Logo Fermes d'Avenir.png

Pâturage tournant dynamique et agroforestier des porcs charcutiers en agriculture biologique

De Triple Performance
Aller à :navigation, rechercher
EARL SHEARD. © Carl Sheard.

L'EARL SHEARD, élevage porcin situé à Noyant-la-Gravoyère en Maine-et-Loire, met en place un système de pâturage tournant dynamique et agroforestier de porcs charcutiers en agriculture biologique. Carl Sheard nous explique son fonctionnement et ses objectifs.


Historique et présentation de l'exploitation

Avant de venir s’installer en France en 1990, Carl Sheard a d’abord vécu en Angleterre où il a obtenu un diplôme au Royal Agriculture College puis il part enseigner en Ecosse.

La ferme est située à Noyant-la-Gravoyère, commune située entre Angers et Châteaubriant, dans le Maine-et-Loire. De nombreux promeneurs passent tout près des parcelles car l’exploitation est située sur un des chemins qui mène à Saint Jacques de Compostelle.

La conversion en agriculture biologique remonte à 2001. Les sols sont sablo-limoneux et donc plutôt adaptés pour le pâturage car il aura tendance à résister au piétinement.

Les porcs charcutiers sont vendus à Bio Direct qui est un groupement d’une centaine d’éleveurs situés principalement dans le Grand Ouest. Les partenariats avec des magasins spécialisés comme les Biocoops sont majoritaires. Une quinzaine de porcs par an sont vendus en direct à la ferme.


Description globale du système

Caractéristiques majeures

  • Système naisseur-engraisseur en plein air.
  • Effectifs : 45 truies pour 735 porcs charcutiers engraissés par an.
  • Races : croisement Large White (ou Landrace) X Saddleback.


Surfaces

La SAU s’étend sur une cinquantaine d’hectares. Les parcelles réservées aux maternités et au post-sevrage représentent 9,5 ha. Celles dédiées au pâturage font 6,5 ha. On peut enfin ajouter à cela une trentaine d’ha de cultures (avoine, blé, orge, triticale, pois, féverole et betterave fourragère) qui servent à l’alimentation des cochons ou à la vente.

Parmi ces surfaces, 18 ha sont en agroforesterie avec plusieurs centaines de mètres de linéaires de haies.


Objectifs initiaux de l’expérimentation

Deux projets sont en cours d’expérimentation.

Le premier (en partenariat avec l’ITAB et la chambre d’agriculture des Pays de la Loire) tend à évaluer l’impact du pâturage des porcs charcutiers en finition sur une période qui commence à 18 semaines et qui s’étend sur 3 ou 4 mois. L’objectif est d’optimiser la consommation de fourrage pour diminuer l’achat de concentrés et donc faire baisser les coûts alimentaires, tout en visant un haut niveau de bien-être animal et une qualité optimale de la viande.

La seconde expérimentation s’intègre à un projet de recherche participative européen : AGROMIX (AGROforestry et MIXed farming system). L’objectif ici est de coconcevoir un système agroforestier qui puisse être utilisé en élevage porcin.

Sur la ferme, ces deux projets fusionnent puisque les cochons pâturent tranquillement sur des parcelles agroforestières.


L’expérimentation

Organisation du pâturage

Une bande de 30 cochons est réservée à l’essai. Les parcelles agroforestières sont divisées en paddock d’environ 600 m². Cette surface résulte du design agroforestier. Les allées agroforestières sont orientées nord/sud, l’inter-rang mesure 24 m (pour le passage d’engin) et les arbres sont espacés de 8 m. En sachant qu’un paddock comprend 4 arbres, ses dimensions sont d’environ 24x24 m.

En moyenne, les porcs restent une semaine sur chaque paddock lors des périodes de pousse (printemps/été). Il convient d’être vigilant et d’adapter la taille des paddocks en fonction de la ressource fourragère présente. Le temps passé à déplacer la bande d’un paddock à un autre est faible : une vingtaine de minutes.

Un système de fil avant/fil arrière est mis en place pour éviter que les bêtes ne repassent sur les parcelles déjà pâturées. Les clôtures sont des rubans électriques larges, de manière à ce qu’ils soient bien visibles par les porcs. La barrière visuelle est très importante pour éviter tout débordement !

300 mètres séparent les parcelles des bâtiments, un chemin a donc été aménagé pour faciliter les déplacements. Les porcs ont très vite pris l’habitude de l’emprunter quotidiennement, et ce de manière autonome.

Les porcs dorment dans une grande case de 50 m². Durant les journées chaudes, ils sortent du bâtiment tôt le matin (avant 8h) pour profiter de la fraîcheur et se mettent à l’abri pour se protéger du pic de chaleur (entre 12h et la fin d’après-midi). A noter que les arbres sur les parcelles agroforestières sont encore jeunes et ne procurent pas encore suffisamment d’ombre.  Lors des hivers trop froids ou trop humides, il y a possibilité de les garder en bâtiment avec l’installation d’un râtelier pour accueillir le fourrage. Avec des conditions plus douces, ils peuvent tout à fait passer la journée au pâturage.

Enfin, Carl ne voit pas la nécessité de poser des anneaux dans le groin de ses bêtes. Si le pâturage est bien géré, notamment en s’assurant qu’il y ait toujours une ressource fourragère suffisante, les porcs fouiront peu et le sol restera en bon état.


