Valorisation économique des haies

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Récolte de bois de haie pour la production d’énergie. Ferme de Ligny © Ver de terre production

Dans les systèmes agricoles durables, les haies ne sont plus perçues uniquement comme des éléments paysagers ou écologiques, mais aussi comme de véritables leviers économiques. Leur gestion raisonnée peut générer des ressources utiles — bois, fourrage, fruits — tout en renforçant la résilience des exploitations face aux aléas climatiques et économiques. Valoriser les haies, c’est donc concilier entretien du bocage, autonomie énergétique, diversification des revenus et contribution aux services écosystémiques.

Pourquoi la gestion des haies représente-t-elle une opportunité de valorisation économique ?

Dans un contexte de changement climatique, de hausse des prix des énergies fossiles et de modernisation du matériel agricole, le bois apparaît comme une ressource énergétique très attractive : renouvelable, peu coûteuse comparée à d’autres énergies, et relativement stable dans le temps.

Les haies jouent un rôle fondamental dans les paysages bocagers et nécessitent une gestion régulière et maîtrisée pour conserver leur fonctionnalité et leur pérennité. Un bon entretien permet de limiter ou d’augmenter leur développement selon leur fonction, afin d’en maximiser l’efficacité. Ainsi, la valorisation des haies constitue une opportunité précieuse pour les agriculteurs soucieux de rentabilité, de préservation des paysages et de durabilité à long terme. Ces éléments linéaires peuvent à la fois servir à l’autoconsommation et à la diversification de la production agricole et des sources de revenus. Le coût technique d’entretien est estimé entre 10 et 30 € / 100 mètres linéaires par an.

Comment valoriser les haies ?

De nombreuses voies de valorisation existent pour les haies, comme la production de bois d’œuvre à partir d’essences de valeur, la production d’énergie (bois bûche, plaquettes, granulés), l’utilisation des plaquettes comme litière animale ou comme paillage organique. Certaines biomasses de haie peuvent aussi servir de fourrage complémentaire pour le bétail ou soutenir la production fruitière.

Au-delà de leur valeur économique directe, les haies offrent de nombreux services indirects : elles soutiennent la biodiversité, protègent du vent, améliorent la gestion de l’eau et jouent un rôle de puits de carbone. Ces services écosystémiques contribuent à améliorer les rendements agricoles en créant des conditions plus favorables aux cultures et à l’élevage. Dans les systèmes pâturés, elles apportent également de l’ombre et une protection contre les intempéries, ce qui améliore le bien-être et la productivité animale.

Repères techniques

  • Les pratiques d’entretien et de gestion des haies déterminent à la fois leur productivité et leur fonction selon les objectifs visés.
  • Le bois de haie produit sur l’exploitation peut être vendu sur les marchés locaux de la biomasse (chauffage communal ou industriel) ou utilisé en autoconsommation.
  • Les haies peuvent fournir divers produits à valeur ajoutée : bois d’œuvre, bois de chauffage, plaquettes pour énergie ou litière, et même fourrages ou fruits, contribuant à la diversification économique et à la résilience écologique.

Produits valorisables issus des haies

Bois d’œuvre

Production de bois d'œuvre :

   ◦ Les arbres de haut jet offrent des opportunités économiques.

   ◦ Une taille de formation est souvent nécessaire pour obtenir un tronc droit.

   ◦ L'exploitation s'effectue sur des périodes longues, de 50 à 120 ans.

   ◦ Le prix au mètre cube dépend de l'essence, de l'âge, de la rareté et de l'intérêt paysager ou social.

   ◦ Simulations de coûts détaillées et marges brutes pour 100 mètres d'une haie de haut-jet (avant déduction des coûts de transport) :

       ▪ Coûts d'abattage moyens : environ 188 € avec un grappin sécateur ou 450 € avec un feller buncher.

       ▪ Marges brutes potentielles :

           • Chêne : 7 046 € (avec grappin sécateur) ou 6 784 € (avec feller buncher).

           • Frêne : 4 504 € (avec grappin sécateur) ou 4 242 € (avec feller buncher).

           • Actuellement : 2 549 € (avec grappin sécateur) ou 2 287 € (avec feller buncher).

