Suivi de la méthode RedOx sur l'élevage laitier de l'EARL des Fresnes

De Triple Performance
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À l’EARL des Fresnes, l’élevage laitier sert de terrain d’expérimentation pour la méthode RedOx, une approche innovante qui s’appuie sur le potentiel d’oxydo-réduction pour mieux comprendre et accompagner la santé des animaux. En lien avec une démarche globale de soin au vivant, cette méthode vise à améliorer le bien-être du troupeau, la qualité du lait et les performances de l’élevage.

Contexte de l'exploitation

Située en Normandie, région clé de l'élevage laitier français, l'EARL des Fresnes est une exploitation familiale en polyculture-élevage.

  • Cheptel : 300-350 animaux, dont 100-110 vaches laitières de race Prim'Holstein.
  • Production laitière : Moyenne annuelle de 10 000 litres/vache, avec un taux butyrique (TB) de 42 g/kg et un taux protéique (TP) de 34 g/kg.
  • Reproduction : 50 % des femelles inséminées avec des taureaux Blanc-Bleu-Belge ou Angus pour l'engraissement.
  • Commercialisation : Contrat laitier avec la coopérative Sodiaal.
  • Alimentation : Ration à l'auge à base d'ensilage de maïs, tourteau de colza, ensilage d'herbe et luzerne, betteraves fourragères, foin, compléments minéraux (sodium, CaO, urée). L'exploitation vise une autonomie fourragère élevée.


Le protocole appliqué sur place

Le protocole a été conçu pour être le plus simple possible pour l'éleveur :

Matériel utilisé : ORP-mètre, pH-mètre, réfractomètre (spécialisé fourrage et sérum), presse-ail, tubes de collecte. Vous pouvez notamment trouver davantage d’informations sur ces équipements via ce lien.


Sélection des vaches laitières à suivre

Sélectionnez les vaches laitières pour lesquelles vous souhaitez établir une surveillance particulière, selon vos critères (vache à haut potentiel, vache ayant déjà connu des problèmes de santé ou de performance par le passé… le choix vous appartient).

Si vous souhaitez vous faire une idée générale sur le troupeau, à l’image des prélèvements pour analyser le taux de cellule du tank, il peut être pertinent de prélever votre lait directement dans celui-ci en fin de traite, cela reste plus simple et plus économe en termes de temps (ICAR 2023).

Pour les bouses et les urines, prélevez sur la vache que vous souhaitez, ou sur plusieurs afin d’avoir une idée générale du troupeau (dans ce cas regroupez les résultats obtenus en moyenne pour rendre le résultat plus simple à interpréter)

Dans notre étude, 12 vaches laitières (environ 10-11% du cheptel) ont été sélectionnées pour le lait selon l'âge, le stade de lactation et le nombre de lactations pour offrir un panel de résultat détaillé.


Prélèvement du lait

Le test peut être fait aussi souvent de fois que vous le souhaitez du moment que vous prélevez l’échantillon de la manière suivante :

  • Pour un suivi individuel :  après nettoyage, et tirage des premiers jets, récoltez une quantité égale de lait des 4 quartiers dans un même tube. Vous pourrez ensuite analyser via le matériel évoqué précédemment le pH (pH mètre), le Redox (ORP-mètre), ainsi que le taux de Brix (via le réfractomètre à sérum).
  • Pour un suivi global : prélevez plusieurs échantillons dans le tank à lait, dans l’idéal au minimum trois prélèvements. Vous pourrez ensuite analyser via le matériel évoqué précédemment le pH (pH mètre), le Redox (ORP-mètre), ainsi que le taux de Brix (via le réfractomètre à sérum).


Prélèvement des effluents (bouses et urines)

Prélevez la bouse ou les urines directement après excrétion (en utilisant un tube plastique) et analysez rapidement ces derniers, plus l’analyse se fait proche du moment de l’excrétion, plus le résultat est représentatif de la situation chez la vache prélevée.

