Mise en place d’infrastructures agroécologiques facilitées par le PSE

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Etude de sol chez Yohan

Ce retour d'expérience présente l'exploitation de Yohan Venet et son engagement dans un programme de PSE (Paiements pour Services Environnementaux) du Haut-Rhône, via la mise en place et le maintien d’infrastructures agroécologiques, les bénéfices obtenus, ainsi que les défis rencontrés, afin d’améliorer la durabilité de ses vergers.


Présentation

Contexte

  • Nom : Yohan Venet.
  • Localisation : Peyrieu, Ain (01).
  • Statut : Agriculteur.
  • Exploitation : EARL La corne d'abondance.
  • SAU : 8 ha, 2 ha en jachère (avec ajout engrais verts).
  • UTH : 1, avec des saisonniers pour les pics d’activité.
  • Cahier des charges : Agriculture Biologique, Label Haie.
  • Production : Arboriculture.
  • Importance de chaque atelier :
    • 2 ha hors PSE, en jachère avec ajout d’engrais verts en conversion vers l’AB.
    • 6 ha dans le PSE : 4,5 ha de pommiers, 1 ha de pêchers, 5 000 m² de poiriers, tout en Agriculture Biologique. Il a planté 2 300 arbres/ha en pommiers dans un système intensif, il maintient haut ses arbres (3,70 m) pour obtenir des rendements conséquents.
  • Transformation : Il fait faire du jus de pommes et des desserts de pommes.
  • Contexte (géographique, pédoclimatique, social…) :
    • 3 ha : Limon-argileux-sableux sur 1,50 m (profond), en dessous il y a du sable/gravier, car c’est l’ancien lit majeur du Rhône, c’est donc un terrain assez drainant, à pH basique.
    • 5 ha : Ancienne moraine glaciaire, limon-sable-argile avec des cailloux (= le fond de moraine) à pH acide. Les deux parcelles sont à 5 min en tracteur, avec le bâtiment principal au milieu des deux.
    • L’exploitation se situe au-dessus de la nappe phréatique du Rhône. Elle est circulante, donc ce n’est pas une zone nitrate, les CIPAN ne sont pas obligatoires. Quand le Rhône est haut, la nappe monte, quand il redescend, elle aussi. Ce n’est pas un bassin de collecte des eaux de pluie.
  • Climat :
    • Continental sec, qui a tendance à devenir méditerranéen en été avec une amplitude thermique au printemps et parfois en hiver. Il est touché par le gel de printemps tous les ans depuis son installation. Il utilise l’aspersion pour protéger ses arbres en pompant l’eau directement dans la nappe, qui est aussi utilisée contre la sécheresse.
    • Humide : Moyenne des précipitations entre 900 et 1000 mm, montagne = pluie.


Commercialisation

  • 30% des volumes de pommes et les poires en vente directe.
  • 100% des pêches en vente directe à la ferme et au marché.
  • 70 % des pommes vendues en coopérative bio avec 7 autres producteurs.


Historique de l'exploitation

Installé en 2010 dans la Loire, il s’est ensuite ré-installé en janvier 2019 à Peyrieu. Il a d’abord loué 4,5 hectares de terrain à des maraîchers (qui sont aussi dans le PSE), puis il a planté ses arbres. Aujourd’hui, il a 8 ha. Avant l’installation des maraîchers, les terres étaient une plaine bocagère céréalière en conventionnel. Il y avait beaucoup de parcelles de petite taille qui sont devenues, avec le remembrement plus grandes avec la disparition du bocage et de la plupart des arbres.

Le syndicat du Haut-Rhône et son territoire


Motivations

Yohan est un agriculteur qui souhaite avoir des pratiques respectueuses de l’environnement, minimiser au maximum son impact sur la biodiversité et compenser les effets de son agriculture.

Ses objectifs sont :

  • Prouver que l'on peut produire autant en bio qu'en conventionnel.
  • Avoir des rendements qui permettent de nourrir les autres avec le moins d’engrais et de produits phytosanitaires possible.
  • Avoir des terres en meilleure santé qu’au départ.

Aucun des 3 objectifs n’a été atteint en 5 ans.


