L’objectif principal de la complantation est l’amélioration parcellaire : remplacer les pieds morts ou déficients afin de respecter la densité requise pour l’appellation et retrouver la rentabilité de la parcelle. Cette technique consiste à remplacer les pieds de vigne morts ou malades par de jeunes plants. Jeunes pousses et anciens pieds cohabitent ainsi dans les mêmes allées.
Si cette technique ancestrale possède de nombreux atouts, elle est toutefois coûteuse, délicate à réaliser, et sa réussite n’est pas garantie. En effet, il est difficile pour un jeune plant de se développer dans une vigne en place, en raison de la concurrence des autres souches au système racinaire puissant, de l’état du sol, des maladies, de sa fragilité face aux travaux mécanisés. Pour toutes ces raisons, il n’est pas simple de réussir les complantations, et elles demandent une attention soutenue. La complantation doit s’inscrire avec d’autres méthodes dans une véritable stratégie de renouvellement du vignoble.
Précision sur la technique
La complantation est divisée en 3 étapes consécutives :
- Identification et arrachage des ceps morts et malades
- Réalisation des trous qui recevront les nouveaux plants
- Plantation des jeunes plants
Des essais menés au niveau régional[1] montrent que la réussite d'une complantation est fortement liée aux conditions climatiques et aux pratiques culturales. Il ressort aussi qu’il vaut mieux privilégier les plants à racines longues et à tige de porte-greffe longue, et éviter les apports d’engrais minéraux au moment de la complantation. Le remplacement des pieds manquants sur une parcelle est indispensable si l’on veut conserver un niveau de rendement rentable. Sur des parcelles non dépérissantes, la complantation peut être une solution intéressante. Mais sur le terrain, la réussite de cette technique n’est pas souvent à la hauteur de son coût et de ses contraintes de mise en œuvre. Aussi, les Chambres d’Agriculture du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, du Var, de la Drôme et du Gard, le Syndicat des Vignerons des Côtes du Rhône, le Lycée Agricole de Serres (Vaucluse), le Groupe de Recherche en Agriculture Biologique et le Syndicat des Pépiniéristes du Vaucluse, ont mené une série d’essais entre 2013 et 2016, afin de déterminer les facteurs les plus favorables au succès d’une complantation.
Facteurs favorables à la réussite de la complantation
Les racines longues et les tiges longues améliorent la survie des plants
Les résultats obtenus sont d’abord en faveur de plants à racines longues, que ce soit avec du Grenache ou de la Syrah. En effet, la première année qui suit la complantation, la croissance des plants à racines longues est toujours plus élevée que pour les plants à racines courtes (cet écart a tendance à se réduire les années suivantes). Ensuite, le taux de mortalité global est bien moindre avec les plants à racines longues. Enfin, ces derniers ont très légèrement accéléré l’établissement des plants, les plants ayant déjà une baguette en 4e feuille étant un peu plus nombreux. La taille de la tige de porte-greffe semble aussi avoir son importance. Mais attention, ces résultats ne sont valables que pour des plants à racines longues. Ainsi, la mortalité des plants à tige longue et racines longues est bien moins élevée que celle des plants à tige courte. Il faut noter en outre que les plants plus longs rendent l’entretien plus facile, qu’il s’agisse du travail du sol, du désherbage, de l’attachage, des repousses de porte-greffe…
Disposition des racines à la plantation
Les racines longues montrent un réel intérêt dans ces essais. Elles présentent théoriquement un stock de réserves plus important que les racines courtes pour les plants, les racines étant le premier lieu de mise en réserves des plants.
Cependant, selon leur disposition, il arrive qu’elles ne colonisent pas bien le sol, ce qui pourrait pénaliser la pérennité des complants. Afin de vérifier cette hypothèse, les conseillers ont comparé la plantation de plants à racines longues disposées en étoile, amassées d’un seul côté dans le sens du rang et des plants à racines courtes.
Les observations faites 4 ans après la plantation montrent que les racines s’installent préférentiellement dans le sens dans lequel elles ont été positionnées au départ.
Les racines en étoile ou courtes finissent par se développer sur près des trois quarts de la surface colonisable, quand les racines amassées d’un côté ne se développent que sur un tiers environ.
En revanche, les racines en étoile tracent davantage près de la surface, alors que les racines courtes, et dans une moindre mesure les racines amassées d’un côté, ont tendance à plonger plus en profondeur.
Dans l’ensemble, la disposition en étoile ressort comme la plus performante pour le développement des plants. Ainsi, la mortalité totale en 4e feuille est presque nulle et l’établissement des pieds se fait beaucoup plus vite. Lorsque le système racinaire est amassé d’un côté, la mortalité reste aussi très faible, mais la formation des baguettes prend plus de temps. Sur les plants à racines courtes, comme dans les autres essais, la mortalité est très élevée (40% environ).
Attention aux apports d’engrais azotés à la complantation
Lors des essais, la fertilisation azotée au moment de la plantation n’a pas particulièrement favorisé la croissance des plants. Elle a même entraîné une mortalité des plants nettement supérieure par rapport aux modalités non fertilisées (jusqu’à 2 fois plus de pieds morts). Mieux vaut donc l’éviter. L’apport d’amendement organique testé n’a quant à lui eu aucun effet sur le développement des pieds.
L’effet parcelle est prédominant
La parcelle a un effet prédominant dans l’établissement des pieds. Les propriétés du sol, son entretien mécanique, le matériel végétal, les conditions météo et la présence d’éventuels parasites ont fortement conditionné la réussite des complantations expérimentales.
