Double culture en TCS sur grandes cultures dans le Tarn et Garonne
Retour d'expérience sur la mise en place d'une double culture dans la ferme de Frédéric et Laëtitia Pagès.
Présentation
- Nom : Frédéric et Laëtitia Pagès.
- Localisation : Vaïssac, Tarn-et-Garonne (département).
- Année d'installation : 1996.
- Statut : Agriculteur, en entreprise individuelle.
- Exploitation : En nom propre.
- SAU : 240 ha.
- UTH : 1,5.
- Production : Soja, blé, orge, féverole (couverts et semences), tournesol en sec, maïs, sorgho.
- Sol : Coteaux argilo-calcaire et boulbènes.
- Travail du sol : Non labour, TCS.
- Système irrigué : 140 ha.
- Modes de commercialisation : Vente en grande partie des productions à Grains d'OC qui est une filiale de la coopérative AGRO d'OC ainsi qu'à Vitivista.
- Prestations supplémentaires : Stockage et séchage grain pour un organisme stockeur (environ 3000 T).
Motivations
La première motivation de Frédéric Pagès pour la mise en place de la double culture provient d’une observation de repousse de tournesol dans une de ses parcelles en 2001. Suite à cela, il a étudié comment mettre en place une deuxième culture de rente. L’année suivante, il essaie pour la première fois une double culture blé/maïs sur 3 ha et il obtient de très bons résultats. Sa principale motivation d’installer durablement la double culture sur son exploitation vient de son intérêt économique. Frédéric est dans l’optique de maximiser du mieux qu’il peut sa production pour obtenir les meilleurs rendements possibles et donc une meilleure rentabilité. Dans ce but, il a toujours été attiré par l’innovation et l’expérimentation de nouvelles variétés et pratiques qui améliorent la structure du sol.
Étapes de mise en place
- Frédéric a mis en place la double culture il y a 20 ans. Il a rapidement été convaincu par cette pratique qui a fonctionné dès le début. Il ne lui aura fallu que 2-3 ans d’essais pour commencer à produire des dizaines d’hectares de double culture. Depuis sa mise en place, il a tout de même rencontré quelques difficultés qui l’ont poussé à varier ses variétés et ses successions de culture. Par exemple, il a rencontré des problèmes d’intempéries (grêle, tornade) en 2007 lors de sa première année en double culture sur l’ensemble de sa surface irriguée. Il a pu couvrir les charges mais n’a pas fait de bénéfices, de ce fait, il a pris une assurance dès l’année suivante.
- En 2008, il fait des tests pour diminuer les frais liés à l’irrigation et au séchage de sa deuxième culture. Il décide donc de remplacer la double culture orge/maïs par orge/tournesol car le tournesol requiert moins de charges de mise en culture et diminue donc la prise de risque. Cette double culture fonctionne mais il rencontre des problèmes de sclérotinia du capitule sur son tournesol qui complique fortement la récolte certaines années.
- Ainsi, il décide de passer à une rotation de pois/maïs, blé/soja puis orge/soja ou tournesol pour diminuer cet impact et rendre ce système plus durable. Mais avec cette rotation, il rencontre des problèmes de ray-grass résistant dans le blé et l’orge. Face à cette adventice, il arrête la double culture systématique pour réintégrer du maïs en culture seule dans la rotation, précédé d’un couvert de féverole. Ceci lui permet de nettoyer plus facilement les parcelles.
- Aujourd’hui il a encore adapté sa rotation pour réaliser deux années d’orge/soja et une année de maïs après un couvert de féveroles. Il a fait ce choix car le soja possède un cycle plus court et rencontre moins de problèmes à la récolte (battage et séchage) que le tournesol.
Itinéraire technique
- Au niveau de la technicité propre à la double culture, Frédéric Pagès sème une orge de variété Zebra qui est très précoce pour pouvoir la récolter tôt, même parfois avant maturité en la séchant.
- Il utilise un semoir de céréales à disques (combiné Amazone).
- Il réalise une fertilisation minérale à 3 périodes avec du NPK+S ou de l’urée.
- Ensuite il effectue un désherbage chimique en pré-levée et parfois post-levée ainsi qu’un traitement fongicide.
