.
- Augmentation des surfaces en prairies.
- Diminution des surfaces en maïs ensilage et cultures de vente.
- Adoption du binage sur maïs.
- Conversion à l’AB démarrée en mai 2014.
Le système de culture actuel
Dans ce système, la gestion des adventices s’appuie sur une combinaison de leviers agronomiques dont :
- Des couverts étouffants (prairie et mélange céréales/protéagineux).
- Le décalage des dates de semis.
- Du désherbage mécanique permettant de maîtriser les adventices dans le maïs.
Résultats attendus
- Assurer l’autonomie alimentaire du troupeau à moindre coût.
- Tolérance des dommages sur culture sans perte économique.
- Rendements souhaités : Maïs ensilage : 12 tMS/ha, blé : 65 à 70 q/ha.
Focus 1 : Miser sur le pâturage pour réduire les coûts de production
Rassuré quant à l’autonomie fourragère de son système grâce au pâturage tournant, David Libot a pu travailler à la réduction d’intrants sur ses cultures sans stress. Ainsi, une légère baisse de rendement (sans perte économique) ne met pas en danger son système. Il se sent plus libre pour tester de nouvelles pratiques.
Adapter la taille des paddocks à la taille du troupeau, semer des mélanges adaptés (Ray-grass anglais + Fétuque + Trèfle blanc) et se caler sur la pousse de l’herbe permettent des systèmes en polyculture élevage productifs avec très peu d’intrants.
Focus 2 : Du désherbinage au désherbage 100% mécanique du maïs ensilage
L’utilisation des outils de désherbage mécanique doit se faire au travers d’une réflexion globale sur ses cultures en complément d’autres stratégies :
- Décalage de la date de semis.
- Rotation longue
- ...
David Libot réalise 1 à 2 passages de herse étrille en pré-levée puis un autre au stade 3 feuilles. La houe rotative intervient au stade 4/5 feuilles. Un passage de bineuse est réalisé peu après.
La herse étrille et la houe rotative sont des outils utilisables sur toutes les cultures visant des adventices très jeunes (stade « fil blanc » à cotylédon). Avantages : Faible coût, peu d’entretien et débit élevé.
La bineuse est également utilisable sur de nombreuses cultures. Peu coûteuse, elle permet de travailler sur l’inter-rang. Il est possible d’y adapter différents types de dents, de protections ou d’éléments pour travailler sur le rang ou pour butter, seule ou en combiné. Il existe différents types de guidages pour améliorer sa performance.
Témoignage du producteur
Pourquoi avoir modifié vos pratiques ?
"Je n’ai jamais aimé traiter. J’ai toujours eu un fort sentiment d’inconfort quand je sortais le pulvé mais je ne voyais pas comment faire sans. Et puis, j’ai eu des enfants. Et là, je me suis mis sérieusement à me poser des questions sur ce que j'utilisais comme produits qui pouvaient avoir un impact sur la santé et sur l'environnement. J'ai pris conscience que je produisais du lait qui n'était pas aussi sain que je le croyais. Je m'en rendais déjà compte avant mais j'avais la tête dans le guidon... Par rapport à mes pratiques, maïs et céréales étaient cultivés avec des intrants alors que je n’y avais que très peu recours sur mes prairies. Du coup, j'ai essayé de diminuer les céréales et le maïs mais je naviguais à vue. J’ai finalement fait évoluer mon système grâce à l’optimisation du pâturage qui m’a permis de réduire les intrants, de gagner en autonomie alimentaire et de baisser mes charges."
Quelles sont les conséquences sur votre travail ?
"En réaménageant mon exploitation pour favoriser le pâturage, j’ai pu diminuer mes surfaces maïs de 30% et transformer mes surfaces en céréales pures en mélanges céréaliers plus rustiques. Je ne travaille pas moins mais différemment. J’ai moins de pics de travail. Je me sens plus serein dans ma tête."
Si c’était à refaire ?
"Peut-être que je m’y mettrais plus tôt ! Je suis heureux de pouvoir dire que le lait que je produis est plus sain et de meilleure qualité qu'il y a 10 ans."
Quelles perspectives pour demain ?
"J’ai entamé une conversion à l’AB en mai 2014 et en ai donc fini avec les produits phytosanitaires. Je vais poursuivre l’implantation de prairies et diminuer les cultures de vente et le maïs ensilage. Mon nouvel objectif : me dégager plus de temps libre !"
