Hydrologie régénérative

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Keyline design, Gestion de l'eau, Stress hydrique, Inondation, Ravinage

Hydrologie régénérativeKeyline design, Gestion de l'eau, Stress hydrique, Inondation, Ravinage

L’Hydrologie régénérative est la science de la régénération des cycles de l’eau douce par l’aménagement du territoire. (Définition proposée lors des Rencontres de l’Hydrologie Régénérative à Annecy, le 20 octobre 2022).

Tout comme l’agroécologie qui peut être vue comme une réappropriation des principes du vivant pour permettre la production végétale, l’hydrologie régénérative peut être vue comme une réappropriation des mécanismes de l’eau pour le bénéfice de la production végétale.

Trop d’eau ou pas assez d’eau

Approche conventionnelle Hydrologie régénérative
L’eau est évacuée, drainée et canalisée pour éviter qu’elle ne stagne dans les parcelles L’eau est ralentie, répartie et infiltrée au maximum, dans la parcelle ou dans des ouvrages autours de la parcelle
Un sol nu a tendance à ruisseler et s’éroder Le sol est couvert au maximum, l’eau s’infiltre par la porosité naturelle fournie par les plantes et les micro-organismes
L’eau stagne entre la surface du sol et la semelle de labour Le travail réduit du sol, voire un travail de fissuration permet à l’eau de s'infiltrer vers les couches profondes du sol et la nappe phréatique
La topographie est organisée pour faciliter le passage des machines (parcelles larges et plates) et la circulation (routes), augmentant le phénomène de ruissellement et contribuant à la formation de mouillères et/ou de zones séchantes La topographie est repensée pour éviter les effets de gouttières, avec des aménagements bocagers (noues, fossés, haies), épousant les lignes de niveau de manière à ce que l’eau se répartisse de façon de façon homogène dans  la parcelle
Lors des périodes sèches, il est nécessaire d’apporter de l’eau par irrigation La matière organique présente dans le sol augmente la réserve utile de celui-ci et permet de réduire les périodes de stress hydrique
Les cycles de l’eau sont perturbés par le réchauffement climatique, mais aussi par l’artificialisation des sols L’introduction de l’agroforesterie favorise la régénération de petits cycles de l’eau.

L’enracinement profond stimule les phénomènes de capillarité (l’eau remonte en surface lors des périodes sèches)  

La biodiversité est faible L’introduction de trames bleues et vertes favorise le retour d’une biodiversité riche en surface (insectes, oiseaux, petits mammifères, biodiversité végétale) et dans le sol (bactéries, mycorhizes, macro et microorganismes)

Le cycle de l’eau

La première étape avant toute chose est de bien comprendre le cycle de l’eau, et en particulier de comprendre qu’aujourd’hui, dans les conditions actuelles d’une agriculture conventionnelle et de l’artificialisation des milieux urbains, les deux tiers de l’eau douce est perdue car retournant dans la mer. Ralentir ce cycle est donc un des premiers objectifs de l’hydrologie régénérative, en favorisant en particulier au maximum l’infiltration de l’eau vers les nappes phréatiques ou son stockage, d’abord dans le sol, puis dans des mares, fossés, retenues collinaires, …


L’hydrologie régénérative n’est pas un travail de terrassement

On peut avoir tendance à réduire l’hydrologie régénérative aux infrastructures de type noues, fossés, fascines, etc… Cependant ces infrastructures lourdes sont les derniers recours à mettre en œuvre, les plus coûteux (surtout dans des parcelles existantes) et les plus risqués (la modification des circuits de l’eau est une science qu’il faut approcher avec prudence !).

En réalité, la plupart des concepts clés associés à l’agroécologie, tels que l’ajout de matière organique, les couverts végétaux, l’arrêt de labours répétés, le pâturage tournant dynamique et l’agroforesterie sont aussi clés en hydrologie régénérative. L’idée est que l’application de ces concepts avec une bonne compréhension de la manière dont l’eau circule (dans l’air, dans le sol, dans les plantes), permet d’améliorer significativement l’impact de chacune de ces pratiques.

S’il est nécessaire d’introduire des infrastructures pour ralentir et infiltrer l’eau, alors un travail préalable de conception et de dimensionnement est absolument nécessaire (voir article sur la mise en œuvre), en prenant en compte les capacités d’infiltration du sol, les cumuls de pluie historiques, etc… Ce genre d’aménagement doit venir corriger une situation déjà perturbée - dans le cas contraire, il vaut mieux commencer par la mise en place de solutions plus douces au niveau des pratiques agroécologiques.

