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Double culture

De Triple Performance
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DoubleCulture Sorgho.jpg

La double culture a pour principe d’implanter 2 cultures de rente sur la même parcelle, la même année. Contrairement à un couvert végétal, la double culture va présenter l’avantage d’être valorisée pour la vente ou l’autoconsommation.

Cette pratique apparaît donc comme un moyen pour les agriculteurs d'augmenter leurs revenus en optimisant leur surface et leur temps.

À noter que la deuxième culture, qui suit la culture principale, peut aussi être appelée culture en dérobée. Mais attention, la culture en dérobée de manière générale peut être utilisée en dehors du cadre de la double culture. Il s’agit d’une culture intercalée entre deux cultures principales annuelles afin d’optimiser l’utilisation des terrains agricoles disponibles.

Principe

L’agriculteur va tout d’abord semer une première culture, sa culture principale et la conduire jusqu'à maturité de manière classique. Ce n’est qu'après la récolte que les interventions vont changer, pour mettre en place la double culture. L’exploitant doit intervenir rapidement en réalisant soit :

  • Une préparation du sol superficielle par le biais de deux déchaumages croisés.
  • Un travail du sol localisé sur le rang avec par exemple un strip-till.
  • Un semis direct avec un semoir adapté[1].

Le semis de la deuxième culture devra, quel que soit le choix de l'agriculteur, être réalisé dans les plus brefs délais, 4 à 6 jours suivant la récolte, afin de favoriser la levée. 1 jour gagné au semis permet de gagner 4 jours à la récolte[1].

Suivant les conditions, le type de culture et les pratiques de l'agriculteur, des fertilisations, des traitements et des désherbages sont réalisés. Le désherbage reste fortement conseillé pour assurer les rendements et la santé de la deuxième culture. De même, l’irrigation est nécessaire pour pratiquer la double culture dans le Sud de la France sans quoi la seconde culture ne lèvera pas et de bons résultats ne pourront pas être obtenus.

La récolte de la culture dérobée a lieu entre octobre et novembre, mais plus celle-ci est tardive plus les frais de séchage et les risques de pertes de rendements sont importants.

La précocité des variétés choisies pour réaliser la double culture est primordiale. De préférence, la culture principale doit pouvoir être récoltée tôt, avant le 30 juin, pour ne pas avoir à semer la culture dérobée trop tardivement. La culture dérobée doit elle aussi être choisie parmi des variétés précoces afin de pouvoir arriver à maturité.


Source : Projet CASDAR 3C2A.

Double culture ou relay cropping ?

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Contrairement à la double culture, une culture menée en relay cropping est implantée avant que la première culture ne soit récoltée. Le relay cropping présente de nombreuses contraintes pour sa mise en place. La technique nécessite des outils adaptés, notamment pour semer sans abîmer la première culture mais aussi pour récolter la première culture sans toucher à la deuxième. Les itinéraires culturaux peuvent aussi être contraignants. Il arrive d’avoir besoin d'irriguer le semis de la deuxième culture alors qu’on s'apprête à récolter la première. Cependant, de part son calendrier cultural le relay cropping est adapté à une zone plus vaste que la double culture.

Zones favorables à la double culture et au relay cropping.

Quelle culture choisir ?

Pour réaliser de la double culture, les cultures de printemps à cycles courts sont recommandées[2]:

Parmi ces cultures, les variétés précoces sont à privilégier.

Terres Inovia a publié des guides en 2022, pour le soja et le tournesol en dérobée pour conseiller les agriculteurs.

Le soja en double culture

Souvent utilisé, le soja est un bon candidat pour la double culture. Il peut par exemple être inséré dans une rotation de deux ans : orge / soja (en dérobé) / maïs.

Le choix d'une variété précoce de soja est important pour mener à bien cette pratique. Le rendement et le taux de protéine (surtout en alimentation humaine) sont aussi des variables à prendre en compte. Les variétés plus tardives se montrent parfois plus productives mais des frais de séchage et des difficultés peuvent être rencontrés durant la récolte si on ne sème pas assez tôt. C’est un choix qui doit être bien réfléchi et adapté, tout comme les conditions de semis (date et densité), à la région.

