SCEA de Landebroc
Bruno Bioret, Magaly Bioret
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La SCEA Landebroc est en partie située sur une zone de captage. Pour cette raison, les époux Bruno et Magaly ont décidé d’introduire une unité de méthanisation dans leur système, afin de privilégier sur cette zone des cultures sans intrants (sinon du digestat). Le choix s’est porté sur de la production de silphie, culture pérenne implantée pour 15 à 20 ans.
Fiche d’identité
Exploitation : SCEA Landebroc
Localisation : Nort-sur-Erdre, Loire-Atlantique (44)
Date d’installation : 1999
UTH : 6 (deux associés : Bruno et Magaly Bioret, 3 salariés et 1 apprenti)
SAU : 360 ha dont :
- 200 ha de légumes
- 160 ha de céréales et oléagineux
Certifications : HVE
SCEA Landebroc
Bruno Bioret est à la tête de la structure depuis 1999. D’abord à dominante laitière et céréalière, l’exploitation s’est spécialisée en production de légumes et cultures végétales depuis 2011.
Aujourd’hui, les agriculteurs ont aussi 23 Black Angus qui pâturent des prairies classées Natura 2000.
Spécificité de la zone de captage
Sur les 360 ha de l’exploitation, 165 ha se trouvent sur l’aire de captage de Plessis-Pas-Brunet, dont 88 ha situés à moins de 750 m autour du point de captage.
Les agriculteurs doivent donc respecter un cahier des charges[1] imposé par le syndicat des eaux.
- utilisation de produits phytosanitaires interdite
- labour interdit
- pas de fertilisation minérale
- seuil maximal de 50 mg/L de nitrates dans la lame drainante
- désherbage mécanique
Dans ce cadre, en 2019, de la silphie a été implantée sur 25 des 88 ha, remplaçant des cultures classiques (maïs, épinard, carottes…). La mise en place de la silphie a été réfléchie et préparée (coût important des semences - 2500€/ha, semis délicat et nécessité d’irriguer au démarrage pour assurer une levée homogène). Elle a été semée grâce à un combiné herse rotative-semoir monograine. La silphie ne peut être récoltée lors de son année d'implantation, alors, Bruno l'a semée avec du maïs pour compenser les pertes.
Une fois en place, la silphie demande peu d'entretien : un broyage est fait mi-mars, il est suivi par l'épandage de 35 m³/ ha de digestat et la récolte se déroule fin août.
Aujourd’hui Bruno et Magaly réfléchissent à implanter du trèfle dans la silphie afin d’avoir un sol couvert en permanence et donc de lutter contre les adventices.
La silphie est une plante pérenne (implantée pour 15 à 20 ans) avantageuse :
- elle forme une couverture végétale dense une partie de l’année
- elle permet un arrêt total des produits phytosanitaires après la première année d’implantation
- elle a de faibles besoins hydriques concentrés sur des périodes moins sensibles
- a silphie est mellifère, ce qui permet aux agriculteurs de la SCEA Landebroc d’être en partenariat avec deux apiculteurs qui ont installé 25 ruches produisant 250 kg de miel par an
- elle a une capacité méthanogène élevée (260 à 280 mètres cubes de CH4 par tonne de MS)
Les Bioret ont prévu d’ajouter 24 ha de silphie sur la zone de captage en 2026, après avoir constaté l’efficacité de cette démarche sur la qualité de l’eau (reliquats d’azote en entrée d’hiver de 30 kg N/ha en dessous des 40 kg N/ha prévus par l’arrêté préfectoral).

Rotations
Les agriculteurs mettent en place deux rotations différentes, une sur la zone de captage (Plessis) qui sera remplacée par de la silphie dans le futur, et une hors de la zone de captage (Landebroc/Poupinière).
Le digestat de l’exploitation est essentiellement issu de gisements végétaux (pas d’effluents d’élevage). Il est pour cette raison très liquide, et considéré comme un fertilisant de type II (C/N inférieur ou égal à 8). Son épandage doit donc respecter les périodes définies par la Directive Nitrates en Loire-Atlantique[2].
Ventes
En 2024, la SCEA Landebroc a généré un chiffre d’affaire de 1 224 770€ (et un EBE de 127 152€) réparti entre les différents ateliers :
- CIVE (seigle, maïs lablab et sorgho) = 16%
- Bovins = 2%. Les bovins sont vendus en direct, par bouche à oreille.
- Légumes (carotte, épinard et haricot) = 55% (sous contrat avec Daucy pour être surgelés ou mis en conserve)
- Grandes cultures (blé, orge, colza et maïs) = 27%
Bioret métha
Réflexion et mise en place du projet
La réflexion sur le projet de méthanisation a débuté en 2019 pour valoriser la silphie.
Le couple Bioret a alors organisé des discussions avec 8 agriculteurs voisins, la commune, la préfecture, le syndicat des eaux.
