Restaurer la biodiversité grâce à la mosaïque de cultures

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La complémentarité entre les cultures : à gauche la culture refuge pour la nidification et à droite la culture refuge pour l’élevage des jeunes. Crédit photo : Charles Boutour


La mosaïque de cultures correspond à la disposition alternée des différentes cultures de l’exploitation au niveau du paysage. Une mosaïque de cultures associée à une diversité d’aménagements répartie sur l’ensemble du territoire permet la préservation de la biodiversité à chaque période de l’année[1] . En cohérence avec les spécificités de l’exploitation, il peut être intéressant de repenser la répartition et l’alternance de cultures dans l’espace sans forcément perdre de surface productive [2]

Objectif

La mosaïque apporte un ensemble de ressources variées : nourriture, couvert, sites de nidification à la faune sauvage sur le territoire [3]. L’alternance de cultures combinée à des parcelles longues et étroites sont des éléments clés de la préservation de l’entomofaune et l’avifaune [4] . En effet, ces facteurs permettent d’augmenter le nombre d’interfaces entre les différents milieux [5] . Un des intérêts de la mesure est de limiter les perturbations liées aux travaux des champs. Ce levier peut être combiné avec l’ajout d’autres aménagements.

Parole d'expert

«  La diversification de la mosaïque culturale est un élément essentiel pour restaurer la biodiversité dans les espaces agricoles cultivés. Non seulement elle permet de sauvegarder de nombreuses espèces, mais elle permet aussi d’assurer la production de services écosystémiques rendus à l’agriculteur comme à la société. » François Omnès, Directeur adjoint de la Direction des Acteurs et des Citoyens à l’Office Français de la Biodiversité.

Bénéfices attendus

Au cours de l’année, chaque culture apporte un type de couvert différent et nécessaire à la petite faune sauvage. Les bordures de parcelles de céréales d’hiver seront de très bons couverts pour la nidification des oiseaux nichant au sol, comme la perdrix grise[6] ou l’alouette des champs[7]. Elles sont fréquentées par ces espèces, du mois de mars (période de mise en couple) à la moisson (période reproduction). Ensuite, les cultures de printemps de type industriel (betterave à sucre, pomme de terre, légume…) ou le maïs apportent un couvert refuge aux jeunes nichées en post moisson des céréales jusqu’à leur récolte dans le courant de l’automne. Puis, c’est au tour des cultures intermédiaires de prendre le relais une fois que toutes les cultures ont été récoltées. Une fois les engrais verts détruits, c’est au tour du colza de prendre le relais durant l’hiver (janvier à mars). Pour les insectes volants (coccinelles, abeilles…), la diversité de milieux (cultures et aménagements) leur apportera une ressource alimentaire diversifiée et répartie sur toute l’année.

Évolution de l’utilisation de l’espace et des cultures par la biodiversité au cours des saisons

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Par exemple, en février ce sont les noisetiers qui vont offrir cette ressource, en mars les pruneliers, en avril le colza et en juillet/août les tournesols. Une diversité de floraison étalée sur toute l’année favorise une grande diversité d’espèces d’insectes[8] pollinisateurs mais aussi les auxiliaires comme les coccinelles ou les syrphes. Ces derniers ont besoin de nectar et de pollen [9] pour pouvoir pondre et réguler les populations de ravageurs. Pour l’entomofaune rampante au sol (comme les carabes), la proximité immédiate de ces différentes cultures est nécessaire, car ils ne peuvent se déplacer à plus de 80-90 m de la bordure [10]


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Credit photo: Hubert Compère

Parole d'expert

«  Chaque culture favorisera son propre cortège d’insectes donc plus le damier sera diversifié plus les populations d’insectes le seront aussi. De même que pour les oiseaux, les insectes se déplacent de culture en culture au fil des saisons à chaque fois vers la culture ou il y a le plus de ressource alimentaire. » Véronique Tosser, Chargée de mission Biodiversité à Arvalis Institut du Végétal.

Comment mettre en place cette pratique sur mon exploitation ?

