Taha Touijri, agriculteur à Sidi Allal El Bahraoui au Maroc, cultive sa terre et élève ses animaux selon les principes de l'agroécologie. Voici le portrait de sa ferme.
Surface cultivée (SAU) : 10,3 ha (hors 5 ha en location)
Texture du sol : Majoritairement sableux, avec une parcelle limono-argileuse (fond de vallée, ancien oued)
Nombre de personnes travaillant sur l’exploitation (UTH) : environ 3 temps pleins (Taha et 2 équivalents temps répartis sur 4 employés).
Altitude : environ 240–250 m
Climat : Selon la classification climatique de Köppen-Geiger, la région présente un climat méditerranéen à étés chauds (Csa). Les températures varient généralement entre 10 °C et 32 °C, avec des extrêmes pouvant descendre jusqu’à 0 °C (hiver) ou monter au-dessus de 40 °C en été. Les précipitations annuelles moyennes se situent autour de 400 mm, concentrées entre octobre et avril.
Commercialisation
Vente directe à la ferme et en paniers (10 à 13 paniers hebdomadaires).
Projet futur de restaurant à la ferme pour valoriser les produits localement.
Souhaite organiser à terme des formations agricoles ou artisanales (type stage bien-être d’un jour) dans un local qu’il a construit près de son restaurant à la ferme.
Mode d’élevage :pâturage libre la journée, retour à l’étable le soir. Gestion sanitaire basée sur la sélection naturelle (élimination des individus faibles).
Etude, formation et parcours de vie
Taha Touijri a un parcours atypique, marqué par une reconversion volontaire vers l’agroécologie.
Formation initiale : économiste, sans lien direct avec le monde agricole.
Installation en 2017 : reprise d’un terrain familial de 13 ha (melk), abandonné depuis 12–13 ans, avec seulement 4000 DH d’investissement initial.
Opposition familiale : son choix de reprendre la ferme n’était pas soutenu au départ par sa famille.
Premiers pas en agriculture conventionnelle : utilisation d’intrants chimiques à ses débuts.
Déclic vers l’agroécologie : une scène marquante dans un magasin d’intrants le fait réfléchir : un agriculteur furieux dénonçait l’inefficacité d’un pesticide. Taha se projette dans ce rapport conflictuel avec la nature et refuse d’entrer dans cette logique. Il décide alors de s’orienter vers l’agroécologie, en cohérence avec son caractère « calme et apaisé ».
Autoformation continue : apprentissage par Internet et échanges avec d’autres agriculteurs.
Volet agronomique
Irrigation
Source : 5 puits traditionnels dont un seul utilisé, pouvant irriguer pendant 4 à 5 h (ou 24 h en début de saison).
Irrigation progressive pour habituer les plantes au stress hydrique, surtout dans les vergers et cultures maraîchères.
En juin : 2 irrigations mensuelles, 4 h par arbre.
Auprintemps, il retarde l’irrigation jusqu’en juin (contre mars pour les voisins), grâce à une bonne gestion de l’eau.
Pas de mesure exacte du débit : arrosage environ 30 min par secteur.
Projet de baissières pour gérer l’eau de ruissellement, avec perspective de création d’une mare.
Élevage et gestion sanitaire
Le troupeau de moutons est sélectionné sur plusieurs générations pour leur résistance (pas de vaccination). Il vend les individus les plus faibles pour renforcer le troupeau.
Dans le cas des vaches, il à aussi fait un croisement entre la Holstein et une variété locale.
Les moutons et les vaches sont mis à l’extérieur en pâturage, tôt le matin, ils sont rentrés à l’étable pendant les heures chaudes puis à nouveau dehors en fin de journée avant d’être à nouveau rentrés en fin de soirée.
Les canards et oies devraient fertiliser une future mare pour un projet d'irrigation par eau fertilisée
Baissière sur la parcelle en pente
Mise en place de baissière
Il a mis en place des baissières sur les pentes de sa parcelle afin de ralentir l’écoulement de l’eau lors des fortes pluies. Avec les travaux de l’autoroute à proximité, un oued a été détourné et l’eau issue de cet oued traverse désormais son champ. Pour gérer ce nouvel écoulement, il a installé des baissières supplémentaires et prévoit, à terme, de créer une mare afin de stocker l’eau de ruissellement pendant les épisodes pluvieux intenses.
Pratique d'intérêt
Verger avec poules et apport de fumier épandu par les poules
Contexte
Taha Touijri a mis en place un verger clôturé avec des poules. Il gère la fertilisation en déposant des tas de fumier que les poules dispersent en grattant.
Cette méthode assure une fertilisation homogène, réduit le travail manuel et valorise à la fois les fientes et le fumier produits sur la ferme.
Objectif
Intégrer les poules dans le verger pour améliorer la fertilisation naturelle grâce à leurs fientes et à la dispersion du fumier.
Optimiser la ponte en recréant un environnement adapté au comportement naturel des poules (gratter, chercher dans le sol).
Réduire le travail manuel d’épandage du fumier.
Favoriser la santé et la productivité des arbres fruitiers (feuillage plus vert, augmentation du rendement).
Clôture du verger pour les poules
Mise en place
Enclos clôturé dans le verger (1 500 à 2 000 m²) accueillant environ 100 poules.
Construction des clôtures :
2 semaines de travail pour 4 personnes.
Filet de 3 m de haut (coût ≈ 3 000 DH), fil de fer (100 DH/50 m), piquets fabriqués sur la ferme.
Filet enterré à 20 cm pour limiter les prédateurs.
Apport de fumier : Benne de 3,2 m3 attaché à un tracteur. Le système consiste à déposer des tas de fumier dans le verger de citronnier environ une benne de 3,2 m3 pour 4 à 5 arbres.
Les poules viennent les gratter et les disperser naturellement. Une fois le fumier partiellement étalé mais encore concentré, l’agriculteur reforme un tas un peu plus loin dans la parcelle. Ce cycle est répété deux à trois fois, jusqu’à ce que le fumier soit entièrement étalée.
Organisation pratique :
Poules nourries avec grains, légumes et restes de fruits.
Déplacement facile par jet de grains (lorsqu'il à besoin de sortir les poules de l'enclos ou de les faires rentrer).
Pas de poulailler : les poules dorment sur les arbres et pondent dans l’herbe.
Vérification quotidienne de l’abreuvoir (≈20 min/jour).
Résultats observés
Production avicole :
Ponte nettement améliorée (quasiment toutes les poules pondent).
Œufs rarement abîmés ou mangés grâce à l’enclos.
Production fruitière :
Feuillage plus vert et sain dans la zone du verger avec poules.
Production de fruits presque doublée (notamment sur les citronniers), selon l’agriculteur.
Fertilisation : Dispersion homogène du fumier en limitant le travail manuel.
Main-d’œuvre : baisse du temps d’épandage manuel (remplacé par le grattage naturel des poules).
Perspectives : création de 2–3 enclos supplémentaires par an.