Voici le tableau comparatif proposé en 2022 par Terres Inovia :

DoubleCulture VarieteSoja.jpg


Durant la culture, une surveillance des limaces peut être nécessaire. L’irrigation est essentielle. Un arrosage est nécessaire après le semis pour favoriser la levée et doit être maintenu après celle-ci. Un tour d’eau de 30 à 40 mm tous les 8 à 10 jours jusqu’à la fin septembre (à adapter suivant la pluviométrie) est conseillé.

Si la culture est bien menée, le prix de la tonne de graines de soja est compris entre 300 et 600 €/t[1].

Conditions favorables à la récolte

  • Irrigation > 65 - 70 mm.
  • Si pas d'irrigation ou < 65 mm : date de semis entre le 24 juin et le 13 juillet[3].

Conditions favorables pour l'obtention des rendements les plus élevés

  • Variétés plus tardives et plus productives.
  • Précipitations + irrigation autour de la floraison > 60 - 65 mm.
  • Eau indispensable autour de la levée.
  • Date de semis entre mi-juin et début juillet[3].

Le tournesol en double culture

Pour le tournesol qui est plus délicat que le soja, il faut être vigilants sur certains points[4] :

  • Afin de récolter les graines assez tôt et ne pas avoir de problème de séchage, le tournesol en dérobé n’est pas conseillé dans toutes les régions, seulement certaines du sud de la France : en Charentes, dans le sud des Deux-Sèvres, le Sud-Ouest, la région Méditerranéenne et la vallée du Rhône.
  • La culture du tournesol pour des productions oléiques n’est pas adaptée à la double culture. Les températures nocturnes imposées par la double culture (décalage dans le calendrier), diminuent la teneur en acide oléique des huiles produites.
  • Les variétés résistantes au sclérotinia du capitule et au phomopsis sont à préconiser.
  • Le semis du tournesol après un travail localisé du sol, au strip till, avec une densité de 70 000 graines/ha semble intéressant pour cette dérobée.

Un semis rapide et une bonne densité de semis permettent de récolter plus tôt avec une maturation plus rapide des capitules. Les variétés précoces sont donc à privilégier et des dates de semis sont conseillées aux agriculteurs :

Semer tôt, avec une densité de 70 000 graines/ha.

Un tour d’eau compris entre 15 et 20 mm est nécessaire après le semis pour sécuriser la levée s'il ne pleut pas. L’irrigation peut ensuite être menée comme pour du tournesol en culture principale.

La fertilisation est importante pour la culture en dérobée du tournesol. Du bore, entre 300 et 500 grammes par hectares, peut être apporté à la végétation pour parer les problèmes de carence accrus en double culture. L’apport d’azote lui, est à raisonner suivant la culture précédente. Pour un précédent orge, un apport de 40 unités avant un tour d’eau ou une pluie sera favorable à la culture.

Enfin, une récolte avant mi-octobre est essentielle. Passée cette date, le taux d’humidité sera trop élevé pour les graines.

Conditions favorables à la récolte

  • Semis précoce avant mi-juillet.
  • Total des pluies + irrigation > 125-130 mm.
  • Dans de nombreux cas, nécessité d'irriguer à plus de 60 mm : 1 à 2 passages semis + 1 à 2 passages à bouton/floraison[3].

Conditions favorables pour l'obtention des rendements les plus élevés

  • Irrigation > 55-60 mm associée à des précipitations autour de la levée ≥ à 10 mm.
  • Ou irrigation < 55 -60 mm avec un total de l'eau sur le cycle > 130-135 mm et un sol peu asséché avant semis[3].

