Vers de terre, architectes des sols fertiles
Les vers de terre sont généralement les animaux du sol les plus répandus dans les sols agricoles. Ils sont connus pour améliorer les propriétés physiques, chimiques et biologiques du sol. Avec les micro-organismes, ils ont un fort potentiel d’amélioration de la fertilité du sol.
Bien que la taxonomie et la biologie générales des vers de terre soient bien connues, les connaissances sur leurs effets sur les sols et leurs interactions avec d’autres organismes du sol ainsi que sur l’influence des pratiques agricoles sur leurs populations ne progressent que lentement.
La présente fiche technique résume les connaissances sur les vers de terre. Elle donne un aperçu de la biologie et de l’écologie des vers de terre et des multiples services rendus à l’agriculture par ces derniers. En outre, cette publication contient des recommandations visant à favoriser la présence de ces organismes extraordinaires dans les sols agricoles.
Des animaux du sol sous-estimés

Au XIXᵉ siècle, les vers de terre étaient considérés comme des organismes nuisibles. Bien que cette vision ait complètement changé, on ne leur accorde toujours pas une attention suffisante dans la pratique agricole. Rares sont les agricultrices et agriculteurs qui prennent des mesures visant à favoriser les vers de terre. Au contraire, les machines lourdes, le travail intensif du sol et l’utilisation massive de pesticides ont réduit drastiquement ou presque éliminé les populations de vers de terre en de nombreux endroits. En revanche, dans le sol d’une surface herbagère d’un hectare exploitée de manière naturelle, on trouve jusqu’à trois millions de vers de terre.
Le nombre, la biomasse et la diversité des vers de terre sont considérés comme des critères importants pour la fertilité des sols, car une riche faune de vers de terre contribue à bien des égards à la bonne santé et à l’activité biologique des sols. Cela favorise à son tour de nombreux services écosystémiques positifs et entraîne une meilleure résistance et adaptation des systèmes agricoles au changement climatique. En raison des nombreux services qu’ils fournissent pour améliorer la durabilité des agroécosystèmes, les vers de terre devraient faire l’objet d’une attention accrue et d’une promotion ciblée dans le cadre de la promotion de l’agriculture durable, notamment de l’agriculture biologique.
Diffusion et biologie des vers de terre
Diffusion
Les vers de terre (Lumbricina) se trouvent dans la plupart des sols, à l’exception des régions polaires et des déserts. Alors que plus de 3000 espèces sont connues dans le monde, il n’existe que 400 espèces en Europe et 40 en Europe centrale. Seules 4 à 11 espèces sont répandues dans les champs cultivés.
Sols
Les vers de terre préfèrent les sols mi-lourds limoneux à limono-sableux. Les sols argileux lourds et les sols sableux secs ne sont pas favorables à leur développement et limitent leur propagation. Dans les sols tourbeux acides ne vivent que quelques espèces «spécialistes», qui se sont adaptées à ces conditions inhospitalières.
Climat
Les vers de terre ne peuvent pas réguler leur température corporelle. Lorsqu’il fait très sec et très chaud, de nombreuses espèces se retirent dans les couches profondes du sol. Lorsque les températures hivernales sont basses, les vers se retirent dans la partie non gelée de leurs galeries et leur métabolisme se ralentit au minimum. Les jours d’hiver sans gel, certaines espèces redeviennent actives. C’est au printemps et en automne que les vers de terre sont les plus actifs.
Les vers de terre sont sensibles à la sécheresse. Ils ne sont actifs que lorsque le sol est humide. Lorsque le sol est sec, ils sont inactifs. Comme les vers de terre peuvent perdre jusqu’à 20 % de leur poids corporel par jour sous forme de mucus et d’excréments, ils ont besoin d’humidité pour rester en vie.
Développement
Les vers de terre se développent lentement, à l’exception des épigés, qui vivent dans la litière (p. ex., les vers du fumier). Les lombrics communs ne produisent qu’une seule génération par année qui produit au maximum 8 à 12 cocons (œufs). Les vers de terre vivent de 2 à 10 ans selon l’espèce.
Reproduction
Les vers de terre sont hermaphrodites. Les individus qui ont atteint leur maturité sexuelle se reconnaissent au clitellum, un anneau situé au tiers antérieur du corps. Dans les zones tempérées, l’activité de creusement et la reproduction ont lieu de mars à avril ainsi qu’en septembre et en octobre.
Mobilité et propagation
Les vers de terre peuvent migrer dans les champs cultivés depuis des surfaces limitrophes intactes telles que les prairies. Le lombric commun (Lumbricus terrestris) peut franchir jusqu’à 20 mètres par an. Les oiseaux et le bétail contribuent considérablement à la propagation des vers de terre.
Alimentation
Les vers de terre se nourrissent essentiellement de débris végétaux morts, mais ne disposent pas d’enzymes digestives pour décomposer les cellules de la matière végétale. Voilà pourquoi ils mélangent la biomasse végétale avec de la terre minérale pour la digérer. Pour couvrir leurs besoins quotidiens en calories, ils doivent manger 10 à 30 fois leur propre poids.
Pendant la nuit, les vers de terre pâturent le «gazon d’algues» produit pendant le jour à la surface du sol et tirent des débris végétaux morts dans leurs galeries, où des micro-organismes les «prédigèrent» en 2 à 4 semaines. Comme les vers de terre n’ont pas de dents, ils ne peuvent pas se nourrir de racines. Pour prospérer, ils ont besoin d’une alimentation riche en biomasse végétale, comme les racines mortes, les feuilles, et le fumier en décomposition.


