Produire des engrais organiques en Afrique
Les engrais organiques sont réalisés sur place par les paysans avec des matériaux d’origine végétale et animale. Ils peuvent se présenter sous forme solide ou liquide. Ils sont obtenus grâce à la décomposition aérobie (en présence d’oxygène) des déchets organiques. La décomposition dépend de l’action de nombreux organismes (bactéries, champignons, vers, etc.). Les noms utilisés pour parler des engrais organiques peuvent varier en fonction des auteurs, ici nous utiliserons les termes "compost solide" et "compost liquide".
L’utilisation des engrais organiques est particulièrement conseillée sur des sols pauvres et/ou manquant de structure.
Portée écologique et intérêts
L’application de fertilisants chimiques sur les sols tropicaux est peu efficace et une grande partie des nutriments appliqués est lessivée[1]. Leur utilisation inadéquate sans apport de matière organique dégrade au fil du temps le sol et la vie qu’il renferme. De plus, les fertilisants chimiques sont souvent importés et très onéreux en Afrique[2].
Les engrais organiques se présentent comme une alternative productive, plus profitable économiquement, et plus respectueuse de l’environnement et du sol en particulier[3]. Par exemple, un compost, réalisé avec une diversité de ressources végétales et animales, permet d’apporter les nutriments dont les plantes ont besoin. Et contrairement aux engrais chimiques il améliore la structure du sol et donc sa capacité à absorber et à retenir l’eau et les nutriments, mais également soutient la vie à la surface et dans le sol[4][5].
Le compostage permet également de recycler et valoriser une large quantité des déchets produits par le paysan et/ou le consommateur. Étant donné que leurs modes d’application sont différents, les composts liquides et solides peuvent être utilisés conjointement.
Compost solide
Il y a quelques conditions préalables à la mise en œuvre du compost solide :
- Disponibilité de l’eau pour l’arrosage.
- Maîtrise de la technique de fabrication et d’utilisation.
- Disponibilité du matériel et des matériaux.
- Disponibilité de la main-d’œuvre.
Matériaux et matière première
- Matière sèche, riche en carbone (feuilles mortes, branches, paille, écorce, etc.).
- Matière végétale fraiche, riche en azote (feuilles de légumineuses, d’arbres, déchets de cuisine, herbe fraiche, algues, etc.).
- Bouse de vache / fientes et plumes de volailles / excréments de cabris, riche en azote.
- Cendres de bois, riches en calcium et en potassium[6].
- Farine d’os ou d’arêtes cuits et broyés, riche en phosphore notamment[6].
- Extraits de champignons (Mycotri et Mycoplus) .
- Eau.
Mycoplus : Produit à base de champignons et de déchets d’origine végétale et animale. C’est un engrais liquide foliaire qui stimule la croissance des plantes. Il permettrait aussi aux plantes de mieux résister à la sécheresse et aux maladies.
Le Mycotri et le Mycoplus sont des produits fabriqués et disponibles au Togo.
Matériel nécessaire
- Coupe-coupe : Coupe de la paille et des résidus végétaux.
- Pelles : Retournement du compost.
- Gants : Protection des mains.
- Cache-nez : Protection du nez.
- Bottes : Protection des pieds.
- Fourches : Retournement du compost.
- Piquets : Aération et vérification de la température du compost.
- Brouette : Transport des matériaux, du matériel et du compost prêt.
- Seaux : Transport de l’eau.
- Arrosoirs : Arrosage du compost.
- Sac de jute : Stockage du compost.
- Bassine : Transport de l’eau.
- Feuilles de palmiers : Protection du compost contre le soleil.
Conditions de réussite
Oxygène
Il faut régulièrement aérer son compost pour éviter qu’il ne fermente. Si le compost est trop tassé et humide, l’ajout de déchets structurants grossiers peut être envisagé (petites branches, copeaux de bois, etc.)
Humidité
Le compost doit être ni trop humide, ni trop sec. Si le compost est tassé et que de l’eau s’en écoule lorsqu’on le presse dans ses mains, il faut le faire sécher et le découvrir s’il est couvert. Si au contraire le compost est très sec, il faut l’arroser et/ou apporter de la matière végétale fraiche et si possible le couvrir pour éviter un nouveau dessèchement.
Température
Une montée en température permet de détruire certains pathogènes et les graines des indésirables. Pour cela il faudrait s’assurer que le tas ait une dimension d’au moins 1 m3. Cependant la montée en température n’est pas nécessaire pour obtenir un compost nutritif, si les autres conditions sont maintenues (humidité, air et nutriments équilibrés).
Équilibre en nutriments (C/N)
Il est important pour obtenir un compost de qualité de respecter un certain ratio de matière organique riche en carbone (C) par rapport à la matière organique riche en azote (N): l’idéal se trouve approximativement entre 50-70% de matière riche en azote pour 30-50% de matière riche en carbone. Si on ne dispose pas de tous les ingrédients, le compostage peut quand même s’effectuer en essayant de conserver le ratio ci-dessus.
