Protéger les cultures pérennes de la grêle
Les chutes de grêle peuvent engendrer des dégâts importants dans les vignobles et les vergers. Voici un rappel des moyens à disposition des agriculteurs pour protéger les cultures pérennes.
Impacts de la grêle sur les cultures pérennes
La grêle est un phénomène violent, pour lequel il est important de pouvoir spécifier les dommages et procéder à des comparaisons d'un phénomène à l'autre[1].
L’ANELFA a édité une échelle d'intensité des épisodes de grêle, basée sur la mesure de près de 4000 chutes de grêle enregistrées en France depuis 1988[1].
L'échelle éditée par l'ANELFA suggère que les dégâts causés par la grêle sur les vignes et arbres fruitiers débutent pour des diamètres compris entre 1 et 2 cm.
Cependant, les dégâts causés par la grêle sont variables et l’intensité d’une averse dépend de plusieurs paramètres[2] :
- le diamètre de grêlons et leur masse, qui détermine la vitesse de la chute,
- la durée de l’averse,
- le stade phénologique de la culture : une averse de faible intensité peut avoir des conséquences importantes pour des cultures proches de la récolte,
- la présence de vent lors de l’averse peut également être un facteur aggravant, en précipitant les grêlons avec un angle plus ou moins important par rapport à la verticale et augmentant ainsi la surface végétative potentiellement touchée par la grêle.
En vigne, les dégâts peuvent être diverses[2] :
- défoliation complète
- impacts sur le vieux bois
- pertes potentielles pour la récolte de la campagne en cours,
- difficultés pour tailler les futurs sarments et diminution des rendements à la suite de problèmes de mise en réserve, en cas de grêle à partir du mois de juillet
- destruction des bourgeons
En arboriculture, les dégâts peuvent entraîner[2] :
- la chute des fruits
- des blessures sur les fruits
- la casse de rameaux porteurs – pouvant affecter le potentiel de production du verger pour les campagnes futures – ou des dégâts sur l’écorce.
Ces dégâts peuvent être accentués par la présence de maladies cryptogamiques avant ou après l’épisode de grêle puisque leur prolifération est favorisée par les blessures des fruits et des arbres[2].
Méthodes de détection d'un orage de grêle
La détection des orages de grêle est un levier non négligeable de protection des vignobles et vergers. Une détection précoce permet de mettre en œuvre les systèmes de protection anti-grêle adaptés. Diverses méthodes de détection sont disponibles et permettent de compléter et d'affiner les prévisions réalisées par Météo France.
Radar météorologique Bande X
En complément du réseau de surveillance de Météo France, l’implantation locale de radars individuels d’une portée de l’ordre de 50 km, plus petits et d’une technologie dite de radar en bande X permet d’affiner la prévision et d’améliorer la localisation des risques potentiels de grêle.[2]
Ce type de radar permet d'être averti si un cumulonimbus susceptible de contenir de la grêle approche de la zone surveillée. La sensibilité du radar est paramétrable et permet de générer des alarmes pour des phénomènes météorologiques divers (de la petite pluie au gros orage de grêle). [3]
Coût : Plusieurs sociétés proposent l’installation de ce type de radar pour un coût d’environ 30 000 à 35 000 €, auquel s’ajoute l’abonnement à une interface numérique permettant d’exploiter les données recueillies par le radar[2].
Avantages | Inconvénients |
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Services d'alertes météorologiques
Diverses structures et sites Internet proposent des services d'alertes météorologiques pour prévenir et alerter les exploitants de potentiels orages avec risques de grêle.
Météo France édite des bulletins d'alertes à l'échelle du territoire français uniquement. Pour affiner la précision de ces alertes, des cabinets d'étude proposent également des bulletins de prévisions et l'envoi d'alertes, par mail ou SMS[2] :
- Observatoire français des tornades et orages violents
- ARHYA
- Observatoire permanent des catastrophes naturelles et des risques naturels
Ces dispositifs payants peuvent s'avérer indispensable pour déclencher les dispositifs de protection contre la grêle en anticipant les risques. Certains prestataires, comme la société SELERYS, proposent également de coupler des outils d’aide à la décision, des solutions d’alertes météorologiques et des dispositifs de protection[2].
Ces services sont basés sur des informations en provenance de radars météorologiques Doppler, très fiables pour la détection de grêle mais généralement peu précises quant à la localisation, la durée et l’heure à laquelle va survenir le phénomène[3].