Services rendus à l’agriculture par les vers de terre
Les vers de terre influencent de nombreux services écosystémiques liés à la fertilité du sol et à la production végétale. Voilà pourquoi la promotion des vers de terre et d’autres animaux importants du sol contribue à une utilisation plus efficace des processus écologiques. L’amélioration des propriétés abiotiques et biotiques du sol par les vers de terre présente de nombreux avantages pour les agricultrices et agriculteurs tels qu’une disponibilité accrue des éléments nutritifs, une meilleure rétention de l’eau, une érosion réduite et une productivité accrue des cultures.

Les vers de terre aèrent le sol
Un nombre élevé de galeries de vers de terre augmente considérablement le nombre de macropores et contribue ainsi à une bonne aération du sol.

Les vers de terre favorisent la croissance des racines
En général, plus de 90 % des galeries de vers de terre sont colonisées par les racines des plantes. Les vers de terre laissent une grande partie de leurs déjections riches en éléments nutritifs dans leurs galeries. Ces turricules offrent des conditions favorables à la croissance des racines. Grâce aux galeries, les racines pénètrent plus facilement dans les couches profondes du sol et y trouvent des éléments nutritifs, de l’eau et de l’air. Les vers de terre mélangent la chaux et les engrais de la surface avec la terre et les déplacent dans les couches plus profondes du sol.
Les vers de terre améliorent l’infiltration de l’eau et réduisent le ruissellement
Les galeries stables et verticales des anéciques, en particulier, améliorent considérablement l’infiltration, le stockage et le drainage de l’eau dans le sol. Elles réduisent ainsi le ruissellement de l’eau en surface et l’érosion. Dans les sols abritant des vers de terre, l’eau s’écoule jusqu’à dix fois plus vite que dans les sols sans vers de terre.
Les galeries verticales stabilisées par le mucus peuvent atteindre 3 mètres de profondeur dans les sols profonds sur loess et même 6 mètres dans les terres noires. Leur puissante musculature permet aux vers de terre anéciques de traverser les zones du sol faiblement compactées et d’améliorer ainsi l’écoulement vertical de l’eau.
Dans les sols non labourés, on trouve jusqu’à 150 tubes au mètre cube, soit 900 mètres de galeries. Dans les sols non labourés où les populations de vers sont importantes, l’infiltration de l’eau peut être jusqu’à six fois plus élevée que dans les sols régulièrement labourés.
Les vers de terre incorporent les débris végétaux morts dans le sol
Les vers de terre incorporent dans le sol les matières organiques telles que les résidus de culture, les engrais organiques, le fumier ou le mulch. Ils mélangent les résidus végétaux par broyage physique et digestion chimique. Ils accélèrent ainsi la décomposition de la biomasse morte et stimulent le cycle des éléments nutritifs dans le système sol-plantes. Lorsque les vers de terre tirent de la matière végétale dans leurs galeries, ils déplacent de précieux éléments nutritifs dans le sol, en particulier dans les couches profondes (bioturbation).
Dans les surfaces herbagères, les vers de terre incorporent dans le sol jusqu’à 6 tonnes de matière organique par hectare et par an. Dans les forêts, ils digèrent jusqu’à 9 tonnes de feuilles mortes par hectare.
Les vers de terre décomposent les débris végétaux morts et approvisionnent les plantes en éléments nutritifs
En fonction de la densité de population, les vers de terre produisent entre 40 et 100 tonnes de déjections par hectare et par an. Les turricules déposés à la surface ou au sein du sol forment des agrégats ou grumeaux stables. Les déjections des vers de terre sont un mélange intime de particules végétales et minérales, et les éléments nutritifs y sont présents en plus forte concentration et sous une forme facilement assimilable par les plantes. Les turricules contiennent en moyenne 5 fois plus d’azote, 7 fois plus de phosphore et 11 fois plus de potassium que la terre environnante. L’azote contenu dans les turricules est facilement disponible pour les plantes.
Les vers de terre rajeunissent le sol
Les vers de terre transportent de la matière et des éléments nutritifs du sous-sol vers la couche arable et maintiennent ou améliorent ainsi la vitalité du sol.