Par exemple si on ne dispose pas assez de fumier, on peut ajouter plus de matière végétale fraiche riche en azote pour compenser. Il ne faut pas abuser de la cendre ou de la farine d’os, en trop grande quantité ces éléments peuvent nuire au processus de compostage.
Mode d'application
- Plantes exigeantes (2-3 kg/m²) : Toutes les Solanacées et Cucurbitacées, épinard, amarante, chou, gombo, maïs, etc.
- Plantes moyennement exigeantes (1-2 kg/m²) : Betterave, carotte, laitue, etc.
- Plantes peu exigeantes (apports si besoin) : La grande majorité des plantes de la famille des Fabacées, ail, oignon, navet, radis, etc.
Pour les grandes surfaces, des apports de 3-6 t/ha en zone sèche et de 5-8 t/ha en zone humide peuvent donner de bons résultats. Pour des sols dégradés ou si les quantités de compost le permettent des doses plus élevées peuvent être appliquées (plus de 10 t/ha).
On peut diviser les utilisations du compost en deux types principaux:
- Fumure de fond : Le compost est incorporé aux premiers centimètres du sol, 1 à 3 semaines avant la plantation ou le semis.
- Fumure d’entretien : Le compost mûr est épandu et incorporé aux premiers centimètres du sol au pied des plantes en croissance aux stades importants du développement. Le compost est idéalement recouvert de paillage.
- Le compost, ayant besoin d’oxygène pour sa décomposition, n’est pas enfoui profondément, mais seulement incorporé aux premiers centimètres bien aérés du sol.
- En règle générale le compost est utilisé bien mûr, un compost demi-mûr peut avoir des effets indésirables.
- Si les quantités de compost disponible sont faibles, il est préférable de localiser les apports au pied des plantes, en particulier des plantes gourmandes.
Etapes de préparation
Choisir un emplacement approprié
Site à l’ombre, à proximité du lieu d’utilisation et d’un point d’eau. Même si le compost est fait uniquement à base de produits naturels, il peut entrainer des contaminations des eaux souterraines, il est donc important de ne pas faire le compost directement à côté d’un point d’eau (puits, rivière, etc.), mais de conserver une distance de minimum 25 m avec le point d’eau. Cela permet d’éviter la contamination de l’eau tout en limitant les déplacements pour aller la chercher pour le compost[7].
Rechercher les matériaux
Préparer les matériaux
Tremper la paille, découper les herbes et la paille en menus morceaux, fragmenter le fumier, arroser légèrement le fumier.
Réaliser un tas en couches superposées en prenant soin d’arroser après chaque couche
Chaque couche est composée de sous-couches dans l’ordre suivant : fine couche de cendres et/ou farine d’os, matière sèche trempée, extraits de champignons, matière fraiche, fumier, fine couche de terre. Il est tout à fait possible de rajouter pendant le processus des déchets, il faut cependant s’assurer que ces nouveaux apports soient équilibrés et bien mélangés avec la surface du compost en maturation.
Couvrir tout le dispositif
A l’aide de paille, terre, nattes ou sacs (éviter l’utilisation de matière plastique imperméable). En cas de forte pluie, le dispositif peut être couvert de bâches plastiques pour éviter le lessivage des nutriments.
Faire des orifices d’aération dans le tas à l’aide de piquets en bois
Puis planter un bâton au milieu.
Effectuer le contrôle de la température du tas
Deux jours après, retirer le bâton, il doit être chaud au toucher si le processus est normal.
Retourner le tas tous les 15 jours
Et ce, jusqu’à maturation complète au bout de 60 jours. Un compost mûr rappelle la texture et l’odeur d’un sol forestier. Si le compost n’est pas utilisé immédiatement, il est conseillé de le faire sécher en fines couches à l’ombre pendant 2 jours, puis le conserver en tas.
Conditionner le compost prêt
Le stocker dans des sacs de jute.
Compost liquide
Il y a quelques conditions préalables à la mise en œuvre du compost solide :
- Disponibilité du matériel approprié.
- Compétences nécessaires.
L'utilisation du compost liquide est particulièrement conseillé pour la tomate et le piment.
Matériaux et matière première
- Eau.
- Feuilles de légumineuses : Leucaena, cassia, moringa, gliricidia, niébé, pois d’Angole, etc.
- Déjections animales : Bouse de vache, fientes de poules, etc.
Matériel nécessaire
- Coupe-coupe : Coupe des feuilles et autres débris végétaux.
- Grosse pierre : Poids pour maintenir le sac immergé au fond du tonneau.
