Double culture en non travail du sol dans le Gers
La ferme située à Montadet, dans le Gers, est gérée par Cyril Hamot et son père. Spécialisés dans la culture céréalière, ils ont décidé de ne plus travailler le sol à partir de 2007. Ils ont mis en place la double culture au cours des trois dernières années. L'objectif central de cette exploitation est d'atteindre la rentabilité et la productivité. Actuellement, ils ont choisi de ne pas entreprendre de nouveaux projets innovants à grande échelle, préférant se maintenir dans des domaines familiers et confirmés, dans le but de garantir la stabilité de l’exploitation.
Présentation
- Nom : Cyril Hamot.
- Localisation : Montadet, Gers (département).
- Année d'installation : Il s'associe avec son père en 2018.
- Statut : Agriculteur.
- Exploitation : EARL Fond de Dèze.
- SAU : 250 ha, regroupés en un seul bloc.
- UTH : 2, mais en période creuse, il exerce également en tant que technicien sur les semences.
- Production : Blé, maïs, orge, féverole, soja, avec certaines cultures réalisées en double culture : maïs-orge-soja. Culture de maïs pop-corn et maïs blanc également.
- Cheptel : 15 brebis.
- Sol : Argilo-limoneux.
- Travail du sol : Aucun (fissuration parfois).
- pH : 6 à 8.
- Système irrigué : 100 ha.
- Modes de commercialisation : Prestations incluant le stockage et le séchage, ainsi que la vente du soja destiné à l'alimentation humaine.
Motivations
La motivation première de Cyril et son père résidait dans l'augmentation de la production sur leurs terres. Au départ, l'idée du relay cropping avait été envisagée et réalisée, avec l'objectif de répartir de manière plus équilibrée la charge de travail au fil du temps. Cette approche cherchait à éviter la concentration intensive des activités, caractéristique de la double culture où tout doit être accompli en juin, avec d'autres tâches telles que l'ensachage des semences et les prestations que les agriculteurs doivent aussi réaliser. Cependant, le relay cropping s'est avéré être un défi majeur, exigeant un équipement spécifique et présentant des difficultés persistantes, sans jamais atteindre le succès escompté au cours de la période d'essai de trois ans.
La décision de basculer vers la double culture a émergé suite à une conférence Agrodoc et des échanges fructueux avec M. Pagès, un agriculteur chevronné pratiquant cette méthode depuis longtemps. La double culture s'est révélée être une option plus accessible, éliminant la nécessité d'un équipement spécifique.
De plus, l'activité secondaire de l'exploitant lui a ouvert l'accès à un choix abondant de semences, facilitant ainsi la sélection des variétés les mieux adaptées à la double culture. Ainsi, cette transition a permis de concilier les impératifs économiques avec une approche plus viable et efficiente sur le plan agricole.
Le relay cropping
Au cours d'une expérimentation sur une période de trois ans, Cyril Hamot a décidé de tester le relay cropping sur 4 ha, une approche alternative à la double culture. L'avantage principal de cette approche était la réalisation des semis à la fin d'avril ou au début de mai, permettant ainsi de diminuer la charge de travail en juin. Cette période est généralement exigeante pour ces agriculteurs, car ils doivent récolter leurs premières productions tout en effectuant de nombreuses autres prestations.
Inspirés par des agriculteurs américains que Cyril avait découverts sur les réseaux sociaux, ils ont décidé de mettre en place le relay cropping. Cependant, il était l'un des rares dans son entourage à tenter cette expérience, seulement deux autres personnes qu’il connaît sont engagées dans cette démarche, dont l'une a finalement abandonné. Pour mener à bien cet essai, il a utilisé un semoir prêté par des fabricants en Allemagne, éliminant ainsi tout frais. De plus, ils ont eux-mêmes adapté une moissonneuse pour répondre aux besoins spécifiques du relay cropping. Néanmoins, cette pratique n'était pas sans inconvénients. Elle exigeait l'utilisation d'un tracteur adapté au rang, donc chaussés petit, ainsi qu'un espace impeccablement propre avant de semer le soja.
Une contradiction entre les deux cultures est également apparue, puisqu'il était nécessaire d'arroser la culture récemment semée, tandis que la première culture était sur le point d'être récoltée, entraînant un dilemme logistique. Malheureusement, le relay cropping n'a jamais atteint les objectifs voulus au cours de ces trois années d'essai. C’est une des raisons pour lesquelles Cyril Hamot a préféré se tourner vers la pratique de la double culture.