Les vers de terre contribuent à une meilleure structure et stabilité du sol
En brassant intensivement la matière organique avec des particules minérales du sol et des micro-organismes et en sécrétant du mucus, les vers de terre forment des agrégats stables qui améliorent la structure du sol. Les sols présentant une forte activité des vers de terre sont moins sensibles à la battance et plus faciles à travailler que les sols présentant une faible activité des vers de terre. En outre, les éléments nutritifs et l’eau sont mieux retenus. Une production importante de turricules ameublit les sols lourds et améliore la cohésion des sols sableux.

Les vers de terre contribuent à réguler le nombre d’agents pathogènes et de ravageurs
Les vers de terre favorisent l’implantation et la prolifération des bactéries et des champignons du sol utiles dans leurs galeries et leurs turricules. En tirant les feuilles mortes dans le sol, ils contribuent à la décomposition biologique des agents pathogènes responsables de maladies foliaires et des ravageurs (p. ex. les stades hivernants des agents fongiques responsables de la tavelure du pommier et les insectes tels que les mineuses des feuilles).
Les vers de terre aident à lutter contre les ravageurs du sol
Des études scientifiques montrent que les vers de terre répandent dans le sol des nématodes (p. ex.Steinernema sp.) et des champignons (p. ex. Beauveria bassiana) insecticides, et contribuent ainsi à une meilleure régulation naturelle des ravageurs dans le sol. Toutefois, les stades dormants comme les spores fongiques survivent au passage dans l’intestin des vers de terre et se retrouvent ensuite dans les turricules.
Les vers de terre favorisent la fixation du carbone
Les vers de terre absorbent des résidus organiques avec différents rapports C : N et les transforment en matière avec un faible rapport C : N. De cette manière, ils contribuent finalement au stockage du carbone et à l’atténuation du changement climatique.
Groupes écologiques des espèces de vers de terre
Les vers de terre sont classés en trois catégories écophysiologiques principales (voir également Tableau 1):
- Les espèces épigées vivent entre le sol et la litière, et se nourrissent de matières organiques en décomposition sans creuser.
- Les espèces endogées creusent des galeries horizontales dans les 10 à 30 cm supérieurs du sol. Elles excrètent la terre digérée dans leurs galeries.
- Les espèces anéciques creusent des galeries verticales stables et profondes. Elles utilisent les galeries stabilisées par les déjections pour se rendre à la surface du sol et collecter de la matière végétale pour se nourrir.
Dans l’agriculture, les espèces anéciques jouent un rôle clé (biomasse plus élevée et brassage du sol plus important par rapport à d’autres espèces, galeries stables, infiltration de l’eau dans le sol). Pour les grandes cultures et la production fourragère, toutes les espèces de vers fouisseurs (c.-à-d. les endogés et les anéciques) jouent un rôle important. Les vers endogés contribuent à améliorer la fertilité et la structure de la couche arable, tandis que les vers de terre anéciques contribuent à des améliorations sensibles dans les couches plus profondes du sol en y apportant de la matière organique et en améliorant l’aération et la capacité de rétention d’eau du sol grâce à leurs galeries verticales. Ces dernières favorisent également un enracinement plus profond dans les champs cultivés, ce qui tend à entraîner une augmentation des rendements, car davantage d’éléments nutritifs sont disponibles.
Les espèces de vers de terre vivant à la surface du sol (épigés) revêtent une importance particulière dans la décomposition de la litière et le compostage (voir Encadré 1).
Encadré 1 : Le lombricompostage
Le lombricompostage est un procédé qui consiste à utiliser différentes espèces de vers épigés pour décomposer des déchets organiques et produire un engrais et amendement organique riche en éléments nutritifs destiné aux petites exploitations agricoles. Les propriétés bénéfiques du lombricompost sont essentiellement dues à la teneur élevée en éléments nutritifs des déjections de vers de terre.