- Fût, tonneau, jarre : Préparation et stockage du compost liquide
- Bidon de plastique : Conservation du compost liquide.
- Sac de jute de 100 kg : Contenir les débris végétaux et le fumier.
- Seau : Transport de l’eau.
- Bottes : Protection des pieds.
- Filtre, tamis : Élimination des déchets végétaux.
- Ficelle : Fermeture du sac de jute.
- Bâton : Mélange du liquide.
- Pulvérisateur : Utilisation du compost liquide.
Mode d'application
On peut diviser les utilisations du compost liquide en deux types principaux :
- Fertilisant "racinaire" :
- Diluer 1/3 de solution dans 2/3 d’eau et appliquer à raison d’approximativement 2 litres/m².
- Le fertilisant est appliqué directement sur le sol ou au travers d’un paillage au pied des plantes aux stades importants du développement. Le fertilisant apporté sur un paillage accélère sa décomposition et donc participe à améliorer la structure du sol.
- Fertilisant "foliaire" :
- Mélanger 1/4 litre de solution avec 3/4 litre d’eau et appliquer à raison d’approximativement 2 litres/m².
- Le fertilisant est appliqué directement sur le feuillage des plantes (à éviter après la floraison.)
Difficultés et contraintes
- Non disponibilité de l’eau en quantité suffisante.
- Difficultés d’approvisionnement en matières premières diversifiées.
- Difficulté de transport des matériaux et des produits finis.
- Pénibilité du travail.
Etapes de préparation
Pour préparer 100 litres de compost liquide :
Rechercher 10 kg de feuilles de légumineuses
Si des plantes à effet pesticide ou pestifuge sont utilisées dans le processus, le compost liquide peut avoir également un effet sur les insectes qui s’attaqueraient aux plantes.
Rechercher 6 kg de fumier (bouse de vache)
Hacher les légumineuses en petits morceaux
Mettre en sac
Dans un sac de jute de 100 kg, mettre en couches superposées alternées feuilles hachées et fumier et attacher le bout du sac à l’aide d’une ficelle.
Du compost liquide peut également être réalisé si du compost bien mûr est utilisé à la place des feuilles de légumineuses et du fumier.
Infuser
- Plonger le sac dans un fût de 100 litres d’eau et poser une pierre sur le sac immergé pour l’empêcher de remonter à la surface.
- Fermer le fût / la jarre / le tonneau à l’aide d’une toile.
Maturation
Remuer à l’aide d'un bâton pendant 5 mn après 2 jours. Répéter l’opération 1 ou 2 fois par semaine.
Fin de la préparation
Après 6 semaines maximum, le compost liquide est prêt lorsqu’il est clair et sans mauvaise odeur. Le compost liquide peut être conservé pendant maximum un mois dans un endroit protégé et ombragé. Le compost liquide "pur" non dilué pourrait endommager les plantes, il est important donc de le diluer avant usage.
Comparaison entre les différents types d'engrais
Engrais organiques | Engrais
chimiques | ||
---|---|---|---|
Solide | Liquide | ||
Charge de travail | Élevée | Élevée | Faible |
Rendements | Élevés | Élevés | Élevés |
Coût | Faible | Faible | Élevé |
pH du sol | Effet tampon | Effet tampon | Acidification possible |
Pollution des eaux | Risques faibles | Risques faibles | Risques élevés |
Disponibilité des
nutriments |
Faible à court terme,
plus élevée à moyen terme |
Élevée à court terme,
plus faible à moyen terme |
Élevée à court terme,
plus faible à moyen terme |
Recyclage des déchets | Élevé | Élevé | Inexistant |
Structure du sol | Amélioration | Amélioration, si apporté
sur un paillage |
Aucun effet,
voire dégradation |
pH et sols tropicaux
Le pH (potentiel Hydrogène) informe sur l’acidité ou la basicité d’un sol. Les sols varient de très acides (pH = 3) à très basiques (pH = 8) en passant par la neutralité (pH = 6.6-7). La plupart des plantes cultivées préfèrent un pH entre 5 et 8. Pour corriger un sol trop acide ou trop alcalin (basique), il est important d’apporter régulièrement de la matière organique sous différentes formes.
Les sols tropicaux cultivés tendent à s’acidifier, ce qui engendre une minéralisation plus rapide de la matière organique et une perte d’éléments nutritifs mais aussi la solubilisation de l’aluminium qui est toxique pour la plupart des plantes. Pour lutter contre l’acidité, il est particulièrement important de couvrir le sol et de renouveler régulièrement la matière organique. Pour un sol vraiment trop acide, un apport de cendre ou d’os (riche en calcium) peut être envisagé.
Sources
Manuel des bonnes pratiques agroécologiques - SECAAR.
Cette page a été rédigée en partenariat avec le projet Urbane et grâce au soutien financier de l'Union Européenne.