Agriculture régénérative

De Triple Performance
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Vache dans un champ de fleur de radis. ©Félix Noblia.


Depuis 10 000 ans certaines pratiques agricoles ont engendré une diminution progressive de la végétation d’un territoire et de la matière organique (MO) des sols, ce qui a pour conséquence :

  • la diminution des précipitations,
  • la perte de la capacité à faire de la biomasse,
  • la perte de végétation,
  • l'érosion du sol.

C’est ainsi que des zones luxuriantes ou de landes ont été transformées en désert. Mais la bonne nouvelle c’est que l’on peut revenir en arrière grâce à une agriculture régénérative. En effet, l'agriculture est le levier le plus puissant pour renverser le changement climatique dès l’instant où sa trajectoire est régénératrice de l’écosystème, en prenant soin de la richesse des sols, ménageant la biodiversité, laissant couvertes les terres et relançant le vertueux cycle de l’eau.

Une agriculture régénératrive permet de produire des aliments sains : la santé des sols assure la santé des hommes.

Définition

Chevelu racinaire de ray-grass, sur des chaumes de maïs. ©Félix Noblia.

L'objectif de l'agriculture régénérative va être d’arriver à reproduire de la végétation, un cycle de l’eau, des cultures, de l'activité économique dans des territoires ruraux et progressivement, restocker du carbone dans les sols. Pour agrader des sols dégradés il va falloir une cinquantaine d’années, sous réserve d’avoir une conduite qui lui permette de se régénérer. Par exemple, il faut éviter de mettre un troupeau dans de jeunes plantations afin d'éviter que les bourgeons ne soient mangés ou alors il faudra penser à bien les protéger des animaux.

L’objectif est d’arriver à relancer les cycles naturels du sol (mycorhize, vers de terre,...).

Principes

Racines de maïs (coronaires), dans un sol régénéré.©Félix Noblia.
  • C’est une agriculture qui préserve au lieu de dégrader. L’agriculture de manière générale dégrade car elle brûle plus de carbone que ce qu’elle n’en laisse dans les sols. De par la minéralisation importante et le travail du sol, les sols s'abîment progressivement, répondent moins bien aux excès d’eau et s’érodent.
  • L’agriculture régénérative est une agriculture qui améliore l’environnement, qui va avoir un impact positif sur les dynamiques du carbone dans les sols, du cycle de l’eau, de la biodiversité et de fait, qui va apporter de la santé dans les assiettes.
  • Pour faire de l’agriculture régénérative, il va y avoir une dimension de résilience de l’exploitation agricole et de risque face aux aléas. Pour limiter ces risques, il faut avoir plusieurs productions sur l’exploitation ce qui permettra une certaine sécurité économique avant d’avoir une sécurité environnementale. Cette sécurité économique va être basée sur de la diversité et non sur de la spécialisation très poussée.
Pâturage agroforestier, ligne de muriers blancs. ©Félix Noblia.

Ceci sous-entend qu'il va souvent y avoir un atelier d'élevage adossé à des ateliers de production de cultures. Il doit y avoir une complémentarité entre ces ateliers mais ils doivent être bien différents au niveau des espèces cultivées (éviter blé/orge qui sont trop similaires). L’élevage n’est pas obligatoire mais il permet de bien boucler la boucle de la fertilité car il permet de repositionner sur la parcelle de manière organique ce qu’on aurait pu exporter sous forme de cultures.

  • Il faut concevoir les flux autour des exploitations agricoles comme de la biomasse qui se transforme en kg d’azote. Par exemple, si on vend 100 t de maïs de sa ferme, si ces 100 t sont mangées par des poules, combien ça représente d’azote mais aussi de potasse, de phosphore, de magnésium ? Il faut être conscient d’à quel point on vide son sol par ses pratiques.

Quel est le flux de matière sèche qui sort et entre de/sur sa ferme et quel est l’impact de ses pratiques sur la minéralisation des sols, combien produit-on de biomasse ? Réaliser un bilan humique s'avère intéressant.