Le PSE du Haut-Rhône

Source : Le PSE du Haut-Rhône
Indicateurs Description
1 : % IAE (excluant les mares, les haies et les alignements d’arbres dans la zone alluviale) au sein de la SAU Leur diversité ainsi que leur cumul permettent de créer des corridors biologiques à même de relier les différents milieux naturels au travers des espaces agricoles (fleuve, ripisylve, boisements, cours d’eau, zones humides, pelouses sèches, …).
2 : % de haies, d'arbres alignés et de mares au sein de la plaine alluviale Cet indicateur vise donc à inciter plus spécifiquement les exploitants agricoles à réimplanter des habitats naturels pérennes dans la plaine alluviale qui concentre les enjeux environnementaux du territoire.
3 : % IAE au sein de la SAU, gérées durablement. Cet indicateur permet de vérifier l’atteinte des 5% d’IAE en cumulant les valeurs des indicateurs n°1 et n°2 dont les ratios ne concernent pas les mêmes surfaces et les mêmes IAE.
4 : Nombre de milieux présents sur l’exploitation. Cet indicateur permet, en le valorisant, de sensibiliser les exploitants à l’importance de la diversité des milieux au sein de leur exploitation.
5 : Longueur moyenne des rotations sur l’exploitation. La diversité des productions au sein d’une même parcelle permet d’éviter la prolifération de ravageurs spécialisés, de maintenir un couvert végétal pour protéger le sol, limiter les plantes adventices et de diversifier les revenus pour l’exploitant.
6 : Pourcentage de couverture des sols L’absence de couverture des sols entraîne une diminution de la matière organique par érosion et donc une diminution de la capacité du sol à retenir les nutriments.
7 : Pourcentage de prairies permanentes dans la SAU Les prairies permanentes sont l'habitat d'une flore et d'une faune variée et notamment des 3 espèces de papillons indicatrices identifiées.
8 : Quantité moyenne d’azote minéral par hectare Cet indicateur vise à réduire l’utilisation des engrais minéraux non renouvelable.
9 & 10 : IFT herbicides et IFT hors herbicides Une part importante de la transition des systèmes de production agricoles conventionnels vers l'agroécologie est fondée sur la présence d'auxiliaires de culture.

Yohan est concerné par les indicateurs n°1 à 4, qui couvrent la brique 1 du PSE : La gestion des structures paysagères.


La gestion des structures paysagères

% d’infrastructures agroécologiques (IAE) sur la SAU

  • Date de mise en œuvre : 2021
  • SAU : 6 ha
La marque Végétal local est un outil de traçabilité des végétaux sauvages et locaux.


Prolongement des haies
  • En arboriculture, il est essentiel de ne pas bloquer la circulation d’air et créer des zones de froid, qui favorisent le gel. Il est interdit de planter des haies au nord des parcelles, qui feront de l’ombre sur les parcelles voisines. Les maraîchers avaient déjà commencé à planter des haies, donc Yohan a décidé de prolonger celles-ci. Le but étant de recréer de la continuité entre les arbres isolés et la forêt. Toutes les haies ont été plantées en année 1.
Les haies chez Yohan
  • Ce sont des espèces sauvages locales, de la filière “Végétal local” : aubépines, saules , noisetiers, sureaux. C’est donc une végétation plutôt arbustive, destinée à l’alimentation des oiseaux, qui fait office de ressource, d’abris et de couverture du sol. Au cadastre la parcelle s’appelle “terre de saule”, dû aux anciens arbres qui devaient y pousser.
  • La haie plantée en 2021 fait 180 m de long, avec 1 saule tous les 3 m, implantée là où il y a une remontée de nappes. Des espèces différentes de saule ont été plantées afin d’attirer une biodiversité diversifiée.
Suivi de l'entomofaune
  • Il y a eu un état des lieux au départ et des inventaires de la faune. Des suivis sont répartis sur les 5 ans, une durée trop courte pour visualiser l’évolution de la biodiversité selon Yohan, mais il pourront être poursuivis sur un plus long terme.
  • L’argent qu’il perçoit par le PSE n’est pas suffisant pour entretenir les haies et couvrir les dépenses de taille : environ 2000 € /an d’entretien contre 380 €/an perçu par PSE. Il n’y a pas de mécanisation de la taille, pour respecter le niveau 1 du label haie. La main-d'œuvre maximise les coûts d’entretien.
  • Valorisation des anciennes haies : il y avait déjà des érables de 10 m, que Yohan a taillés en têtard, afin de récupérer les petites branches pour faire du BRF et le reste est utilisé en bois de chauffe.