- Pour le soja dérobé, il réalise la préparation du sol et le semis en un seul passage avec le même combiné de semis Amazone. Cette intervention est réalisée le jour de la récolte de l’orge ou le lendemain. Il utilise un soja de variété Kristian qui est semé en juin avec une densité de 450 000 grains/ha.
- Le désherbage est fait chimiquement en un seul passage en post-levée. Afin d’assurer le développement du soja, il irrigue un peu au semis si besoin et 35 mm tous les 12 jours à partir de la floraison pour un total de 1800 m3/ha en moyenne.
- La mise en place de la double culture n’a pas nécessité d’investissement spécifique dans du nouveau matériel, il l’a juste adapté à son système au fur et à mesure de son renouvellement.
Résultats
Dès lors qu’il a mis en place la double culture, Frédéric Pagès a rapidement observé de bons résultats. En effet, seulement une année après son premier essai de la pratique, il réalise des rendements énormes sur une double culture orge/maïs, soit 88 quintaux/ha d’orge et 115 quintaux/ha de maïs.
Au vu de ses résultats plus que prometteurs, il double progressivement ses surfaces en double culture pour atteindre la double culture systématique sur ses toutes parcelles irriguées en 2007. Lorsqu’il réintègre une dizaine d'années après le maïs monoculture dans sa rotation, il se rend compte des bienfaits agronomiques de la double culture sur ses sols. En effet, il obtient 140 quintaux/ha ce qui dépasse largement ses résultats antérieurs. L’année qui suit il atteint 214 quintaux/ha lors d’une double culture orge/maïs.
Frédéric Pagès retient surtout les retours économiques que lui confère cette pratique. Aujourd’hui il a atteint une bonne stabilité économique sur l’exploitation et le fonctionnement du sol est vraiment amélioré. Les rendements des doubles cultures sont équivalents aux cultures uniques pratiquées dans la région, soit 70 quintaux/ha en orge et 35 quintaux/ha en soja. Pour ce qui est de l’année où le maïs revient dans la rotation, le rendement est excellent : 150 quintaux/ha en moyenne.
Intérêts et points de vigilance
Intérêts
- Économiques : Augmentation de la production et des revenus quand elle est maîtrisée, sécurité économique face aux aléas climatiques et aux variations de marchés car deux cultures différentes, sans augmentation des charges annuelles.
- Agronomiques : Couverture du sol, amélioration de la structuration du sol, apports de matière organique.
- Environnementaux : Adaptation au dérèglement climatique avec l’augmentation des sommes de température.
Points de vigilances
- Conditions climatiques au moment de l’implantation de la double culture.
- Restriction d’irrigation en fin d’été (dépendant des politiques sur l’eau).
- Dépendance de l’organisme stockeur en cas de récolte humide hors période de collecte (si pas de séchoir sur l’exploitation).
Conseils
- Être capable de très bien maîtriser une culture avant d’en envisager deux par an.
- Être rigoureux et réactif dans les différentes interventions liées à la pratique. Il faut tout anticiper, en été les stades culturaux évoluent rapidement.
- Disposer de matériel un minimum adapté et opérationnel.
- Avoir de bonnes connaissances agronomiques. Il faut comprendre le fonctionnement d’un sol et savoir reconnaître les pathogènes pour choisir les duos de cultures adaptés.
- Bien gérer les repousses des cultures qui peuvent devenir une vraie problématique car les herbicides sont peu efficaces sur ces plantes.
- La première culture doit permettre de couvrir la totalité des charges de l’exploitation pour ne pas prendre trop de risque. Il ne faut pas tout miser sur la deuxième culture.
Mes perspectives
Frédéric Pagès souhaite poursuivre la double culture au vu des nombreux bénéfices qu’elle lui apporte, le système fonctionne très bien avec l’irrigation et le séchage. Son objectif principal est de sécuriser économiquement l’exploitation pour aider sa fille à s’installer dans les meilleures conditions.
Sources
Interview de Frédéric Pagès réalisée le 14/11/2023 par un groupe de 6 étudiants ingénieurs agronomes de l'ENSAT. La rédaction de cette page, les photos ainsi que la réalisation du schéma d'illustration sont à leur crédit.
La version initiale de cet article a été rédigée par Jérémy Caumel, Océane Legendre, Amelie Leon, Clara Perissé, Nicolas Piette et Simon Pruchon.
Annexes