Transition en ACS dans une exploitation en grandes cultures et viticulture

Benoît Bourguignon est agriculteur dans la Vienne. Il cultive principalement du blé et a de la vigne. Sa transition vers l'agriculture de conservation a commencé en 2013, notamment pour diminuer les coûts de production et gagner du temps pour d'autres activités. Il nous raconte sa transition qui est toujours en cours et certains problèmes qu'il a rencontré.
Contexte de la mise en œuvre
Raisons de la transition
- Stratégique : Diminuer l’usure du matériel, gagner du temps pour travailler dans les vignes.
- Économique : Diminuer les coûts de production car le prix du fuel et des pièces d’usure ne cesse d’augmenter.
Découverte de l’ACS
Principalement par les réseaux sociaux (groupes en ACS…) et par quelques voisins malgré le fait que la majorité soit très attachée au labour.
Mais aussi grâce à la coopérative dont il est adhérent, qui a pour objectif de diminuer son impact carbone : les membres ont donc créé des groupes pour travailler ensemble et organiser des rencontres.
Etapes de la transition en ACS
- 2013 : Début de la transition et des réflexions. A cette époque, Benoît pratiquait encore le labour et son rendement en blé était de 80 q/ha.
- Attention à ne pas se lancer trop vite, ça a été son cas et il a constaté une grosse chute de rendement la première année. Il avait mis en place des couverts végétaux qui avaient bien levé puis il avait fait un semis direct sans trop avoir les bases de cette pratique, résultat un salissement important lors de la récolte ce qui a conduit a perdre la moitié de son rendement.
- Conseils : Bien se renseigner, être attentif et à l’écoute et être bien entouré.
- 2021 : Il est beaucoup plus informé et beaucoup moins isolé et il a appris de ses erreurs.
- Aujourd’hui il est encore en transition, il lui faudra encore 3-4 ans pour maîtriser ces techniques.
- Nb : Il ne faut pas hésiter à se lancer en ACS, c’est l’une des manières permettant de contribuer à sauver une partie de l’agriculture.
Pratiques mises en place
Cultures et rotation
Depuis l’an dernier : rotation en 3 temps --> 30 % de la surface en légumineuse (féverole et pois fourrager), 45 % de blé et le reste en colza et maïs.
L’introduction de légumineuses permet de diminuer les apports d’azote dans le système.
Mise en place des cultures
Il pratique le semis direct mais cette année à cause du fort taux d’adventices (vulpin et ray-grass) il a dû faire beaucoup de faux semis pour implanter la culture.
Couvert végétal

L’objectif est d’avoir un sol couvert tout au long de l’année.
Les cultures suivantes lui servent de couvert : seigle forestier et pois. Il teste également d’autres variétés telles que la phacélie et le fenugrec.
Toutes les semences des couverts sont produites sur la ferme sur des petites parcelles, par exemple : 1,5 ha de seigle forestier est implanté tous les ans sur des parcelles spécifiques.
Le plus important est de s’informer, mais surtout de tester différents couverts car chaque exploitation est spécifique afin de trouver la meilleure combinaison possible. Plusieurs années de réflexion lui ont permis de définir quel mélange s’adapte le mieux.
Arrêt du labour
La nouvelle modélisation de son système de culture (implantation de couvert, modification de la rotation…) lui a permis de définitivement abandonner le labour. Il ne pratique plus qu’un travail superficiel du sol lorsque c'est nécessaire.
Matériel
Le semoir
Il fait de l’auto construction pour le semoir (semoir à dent chisel + semoir nodet), l’écartement inter-rang actuel est de 24 cm ce qui est trop large et facilite le salissement. Il va donc le modifier pour passer à 16 cm d’inter-rang.
Outils de travail du sol
Petite charrue utilisée uniquement pour l’implantation de la vigne. Il a également gardé un cultivateur.
Autres outils
Déchaumeur à dents + à disques car il n’a pas ce qu’il faut pour implanter le maïs mais il travaille sur 5 cm maximum.
Résultats
Agronomiques