Mise en place et abandon des bandes fleuries

Il a planté des bandes fleuries là où il ne pouvait pas planter de haies, c’est-à-dire au nord. Il a aussi semé des bandes fleuries, en semis direct avec une machine qu’il a lui-même fabriquée, dans les inter-rangs des pommiers, afin d'amener de la vie entre les arbres fruitiers, et de diminuer les populations de ravageurs (en amenant des auxiliaires). Néanmoins, la loi pollinisateur interdit les insecticides, même en AB (notamment utiles dans la lutte contre le carpocapse, produit avec une mention abeille) en cas de présence de fleurs sauvages dans le verger ou son environnement. Il faut donc détruire les fleurs du couvert de l’inter-rang et dans les environs pour pouvoir traiter. C’est un non sens pour Yohan. En conclusion, il ne fait plus de bande fleurie, car il est trop compliqué de respecter les différentes réglementations (vitesse de vent, horaires, etc … sont aussi à prendre en compte).

La mare de Yohan


Création d'une mare

Une seule mare a été installée en haut de l’exploitation, contiguë avec les parcelles des maraîchers. Elle fait 10-12 m² pour une profondeur de 80 cm (maximum). Sa construction n’a engendré aucune dépense pour lui, puisque fiancé par le SHR. Il l’a laissée se végétaliser naturellement, mais en 2022 et 2023, les périodes de sécheresse ont mis à mal sa végétalisation. Il a donc dû apporter 6 m3 en 2022, et un peu moins en 2023, pour ne pas que la faune installée meurt. Une seconde mare est en projet, mais en dehors du PSE.


Bilan :

Positif ⇒ Il a observé une réduction des piqûres d'insectes dans les fruits, et d’oiseaux dans les pommes (environ - 50%) ; car ils ne vont plus chercher l’eau des fruits. Toute une faune vient s’y abreuver : lapin, sanglier, chevreuil, blaireau, grenouille, libellules, crapauds.

Négatif ⇒ Il est difficile d’avoir un corridor contiguë pour les amphibiens, car trop de parcelles ne sont pas impliquées.

Une tour à biodiversité chez Yohan


Mise en place de tours de biodiversité
  • Installation de 7 tours : au pied un gabion avec un grillage d’ 1 m x 1 m, rempli de cailloux afin de créer un abri pour les reptiles, avec des nichoirs à mésanges et chauve souris sur le mât et 1 perchoir en haut du mât.
  • Installations de nichoirs :  4 nichoirs à chauves souris/tours ; 1 nichoir à mésange (plus d’autres nichoirs à mésange dans les rangs de pommiers) ; certains pour les faucons crécerelle.
  • Le but est d’attirer des auxiliaires pour diminuer la pression des ravageurs sur son verger.

Bilan Positif ⇒ Il a revu un faucon crécerelle au printemps et hier, il n’y en avait plus avant.


Nombre de milieux sur l’exploitation

Il est quasiment impossible de créer de nouveaux milieux, mais c’est un indicateur obligatoire, les agriculteurs engagés dans ce PSE sont pratiquement tous à 10/10 (cf tableau Bilan).


Autres pratiques

Sur les 2 hectares restants, Yohan voudrait faire des murets en pierre pour les belettes, les martres et les fouines. D’autres haies sont en prévision pour le prochain PSE. Il aimerait faire des céréales sur les 2 hectares en conversion, mais il n’a pas le matériel, donc ils restent en jachère pendant 2-3 ans encore, ensuite il pourra entrer dans la gestion des systèmes de production (brique 2 du PSE).


Bilan

Source : SHR, 2024


Résultats observés/mesurés

  • C’est que bénéfique pour le moment, car cela recrée rapidement de la biodiversité, ce qui est encourageant.
  • Le PSE n’a changé aucune de ses pratiques, car il était déjà en bio et engagé. Il traite toujours autant contre le carpocapse. En arboriculture, il a du mal à changer ses pratiques, ce sont des cultures pérennes, donc il ne peut pas se permettre de perdre des arbres. Il traite pour avoir un fruit et pour maintenir la santé de ses arbres, car ils doivent durer au moins 18 ans.
  • Il veut augmenter les populations de faucons crécerelle et de couleuvres pour lutter contre les campagnols qui est un fléau atroce. Environ 10% de ses plantations sont perdues tous les ans à cause des campagnols, pourtant il en piège pas mal.