Avantages et limites

Avantages

  • Augmentation des revenus : Cette technique permet une valorisation économique des couverts et une augmentation de la rentabilité non négligeable.
  • Augmentation de la production : La double culture permet la récolte de deux cultures de rente la même année avec des rendements assez bons (suivant les conditions et les pratiques culturales).
  • Couverture des sols : Sur le plan environnemental, cela aide à la préservation de la biodiversité et de la structure des sols. Des apports de matière organique et une amélioration de sa structure peuvent aussi être apportés au sol sur le plan agronomique.
  • Séquestration de carbone : Un des leviers clés pour favoriser le stockage du carbone sur les parcelles est de laisser le sol nu le moins longtemps possible. La double culture permet une couverture des sols favorisant ainsi le stockage du carbone.
  • Pas d’investissement matériel : Un des avantages pour les agriculteurs est la possibilité de réaliser cette méthode de culture sans investir dans du matériel spécifique. La double culture peut être menée avec tout type de semoir et de moissonneuse.  

Limites

  • Besoin d’irrigation : L'irrigation est primordiale pour obtenir une levée de la deuxième culture et favoriser les rendements. Il y a notamment un risque accru de séchage des sols, la deuxième culture peut diminuer ses réserves utiles en y puisant durant les années de fortes sécheresses.

Il y a donc une augmentation des quantités d’eau utilisée, ce qui doit être anticipé en sur le plan financier. Les quotas mis en place ces dernières années semblent être une limite pour cette technique.

  • Risque de salissement des parcelles : La deuxième culture devant être semée très rapidement après la récolte, le travail du sol est diminué. Cependant, certains agriculteurs témoignent de l’aide apportée par la couverture du sol dans la lutte contre certaines adventices.

Aussi, le risque de rémanence des produits phytosanitaires, c'est-à-dire leur présence dans le sol suite à la culture précédente et leur impact sur la culture en place, peut être augmenté.

  • Augmentation des frais de production : Des frais de séchage peuvent être ajoutés si la deuxième culture est récoltée trop tard.
  • Augmentation de la charge de travail en juin : Des travaux sont ajoutés en juin, une période déjà chargée avec les récoltes à mener.

Les points clés de la méthode

  • Maturité précoce : Le choix de variétés précoces est important. La première culture doit être récoltée, avant le 30 juin, pour permettre d’implanter la deuxième culture qui devra elle aussi avoir un cycle court pour pouvoir être récoltée.
  • Irrigation de la deuxième culture après le semis : Afin d’éviter la sécheresse et permettre une bonne levée ainsi que des rendements intéressants.
  • Concentration de plusieurs chantiers en juin : Le semis de la deuxième culture s’ajoute à un calendrier déjà chargé pour les agriculteurs à cette période. En plus des récoltes à terminer, le triage des grains doit être mené et les fourrages sont à ramasser.
  • Capacité d’adaptation et de gestion : Pour mettre en place cette pratique, il est nécessaire d'être capable de s'adapter au contexte pédoclimatique et de bien maîtriser les cultures mises en place.
  • Adaptation des programmes de désherbage : Le désherbage doit être bien raisonné pour éviter la présence d’adventices annuelles.

Comparaison des différentes couvertures du sol

Impact sur le sol

  • Culture principale puis sol nu : Mise en péril de la vie du sol et destruction de sa structure par les aléas climatiques.
  • Culture principale puis couvert : Préservation de la biodiversité du sol et de sa structure, diminution des adventices.
  • Double culture : Préservation de la biodiversité du sol et de sa structure, diminution des adventices.

Stockage de carbone

  • Culture principale puis sol nu : Pas de stockage du carbone dans le sol.
  • Culture principale puis couvert : Apport de biomasse important favorisant le stockage du carbone.
  • Double culture : Stockage de carbone mais moins important que pour un couvert classique (moins de biomasse).

Fertilité des sols

  • Culture principale puis sol nu : Aucun apport de matière organique dans le sol, des apports de fertilisants devront être menés pour compenser.
  • Culture principale puis couvert : Apport intéressant pour le sol et les cultures suivantes, permet de diminuer l'utilisation des fertilisants.
  • Double culture : Restitution d'azote au sol si légumineuse en deuxième culture et apport des résidus de récolte.