Pour limiter les conflits avec les voisins, des journées portes ouvertes informatives ont été organisées pour les riverains (ce qui n’a pas évité un recours par un des voisin, réglé à l’amiable).
Le méthaniseur a démarré le 26 avril 2022.

Financement de l’unité de méthanisation
Le coût du projet s’élève à 6 100 000€.
Son financement a été géré en direct par Magali et Bruno :
- 1 200 000€ d’apport grâce :
- au financement participatif de 23 familles, ces dernières sont rémunérées à hauteur de 6% si elles ont placé sur 7 ans et de 4% si elles l’ont fait sur 5 ans
- à des investissements directs dans la société Bioret Métha
- 4 900 000€ proviennent de prêts bancaires via la banque populaire, le CIC et le crédit mutuel
Depuis son fonctionnement, l’unité de méthanisation a un chiffre d'affaires de 2 000 000€ par an.
L’unité de méthanisation a été construite par l’entreprise HoSt. Elle est constituée d’un digesteur et d’un post-digesteur d’une capacité de 2200 m³ chacun, pour une production de 150 Nm³/h (le biogaz est composé de 52,5% de méthane) injectée directement dans le réseau. Le biométhane alimente 80% de la consommation annuelle de gaz à Nort-sur-Erdre et aux Touches, en cas de surplus, il peut être utilisé dans les transports en commun de Nantes métropole.
Spécificité du méthaniseur - récupération de la chaleur fatale
Le méthaniseur HoSt possède une option qui permet d’utiliser l’énergie thermique émise par le processus de méthanisation (chaleur fatale) pour couvrir ses besoins en chauffage. Les 5 à 10% de biométhane utilisés pour l’autoconsommation du méthaniseur sont donc économisés et injectés dans le réseau (en effet, d’après la loi, le chauffage de l’unité de méthanisation se fait obligatoirement grâce au biométhane).
La chaleur est récupérée à l’aide d'échangeurs thermiques au niveau de trois postes d’émission :
- sur le biogaz qui sort chaud du gazomètre, par un échangeur biogaz/eau
- sur le digestat chaud (43°C), avant son transfert dans la cuve de stockage où il atteindra les 16°C, par un échangeur tubulaire digestat/eau à contre-courant
- sur la purification du biogaz par récupération de la chaleur des compresseurs grâce à un échange huile/eau
Pour limiter les pertes thermiques des cuves chauffées, celles-ci ont été enterrées aux 3/4.
Le coût de cette option est d’environ 220 000€, rapidement récupéré (en 4 ou 5 ans) sur l’efficience de l’installation (taux de gaz produit par unité importée).
Recette et digestat
Les intrants de cette unité de méthanisation sont composés uniquement de végétaux :
- 55-60% de seigle ou de triticale fourrager
- 20% de maïs-lablab
- 20-25% de sorgho
Des analyses sont faites tous les 15 jours avec un biologiste afin de définir les rations de chaque CIVE, cela permet d’adapter la recette aux besoins du méthaniseur mais aussi de prévoir les transitions de cultures. En effet, le méthaniseur ne digère pas d’effluents d’élevage, matières qui ont un fort pouvoir tampon, il faut donc faire les transitions CIVE d’hiver- CIVE d’été doucement pour que les productions de biogaz et de digestat ne soient pas perturbées.
La silphie n’est pas utilisée dans la recette de méthanisation car elle est considérée comme une culture principale, or, le contrat signé avec Engie interdit l’utilisation de cultures principales. Les récoltes sont donc stockées afin d’être utilisées dans la nouvelle unité de méthanisation (cf. le paragraphe “Nouveau projet de méthaniseur”)
Les Cultures Intermédiaires à Vocation Energétique (CIVE) sont rachetées 35€ la tonne brute (pour un taux de matière sèche de 33%). Le taux de matière sèche est mesuré par des analyses systématiques des récoltes et le prix de rachat adapté en fonction du taux mesuré.
En tout, ce sont 10 950 t de matières brutes utilisées chaque année et provenant de 9 exploitations différentes situées à moins de 10 km du méthaniseur. 55% des intrants proviennent des gisements de la SCEA Landebroc et 45% des 8 autres exploitations.
Le digestat obtenu (soit 15 000 m³/an), majoritairement liquide (6% de matière sèche) est redistribué aux agriculteurs dans les mêmes proportions que les apports d’intrants faits par ces derniers.
| Paramètre | Résultats en kg/ 1000 kg |
|---|---|
| Matière sèche | 50,7 |
| Matière organique | 37 |
| Azote total | 3,65 |
| Azote minéral | 1,6 |
| Azote ammoniacal | 1,6 |
| Phosphore | 0,92 |
| Potasse | 4,6 |
| Magnésium | 0,4 |
| Calcium | 1,11 |
| Sodium | 0,22 |
Sur la ferme de Magaly et Bruno, l’utilisation du digestat comme fertilisant a permis une diminution de 60% de la quantité d’intrants minéraux apportés aux cultures (soit un gain d’environ 70 000€/an).