Tableau 1: Trois groupes écologiques de vers de terre dans les écosystèmes des latitudes tempérées
| Groupes | Épigés | Endogés | Anéciques |
| Types | Espèces qui habitent dans la litière de surface | Espèces qui creusent des galeries horizontales et superficielles | Espèces qui creusent des galeries verticales
et profondes |
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| Espèces importantes | • Ver du fumier (Eisenia fetida)
• Lumbricus rubellus |
• Octolasion lacteum
• Allolobophora caliginosa |
• Lombric commun (L. terrestris)
• Allolobophora longa |
| Pigmentation | Rouge-brunâtre, généralement pigmentés aussi bien sur le ventre que sur le dos | Non ou légèrement pigmentés | Brun-rougeâtre, tête plus foncée,
généralement pigmentés uniquement sur le dos |
| Habitat | • Litière de surface des prairies et des forêts et compost
• Rarement dans les sols labourés puisqu’il ne peut pas s’y former de couche de litière permanente |
• Couche arable (5 à 40 cm) de sols minéraux humiques; surtout galeries horizontales et instables
• Jeunes animaux: couches superficielles du sol |
• Toutes les couches du sol jusqu’à 3 à 4 m
de profondeur ; galeries verticales et stables (Ø 8 à 11 mm) • Sont essentiels pour les sols agricoles |
| Taille | Petits, le plus souvent 2 à 6 cm de
longueur |
Petits ; jusqu’à 18 cm de longueur | Le plus souvent grands, 15 à 45 cm
de longueur |
| Capacité à creuser | Faible | Moyenne | Élevée |
| Alimentation | • Se nourrissent de petits morceaux de plantes restés à la surface du sol | • Se nourrissent de débris de plantes dans la couche arable | • Tirent de grands débris de plantes dans les galeries où ils habitent |
| Survie en cas de sécheresse et en hiver | • Au stade de cocon | • Quiescence en cas de sécheresse
• Diapause pour l’hibernation |
• Quiescence en cas de sécheresse
• Diapause partielle ou nulle en hiver (L. terrestris) |
| Prédation | • Très élevée (oiseaux, mammifères
et arthropodes prédateurs) |
• Faible | • Élevée, lorsqu’ils rampent à la
surface du sol |
| Multiplication | • Forte (100 cocons p. a.) | • Limitée (8 à 12 cocons p. a.) | • Limitée (8 à 12 cocons p. a.) |
| Durée de vie | • Courte: 1 à 2 ans | • Moyenne: 3 à 5 ans | • Longue: 4 à 8 ans |