Pratiques agricoles associées à l’Agriculture Régénératrice.© Arthur Grimonpont

Mise en place de l'agriculture régénérative

La mise en place d'une agriculture régénérative sur son exploitation revient à une révolution de son système. Avant de se lancer il faut donc s'assurer d'avoir un plan en tête et d'en suivre les différentes étapes :

  • Se former va être la condition sine qua non avant de se lancer, car la régénération des écosystèmes est complexe et les erreurs peuvent être nombreuses sans connaissances de base, ce qui pourrait mener à un découragement et un retour en arrière. Les organismes de formations peuvent être les Chambres d'Agriculture, des associations alternatives, les CIVAM,...
  • Être accompagné et soutenu, trouver des gens qui ont envie de travailler avec nous sur le sujet : technicien, voisins, familles pour se conforter dans la prise de risque.
  • Tester sur des petites surfaces pour s'approprier les différents itinéraires techniques (ITK). Il est possible de commencer avec de la prestation de services ou de se faire prêter du matériel pour éviter de trop gros investissements. Dans un second temps, il sera possible d'acheter le matériel en individuel ou en CUMA.
  • Mesurer l'impact de ses pratiques va permettre d'évaluer si ce qui a été mis en place va dans la bonne direction ou non. Pour cela, plusieurs paramètres peuvent être suivis tels que le coefficient d’humification (K1), la minéralisation (K2), les pratiques agricoles, la profondeur de travail du sol, le taux de cailloux, la densité apparente, le type de sol, les résidus au sol, la météo,...
  • Stabiliser les itinéraires techniques une fois qu'ils sont bien en place et tendre vers une réduction des charges.
  • Partager son expérience pour donner envie aux autres d’essayer !

Mesurer les quantités de carbone stockées

Pour mesurer le stockage du carbone, il existe des indicateurs (L’indice de régénération, Indiciades, Fleur de l’agroécologie...) et des organismes qui sont capables de valoriser les externalités environnementales, c’est à dire qu’ils sont capables de financer le carbone sous certaines conditions.

Par exemple, pour pouvoir prétendre au Crédit Carbone, un agriculteur doit prouver que grâce à ses pratiques, il y a :

  • Additionnalité : l’agriculteur fait des efforts et il a gagné des choses en plus.
  • Permanence : les efforts faits vont durer le plus longtemps possible.
  • Fiabilité : des méthodes et des mesures.

Si l’agriculteur est capable de prouver ces choses là, il peut générer des crédits carbones qui peuvent être achetés par des entreprises qui ont besoin de compenser leurs émissions de CO2. C'est pourquoi la qualité des Crédits Carbones, c'est à dire leur réalité et la pertinence des méthodologies, est essentielle pour les acheteurs.

Une multitude de méthodologies existe pour calculer les quantités de carbone stockées. Elles se basent sur de la modélisation de la performance, sur des mesures précises de certains éléments de la performance, sur de la cartographie ou sur de la spatialisation en plus ou moins grande proportion.

Comment apprécier les différentes méthodologies ?

Tableau issu de la conférence "Qu'est ce qu'un crédit carbone en agriculture". Paysage in Marciac 2022 de Félix Noblia.
Rigueur de mesure Additionnalité Permanence Contrôle /

Transparence

des données

Précision

de la méthodologie

Echantillonnage direct

de haute qualité, confirmé par des modèles

Reflète les tendances

réelles du marché

Une période > 100 ans

+ un pool tampon et/ou un instrument d'assurance

Contrôle par des

organismes tiers des différentes étapes et données transparentes stockées de manière sécurisée

+++
Modèles calibrés ou

paramétrés avec quelques échantillons

Pas suffisamment

fondé sur des données du monde réel

Une période > 10 ans

+ un pool tampon et/ou un instrument d'assurance

Contrôle par des organismes tiers

de différentes étapes

++
Modèles non paramétrés

par échantillonnage ou échantillons avec un plan d'échantillonnage faible

Pas de test d'additionnalité Une période < 10 ans, pas de

pool tampon, pas d'assurance

Auto-contrôle,

base de données classique

+

L'agriculture a des effets bénéfiques au-delà du carbone

Bourdon butinant une prairie de trèfle. ©Félix Noblia.