La double culture
L’itinéraire technique que suit Cyril Hamot est très précis et il est représenté dans le schéma ci-dessous :
Mes résultats
Les résultats obtenus dans cette exploitation présentent des aspects économiques et agronomiques significatifs.
- Sur le plan économique : La mise en œuvre de cette nouvelle technique a généré une valeur ajoutée de 1000€ par hectare. Extrapolé sur une surface de 40 ha de cultures, cela se traduit par une valeur ajoutée annuelle de 40 000€. Cette performance économique est particulièrement satisfaisante, avec des rendements de 70 quintaux d'orge et 20 quintaux de soja, se rapprochant de l'objectif ambitieux de 30 quintaux de soja, visant à dépasser les 100 quintaux au total sur une même parcelle.
- Du point de vue agronomique : Les résultats sont également prometteurs. La mise en place de ces pratiques a contribué à améliorer la vie du sol, témoignée par une augmentation du taux de matière organique. De plus, le recours à ces techniques a permis de valoriser les couverts, renforçant ainsi les bénéfices agronomiques de l'ensemble du système.
Ces résultats encourageants démontrent la viabilité de cette approche au sein de cette exploitation, tant sur le plan économique que sur le plan agronomique, ouvrant la voie à une gestion plus durable et rentable de l'exploitation.
Intérêts et points de vigilance
Intérêts
- Économique :
- Pas d’investissement spécifique.
- Deux productions en un an.
- Augmentation de la marge de l’agriculteur.
- Agronomique :
- La vie du sol est améliorée, augmentation du taux de matière organique.
- Intérêt agronomique des couverts.
- Environnemental :
- Adaptée à l’augmentation des températures.
- Diversité des variétés utilisées et couverts végétaux, préservation de la biodiversité.
- Intégration dans une agriculture plus résiliente et durable.
Points de vigilances
- La durabilité de l’irrigation : Les politiques de l’eau ne sont pas toujours en accord avec la double culture (l’agriculteur ne souhaite donc pas investir davantage dans l’irrigation, il ne souhaite pas augmenter la surface irriguée pour l’instant).
- Concentration du temps de travail en juin.
- Bien choisir les variétés utilisées (il ne faut pas utiliser des variétés trop tardives, en utilisant une variété tardive on peut rencontrer des difficultés pour réaliser l’intégralité du cycle de la seconde culture).
Conseils
Selon Cyril Hamot, la clé du succès réside dans la volonté d'essayer sans craindre le changement. Il exprime son étonnement face au manque de popularité de cette approche, considérant qu'elle représente un avantage évident. Ayant tenté d'en discuter avec d’autres agriculteurs, Cyril Hamot a constaté une réticence générale à se lancer dans une méthode différente de celle généralement adoptée "Il faut avoir l’esprit un peu décalé, c’est dur de faire différemment des autres en agriculture".
Il insiste sur le fait que la réussite nécessite une rigueur et une rapidité accrues, en particulier pour faire face à la charge de travail intense pendant des périodes concentrées. La récolte et le semis, par exemple, doivent souvent être réalisés le même jour, ou du moins dans les deux à trois jours qui suivent.
En résumé, il ne faut pas avoir peur de se lancer si on est très rigoureux.
Perspectives
Il manifeste le désir de se former davantage sur les sols pour optimiser leurs aptitudes agronomiques, et donc d'améliorer la qualité de son sol, qu'il estime actuellement insuffisante. Il ne prévoit pas d'agrandissement de son exploitation. Il envisage plutôt de maintenir la double culture tout en conservant le même nombre d'hectares, reconnaissant les contraintes temporelles qui limitent ses capacités d'expansion. Ainsi, son orientation future est axée sur l'amélioration de la durabilité et la rentabilité de son exploitation plutôt que sur une expansion significative.
Sources
Interview de Cyril Hamot réalisée le 15/11/2023 par un groupe de 6 étudiants ingénieurs agronomes de l'ENSAT. La rédaction de cette page, les photos ainsi que la réalisation du schéma d'illustration sont à leur crédit.
La version initiale de cet article a été rédigée par Jérémy Caumel, Océane Legendre, Amelie Leon, Clara Perissé, Nicolas Piette et Simon Pruchon.
Annexes