L’échelle de Yeomans

Mise en œuvre de pratiques en hydrologie régénérative, est un outil conceptuel développé par Percival Alfred Yeomans, un agriculteur australien, dans le cadre de sa méthodologie du Keyline Design[1]. Elle vise à hiérarchiser les éléments d'un paysage en fonction de leur permanence relative, afin de concevoir des systèmes agricoles et paysagers durables.

Principes de l'échelle de permanence

  1. Hiérarchisation des éléments : Les composants du paysage sont classés selon leur degré de permanence, des plus immuables aux plus modifiables. Cela permet d'organiser les interventions en fonction de leur impact à long terme.
  2. Priorisation des éléments permanents : Les éléments les plus durables (comme le climat et la topographie) sont pris en compte avant ceux qui sont plus éphémères (comme les cultures ou les clôtures).

Ordre des éléments dans l'échelle

De la plus permanente à la moins permanente :

  1. Climat : L'élément le plus permanent, car il est difficilement modifiable.
  2. Topographie : La forme du terrain et ses caractéristiques naturelles.
  3. Eau : Sources d'eau, cours d'eau, mares et systèmes hydrauliques.
  4. Routes et accès : Infrastructure durable comme les chemins.
  5. Écosystèmes forestiers : Les arbres et boisements.
  6. Infrastructures bâties : Bâtiments et constructions humaines.
  7. Organisation parcellaire : Division des terres pour l'agriculture ou autres usages.
  8. Sols : Bien qu'ils soient fragiles, ils peuvent être restaurés si dégradés.

Il ne faut pas lire cette échelle comme une échelle de priorisation (on ne peut d’ailleurs pas vraiment agir sur le climat, et en réalité il est extrêmement difficile d’agir sur la topographie ou les cours d’eau). La lecture de cette échelle permet de comprendre à quel niveau peuvent se situer les problèmes liés à l’eau. Si on décide par exemple qu’il est nécessaire de travailler sur les systèmes hydrauliques, alors les routes devront potentiellement être modifiées en conséquence.

L’importance du vivant

Les organismes vivants sont clés dans les concepts d’hydrologie régénérative.

Micro-organismes

Les micro-organismes et la matière organique jouent un rôle capital dans la capacité du sol à retenir l’eau. Les cavités créées par ces organismes (y compris les racines) permettent, par capillarité, de stocker 230m³ d’eau par ha et par % de MO additionnelle[2]. Depuis 1950, le taux moyen de MO dans le sol est passé de 4% à 1,5% - ce qui correspond à une perte de réserve utile de 575m³ d’eau par ha !

Les galeries des vers de terre ne participent pas directement à la rétention d’eau (elles sont trop grosses). Elles permettent l’infiltration de l’eau dans les couches profondes du sol, et la régénération des nappes phréatiques. Par contre, les vers de terre participent largement à la création de la matière organique et donc indirectement au stockage de l’eau.

Plantes pérennes

Les plantes pérennes (couverts permanents ou mieux arbres et haies) participent activement à la création de la porosité nécessaire au stockage et à l’acheminement de l’eau. Les racines mortes créent un réseau dense permettant à l’eau de circuler par capillarité. Plus la masse racinaire est importante et plus ce réseau est fonctionnel.

Lors de la création de keylines, il est recommandé de semer des plantes pérennes (petits fruitiers, …) dans la ligne de fissuration, pour créer un réseau racinaire qui viendra coloniser l’espace créé par la sous-soleuse.

Elevage

L’élevage, en particulier quand il est mené en pâturage tournant dynamique, permet de dynamiser la création de la matière organique. On retrouve aussi des techniques de poulaillers mobiles (qui peuvent même suivre le déplacement des ruminants), du sylvopastoralisme (cochons en sous-bois), etc…

Castors

Les castors ont participé longtemps au ralentissement du cycle de l’eau en créant d’énormes quantités de barrages. Les quelques centimètres d’élévation de l’eau sur chacun de ces barrages permettent un déploiement horizontal massif de l’eau. Certaines études ont montré qu’aux Etats-Unis, plus de 200 millions de castors étaient responsables du maintien de 78 millions d’ha en Amérique du Nord avant l’arrivée des premiers colons[3].


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Cette page a été rédigée en partenariat avec Pleinchamp



  1. L'échelle de Yeomans https://www.freepermaculture.com/scale-of-permanence/ (en anglais)
  2. Matière organique et rétention d'eau : https://www.pftgh2o.fr/wp-content/uploads/2022/04/Journee_Technique_Eau_et_Agriculture_16_10_2020_Albi.pdf
  3. Les castors et leur impact sur le paysage de l'Amérique du Nord : https://naturalnicheperfume.com/natural-history-of-beaver/