L'agriculture régénérative va également avoir un impact positif sur d'autres externalités comme :

  • La ressource en eau : sur sa disponibilité, sur l'infiltration, sur les risques d'inondation.
  • La biodiversité.
  • Les infrastructures agroécologiques.
  • La lutte contre le réchauffement climatique.
  • La sécurité alimentaire.

Il existe un certificat de régénération qui a été mis en place par Régénération. Ce certificat va prendre en compte le Crédit Carbone mais aussi des indicateurs des autres services écosystémiques :

Le certificat de régénération[1].

Equipement nécessaire

Association de blé avec de la luzerne, où l'on voit bien le pivot de la luzerne. ©Félix Noblia.
  • La 1ère chose dont il faut s'équiper est la connaissance. Il faut se former, apprendre de nouvelles techniques, à générer un maximum de biomasse, construire des systèmes qui font pousser un max de plantes. Pour cela il faut avoir pas mal de curiosité et se former sur différentes thématiques telles que le pâturage organisé, la localisation de la fertilisation, la diminution du travail de sol, l'ACS, les couverts végétaux, l'agroforesterie, l'optimisation de la performance sur les choses liées au végétal, sur tout ce qui va faire pousser plus de plantes sur une même unité de surface avec moins d’engrais et sur tout ce qui va faire qu’on va apprendre à diminuer le travail du sol.


  • Pour les grandes cultures : il faut des équipements spécifiques qui permettent de limiter le travail du sol comme un semoir en semis direct et de quoi localiser au maximum les engrais (organiques ou minéraux) sur les rangs de semis.


  • Pour l’élevage : un quad, des piquets. Les investissements sont moindres.


Résultats attendus

  • Baisse des charges d’exploitation : tout dépend de là où l'on part. A titre d'exemple Félix Noblia de la Ferme Larrous a pu baisser ses charges d'exploitation de 30% en 2 ans car il a moins consommé de gasoil et d'engrais et a eu moins de frais de mécanisation.
  • Gain de temps : ⅓ de temps en moins dans le tracteur sur les grandes cultures, mais plus de temps dans les champs à observer.

Avantages et limites

Avantages

  • Amélioration significative de plusieurs dimensions de l’écosystème agricole, comme la structure du sol (rétention d’eau) et sa biologie (meilleure accessibilité des minéraux).
  • Sécurisation des revenus grâce à la diversification des ateliers.
  • Revenus complémentaires si éligibilité au Crédit Carbone.
  • Réduction des charges d'exploitation.
  • Elle est applicable à tous types de productions, mais aussi à différents niveaux d’implication : c’est à dire qu’on n'est pas obligé d’aller faire de la conservation des sols en bio pour dire qu’on fait de l’agriculture régénérative. Il y différents niveaux de réussite sans être obligé d'aller toujours plus loin. Ne pas labourer, couvrir ses sols et gérer sa fertilisation sont des points déjà très importants.

Limites

Les itinéraires techniques sont longs à mettre en place, pas mal d'erreurs sont commises au début comme :

  • Ne pas localiser comme il faut les engrais.
  • Penser qu’on ne peut pas faire de décompaction des sols car on est en semis direct (il ne faut pas hésiter à décompacter si c’est nécessaire).
  • Ne pas avoir une approche pragmatique sur ce qui se passe et ne pas avoir une évaluation assez juste des problèmes.

Une autre limite est que l'imprécision de la définition de l'agriculture régénérative permet à chacun de s’en revendiquer, à plus ou moins juste titre et avec des fins plus ou moins claires. Pour plus d'infos sur cet aspect, vous pouvez consulter cette page.