Aujourd’hui, Bruno et Magaly aimeraient incorporer des betteraves fourragères entières dans la recette de méthanisation car elles auraient un bon pouvoir méthanogène (a priori deux fois plus que le maïs mais les chiffres ne sont pas encore très faciles à trouver).
Actuellement, on utilise plutôt de la pulpe de betterave dans la méthanisation car la betterave entière[3] a l’inconvénient d’être pleine de terre et donc de demander un travail de nettoyage supplémentaire.
Organisation de l’unité de méthanisation
La société Bioret Métha embauche deux équivalents temps pleins pour la gestion administrative et la maintenance de l’unité de méthanisation.
Les gisements sont stockés dans un silo couvert de 5000 m2 et récupérés deux fois dans l’année :
- entre le 20 avril et le 15 mai pour le triticale et le seigle fourrager
- entre le 20 août et le 30 septembre pour le sorgho et quelques déchets de culture
Une fois par jour, les ensilages sont chargés et broyés pour aller vers la fosse à mélange où ils sont dilués dans du jus de cour (eaux de pluie et issue du stockage des intrants récupérées dans une pré-fosse) et de silo (4000 m³ par an de jus sont utilisés) avant d’alimenter les digesteurs. Ils y fermentent alors 90 jours à 40°C.

Une fois le digestat obtenu (liquide avec 6% de matière sèche), il est livré en bord de parcelles dans des conteneurs de 70 m³ par des entreprises prestataires ou stocké dans une cuve de 6000m2. Cette livraison est prise en charge par l’entreprise Bioret Métha qui propose aussi des prestations d’épandage aux agriculteurs recevant le digestat.
Le digestat est livré au moment de l’épandage en fonction des besoins des agriculteurs. Ce dernier est surtout utilisé :
- précocement sur les céréales en mars (épandage sans tonne)
- principalement sur des cultures de printemps (maïs et tournesol)
- sur du colza si les agriculteurs ont assez de digestat.
Nouveau projet de méthaniseur
Magali et Bruno ont le projet de construire une deuxième unité de méthanisation, de la même envergure que la première :
- Toujours avec le même groupe d’agriculteurs, mais en incluant cette fois des effluents d’élevage (à hauteur de 25% de la recette)
- Sur la base d’un nouveau contrat avec Engie, plus favorable à l’introduction de la silphie (le premier contrat, basé sur le décret de 2011[4], imposait une décote importante sur le tarif de rachat du gaz lors de l’ajout de cultures principales dans la recette - même si celles-ci restaient dans la limite des 15%). Le nouveau contrat sera basé sur le décret 2023[5].
Cette nouvelle installation permettra de couvrir une plus grande part des besoins azotés du groupe d’agriculteurs
Bilan
Economique
- Diminution de la quantité d’intrants minéraux
- Valorisation prochaine de la silphie
Social
- Bruno et Magaly ont été moteur pour d’autres agriculteurs
- Création d’emplois grâce à la méthanisation
Environnemental
- Epandage du digestat sur les parcelles proches du puit de captage
- Implantation de silphie pour valoriser les parcelles en zone de captage
Galerie photo
Sources
- Interview téléphonique de Bruno et Magaly Bioret les 03/11/2025 et 14/11/2025
- ↑ Atlantic'eau. 2025. Plans d'actions volontaires 2025-2028. [19/11/2025]. https://www.atlantic-eau.fr/sites/default/files/2025-06/CS_2025_26_annexe_APPROBATION_PLAN_ACTIONS_VOLONTAIRES_NORT.pdf
- ↑ Préfecture de Loire-Atlantique. S.I.A.E.P NORT/ERDRE Captage du Plessis Pas Brunet. [19/11/2025]. https://www.loire-atlantique.gouv.fr/contenu/telechargement/42696/283870/file/Arrete_DUP_Plessis_Pas_Brunet%20NORT%20SUR%20ERDRE_25092001.pdf
- ↑ SAS Iton Energie. Dossier d'enregistrement ICPE, plan d'épandage. [19/11/2025]. https://www.eure.gouv.fr/contenu/telechargement/39281/255391/file/SAS_ITON+ENERGIE_Etude+préalable+Epandage_v2+partie+2.pdf
- ↑ Légifrance. 2020. Arrêté du 23 novembre 2011 fixant les conditions d'achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel. [19/11/2025]. https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000024833895/
- ↑ Légifrance.2023. Arrêté du 10 juin 2023 fixant les conditions d'achat du biométhane injecté dans les réseaux de gaz naturel. [19/11/2025]. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047670236