La mortalité des complants est globalement élevée -proche de 30% en moyenne sur toutes les modalités dès la 2e feuille. La vigueur reste faible les premières années et le temps pour établir des baguettes est souvent assez long. Cela confirme bien que la complantation est une pratique complexe, contraignante et qu’elle ne peut être efficace que si le plus grand soin lui est porté.
Mise en œuvre de la technique
Fréquence de complantation
Il est essentiel de réaliser régulièrement des comptages des ceps de vigne malades ou morts afin d'estimer précisément le pourcentage de trous par hectare. Si le nombre de manquants dépasse le seuil fixé à 5% (représentant environ 200 à 250 trous par hectare)[2], il faut alors les remplacer par de jeunes plants.
Il est important de réaliser la complantation peu de temps après le repérage des manquants.
Réalisation des trous
- En sol argileux, toujours travailler sur terrain bien sec pour éviter le lissage des parois du trou. Pour une mise en place au printemps, il est conseillé de pratiquer les trous l’automne qui précède, afin que le sol s’émiette correctement sous l’effet du gel et réduise la formation de cavités.
- En sol limoneux, il faut également que le sol soit ressuyé correctement. La mise en place des plants doit s’effectuer juste après les trous, sous peine de voir le sol se refermer à la première pluie importante.
Les trous peuvent être réalisés à l'aide de divers outils à disposition des viticulteurs :
- Tarières : Plusieurs fabricants proposent ce type d'outils à la vente. Il est préférable de choisir une tarrière possédant une vrille bêche (2 pales opposées pour une bonne pénétration avec émiettement) d'un diamètre minimal de 400 mm et d'une profondeur d'au oins 40 à 50 cm. Il faut également préférer les modèles avec pare fils.
- Bêche excavatrice : multi usage (arrachage des pieds + préparation du trou), cet outil travaille le sol sans semelle ni lissage, sur 70 cm de large et jusqu’à 60 cm de profondeur. Cette bêche est sans risque pour le palissage puisqu’elle travaille sous les fils.
Plantation
Deux époques sont envisageables pour réaliser la plantation des complants :
- en automne, avec des plants en pots aoûtés : ces plants sont résistants aux gelées « habituelles ». Les gros pots sont préférables (de 1 à 3 l) car le terreau y est plus abondant, les plants sont plus vigoureux avec des racines plus développées. Ils doivent être commandés spécifiquement au pépiniériste, et leur coût varie de 2 à 3 euros (pour 3 litres). Ils doivent être plantés hors période de forts gels pour éviter de brûler en partie les racines.
- au printemps, avec des plants traditionnels (racines nues). Dans le cas de terrains asphyxiants (boulbènes blanches, sols très argileux) on peut utiliser par exemple un mélange sable/terreau autour du plant. On peut disposer au fond du trou une poignée de compost, qui n’apportera pas d’azote mais améliorera localement le fonctionnement du sol. Ne jamais placer d’engrais minéral en particulier azoté dans le trou de plantation.
Entretien des jeunes plants
L’entretien des jeunes plants de vigne est indispensable pour garantir une bonne reprise et valoriser le travail effectué.
- Le tuteurage et la protection des plants sont obligatoires et immédiats. Il faut attacher le tuteur au fil porteur, utiliser de préférence des protections rigides (type Tubex ou autres) contre les herbicides et les lapins, moins traumatisantes en cas de vent. De plus, elles respectent le feuillage, et créent un effet de serre au printemps. Il faut également soigner l’épamprage.
- Attention aux risques d’échaudage à l’intérieur des protections en cas de fortes chaleurs : dans certains cas, on pourra être amené à les retirer sous peine de mortalité des plants. Elles peuvent également constituer un refuge de choix pour les escargots, responsables de gros dégâts sur les bourgeons au printemps.
- En fonction de l’état du sol et des conditions de pousse, on peut être amené à réaliser des sarclages si le sol s’est refermé en été (ex. boulbènes battantes). Un arrosage doit être prévu en été, si besoin, et ce quelle que soit la technique de plantation.
- Il est possible d’apporter une petite quantité d’azote, en localisé au pied, mais pas avant la deuxième année de pousse car il existe un risque de toxicité ammoniacale et de déséquilibre entre le développement du système racinaire et aérien. Il est préférable d’employer par exemple du phosphate d’ammoniaque qui est moins riche en azote et moins dangereux pour les racines, ou des engrais organiques.
- La protection phytosanitaire de la jeune végétation doit être soignée, en particulier à partir du moment où elle dépasse les protections. Le feuillage, très sensible doit rester indemne de mildiou mosaïque jusqu’à l’aoutement de la tige principale, qui en général, intervient plus tardivement que sur les vignes adultes (croissance active plus longue).
Coût de la complantation
Le coût de la complantation varie selon les stratégies de production.
Réglementation
La technique de la complantation permet de gérer la mortalité des ceps dans un vignoble et ainsi assurer une bonne rentabilité de son exploitation, mais aussi une bonne densité de vignoble. Ce dernier point est important car les décrets d'appellation imposent un nombre de pieds minimums à l'hectare. La complantation permet de respecter les quotas imposés.
Sources
- ↑ Chambre d'agriculture du Var, Décembre 2017, La complantation : une solution pour freiner l'érosion des rendements. Essais menés par l'association régionale d'expérimentation et de développement viti-vinicoles.
- ↑ Institut Français de la Vigne et du Vin Occitanie, Le remplacement des manquants par complantation, https://www.vignevin-occitanie.com/fiches-pratiques/le-remplacement-des-manquants-ou-complantation/
Annexes
S'applique aux cultures suivantes