Il a résolu en partie son problème de salissement des parcelles mais c’est un point à encore améliorer. Il faut également qu'il trouve de nouveaux couverts apportant un peu plus d’azote afin de diminuer encore plus les amendements.
Aujourd’hui il a un rendement de 70 q/ha en blé, contre 80 q/ha avant, qu'il arrive à stabiliser mais il reste variable en fonction des années. Il lui reste encore quelques points à améliorer afin d’avoir des rendements satisfaisants.
Au niveau des sols il a pu constater une réelle amélioration avec un sol ayant plus de portance ce qui laisse plus d’amplitude d’action.
Pour les vignes, les couverts constitués de légumineuses ont considérablement amélioré son rendement et la qualité des raisins. Elles permettent la fixation de l'azote atmosphérique.
L’ACS améliore les sols et cela se fait ressentir au niveau pneumatique : gagne en portance dans ses champs.
Sociaux
Le grand avantage de cette transition est la diminution considérable du temps passé dans les tracteurs. Aujourd’hui il arrive à prendre tous ses week-ends hormis en période de récolte. C’est un réel changement pour sa vie personnelle.
Économiques
Il n'a fait aucun changement au niveau des intrants mais l’économie principale est au niveau des charges en fuel. Aujourd’hui, après quelques années, il peut dire qu'il réalise une économie de 2500 L de fuel à l’année.
Une autre économie majeure est au niveau de la maintenance avec les pièces d’usure. Avant, il changeait certaines pièces tous les ans car son sol use beaucoup certaines pièces et maintenant il les change tous les 3 ans environ.
Les coûts de production ont donc réellement baissé.
Le rendement en blé a diminué légèrement mais reste correct avec 70 q/an lors de la dernière récolte et il cherche actuellement à l’améliorer.
Aide financière (subventions, prêts) :
Il existe seulement la prime protéagineux qui peut être avantageuse en ACS. Les besoins en légumineuses sont plus importants donc la prime augmente.
Il n’existe pas de prime spécifique au passage en ACS.
Bilan
Il a réalisé de nombreuses erreurs lors de son passage en ACS, et il est malheureusement parfois obligé de reproduire certaines d’entre elles (couverts non appropriés...) car il lui est impossible de faire autrement. Il est important de ne pas avoir peur de reproduire ces erreurs ou d’en faire de nouvelles car un tel changement ne peut pas se faire sans erreurs.
Un gros point fort de cette transition est qu'il a pu se dégager du temps pour faire autre chose.
Les ressources en cas de doutes
Il ne faut pas hésiter à demander de l’aide à certaines structures ou à des agriculteurs.
Les coopératives et structures spécialisées
Dans son cas, la coopérative (Soufflet agriculture) avec qui il travaille, met en place des formations et rencontres avec d’autres agriculteurs qui l’ont bien aidées. La coopérative a pour but de diminuer son impact carbone par diminution de la production et captage du carbone.
Pour les vignes il fait partie du groupe DEPHY qui est spécialisé dans la réduction d’IFT. Ce groupe met en place des suivis (maladies…) sur les vignobles aux alentours. Je reçois également de l’aide de la part de la Chambre d’Agriculture.
Les réseaux sociaux
Il s’agit de sa première source d’information sur laquelle il est facile de poser des questions et d’avoir des réponses. Il conseille d’adhérer à des groupes Facebook en lien avec l’ACS.
Les techniciens
Si pour répondre à certaines de ses questions il a besoin d'éléments plus précis et techniques, il lui arrive de faire appel à un technicien.
Conseils à celui qui voudrait se lancer
Étapes clés
L’étape de recherche est fondamentale. Il est important de bien préparer sa transition. Cette transition est un travail long qui nécessite beaucoup de réflexions.
Pour se faire il est important de bien s’entourer et de ne pas avoir peur de se tromper ou de poser des questions lors d’un doute.
Autres conseils
- Il faut également y aller progressivement et être patient. Il faut compter au moins 5 à 6 ans pour bien préparer la transition.
- Semer de bonne heure à l’automne et tard au printemps.
- Bien choisir ses couverts pour la vigne car certaines espèces favorisent l’apparition de mildiou.
Sources
Interview de Benoît Bourguignon réalisée le 21/01/2022.