Estimation du nombre de vers de terre dans un sol
Le nombre de vers de terre peut varier considérablement en fonction du type de sol, des précipitations et des méthodes de culture. Dans les champs cultivés, il peut atteindre de 30 à 300 individus par mètre carré. En Europe centrale, une population de 120 à 140 vers par mètre carré représente une bonne densité dans les champs cultivés de manière intensive. Cela correspond à 90 à 110 g de biomasse de vers de terre par mètre carré.
Pour estimer la population de vers de terre dans un champ, on peut déterminer approximativement le nombre de vers à l’aide des méthodes suivantes (méthodes pratiques):
- Nombre de vers : 5 échantillons de 10 × 10 cm par 25 cm de profondeur prélevés à la bêche dans un sol limoneux mi-lourd et fertile contiennent en moyenne 2 à 3 vers, ce qui correspond à 100 à 200 vers de terre par mètre carré.
- Le nombre de galeries est aussi un bon indicateur de l’activité des vers dans le sol.
- Si l’on compte le nombre de déjections laissées par les vers de terresur une surface de 50 × 50 cm pendant leurs principales périodes d’activité (de mars à avril et de septembre à octobre), 5 turricules ou moins indiquent une faible activité des vers, 10 turricules indiquent une activité modérée, tandis que 20 turricules ou plus indiquent une bonne activité et un nombre élevé de vers dans le sol.

Encadré 2: Densité de vers de terre en fonction de l’habitat
La colonisation d’un habitat par les vers de terre dépend en premier lieu de l’approvisionnement en nourriture et en eau. En conséquence, le nombre de vers de terre par mètre carré varie considérablement :
- Pâturage extensif : 400 à 500
- Prairie fertilisée : 200 à 300
- Forêt de feuillus : 150 à 250
- Champ exploité de manière extensive : 120 à 250
- Prairie maigre : 30 à 40
- Forêt d’épicéas : 10 à 50
Pratiques agricoles efficaces visant à favoriser les vers de terre
Les populations de vers de terre ont tendance à augmenter à mesure que la teneur en matière organique du sol augmente et à diminuer lorsque le sol est perturbé, par exemple par un travail intensif et l’utilisation de produits chimiques nocifs, ou en cas de faible apport en matière organique. La mise en œuvre de mesures appropriées peut favoriser de manière décisive les vers de terre et, plus largement, la fertilité du sol. Il est donc essentiel de comprendre quelles mesures ménagent ou favorisent les vers de terre.


Réduire au minimum le travail profond et intensif du sol
- Les charrues et les outils à rotation rapide peuvent nuire considérablement aux vers de terre. Le taux de mortalité est d’environ 25 % après un labour et peut atteindre 70 % en cas d’utilisation d’un outil rotatif. Voilà pourquoi les charrues et les outils à rotation rapide ne doivent être utilisés que lorsque c’est absolument nécessaire et que l’activité des vers de terre dans la couche arable est faible.
- Le travail du sol a nettement moins d’effets négatifs sur les populations de vers de terre lorsque les sols sont secs ou froids, car dans ces conditions, les anéciques, en particulier, se trouvent dans des couches de sol profondes.
- L’utilisation d’une charrue hors-raie et le labour superficiel réduisent le tassement des couches profondes du sol.
- Le travail de conservation du sol, dont fait partie le travail réduit du sol, diminue la perturbation du sol et le risque de tassement, augmente l’offre de nourriture et conserve l’eau du sol. Tout cela contribue à augmenter la densité et la biomasse de vers de terre et de micro-organismes.


Le retournement du sol à l’aide d’une charrue blesse et tue directement les vers de terre, et les expose à des conditions difficiles et à des prédateurs. En outre, il détruit les galeries verticales des vers anéciques et ensevelit leurs sources de nourriture. Un travail réduit du sol entraîne une nette augmentation de la densité de la population de vers de terre, de la biomasse et des individus aux différents stades de croissance par rapport au labour, selon les résultats obtenus sur un sol argileux cultivé en bio (Kuntz et al., 2013).
Réduire autant que possible la pression exercée sur le sol et le tassement
Les vers de terre ont besoin d’un sol suffisamment aéré et «meuble». Le tassement (compactage) du sol a des effets négatifs sur les populations de vers de terre, les autres organismes du sol et de nombreux processus biologiques. Les vers de terre ont des difficultés à creuser dans les sols fortement compactés. Il convient donc d’éviter ou du moins de réduire autant que possible le tassement du sol.
À quoi faut-il veiller ?
- Régler les machines agricoles de manière à réduire autant que possible la pression exercée sur le sol et notamment la pression des pneus.
- Utiliser des machines légères. Plus les machines sont légères, moins le sol est compacté.
- Les sols humides étant particulièrement sensibles au tassement, ne circuler que sur les sols bien ressuyés ayant une bonne portance.
- Drainer ou remblayer les sols qui ont tendance à présenter des zones humides.


