Auto-construire son matériel : une solution adaptée à certaines exploitations - retour d'expérience (Pascal Maillols - Aglae)
Retour d'expérience de Pascal Maillols, dans le cadre du projet Aglae élaboré en partenariat avec l'Organisation de Producteurs Téranéo. Il nous explique comment il gère l'enherbement de ses vergers en AB.
26 ha en Agriculture Biologique ou en cours de conversion.
Historique
Elie MAILLOLS, le père de la famille, exploitait des pêches en agriculture conventionnelle et des vignes (vin doux naturel).
En, 2002, Pascal MAILLOLS, son fils, s’installe sur l’exploitation aux côtés de son père.
En 2006, avec l’arrachage des vignes suite aux méventes de vin doux, l’exploitation se retrouve très spécialisée en pêches-nectarines et fragilisée par des campagnes difficiles et par la pression du virus de la sharka qui prend de l’ampleur sur ce secteur. Le choix est fait en 2011 de démarrer la conversion progressive des vergers en Agriculture Biologique et de se diversifier, en plantant une parcelle de pommier, suivie en 2012 des premières parcelles d’abricotiers en bio. La parcelle de figuiers est plantée en 2015, suivie en 2016 de la parcelle de groseille puis d’une parcelle d’artichauts en 2015. En 2019, cette exploitation de 26 ha est entièrement en bio ou en conversion.
Contexte physique
- Cette exploitation bénéficie d’un climat méditerranéen.
- Elle est située dans la vallée de la Têt, terroir historiquement agricole. Un réseau d’eau sous pression est en place.
- Les sols sont issus de dépôts alluviaux. Les secteurs d’Ille sur Têt et Camélas sont beaucoup moins caillouteux que ceux de Corbère sur lesquels nous retrouvons de gros galets.
- Le morcellement de l’exploitation est important. La taille moyenne des parcelles est de 0,5 à 7 ha.
Circuit commercial
- L’EARL MAILLOLS est adhérente de la coopérative TERANEO. Leur production est adaptée à un circuit long de commercialisation.
- Le siège de l’exploitation est basé à Corbère, mais les parcelles sont dispersées sur les communes d’Ille sur Têt, Camélas, et Corbère.
Zoom sur l'atelier de production
Le descriptif de cette fiche porte sur l’atelier abricot de l’exploitation.
5 blocs variétaux, compris entre 0,5 et 2 ha. Abricotier conduit en gobelet semi piéton, planté 5m x 4m.
Choix de l’irrigation : goutte à goutte car le réseau sous pression lui offre une disponibilité en eau régulière. 2 lignes avec goutteurs (de 1,6 L intégrés tous les 75 cm) sont posées au sol, une de chaque coté de l’arbre, à environ 50 cm du tronc.
Ce choix permet de créer deux zones humides tout le long de la gaine et ainsi élargir la zone de nutrition de l’arbre, tout en limitant le développement de l’herbe (moins d’herbe qu’avec le microjet). L’autre atout est de favoriser une atmosphère plus sèche et d’éviter que le feuillage soit mouillé, ce qui peut arriver avec des microjets, et donc limiter le développement des maladies cryptogamiques.
La conséquence de ce choix : il ne faut pas laisser l’herbe recouvrir la gaine d’irrigation et il faut lever la gaine au passage des outils.
Stratégie de gestion
Objectifs globaux de l'atelier de production
- Produire 300 à 400 tonnes de produits
- Produire 65 à 75 tonnes d’abricots, soit un rendement proche de 15 T/ha jeunes plantations comprises
- Favoriser la nutrition de l’arbre en limitant la concurrence des adventices. « Deux binages valent un arrosage »
Objectifs agronomiques
- Pas de concurrence hydro minérale / aux adventices :
- Avoir un sol propre
- Avoir plusieurs outils et combiner l’action de ces outils
- Maintenir la capacité agronomique des sols, perméabilité du sol :
- Ne pas créer de semelle de labour
- Eviter les outils rotatifs à axe horizontal, préférer lames et disques
- Outils de travail du sol peu couteux à la conception, confortables à l’utilisation, fonctionnels et adaptés aux parcelles courtes, morcelées et caillouteuses de l’exploitation :
- Faire avec les moyens du bord : récupérations d’outils déjà présents sur l’exploitation
- Avoir du matériel simple, facile à réparer soit même
- Outils bas et suffisamment déportés
- Outils montés à l’avant pour la facilité du travail
- Outils légers et maniables
- Capacité à butter et débutter ou à gratter rapidement le sol de manière superficielle
- Prévoir un système de relevage des gaines d’irrigation qui sont posées au sol
- Coût de travail faible :
- Choix d’outils au passage rapide
- Et fonctionnant sans hydraulique (économie de gazoil)
Mise en œuvre opérationnelle pour atteindre les objectifs
Fin octobre, pour aérer le sol, un passage de sous-soleuse à 1,20 m du pied est fait à la profondeur de 40-50 cm sur tous les vergers, 1 an sur 2. Cet outil a été adapté au verger (travail à deux dents) et permet de réaliser un travail de traction sans créer d’effort particulier sur les bras de relevage.