Choix des cultures

Divers mélanges ont été testés :

Les deux premiers mélanges cités ont donné de bons résultats pour la croissance des porcs mais leur gestion était trop compliquée. Carl oriente maintenant ses choix vers des espèces pérennes comme la luzerne, ou des praires à flore variée. Le fait de laisser une même culture sur 3 ou 4 ans permet de diminuer fortement les coûts d’implantation. De plus, le maïs est compliqué à gérer pour du pâturage car la période optimale de pâturage est courte. En effet, il cesse d’être appétant pour les porcs dès lors qu’il commence à sécher. Il reste tout de même intéressant sur des surfaces plus petites.

La prochaine étape pour l’éleveur est de tester des mélanges céréales-protéagineux (avoine, triticale, pois fourrager) enrubannés qui permettront de compléter la ration sur les périodes difficiles en hiver où le pâturage n’est plus possible.

Enfin, la betterave fourragère et le topinambour seront également à l’expérimentation cette automne.


Ration et résultats

Lors du premier essai avec l’ITAB, la part des concentrés dans la ration a été réduite de 30 % pour stimuler les cochons à aller s’alimenter via le pâturage. Une bande contrôle a été nourrie de manière classique, en bâtiment, avec 2,8 kg d’aliment complet en ration quotidienne. Il s’est avéré que le groupe contrôle était légèrement plus lourd mais avait une qualité de carcasse inférieure (mesurée par le taux de muscle par pièce ou TMP). Sur le plan économique, l’éleveur est satisfait également puisque la légère perte de poids est compensée par une meilleure qualité de carcasse.


Avantages

  • Les attentes sociétales vis-à-vis du bien-être animal et de la durabilité des systèmes de production sont fortes. Le modèle agroforestier et pâturant de l’EARL Sheard répond en grande partie à ces attentes. L’image de la ferme auprès des consommateurs est donc excellente.
  • Des analyses sont actuellement en cours, mais on peut espérer avoir une valeur ajoutée en terme de qualité nutritionnelle. On sait déjà en revanche que le TMP est meilleur sur les carcasses de porcs qui ont été mis au pâturage pendant la finition.
  • Les coûts et la main d’œuvre liés à l’alimentation des porcs sont réduits. De manière générale, en plus de diminuer la part d’aliment complet, le pâturage permet de se passer de récoltes et d’épandage de matière organique. Les charges, notamment de mécanisation, et le temps de travail sont donc diminuées. On réduit également le temps passé à curer les cases. L’autonomie alimentaire augmente.
  • Le système de découpage des paddocks avec fil avant/arrière permet d’être très efficace lorsque les cochons sont déplacés (20 min environ).
  • Enfin, le pâturage permet aux cochons de faire de l’exercice. Carl a remarqué qu’ils étaient globalement en meilleur santé avec très peu de mortalité et aucun problème d’ordre digestif.


Inconvénients/difficultés

  • Du fait du manque de données, pour le moment, sur la qualité des protéines que peuvent ingérer les cochons en fonction de leurs provenances (différents fourrages), il est difficile de dimensionner et d’optimiser le chargement et la durée de la rotation en fonction des espèces présentes sur les parcelles.
  • Il est nécessaire d’être au point sur les traitements vermifuges car les porcs sont plus exposés au parasitisme.


Conseils

  • Installer des clôtures à ruban pour délimiter les paddocks et les chemins. L’aspect visuel est très important si l’on veut éviter que le cochon ne s’échappe.
  • Choisir des races adaptées aux pâturages. De manière générale, les races de couleur claire sont sensibles au soleil alors que les races à la peau plus foncée comme les Hampshire, Tamworth, Wessex, Duroc, Yorkshire, Berkshire et Tacheté de Pologne résisteront mieux. Aussi, certaines génétiques seront plus à même d’exploiter les valeurs nutritives des fourrages. Cependant, il n’y pas encore beaucoup de données disponibles sur le sujet.
  • Il est important et de bien choisir les espèces à implanter et de ne pas hésiter à travailler avec les espèces pérennes qui seront plus faciles à gérer et qui s’intègrent bien dans les rotations.
  • Pour éviter que les cochons ne labourent les sols en fouissant, il faut absolument dédier du temps à l’observation des comportements et à l’état des parcelles. Dans le cas où les ressources fourragères s’épuisent plus tôt que prévu, l’éleveur se doit d’être réactif pour le déplacement de sa bande.


Bilan/vision pour l'avenir

Les essais se poursuivent d’année en année et les objectifs évoluent. Aujourd’hui, Carl pense que le modèle actuel de production de l’alimentation porcine n’est pas durable. En cause notamment le dérèglement climatique et la dépendance aux engrais, pesticides et au combustible fossile. Faire pâturer les bandes permettrait de réduire la dépendance aux céréaliers concernant alimentation des porcins.

Carl aimerait aussi trouver des informations sur des génétiques plus adaptées aux fourrages/pâturages et notamment sur l’alimentation des truies.

Enfin, Carl a à cœur de mettre en place un système qui, en plus d’être durable, ne nécessite pas de grands investissements. Par exemple, même si une FAF (Fabrique d’Aliment à la Ferme) a des avantages, elle représente un très gros investissement pour des exploitations de taille moyenne. A noter également que le stockage des céréales est plus difficile à gérer en agriculture bio du fait de la restriction de certains produits.


Quelques liens vers les projets :





Partager sur :