Avantages | Inconvénients |
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Identification visuelle
La grêle se forme généralement dans les nuages de type cumulonimbus reconnaissables par[3] :
- leur forme (forme d’enclume)
- leur épaisseur (au moins 5000 mètres)
- l’activité électrique (présence de nombreux éclairs)
- le niveau de précipitation (pluies généralement fortes)
- la couleur du ciel : le front nuageux d’un orage de grêle prend une teinte légèrement « verte »
Il est cependant risqué d'utiliser uniquement l'identification visuelle pour protéger une exploitation agricole car la majorité de ces critères d'observation n'est pas applicable la nuit[3].
Avantages | Inconvénients |
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Quels moyens de protection ?
Orientation des rangs
Lors de la plantation des vignes et arbres fruitiers, il est intéressant d'orienter les rangs parallèlement aux vents dominants afin de réduire les risques de dégâts causés par la grêle[2].
Dispersion des parcelles
La dispersion des parcelles autour du siège de l'exploitation permet de ne pas exposer l'ensemble de la production à une même averse de grêle. Les phénomènes de grêle étant plutôt très localisés géographiquement, cette technique permet de réduire les risques de dégâts sur l'ensemble des arbres et vignes[2].
Filets antigrêle
Les filets dits paragrêles sont déployés dans les vignobles et vergers pour protéger les parties végétatives des grêlons. Les toiles peuvent être conçues à partir de différents matériaux[2] :
- du polypropylène de haute densité tissé, qui présente de bonnes propriétés mécaniques de résistance à la tension
- du polypropylène extrudé, moins résistant
- d'amidon dans le cas des filets biodégradables, plus rares du fait de leur coût et de leur plus faible durée de vie
Il est estimé que les filets ont une durée de vie d’environ 10 ans mais cela peut varier selon[2] :
- leur structure,
- la composition des fils,
- l’environnement extérieur (résistance aux UV, pouvant faire l’objet d’utilisation d’additifs chimique anti-UV lors de leur fabrication)
- des épisodes de grêle subis.
Une filière de recyclage des filets paragrêle a été mise en place par ADIVALOR pour récupérer voire recycler les filets usagés.
Les filets antigrêle représentent une des méthodes les plus efficaces et est l'unique moyen reconnu par les compagnies d'assurance en France pour parer aux risques de grêle[2]. Cependant, comme tous les autres systèmes de protection, les filets anti-grêle ne sont pas efficaces en cas de chutes de grêle très importantes. Si un orage de grêle « catastrophique » survient, les conséquences peuvent être désastreuses : un écroulement des filets sur les arbres nécessite, dans la plupart des cas, la replantation complète de la parcelle. Les filets antigrêle présentent d'autres inconvénients :
- coût d’installation,
- baisse d’ensoleillement,
- impossibilité de déploiement quand les arbres sont en fleurs
Ce système est rarement installé sur des exploitations agricoles importantes du fait de son coût d’installation et de manutention très onéreux pour les grandes superficies.
Couverture totale de la parcelle
Ces dispositifs consistent à mettre en place des filets horizontalement au-dessus des rangs d'arbres fruitiers et de vignes, pour assurer une couverture totale de la parcelle[2]. Adapté à tous les vergers, ce système de protection est utilisable dans des parcelles de vignes ayant un espacement large, d’au moins 3 mètres, entre les rangs, afin de pouvoir s’ouvrir pour déverser la grêle accumulée entre les rangs en cas de poids trop important.
On distingue 2 systèmes[2] :
- en chapiteau (ou en chapelle) : les filets sont accrochés à des colonnes placées en bout de rang et sont reliés par des câbles tendus au-dessus des rangs. Des câbles sont disposés en inter-rang et permettent de fixer les filets afin de laisser s'évacuer la grêle au niveau de l'inter-rang.
- à élastiques (ou superposé) : le filet est tendu à plat au-dessus de la parcelle, relié par des fixations élastiques à des colonnes présentes au niveau des rangs. Les élastiques permettent au filet de se déformer pour évacuer les grêlons. Ce système est moins coûteux que le système en chapelle.
La présence de filets au-dessus du verger modifie l’environnement :
- effet d'ombrage
- augmentation du taux d'hygrométrie diminuant les besoins d’apports en eau (la demande d'irrigation sous filet blanc est inférieure de 10 % et sous filet noir de 20 %).