La zone entre les rangs est enherbée naturellement.
Un broyage des bois de taille après la taille d’hiver est réalisé avec un broyeur à marteaux. Puis il n’y a plus rien jusqu’à la cueillette, pour préserver les auxiliaires. Un broyage de nettoyage est fait pour le passage du personnel et des chariots de récolte.
Si le développement de l’herbe sur l’inter-rang est vraiment important, alors un broyage supplémentaire est réalisé sur seulement 1 rang sur 2.
Pour le travail du rang, nous disposons de plusieurs outils montés sur un même porte-outils adapté à l’avant du tracteur, pour une meilleure visibilité et plus de confort. Tous les outils sont interchangeables et possèdent un système de fixation similaire.
Un système de rallonges permet de déporter plus ou moins les outils.
Un vérin simple effet permet de remonter l’outil en fin d’utilisation.
Il y a 8 passages d’outils/an tout confondu dont 3 qui sont liés à un apport d’engrais (janvier, avril, août) et suivis d’un passage de cultivateur modifié.
Le cultivateur modifié est un outil fabriqué et consolidé à partir d’un cultivateur de motoculteur. Elargi, réglable au niveau de l’écartement des dents, il permet un travail adapté à chaque verger. Cet outil permet un travail du sol soigné sans déplacement de terre. Il préserve le niveau de la butte en place et évite d’avoir un effet « marche » entre la butte et le rang créé par les disques.
Les autres passages et le choix de l’outil entre le cultivateur, les disques, les lames fixes, la lame intercep et la charrue décavaillonneuse sont décidés en fonction de la hauteur de l’herbe présente.
Par exemple, les disques tolèrent plus l’herbe que le cultivateur qui peut « bourrer » si l’herbe est trop haute. Ils permettent de débutter ou de butter 1 m environ de chaque coté du rang et sont en général passés deux fois, plutôt en été.
Les lames permettent, en alternance, de recouvrir l’herbe encore présente (lame courbe) ou de la déraciner (lame plate).
La charrue décavaillonneuse rétractable ainsi que la lame intercep, permettent de passer plus près de l’arbre (plutôt en fin d’été).
Les outils sont simples, facilement réparables, sans hydraulique. Il est possible de ressouder ou de refaire une pièce. Avec des parcelles courtes il y a besoin d’un outil maniable et compact.
D’autre part, à chaque passage d’outil, la gaine d’irrigation est levée et déposée sur l’outil utilisé puis redéposée à terre.
Focus matériel
Sous-soleuse deux dents
Cet outil a été adapté au verger (travail à deux dents) et permet de réaliser un travail de traction sans créer d’effort particulier sur les bras de relevage.
Le cultivateur modifié
- Il est principalement utilisé pour enfouir l’engrais.
- Vitesse 4.5 Km/heure.
- L’écartement des dents est réglable.
- C’est un outil fixe.
- Il n’y a pas d’effacement.
3 disques
- 40 cm de diamètre, crantés, montés directement sur le porte-outils (pas d’effacement).
- Butter ou débutter 1 m de chaque côté du rang. 2 passages plutôt en été
- Vitesse : 5,5 ou 6 km/h. 1h/ha.
- Profondeur de travail : 5 cm environ.
- Ces disques, montés sur un support de disque modifié sont facilement réversibles. Ils sont tous fixés au même axe rotatif. Lors du montage, les dents ne sont pas toutes alignées pour ne pas avoir d’effet de rebond lors du passage de l’outil. Il s’agit aussi d’un outil fixe sans évitement.
Une charrue décavailloneuse automatique mobile
- Moins rapide que les disques : 2h/ha
- Cet outil n’a pas été modifié. Il a été acheté d’occasion.
- C’est un outil « intercep » permettant de passer entre les arbres.
- Le retour est mécanique grâce à la roue qui sert de tâteur et des ressorts.
Une rasette intercep hydraulique
- Pour finir la bande du milieu (1 à 2 passages par an en été).
- 2 à 3 h/ha (plus fragile).
Divers lames et socs fixes
- Facilement interchangeables.
- Ils permettent d’intervenir rapidement mais laissent une bande d’herbe au milieu du rang.
Une faucheuse hydraulique
Elle est rarement employée mais permet, dans le cas où l’herbe est trop haute pour un passage d’outil de travail du sol, de rabattre l’enherbement.