Charge de travail supplémentaire

  • Culture principale puis sol nu : Temps accordé pour la fertilisation et le travail du sol.
  • Culture principale puis couvert : Temps de fertilisation et de travail du sol diminué, mais du temps utilisé pour mettre en place et détruire le couvert. Concentration de plusieurs chantiers en juin.
  • Double culture : Temps en plus à prévoir pour la mise en place, la conduite et la récolte de la deuxième culture, moins de temps à accorder pour le travail du sol. Concentration de plusieurs chantiers en juin.

Frais de production

  • Culture principale puis sol nu : Frais de fertilisation et de mécanisation.
  • Culture principale puis couvert : Baisse des frais de fertilisation et de mécanisation diminués mais achat de semences en plus.
  • Double culture : Frais de fertilisation et achat de semence, diminution des frais de mécanisation liés au travail du sol après moisson, frais de séchage possible.

Revenus

  • Culture principale puis sol nu : Liés uniquement à la culture principale.
  • Culture principale puis couvert : Liés uniquement à la culture principale.
  • Double culture : Deux cultures vendues.

Autres bénéfices environnementaux

La double culture peut présenter d’autres bénéfices environnementaux que ceux précédemment cités. Tels les couverts culturaux intermédiaires classiques, la double culture permet de diminuer les pertes d’azote des sols. Elle maintient un reliquat d’azote faible dans le sol ce qui, avant le début de la période de drainage, réduit le risque de lixiviation d’azote.

Mais la double culture permet aussi de diminuer les quantités d’eau drainée. Or l’eau drainée n’est pas disponible pour les racines. Cette diminution est donc une bonne chose pour les plantes. Cependant, l’eau qui n’est pas drainée n’est pas non plus percolée, c'est-à-dire que celle-ci n’ira pas dans les nappes phréatiques. Par rapport à un couvert classique, le sol peut donc être asséché[3].

Conclusion

La double culture est une pratique en essor en grandes cultures. Elle apparaît comme une opportunité pour les agriculteurs d’augmenter leur performance tout en obtenant des bénéfices agronomiques et environnementaux.

Simple à mettre en place et avantageuse sur le plan économique, la double culture semble réellement satisfaire les agriculteurs la pratiquant.


Dans un contexte de changement climatique et avec des étés de plus en plus chauds, la double culture pourrait s’étendre sur des zones où la somme actuelle des températures ne permet pas l’atteinte de la maturité d’une deuxième culture dans l’année. Cette pratique pourrait donc s’étendre vers le Nord. Cependant, le besoin d’eau risque de croître dans les régions du sud, pouvant devenir limitant à terme.


Des recherches ont été menées ces dernières années pour qualifier cette pratique. Le projet IPHARD mené par l’INRAe a étudié les variétés de soja et de tournesol adaptées à la double culture.

Les Chambres d’Agriculture d’Occitanie et de Nouvelle Aquitaine ont aussi travaillé sur le sujet au sein du projet 3C2A.

Sources

  • Cet article a été écrit par un groupe d'étudiants de l'École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse en janvier 2024, après la lecture des résultats des projets IPHARD et 3C2A et notamment après la rencontre avec Gilles Tison, chef d’équipe au sein du projet IPHARD et Matthieu Abella, Ingénieur développement chez Terres Inovia à Baziège, ayant participé au projet 3C2A et de plusieurs agriculteurs pratiquant la double culture.

La version initiale de cet article a été rédigée par Jérémy Caumel, Océane Legendre, Amelie Leon, Clara Perissé, Nicolas Piette et Simon Pruchon.


  1. 1,0 1,1 et 1,2 Terres Inovia, 2022
  2. Spotifarm, 2023
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 et 3,4 Projet 3C2A, CASDAR, Mai 2023
  4. Terre Inovia, 2023.pdf


Annexes


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