Bois énergie

Les haies représentent une ressource énergétique importante. Des études montrent qu’un kilomètre de haie bien entretenue peut fournir entre 30 et 150 tonnes de bois vert.

Bois bûche : forme de valorisation la plus basique, mais avec une faible valeur calorifique en raison de son humidité persistante. Une haie conduite en taillis peut produire entre 100 et 200 stères tous les 15 à 20 ans. Cependant, elle ne permet pas de valoriser l’ensemble du bois (branches supérieures, résidus).

       ▪ Le prix du bois bûche non livré varie de 30 €/stère pour le bois blanc à 70 €/stère pour le bois dur, et 50 €/stère pour le bois vert.

       ▪ Simulations de coûts détaillées et marges brutes pour 100 mètres d'une haie à trois strates :

           • Coûts d'abattage : 188 € (grappin sécateur) ou 450 € (feller buncher).

           • Coûts de mise en bûche : de 334 € (fendeuse 100cm pour bois dur) à 1 800 € (bûcheronnage pour bois dur).

           • Marges brutes :

               ◦ Avec grappin sécateur et fendeuse 40 cm : +87 € (bois blanc), +1 031 € (bois dur), +323 € (bois vert).

               ◦ Avec grappin sécateur et fendeuse 100 cm : +422 € (bois blanc), +1 366 € (bois dur), +658 € (bois vert).

           • Les opérations d'abattage avec feller buncher combinées au bûcheronnage peuvent entraîner des marges négatives pour le bois bûche (par exemple, -406 € pour bois blanc, -362 € pour bois dur).


Plaquettes : issues de fragments de bois de quelques centimètres, produits à partir des résidus (branches, bois de taille). Tout le bois est utilisé, tronc et branches, sans déchet. Les plaquettes peuvent être utilisées comme combustible, paillage, litière ou revêtement de sol.

       ▪ Simulations de coûts détaillées et marges brutes pour 100 mètres d'une haie à trois strates :

           • Coûts d'abattage : 188 € (grappin sécateur) ou 450 € (feller buncher).

           • Coûts de broyage : de 130 € (broyeur de branches) à 538 € (broyeur grosse section + fendage bois dur).

           • Marges brutes :

               ◦ 1 231 € (avec grappin sécateur et broyeur de branches).

               ◦ 963 € (pour bois mou) ou 823 € (pour bois rigide) avec grappin sécateur et broyeur grosse section.

               ◦ 969 € (avec feller buncher et broyeur de branches).

               ◦ 701 € (pour bois mou) ou 561 € (pour bois rigide) avec feller buncher et broyeur grosse section.

           • Il est important de déduire les coûts de transport et de dessouchage potentiels de la marge finale.

Plaquettes pour litière animale

Une alternative intéressante à la paille, en remplacement ou complément. Quatre mètres cubes de plaquettes sèches remplacent environ une tonne de paille. Avantages : forte capacité d’absorption, antidérapant, amélioration des conditions sanitaires.

Bois raméal fragmenté (BRF)

Utilisé en paillage végétal, il est issu de rameaux jeunes (1 à 3 ans max), broyés. Les essences feuillues sont préférées, avec un maximum de 20 % de résineux ou d’essences riches en tanins (acacia, chêne, hêtre). Le BRF augmente la matière organique du sol et préserve l’humidité.

Fourrage et fruits pour la production locale

En plus des techniques de taille, les haies situées en bord de pâtures peuvent fournir du fourrage en complément. Les haies fruitières représentent une autre ressource intéressante. La récolte peut servir à l’autoconsommation ou à une activité de diversification via la vente ou la transformation. Ce n’est pas un atelier à part entière, mais une activité complémentaire à l’échelle locale.

Des structures d’approvisionnement

Pour soulager les agriculteurs dans leur recherche d’acheteurs, dans certaines régions, des structures d’approvisionnement gèrent le stockage et la vente du bois. C'est le cas de la Cuma Haie’nergie et territoire qui couvre l’Eure et la Seine-Maritime.