Alterner une céréale d’hiver avec une autre culture cultivée sur l’exploitation en évitant la formation de blocs trop conséquents d’une même culture. Pour un parcellaire groupé, il est recommandé de découper ses parcelles en bandes longues et étroites en prenant un multiple de l’outil le plus large présent sur l’exploitation afin de créer des îlots compris entre 150 et 200 m de large. La mise en place de l’alternance de cultures sur du grand parcellaire étroit est pertinente et aussi efficace pour la biodiversité que la réduction de la taille des parcelles.

Limite

Les coûts potentiels sont de 10% de temps supplémentaire du niveau temps passé sur les bouts de champs[11]

Retour d’expérience du réseau Agrifaune : La mosaïque culturale en zone de Comté

Les plateaux du Haut Doubs se caractérisent par de grandes étendues de prairies. Ce contexte ultra herbager s’explique par le cahier des charges de l’AOC Comté, qui exclut le maïs ensilage de l’alimentation des vaches laitières. Cette monoculture d’herbe favorise la pullulation cyclique des populations de campagnols, impactant économiquement les exploitations agricoles. Pour limiter les populations, les éleveurs ont eu recours à la mise en culture des vieilles prairies trop infestées. Ils y implantaient alors des mélanges céréaliers pendant 2 années de suite afin de diversifier le milieu et perturber les campagnols. Les mélanges céréaliers sont utilisés comme concentré dans l’alimentation des vaches laitières. Ces parcelles mises en culture ont également favorisé l’ensemble de la petite faune présente dans ces secteurs. (Agrifaune 25)


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Alternance entre différents blés avec une future culture de printemps. Crédit photo : Charles Boutour

Conseils

Cette pratique est recommandée pour le parcellaire groupé ou d’un seul tenant.

Pour du parcellaire dispersé, nous recommandons d’engager le dialogue avec ses voisins agriculteurs pour échanger sur une mise en place à l’échelle territoriale. Lors de la mise en place de l’alternance de cultures, il faut veiller à ce que les temps de retour de la même culture sur la parcelle correspondent : les temps de succession de cultures.

Pour aller plus loin

Il est possible d’ajouter des aménagements entre les différentes cultures. On augmente alors plus fortement les interfaces entre les différents milieux. (Voir Aménagements favorables aux auxiliaires et à la biodiversité et Organiser le parcellaire pour augmenter l'effet de lisière).

Sources

  1. Sirami C. et al ; 2019, Increasing crop heterogeneity enhances multitrophic diversity across agricultural regions, Proceedings of the National Academy of Sciences, INRA
  2. Hendrickx F. et al ; 2007. How landscape structure, land-use intensity and habitat diversity affect components of total arthropod diversity in agricultural landscapes, Journal of Applied Ecology, n°44, p340–351.
  3. Bro E. et al. ;2007. La faune sauvage en milieux cultivés, Comment gérer le petit gibier et ses habitats, Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage, 79p
  4. Alignier A., Solé-Senan X.O., Robleño I., et al. ; 2020 Configurational crop heterogeneity increases within-field plant diversity. J Appl Ecol. 57:654–663.
  5. Bro E. ; 2016. La Perdrix grise. Biologie, écologie, gestion et conservation. Biotope, Mèze, 304p
  6. Reitz F. & Mayot P. ; 1997. Etude nationale perdrix grise : premier bilan.Bull. Mens. ONC n°228 : 4-13
  7. Eraud C. ; 2002. Ecologie de l’Alouette des Champs Alauda arvensis en Milieux Cultivés, Caractéristiques Ecologiques de l’Habitat et Perspectives de Conservation,Thése de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes, ONCFS, Ministère de l’Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie, p168.
  8. Perovic D. et al. ;2015. Configurational landscape heterogeneity shapes functional community composition of grassland butterflies. J. Appl. Ecol. 52, 505–513.
  9. Villenave-Chasset ; 2017. Biodiversité fonctionnelle, Protection des cultures et auxiliaires sauvage, La France Agricole, 148p
  10. Collins K.L. et al. ; 2002. Influence of beetle banks on cereal aphid predation in winter wheat , Agriculture, Ecosystems and Environment n°93, p 337–350.
  11. Omnès F. et al ; 2011, Gestion de territoire, concilier sur l’exploitation agricole production de qualité, environnement, biodiversité et paysage. 4p

Annexes

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