Rémunération

Dans la mesure où c’est le Syndicat du Haut Rhône qui a financé l’ensemble des IAE dans un précédent programme avec l’appui financier de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, que l’exploitation concerne une très petite surface et que Yohan n’a pas pu s’inscrire sur les indicateurs agricoles (brique 2), il ne touche que 380 € par an (cas particulier non représentatif des PSE).

L’argent qu’il perçoit par le PSE n’est pas suffisant pour entretenir les haies et couvrir les dépenses de taille : environ 2000 € /an (taille ponctuellle) d’entretien contre 380 €/an perçu par PSE. Il n’y a pas d’utilisation d’épareuse pour la taille, pour respecter le niveau 1 du label haie. La main-d'œuvre maximise les coûts d’entretien (contexte de non exploitation de la haie avec entretien d’emprise pour les voisins).

Contrôles

Ils sont effectués par le Syndicat du Haut Rhône, qui vérifie les indicateurs du label haie. Si on n’obtient pas le niveau 1 du Label Haie (contrôle annuel), on doit repayer les investissements du PSE, mais cela n'arrive jamais, il est facile à obtenir/maintenir.


Accompagnement

Le SHR se charge de l’ensemble des démarches, il est difficile de tout remplir seul, l’administratif reste compliqué notamment à cause des nombreux d’indicateurs à renseigner. L’accès en ligne est simplifié sur Mes démarches simplifiées, mais les tableaux d’indicateurs sont complexes, le SHR se charge de les remplir.

Si c’était à refaire

Il aurait prévu un système d’irrigation, sur la plantation des haies en 2021, pour limiter la perte des plants avec la sécheresse. Ces pertes n’ont pas été compensées par le PSE, ni replantées.


Avantages et limites

Avantages

  • Les IAE amènent de la biodiversité rapidement, et c’est valorisant.
  • Cela permet de montrer aux autres agriculteurs que cela fonctionne, et de les encourager à se lancer.


Limites

  • Il est difficile de mettre en place les corridors pour la continuité écologique, car pour créer une continuité, il faut passer par des parcelles qui ne sont pas à lui.
  • Il y a trop peu d'exploitations dans le PSE du Haut-Rhône : 4 000 ha dans sa zone, contre 30 ha engagés dans le PSE.
  • Les rotations sont compliquées en arboriculture (brique 2 du PSE), car c’est une culture pérenne.  
  • Il manque d’un suivi scientifique régulier pour quantifier l'impact des aménagements sur la biodiversité et la régulation des ravageurs.
  • Les rotations sont impossibles en arboriculture d’où l’impossibilité de s’inscrire dans la brique 2 du PSE.


Investissements

Temps de travail : préparation rapide des terrains (3h) pour la plantation de haie et du semis des bandes fleuries. L’ensemble des IAE a été installé par des chasseurs, des étudiants de BTS, des jeunes en formation en BPREA ; la main d'œuvre a été recrutée par le Syndicat du Haut-Rhône. Le suivi faunistique (ver de terre, collemboles, microbiologique, insectes, oiseaux, mammifères, …) a servi de diagnostique pour savoir quoi améliorer sur les parcelles. Cela a permis au PSE d’être amorcé.

Il n’y a pas forcément de retour sur investissement sur les très petites surfaces, et le suivi est difficilement quantifiable.


Conseils de Yohan

  • Il faut se lancer dans le PSE, par conviction. Il ne faut pas le faire pour l’argent.
  • Il n’y a pas forcément de retour sur investissement, et le suivi est difficilement quantifiable.
  • Mais la biodiversité reste ultra importante, et il est nécessaire de recréer de la continuité entre les milieux.


Perspectives

  • Installation de haies sur les 2 hectares en jachère.
  • Création d'une seconde mare prévue.
  • Mise en place de murets en pierre pour attirer les belettes, les martres et les fouines.
  • Définir sa position sur les bandes fleuries, pour savoir s’il continue ou pas.


Sources

  • Interview de Yohan Venet du 28/10/2024
  • Interview d'Arnaud Bourse, Chargé de mission Gestion Milieux Aquatiques du Syndicat du Haut-Rhône, le 14/10/2024.





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