Services écosystémiques et rôle du Label Haie

Le Label Haie est un dispositif de certification des pratiques de gestion des haies et des filières de distribution du bois issu du bocage. Son objectif est de soutenir le développement de filières durables et d'enrayer l'érosion du bocage en France. Bien que parfois contraignant en termes de méthodes de taille plus méticuleuses (privilégiant le sciage au broyage, par exemple), ce label est perçu comme un moyen de mieux valoriser économiquement le bois et les copeaux issus de l'entretien des haies à l'avenir. Par exemple, Jean-Louis Nogues anticipe une augmentation du prix de vente de ses copeaux de 20 €/m³ à 25 €/m³ grâce à ce label. Le Label Haie est également un indicateur de gestion durable du bocage dans certains Programmes de Paiements pour Services Environnementaux (PSE), comme celui de Jérôme Collin.

Aides financières et subventions

Des aides et subventions sont disponibles pour faciliter l'implantation et l'entretien des haies, provenant de diverses sources (européennes, nationales, régionales, départementales, intercommunales/communales ou privées). Elles visent à compenser les coûts et à encourager les pratiques agroécologiques.

Exemples concrets de subventions et bénéficiaires :

   ◦ Départements :

       ▪ Le département de la Manche offre des aides forfaitaires par mètre linéaire, allant de 3,10 €/m pour la création de haie à plat (50 % de subvention) à 16 €/m pour la rénovation ou le regarnissage de haie ancienne sur talus (90 % de subvention).

       ▪ Le département de l'Orne propose 40 % du montant hors taxes (HT), plafonné à 9 € HT/m, pour la création de haie bocagère (hors talus anti-érosif).

       ▪ Le Calvados offre 2,3 €/m pour la plantation de haies.

   ◦ Programmes spécifiques : Le programme "Des enfants et des arbres" peut financer le soutien technique, l'achat de plants et protections, et potentiellement les travaux de préparation du sol et de paillage pour des projets de plus de 100 mètres linéaires.

   ◦ Fonds et fondations :

       ▪ Romary Courtois a bénéficié d'une aide de 1 500 € en 2019 de la Mission Haie Auvergne via un partenariat avec la Fondation Yves Rocher.

       ▪ Pour son nouveau projet en 2024, le Fonds AFTER de l'Association Française d'Agroforesterie (AFA) finance la plantation à hauteur de 12,25 € HT par arbre.

   ◦ Paiements pour Services Environnementaux (PSE) : Ces dispositifs récompensent les efforts des agriculteurs pour des pratiques environnementales.

       ▪ Jérôme Collin, éleveur bovin viande, perçoit entre 7 500 et 7 800 € par an pour le maintien d'infrastructures agroécologiques (dont les haies) et d'autres indicateurs, couvrant ainsi les frais engagés.

       ▪ Jean-Louis Nogues, agriculteur en polyculture-élevage, a perçu des sommes importantes (plus de 22 000 € certaines années) via le PSE Rance Fresnaye pour la gestion durable de ses haies, la mise en place de bandes enherbées et la réduction des herbicides, ce qui lui permet de couvrir ses dépenses et de s'équiper, comme l'achat d'un sécateur électrique d'une valeur de 600 €.

     ▪ Solenat, association créée par des agriculteurs, sert d’intermédiaire entre exploitants et financeurs (entreprises, collectivités) pour développer des PSE basés sur le stockage de carbone des haies, selon une méthode validée par le Label Bas Carbone. Les agriculteurs signent un contrat de 5 ans, accompagnés techniquement par la chambre d’agriculture (diagnostic, plan de gestion durable, suivi). La rémunération est calculée en fonction du carbone séquestré. Solenat propose également d'autres dispositifs environnementaux, comme les couverts mellifères, avec des aides moyennes allant de 1 000 à 3 000 € par exploitation.

Il est important de noter que ces aides ne couvrent que rarement la totalité des coûts et peuvent exclure certains postes de dépenses, mais elles incitent les planteurs à prendre soin de leurs plantations et à les maintenir sur le long terme. Il est recommandé de se rapprocher de la mairie ou de structures locales spécialisées pour connaître les règles spécifiques et les aides applicables à un projet de plantation.

Pour aller plus loin (Bibliographie)

La version initiale de cet article a été rédigée par Camille Archambaud, Angeline Almeida et Esther Le Toquin.