Implanter dans les vignes un engrais vert en semis direct
Expérience du Domaine Pignier à Montaigu (39).
Présentation du domaine
Historique
- XIIIème siècle : création du domaine par les moines Chartreux
- 1794 : rachat par la famille Pignier
- Avant 1914 : monoculture de la vigne
- Avant 1970 : polyculture (dont 2 ha de vignes)
- 1970 : retour en monoculture vigne et début du commerce en bouteilles
- 1984 : création du GAEC
- De 1984 à 1991 : installation successive de Jean Etienne, Antoine et Marie Florence
- Agrandissement du domaine jusqu’à 15 ha
- Passage à l’agriculture raisonnée
- 1994 : glissement vers l’agriculture biologique et biodynamique
- 2002 : totalité du vignoble cultivée en biodynamie
- Premier contrôle et certification Demeter dès 2003.
Le domaine de Pignier, en bref
- SAU : 14 ha de vigne (7 ha Chardonnay, 1 ha Trousseau, 2,5 ha Savagnin, 1,5 ha Poulsard, 1 ha Pinot noir).
- UTH : 8,5 (jusqu'à 10,5 pendant les vendanges)
- Production moyenne : 32 hL/ha
- Vente moyenne : 56 000 bouteilles/an
- Label : exploitation en biodynamie, Demeter depuis 2003 (en changement progressif depuis les années 1990)
- Types de sol :
- marnes feuilletées du lias pour le savagnin
- terres argilo-calcaires du lias avec schistes carton pour le chardonnay et le poulsard
- marnes argileuses du lias sur marnes micacées pour le chardonnay
- marnes bariolées du keuper, trias, pour le trousseau
- terre argilo-calcaire du rhétien pour le crémant
- Productions :
- crémant du jura blanc et rosé
- côtes du jura rouge : poulsard et trousseau
- côtes du jura blanc : chardonnay et savagnin
- vin jaune et vin de paille
- macvin, marc et fine du jura
Certaines productions sont vinifiées sans soufre.
- Commercialisation :
- 25 % vente directe
- 40 % export
- 35 % professionnels français (restaurateurs, cavistes…)
- Travail collectif : Appartient à différents groupes techniques (Atelier Paysan, formations en biodynamie avec Pierre et Vincent MASSON, groupe des viticulteurs bio du Jura, GAB, DEPHY…), membre du groupe « Renaissance des AOC »
Implantation d'un engrais vert en mélange en semis direct
Objectifs initiaux
- Avec le semis direct (SD) : éviter une forte minéralisation avant vendanges
- Avec le couvert en mélange : fixation de l'azote, amélioration de la structure du sol, aération du sol, amélioration du métabolisme du sol
Etapes de la mise en œuvre
- Engrais vert utilisé : mélange de féverole, pois, radis chinois, avoine
- Itinéraire technique (en 2 temps) :
- Mélange en semis direct, 1 rang sur 2 fin juillet dans l'enherbement permanent
- Les autres rangs sont semés avant le 15 août (→ semis bien implanté pour les vendanges)
- Engrais vert détruit au printemps
Intérêts économiques
- Bénéfices rapides (en 3-4 ans) : la structure du sol se complexifie, le sol est plus facile à travailler, la consommation de fumier diminue et les ravinements s’amenuisent considérablement.
Intérêts environnementaux
- Structuration du sol dynamique et non vieillissante (disparition des carences azotées avec un bel accroissement de la masse lombricienne).
- Durant la période hivernale, la masse végétative assure une meilleure protection des sols.
Remarques importantes
Points de réussite : avoir un matériel adapté, partenariat avec des agriculteurs locaux pour l'achat des engrais verts, semence de grosses graines (féveroles, pois > 100-150 kg/ha) pour commencer pour ensuite s’essayer aux graines plus petites (colza, trèfle, radis chinois > 5/10 kg/ha)
Points de vigilance : trouver le mélange de graines qui convient à votre sol.
Création et auto-construction d'un semoir à engrais vert en semis direct suivant une démarche Open Source
Pourquoi le faire soi-même ?
Pour implanter dans les vignes cet engrais vert en semis direct, il était nécessaire de s’équiper d’un semoir qui soit suffisamment léger pour les petits tracteurs de notre exploitation. Or, les semoirs proposés par les concessionnaires sont trop lourds.
- De nombreux vignerons récemment installés dans le Jura souhaitaient également implanter des engrais verts, mais ne pouvaient pas s’équiper correctement faute de moyens financiers. Le prix d’achat d’un semoir est en effet un investissement important, de l’ordre de 8 000 €.
Etapes de la mise en œuvre
- Un distributeur à soufflerie afin de pouvoir semer de façon homogène, même sur des terrains en pente, calibres de graines différents.
- La relative petite taille de la trémie et son nécessaire remplissage régulier limitent l’effet « décantation » des graines dans le semoir. Le semis reste homogène même pour un mélange de calibres hétérogènes.
- L’appareil est bien adapté à la conduite d’une vigne sur des parcelles en pente.
- Après avoir testé ce semoir durant plusieurs années, je sais à présent que le semis est plus aisé et la pousse du couvert est plus régulière à une vitesse de 5 à 6 km/h.
Transmettre à la communauté
L’auto-construction est une alternative qui prend du temps, mais qui est intéressante financièrement. En 2015, l’Atelier Paysan décide de s'emparer du semoir dans l’objectif de partager largement cet outil.
La 1ère étape a consisté à partir de l’outil unique pour en faire un reproductible. L’Atelier Paysan a ainsi mis en plan ce semoir, « avec les exigences évidentes que la copie essaimable soit au moins aussi efficace agronomiquement, réalisable à la ferme avec poste à souder, meuleuse et perceuse et raisonnable en terme de coût » (Nicolas Sinoir de l’Atelier Paysan). Après le travail de l’Atelier Paysan, le semoir est donc désormais sous licence libre et reproductible (profilés de métal facilement accessibles).
La 2ème étape a consisté à accompagner des vignerons dans la construction de ce semoir, sous forme de formations. Les deux premières sessions ont été réalisées dans le Jura et dans l’Isère. 11 semoirs ont été construits pour un 1er essaimage dans différents vignobles.
→ Le plan du semoir en open source.
Bilan économique, environnemental et social
- Intérêt financier : le semoir auto-construit revient à 2 300 € en pièces au lieu de 8 000 €. Coût de la semence locale.
- Chronophage : pour la construction et le temps consacré à cette tâche (4 jours pour 15 hectares).
- Reproductible et adaptable à sa propre exploitation.
- Inciter l’usage d’engrais verts pour une optimisation structurale du sol.
- Un bien commun : Les agriculteurs et agricultrices ont tous et toutes apprécié la mise en commun du travail, la réalisation de la machine, l’acquisition de nouvelles compétences et l’échange de savoir-faire. La formation a été un temps de partage enrichissant et chacun est reparti avec son semoir.
Annexes
Leviers évoqués dans ce système
- Cultiver des espèces peu exigeantes en azote
- Cultiver des légumineuses / fabacées
- Implanter des engrais verts en vigne
- Pratiquer le semis direct des cultures
- Pratiquer le semis sous couvert végétal
Materiel évoqué