L’andaineur hydraulique
Il permet, lors de son passage destiné à rassembler les bois de taille, d’avoir une action secondaire en arrachant les plantules présentes à ce moment là.
« L’achade » (pioche/ binette)
Pour le désherbage manuel au pied des arbres (16 à 20 h/ha). Important malgré tout pour éviter le développement de jeunes ligneux au pied de l’arbre (ronce, murier platane, chêne, sureau). C’est un complément manuel nécessaire si l’on veut maintenir le verger propre.
Astuces à partager et points de vigilance
- Si vous utilisez des disques sans entrainement hydraulique, choisissez les suffisamment grands pour faciliter leur rotation.
- Adapter le verger au passage des outils. Faire des troncs un peu plus hauts que ce que l’on avait. Former le départ des charpentières au niveau du genoux (60cm) et non à la cheville (30 cm), pour ne pas casser les branches ou les outils.
- En cas d’arbres morts non remplacés, pensez à boucher vos goutteurs pour éviter la prolifération de l’herbe à cet endroit. Il existe des petits bouchons adaptés aux gaines avec goutteurs intégrés.
- Attention, les outils forcent plus lors de la conversion du verger que sur un verger bio. La terre est plus compacte, on accroche plus souvent des racines superficielles. La casse des outils est plus fréquente.
- Monter une roue de terrage à l’avant du porte-outil est indispensable. Sans elle, l’outil plonge dans le moindre trou et la casse est inévitable.
- Si vous avez la gaine d’irrigation au sol, vous pouvez la lever uniquement en bouts de rang. Ensuite, elle glisse sur l’outil pendant son utilisation puis se redépose au sol. Nous aimerions améliorer ce système.
- Le désherbage mécanique est plus efficace lorsqu’il est réalisé par un temps favorisant l’assèchement de l’herbe (vent sec, chaleur, pas de pluie annoncée).
Indicateurs selon des données estimées/fournies par le producteur
IFT herbicide : 0
Coût d’investissement | Difficile à évaluer car fabrication maison avec de la récupération d’outils déjà présents sur l’exploitation |
Coûts de fonctionnement (main d’œuvre et carburant, réparations …) | Temps important passé à la réalisation et à la réparation des outils. |
Vitesse(s) d’avancement | Cultivateur modifié : 4.5km/heure
Disques : 6km/heure Charrue décavaillonneuse : 3km/heure |
Nombre de passages (approche bilan carbone) | 8 |
Temps de travaux | 14 h/ha d’outils mécaniques + 16 à 20h/ha de manuel (binette) |
Niveau de satisfaction du producteur
Par rapport aux objectifs qu’il s’était fixé, présentés plus haut : "Assez satisfait de notre stratégie malgré les casses fréquentes d’outils mais avec l’expérience et les améliorations progressives des outils, la casse devient moins fréquente qu’à nos débuts.
La multiplicité des outils et des passages permet d’arriver à maintenir un rang propre."
Perspectives
- Avoir un tracteur dédié aux disques et un avec la rasette. Et idéalement avoir les outils en double à cause de la casse : pour éviter de perdre du temps à réparer alors qu’il y a une fenêtre pour désherber mécaniquement.
- Faire évoluer le système de relevage du tuyau d’irrigation en adaptant un moyen peu volumineux et sur roulements limitant les efforts sur la gaine.
- Dans l’avenir : investir dans une petite houe rotative à axe horizontale avec entrainement prise de force, pour les fois où l’herbe est trop haute.
- Essayer de trouver une roue de terrage « motrice » activée par un moteur électrique. Ce système permettrait de réduire l’effort lié au déport.
Le mot du technicien Hervé Lagrange
Système adapté à leur taille d’exploitation et à leur contrainte. Pascal Maillol maîtrise très bien les travaux de soudure et de ferronnerie, et l’historique de l’exploitation a fait qu’un pool d’anciens matériels déjà présents a pu être adapté et réutilisé.
Le temps passé à la conception et à la réparation des outils est important et nécessite d’avoir du personnel capable de travailler en autonomie par moment.
Indice de recul sur la stratégie
Auteur de la fiche : Chambre Régionale d’Agriculture d’Occitanie.
Date d'édition : Septembre 2019.
Annexes et liens
- Fiche Aglae éditée par la Chambre d'Agriculture Occitanie https://occitanie.chambre-agriculture.fr/agroenvironnement/agroecologie/aglae/tous-les-temoignages/auto-construire-son-materiel-une-solution-adaptee-a-certaines-exploitations/
Leviers évoqués dans ce système
Matériel évoqué dans ce retour d'expérience
Cultures évoquées
Bioagresseurs évoqués dans ce retour d'expérience