En raison d’une contrainte de temps de notre équipe, la collecte des bouses et des urines s’est effectuée en "one-shot" (prélèvement aléatoire) avec des tubes en plastique. Les mesures (RedOx, pH, densité spécifique de l'urine au réfractomètre) sont effectuées rapidement (dans les 5-10 minutes) pour éviter l'oxydation.


Analyse des fourrages

A l’aide du presse-ail, extrayez le jus des fourrages ou de l’herbe de prairie afin d’en analyser le taux de Brix (taux de sucre pour 100 grammes), si vous disposez de suffisamment de jus, il vous sera aussi possible de mesurer à l’aide de l’ORP-mètre et du pH-mètre le potentiel RedOx et le pH respectivement.

Le jus de la Ration Totale Mélangée (RTM), de l’ensilage de maïs et de l’ensilage d'herbe/luzerne sont extrait à l’aide d’un presse-ail et analysé au réfractomètre pour le taux de Brix uniquement (manque de quantité de jus pour une analyse du RedOx et du pH-mètre).


Interprétation des données

Une fois l’ensemble de vos analyses effectuées, notez les dans un tableau ou une base de données afin d’en garder une trace. A la fin de cet article se trouve un tableau qui aidera alors à une interprétation des valeurs que vous avez relevées, attention ces dernières ne relèvent pas d’un diagnostic assuré de la pathologie, elles servent simplement de piste afin de guider votre raisonnement vers ce que vous pensez être la cause potentielle du problème (s’il en y a un). N’hésitez pas, par la suite, à être conseillé par un vétérinaire sur votre interprétation, afin de prodiguer la meilleure réponse possible.


Premiers résultats et constats

Qualité des fourrages

L'analyse du taux de Brix a montré une bonne stabilité des fourrages ensilés (Maïs ensilage à 12% Brix, Ensilage Herbe & Luzerne à 11% Brix de janvier à Mars), confirmant leur qualité et leur richesse en sucres. L'introduction de la betterave rouge en avril a significativement augmenté le Brix de la RTM, ce qui en fait un bon apport complémentaire.


Mesures sur les urines

Les mesures urinaires ont révélé une perturbation transitoire en février (baisse du Redox, acidification du pH, densité spécifique élevée), probablement liée à un changement rapide de la ration. Une stabilisation a été observée en mars/avril, avec un retour à un équilibre métabolique plus sain, comme l'indique la bioélectronique animale (Redox à +10mV / -20mV, pH à 8.0 et DS entre 1015-1025).


Mesures sur les bouses

L'analyse du Redox des bouses a montré une diminution progressive (plus réducteur) sur les quatre mois, avec des valeurs autour de -100 mV en janvier, allant jusqu'à -140 mV en avril. Les valeurs de pH des bouses ont fluctué, indiquant un pH neutre en janvier (7,3-7,4), puis une chute en février (6,7), suggérant un impact du changement alimentaire sur le rumen. La stabilisation ultérieure du pH (vers 7,0) en mars/avril suggère un retour à un fonctionnement digestif homogène.


Recommandation pour l’éleveur

L’analyse de l’urine montre un excès récurrent de sucres dans ces dernières, ce qui suggère une ration un peu trop riche (en énergie), l’apport de betterave fourragère et de maïs ensilage en quantité importante est considéré comme la cause potentielle. Il est donc recommandé de réajuster la ration en tenant compte du fait que les fourrages analysés ici sont de bonne qualité, et peuvent donc être redistribué un peu à la baisse. Il est aussi possible de diminuer l’apport en betterave qui sera davantage recommandé justement en cas de distribution de fourrage moins riche.

Pour satisfaire au mieux les besoins d’encombrements du troupeau, il est recommandé de substituer cette partie d’aliment riche avec un fourrage grossier sec tel que le foin.

De plus, il faut porter une attention particulière aux phases de transition alimentaire, notamment lors de l’introduction ou de la modification des proportions d’un aliment, afin d’éviter les déséquilibres digestifs comme celui mis en évidence en février.