Diversifier la rotation des cultures
Une rotation culturale diversifiée assurant une bonne couverture du sol et un apport régulier en matière organique offre des conditions de vie favorables aux vers de terre.
À quoi faut-il veiller?
- Les prairies permanentes sont idéales pour les vers de terre. Elles fournissent de grandes quantités de matière organique provenant des feuilles et des racines. Le matériel résultant des coupes de nettoyage et les déjections décomposées des animaux de pâture constituent également de bonnes sources de nourriture.
- Une rotation diversifiée comportant des cultures dérobées ou des engrais verts hivernants et à enracinement profond ainsi que des résidus de culture riches est essentielle au bon développement des populations de vers de terre. Une alternance de prairies pluriannuelles et de cultures annuelles contribue à augmenter la teneur en matière organique et favorise la faune de vers de terre.
- Les engrais verts sont enfouis dans le sol lorsque la biomasse maximale est atteinte, afin de fournir de la matière organique pour la culture suivante. Ils peuvent également être pâturés ou fauchés, et le matériel végétal peut être laissé à la surface du sol pour se décomposer.
- Les chaumes de céréales fournissent une grande quantité de matière organique. Le brûlage des chaumes détruit la matière organique dans la couche arable, ce qui affecte les vers de terre se trouvant à la surface. L’idéal est de semer la culture suivante directement dans les chaumes (délicat en bio) ou après un travail minimal du sol.
- Les couvertures du sol telles que les sous-semis de trèfle ou les chaumes réduisent l’évaporation de l’eau et maintiennent le sol plus humide. En outre, elles diminuent les effets des conditions climatiques extrêmes comme la chaleur et le gel.
- Étant donné que l’humus retient l’eau dans le sol, une teneur plus élevée en matière organique du sol contribue non seulement à améliorer l’approvisionnement en eau des cultures en cas de sécheresse, mais aussi à créer des conditions de vie plus équilibrées pour les vers de terre.
- Dans une rotation culturale, les prairies temporaires de deux ans régénèrent considérablement les populations de vers de terre. Les mélanges trèfle-graminées pluriannuels sont plus favorables que les mélanges annuels.
Adapter la fumure à la nature du sol et aux besoins des plantes
Tant le type que la quantité d’engrais utilisés ont des effets sur les populations de vers de terre.
À quoi faut-il veiller?
- Une fumure appropriée et équilibrée est bénéfique à la fois pour les plantes et pour les vers de terre.
- Du fumier légèrement décomposé offre plus de nourriture aux vers de terre que du compost mûr et convient donc mieux pour les favoriser.
- Les engrais organiques ne doivent être incorporés que superficiellement. Les résidus de culture profondément enfouis sont nocifs pour les vers de terre, car ils peuvent créer des conditions anaérobies néfastes lors de leur décomposition.
- L’épandage de grandes quantités de lisier nuit à la faune de vers de terre. L’ammoniac contenu dans le lisier non préparé est toxique pour de nombreux organismes et particulièrement nocif pour les vers de terre se trouvant à proximité de la surface dans les sols saturés en eau. Voilà pourquoi il convient de brasser (aérer) et diluer le lisier avant de l’épandre.
- Les engrais liquides ne doivent être épandus que sur des sols capables de les absorber et en quantités modérées de 25 m³ au maximum par hectare. Le digestat liquide peut, selon sa qualité, nuire aux vers de terre et il est donc moins recommandé.
- La plupart des vers de terre préfèrent les sols dont le pH est compris entre 5,5 et 7,5. Pour garantir un pH optimal du sol, il convient d’épandre systématiquement de la chaux sur la base de mesures de pH.