Le regard de l'ingénieur DEPHY Emilie Serpossian
David a choisi d’aborder son système selon une approche économe et autonome à l’échelle globale de l’exploitation.
En optimisant économiquement son système fourrager grâce au pâturage tournant, il a pu diminuer ses surfaces en maïs ensilage et en blé tendre d’hiver. Cette 1 ère étape a directement entraîné une consommation des produits phytosanitaires à la baisse.
En parallèle, il a cherché à faire évoluer ses pratiques de gestion des bioagresseurs en combinant différents leviers : allongement des rotations grâce à des prairies de plus longue durée, association de variétés sur les mélanges céréaliers, semis du maïs plus tardif,...
David a également vu sa tolérance vis-à-vis des dommages sur cultures augmenter. Il a accepté de perdre un peu de rendement tant qu’il n’y a pas de pertes économiques.
Grâce aux échanges entre pairs, notamment dans le groupe DEPHY Ecophyto et à divers apports techniques, David a fait évoluer son système à son rythme sans prise de risque inconsidérée. Il a su regarder en face ses difficultés et chercher des leviers pour y pallier. Il a osé questionner son système et en sort gagnant puisqu’il est allé bien plus loin qu’il ne l’aurait pensé au départ. Vivement la prochaine étape!
Les performances du système de culture
Depuis 2012, les variations d’IFT s'expliquent par les variations des surfaces implantées en maïs ensilage et en culture de vente afin de sécuriser ses stocks avant d’entamer une conversion à l’agriculture biologique en 2015.
Autres indicateurs | Evolution | Remarques | |
---|---|---|---|
Economique | Produit brut | = | Depuis l’évolution de système, la marge brute
a nettement augmenté grâce à une forte diminution des charges liées aux intrants et ce malgré une stagnation, voire une légère baisse du produit brut. |
Charges phytos | - | ||
Charges totales | - | ||
Marge brute | + | ||
Charges de
mécanisation |
= | ||
Temps de travail | = | Moins de traitements mais plus de herse étrille et de
houe rotative. 50% des tâches déléguées (ETA) sur maïs | |
Rendement | = | Le temps de travail s’est lissé sur l’année (moins de pics)
notamment grâce à la diminution des surfaces en maïs. | |
Niveau de maîtrise | Adventices | + | Plutôt maintenu ou légère tendance à la baisse. |
Maladies | = | Intérêt fort du décalage de la date de semis en maïs
et meilleure maitrise du désherbage mécanique. | |
Ravageurs | = | Sur céréales, meilleure maitrise globale grâce à la
résistance des mélanges céréaliers. |
Points à retenir
Leviers mobilisés
- Pratiquer le pâturage tournant et réduire les surfaces de maïs ensilage et de blé au profit des prairies temporaires pour diminuer la consommation de phytos et être autonome en fourrage.
Principaux résultats et enseignements
- L’optimisation du pâturage a permis de réduire les intrants, de gagner en autonomie alimentaire et de baisser les charges.
- Adapter la taille des paddocks à la taille du troupeau, semer des mélanges adaptés (RGA + Fétuque + TB) et se caler sur la pousse de l’herbe permettent d'obtenir des systèmes en polyculture élevage productifs avec très peu d’intrants.
- En réaménageant l'exploitation pour favoriser le pâturage, les surfaces de maïs ont diminué de 30% et les surfaces en céréales pures ont été transformées en mélanges céréaliers plus rustiques.
- L'exploitant a moins de pics de travail et se sent plus serein.
Source
Maîtriser le pâturage pour diminuer les phytos et augmenter son autonomie alimentaire - Fiche trajectoire DEPHY FERME. Document réalisé par Emilie Serpossian, Ingénieur réseau DEPHY, CIVAM DEFIS, Loire-Atlantique en décembre 2015.
Action copilotée par le ministère chargé de l'agriculture et le ministère chargé de l’environnement, avec l’appui financier de l’Office national de l'eau et des milieux aquatiques, par les crédits issus de la redevance pour pollutions diffuses attribués au financement du plan Ecophyto
Annexes
Leviers évoqués dans ce système
Matériels évoqués dans ce retour d'expérience
Cultures évoquées