Bilan

Le bilan de l'agriculture régénérative pourrait se résumer à cette phrase : "Avant je subissais un mauvais contexte et des mauvais choix (mais qui était l’agriculture telle qu’elle était il y a 15 ans), maintenant si je me plante ce sont mes erreurs car c’est moi qui fait des tests et qui prend le risque de me planter. Ma plus grande réussite c’est de toujours arriver à progresser techniquement et d’apprendre." Félix Noblia.

Aides

  • Pour les machines agricoles : PCAE (Plan de Compétitivité et d'Adaptation des Exploitations agricoles) au niveau des régions, via les CUMA c’est aussi intéressant.
  • Pour la formation : le fond VIVEA par la MSA.
  • Pour le changement de pratiques : la PAC et ses conditionnalités sur les MAEC (Mesures agro-environnementales et climatiques).
  • Pour le Crédit Carbone : les entreprises privées dans le cadre de leur démarche RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises).

Valorisation des produits issus de l’agriculture régénérative

Les produits issus de l’agriculture régénérative ne sont pas encore valorisés.

Conseils avant de se lancer

  • Se former !
  • Commencer petit avec des tests avant de changer tout son système en une seule fois.
  • Avoir des fonds pour se lancer car la transition d’un système abîmé à un système qui se régénère est quelque chose de compliqué. L’expérimentation coûte cher en temps de travail, semences, matériel, restitution de connaissances.
  • Il faut entre 3 et 5 ans pour y arriver, mais ça dépend de là où l'on part. Par exemple pour passer du labour à l’ACS, il faut compter environ 5 ans pour s'approprier les itinéraires.
  • Ne pas s’entêter si on voit que ça ne marche pas, il faut s’adapter. Ce sont les mauvais jugements humains qui font que l’on n’arrive pas à s’adapter correctement aux aléas et aux stratégies que l’on met en place face à eux.

Les prébiotiques

Les prébiotiques (champignons et/ou bactéries) des sols peuvent être un catalyseur, mais le mieux reste encore de faire des couverts et de l’agriculture régénérative.

Ils restent intéressants car ce sont des produits qui peuvent apporter des choses sur des écosystèmes très dégradés où l’on a perdu tellement de flore, qu'en remettre de l’exogène peut aider à régénérer les sols. Ce qui sera adapté au contexte se développera, le reste ne survivra pas, la sélection naturelle s’appliquera.

De manière générale ils auront des impacts bénéfiques, mais tout dépendra de l'état initial de l’écosystème.

Agriculture régénérative et cycle de l'eau

Plus il y a de végétation sur un territoire, plus il pleut. Il est important de faire plus que le voisin car il y aura toujours plus d’eau là où il y a plus de végétation.

La végétation va jouer un rôle de tampon au niveau des températures et permettre de mieux gérer les cycles de l’eau, l’infiltration. Il faut envisager d’irriguer plus de temps en temps mais dans un objectif de végétalisation et pas dans une vision exclusive de production agricole.

Conclusion

L’agriculture régénérative est une réinvention du modèle agricole, on est face à une révolution. On a tous conscience que sur le plan climatique et sur le plan de la sécurité alimentaire les choses sont au bout d’un cycle et cette agriculture régénérative offre l’opportunité d'espérer un futur.


Pour aller plus loin

S’intéresser au travaux de :

Sources

Cette page a été rédigée grâce à l'aimable contribution de Félix Noblia.


Annexes

Cette technique s'applique aux cultures suivantes

La technique permet de favoriser la présence des auxiliaires et bioagresseurs suivants

La technique est complémentaire des techniques suivantes

La technique est incompatible avec les techniques suivantes

Cette technique utilise le matériel suivants

Cette technique fait référence aux outils d'aide à la décision suivants

  1. Qu'est ce qu'un crédit carbone en agriculture. Paysage in Marciac 2022, Félix Noblia. https://www.youtube.com/watch?v=P_jA5Z-9T4o
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