Encadré 3: Mesures clés pour favoriser les vers de terre
Les mesures suivantes favorisent les vers de terre dans les sols agricoles:
- Assurer une offre suffisante de nourriture (matériel végétal) dans les champs cultivés grâce à une couverture végétale permanente (même en hiver).
- Renoncer à l’utilisation de pesticides nocifs pour les vers de terre et d’autres organismes utiles du sol.
- Utiliser des méthodes de travail du sol douces telles que le travail réduit du sol et le semis direct pour favoriser la fertilité et la structure grumeleuse du sol.
- Éviter le tassement et favoriser une bonne structuration et aération des sols en utilisant des machines appropriées et plutôt légères.
- Adapter la fumure en fonction du site et des besoins des plantes.
- Assurer un apport continu de matière organique tout au long de la rotation des cultures.


Effets négatifs des pratiques agricoles non biologiques sur les populations de vers de terre
Utilisation de pesticides nocifs
Divers pesticides (y compris ceux utilisés pour traiter les semences) peuvent augmenter la mortalité individuelle des vers de terre, réduire leur fécondité et leur croissance, et perturber les processus enzymatiques. En outre, ils peuvent modifier le comportement individuel des vers de terre, par exemple en réduisant la quantité de nourriture ingérée et, en fin de compte, la biomasse et la densité globales de la population. Dans les champs cultivés, les espèces endogées telles que A. caliginosa, qui étendent continuellement leurs galeries horizontales et se nourrissent dans la couche arable, sont les plus sensibles aux pesticides toxiques introduits dans le sol. En revanche, les espèces anéciques comme Lumbricus terrestris, qui vivent dans les couches plus profondes du sol, sont moins sensibles aux pesticides.
Les insecticides et les fongicides sont les pesticides les plus toxiques affectant la survie ou la reproduction des vers de terre. Certains fongicides comme la bouillie bordelaise et d’autres produits à base de cuivre (également autorisés en agriculture biologique) réduisent le nombre de vers de terre dans le sol lorsqu’ils sont appliqués en grandes quantités et que le cuivre se retrouve finalement dans la solution du sol. Les sols riches en humus immobilisent le cuivre dans la matière organique et inhibent ainsi son passage dans la solution du sol.
La plupart des herbicides ne nuisent pas directement aux vers de terre lorsqu’ils sont appliqués aux doses recommandées (sauf les produits de synthèse utilisés pour brûler les plantes vivaces). Toutefois, ils peuvent réduire indirectement les populations de vers de terre en réduisant la disponibilité de matière organique à la surface du sol en éliminant la flore adventice. En particulier dans les cultures et les rotations où la couverture du sol est inexistante ou faible, la flore adventice constitue une source de nourriture importante pour les vers de terre et de nombreux autres organismes utiles.
Utilisation d’engrais minéraux
La plupart des engrais minéraux de synthèse ne nuisent pas directement aux vers de terre. Toutefois, les engrais à base de sulfate d’ammonium peuvent être nocifs pour les vers de terre, peut-être en raison d’un effet acidifiant. En outre, l’utilisation de grandes quantités d’engrais azotés minéraux (non autorisés en agriculture biologique) peut réduire le nombre de vers de terre. Par ailleurs, les engrais azotés minéraux remplacent généralement la culture de légumineuses et d’engrais verts, très utiles pour les vers de terre. En général, les engrais organiques (y compris le lisier aéré) ont un effet bien plus positif sur les vers de terre que les engrais minéraux. La chaux semble être bénéfique pour les populations de vers de terre.

Une fumure purement minérale entraîne un nombre et une biomasse de vers de terre nettement plus faibles par rapport à une fumure organique et, dans une moindre mesure, par rapport à une fumure combinée minérale et organique (conventionnelle). Résultats de l’essai DOC de longue durée en Suisse (moyenne sur 3 ans).
Sources et références
Lukas Pfiffner (FiBL), 2023, Vers de terre – architectes des sols fertiles. Disponible sur : https://www.fibl.org/fileadmin/documents/shop/1619-vers-de-terre.pdf