- l'augmentation des durées d'humectation, du fait de la réduction du vent, a montré une plus grande sensibilité des fruits à certaines maladies : tavelure, black rot sur certaines variétés (Pink lady), et à certains parasites (acariens notamment).
Ces modifications peuvent avoir des conséquences sur la qualité de la production : légère perte de sucre, de coloration et de fermeté des fruits.
Ce système permet d’assurer les interventions manuelles et mécaniques dans la vigne et les vergers, mais il nécessite une infrastructure lourde pour l’installation, avec un impact esthétique.
Coût :
- Investissement matériel :
- 10 000 à 15 000 €/ha en vergers,
- 20 à 25 000 € par hectare, pour un écartement de rang de 3 mètres, en vignes.
- L’installation du filet la première année nécessite en moyenne 200 h/ha et 100 h/ha les années suivantes
Avantages | Inconvénients | |
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Arboriculture |
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Viticulture |
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Pour en savoir plus sur l'installation des filets paragrêle en vergers, consultez cette vidéo :
Filets mono-rang
Ce dispositif consiste à protéger les cultures pérennes de la grêle rang par rang.
La mise en place de ce type de filets en tant que moyen de lutte contre la grêle fait l’objet de peu de références techniques en vergers, les dispositifs monorang étant davantage déployés pour lutter contre les ravageurs et en premier lieu contre le carpocapse.
Par exemple, le filet Alt'Carpo monorang a un très bon niveau d'efficacité dans la protection contre le carpocapse et offre une bonne protection contre la grêle car les filets ne se chargent pas, enveloppent toute la frondaison des arbres et ne peuvent pas être soulevés par le vent durant l’orage de grêle.
Un palissage peut être mise en place au niveau du rang afin de soutenir le filet au-dessus de la frondaison. Les infrastructures nécessaires lors de la pose sont adaptées à ces différents filets et permettent d'utiliser des moyens de lutte complémentaires à certains moments de la saison.
Les filets mono-rang sont très bien adaptés pour protéger les vignes d’écartement moyen ou étroit :
- Ce dispositif consiste à installer, en hiver, un filet de chaque côté du rang et à la verticale, de sorte à couvrir la végétation et les grappes sur la hauteur de la vigne (de 0,5 à 1 m).
- Les modèles relevables peuvent être enroulés avant les vendanges et déroulés au début du cycle végétatif, après l’opération d’ébourgeonnage.
Ces dispositifs ont été autorisés en 2018 par l’INAO suite à l’expérimentation réalisée dans les AOC de la région bourguignonne. L’INAO préconise, pour limiter les effets d’ombrage :
- choisir des maillages laissant passer suffisamment le rayonnement lumineux
- opter pour une application des filets limitée dans le temps afin de réduire également la pression des bioagresseurs liée à l’entassement de la végétation
Des essais menés dans le vignoble de Bourgogne ont montré une diminution de 90% des dégâts sur des vignes protégées avec des filets.
Coût en viticulture :
- L’installation est coûteuse, entre 15 000 à 25 000€/ha,
- Frais de fonctionnement de l’ordre de 300 €/ha/an
- Main d’œuvre supplémentaire pour la pose et les travaux en vert par la suite.
Coût en arboriculture :
- Coût indicatif filet monorang Alt’carpo : de 6 000 à 10 000 €/ha de matériel
- Temps d’installation de 120 h/ha la première année et 70 h/ha les années suivantes
Avantages | Inconvénients | |
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Arboriculture |
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Viticulture |
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Une installation plus rudimentaire et plus économique (3 000 €/ha) peut consister également à simplement poser le filet sur les arbres, ce qui convient davantage aux arbres de grande envergure qui supportent l’accumulation de grêle dans le filet sur les branches supérieures.
Perturbation du climat
Ensemencements des nuages
Les ensemencements des nuages sont destinés à multiplier les embryons grêleux afin d’éviter à ces derniers d’atteindre une taille trop importante et donc d’acquérir une inertie trop importante pendant leur chute.
Générateurs à Iodure d'argent
L’iodure d’argent est utilisé car sa structure est identique à celle de la glace, c’est pourquoi des cristaux de glace peuvent se former sur des particules d’iodure d’argent ; elle sert donc de germe artificiel.