Opportunités et limites de l'approche

Fiabilité et interprétation

Les outils portables utilisés sont pratiques mais moins précis que des équipements de laboratoire. La variabilité individuelle des vaches (stade de lactation, métabolisme, santé, génétique) influence aussi les résultats. Les prélèvements réalisés juste avant la traite pourraient également être affectés par le stress ou les hormones, pour une mesure sur l’état général du troupeau


Pertinence de la méthode

Le Redox semble pouvoir révéler des déséquilibres passagers. Cependant, établir un lien direct avec les indicateurs classiques de production (TB, TP) reste complexe. Le Redox serait plutôt un outil complémentaire, reflétant l'état de stress oxydatif ou le métabolisme général, utile pour un suivi préventif en amont de problèmes plus graves.


Applicabilité pour les éleveurs

La mise en place du protocole demande une organisation rigoureuse et du temps, particulièrement pendant la traite. La collecte des bouses et urines est plus complexe au pâturage. Le changement de saison et d'alimentation influencent également les résultats.

Toutefois avec une bonne organisation, le protocole énoncé ci-dessus est tout à fait applicable et interprétable directement sur la ferme. Il peut également servir au suivi des vaches laitières les plus à risque ou simplement les plus productrices sur lesquelles vous avez envie d’une surveillance supplémentaire simple, sans investissement couteux.


Perspectives d'amélioration

Le protocole testé montre qu'un suivi métabolique simple et peu coûteux est possible. Pour l'avenir, nous envisageons :

  • Intégrer toutes les données (Redox, alimentation, production, santé) dans un tableau de bord numérique pour une vision d'ensemble.
  • Étendre l'expérimentation à d'autres fermes (bio, conventionnel, etc.) pour exercer la méthode dans d’autres types d’installation.
  • Compléter le Redox avec d'autres données (rumination) pour un diagnostic global et réactif de la santé du troupeau.


Conclusion

Après plusieurs mois d'analyses, notre projet confirme la pertinence scientifique de la méthode Redox en élevage. Bien que sa mise en œuvre sur le terrain puisse être complexe au début, elle offre un instrument facile d'utilisation, non intrusif et complémentaire aux méthodes de suivi traditionnelles.

Fluide Indicateur Zone optimale Interprétation Hors zone : causes possibles
Lait RedOx 200–270 mV Bonne activité métabolique mammaire, production stable <200 mV : stress oxydatif / inflammation chronique>270 mV : stress oxydant, déséquilibre alimentaire, carence antioxydants (vit. E, sélénium)
pH 6.6 – 6.8 Légèrement acide : normal pour le lait <6.5 : acidose métabolique / inflammation>6.9  : alcalose, déséquilibre digestif ou alimentation trop basique
Brix >10% Lait énergétique, bon apport nutritionnel (riche en lactose) <9% : ration trop pauvre en énergie ou stress métabolique
Urine RedOx +10 à -20 mV État oxydatif stable ou légèrement réducteur >+50 mV : stress oxydatif (ration déséquilibrée, inflammation)<-50 mV : surcharge réductrice (rumen en dysbiose, fermentation lente)
pH 7.8 – 8.2 Bon équilibre acido-basique <7.5 : acidose métabolique, excès de protéines dégradables>8.5 : alcalose, manque d’azote, carence énergétique
DS (densité spécifique) 1015 – 1025 Bonne hydratation, filtration rénale correcte, pas de surcharge pour le métabolisme <1010 : déshydratation, stress thermique>1025  : surcharge minérale, alimentation trop concentrée ou trop riche
Bouse RedOx ~-140 mV à -250mV Bonne fermentation ruminale (zone réductrice) >-100 mV : fermentation incomplète, fibres trop longues ou ration pauvre

<-250 mV : excès de sucres rapides, troubles digestifs

pH 6.7 – 7.2 Digestion équilibrée, bon pH ruminal <6.5 : acidose ruminale (cas rare), excès de concentrés>7.5 : digestion lente, fourrage trop ligneux
Fourrages Brix >10–12% Fourrage riche en sucres, bonne énergie disponible <9% : ensilage oxydé, mauvaise fermentation, récolte tardive ou sol en déséquilibre

Figure 1 : Tableau d’interprétation des données mesurés par les appareils


Cette page a été rédigée en partenariat avec UniLaSalle



Sources