Ce dispositif de lutte contre la grêle consiste à introduire artificiellement dans les nuages des noyaux glaçogènes d’iodure d’argent, de façon à augmenter le nombre de cristaux de glace et à réduire la dimension des grêlons.
Ceux-ci tombent alors plus lentement et fondent en totalité ou en partie avant d’atteindre le sol.
Ce système est proposé par l'ANELFA depuis plus de 60 ans en France :
- Il repose sur un réseau de générateurs à vortex qui permettent la diffusion d’iodure d’argent depuis le sol.
- Le réseau couvre environ 70 000 km² sur le territoire métropolitain.
L’ANELFA réalise chaque année une campagne de prévention contre la grêle qui s’étend d’avril à octobre.
Elle conseille une mise en service des générateurs 3 à 4 heures avant une chute probable de grêle. Chaque générateur est mis en route par des bénévoles, qui reçoivent des alertes par sms, environ 4 heures avant le risque de grêle, établi sur la base de prévisions de Météo France, afin que les nuages se chargent en iodure d'argent.
En terme d’efficacité, le dispositif permet de diminuer de moitié l’intensité de la grêle.
Coût :
- Il faut compter 2 000 euros pour l'installation de la cheminée et 1 000 euros de produits chaque année.
- Différentes associations de vignerons se sont créées pour mettre en place des générateurs et gérer leur entretien. Cela a permis de réduire les frais entre 5 à 8€/ha et de couvrir des surfaces plus importantes.
Avantages | Inconvénients |
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Diffusion de sels hygroscopiques par ballon
L’une des dernières inventions contre la grêle est un ballon gonflable permettant de transporter et diffuser des sels hygroscopiques (chlorure de calcium et de sodium) dans une cellule orageuse. Ce système est couplé à un radar de détection des cellules orageuses et un logiciel d’évaluation des risques de chute de grêle qui couvre un rayon de 30km.
Les ballons, gonflés à l’hélium, embarquent des torches chargées de sels hygroscopiques. Une fois l’altitude déterminée atteinte, un système déclenche l’embrasement de la torche. Les sels sont libérés et agissent comme des noyaux de condensation favorisant la formation de gouttelettes.
Coût :
Investissement dans :
- un gonfleur pour 1200€ environ,
- trois à six ballons par orage à 350€ pièce
- un abonnement au service de détection à 800€/an.[4]
Avantages | Inconvénients |
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Canon anti-grêle
Le canon anti-grêle est un générateur d’ondes de choc. Il est composé d’une chambre d’explosion et d’un diffuseur conique, l’ensemble mesure 6 mètres de haut. Le principe du canon anti-grêle est d’empêcher les embryons grêleux de grossir grâce à des ondes de choc qui sont dirigées vers le nuage et empêchent les grêlons de s’agglomérer[2].
Le canon anti-grêle n’étant pas ou peu efficace sur des grêlons déjà formés, c'est pourquoi il est important de le mettre en route suffisamment tôt afin d’éviter la formation des grêlons. Les fabricants de canons conseillent de les mettre en route entre 5 et 20mn avant la chute des premiers grêlons. Il est donc conseillé d’utiliser ce système de protection avec une solution de détection (radar météorologique et/ou abonnement à un service d’alerte météorologique).[5]
Afin de limiter les émissions sonores et diminuer les gênes possibles pour le voisinage, il est conseillé d'installer le canon dans un bâtiment en béton, un conteneur ou un « silencieux ».
Coût :
- Investissement de 30 000 à 40 000 € pour l’installation d’un canon
- Coût de fonctionnement de 1 000 à 1 300 €/an par canon
Avantages | Inconvénients |
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Ce matériel peut être financé dans le cadre du programme Agrilismat avec un avantage spécifique
Sources
- ↑ 1,0 et 1,1 ANELFA, en ligne, L'Echelle
- ↑ 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 2,11 2,12 2,13 2,14 et 2,15 HIRSCHY M.,2020, Gel et grêle en viticulture et arboriculture : Etat des lieux des dispositifs de protection contre les aléas climatiques, Acta
- ↑ 3,0 3,1 3,2 et 3,3 Antigrêle, en ligne, Comment détecter un orage de grêle ?
- ↑ VINEAS, en ligne, Prévenir les dégâts de grêle au vignoble.
- ↑ Antigrêle, en ligne, Comment se protéger contre un orage de grêle ?