Cheminement de l'eau

De Triple Performance
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En hydrologie régénérative, il est important de comprendre les différents chemins de l'eau au niveau de la parcelle et des alentours, de caractériser les volumes, et de savoir travailler avec les outils topographiques afin de se réapproprier ces flux au bénéfice de la production agricole.

Chemins naturels de l’eau et topographie

L'eau suit par défaut un certain nombre de chemins naturels, en surface et en sous sol. La topographie décide des chemins qu'emprunte l'eau en surface, et le type de sol (sa composition) ce qui se passe en dessous.

  • Bassin versant : Défini comme l’unité de base de la gestion de l’eau, c’est un territoire qui draine l’ensemble des eaux vers un exutoire commun. Les bassins versants existent à différentes échelles, des petites parcelles aux grandes façades continentales. Ils sont délimités par des lignes de crête ou lignes de partage des eaux. On distingue le bassin versant (eaux de surface et souterraines) du bassin hydrographique (uniquement les eaux de surface formant le réseau hydrographique). Chaque grand bassin versant est composé de multiples sous-bassins.
Bassin versant : eaux de surfaces ET eaux souterraines (aquifères)
Bassin hydrographique : eaux de surface uniquement.

Chaque parcelle de terrain, ferme ou site appartient à un bassin hydrographique et surtout à un sous bassin délimité par le relief localisé voire très localisé.


Lignes clés du paysage : L’étude du paysage met en évidence trois types de lignes importantes :

  • Crêtes : Lignes de séparation des eaux, distinguées en crête principale (séparant de grands ensembles) et crêtes secondaires (issues de la principale).
  • Vallées (ou Talwegs) : Chemins de vallée, également distingués en talweg principal et vallées secondaires se ramifiant.
  • Courbes de niveau : Lignes reliant les points de relief à la même altitude, essentielles pour la gestion de l’eau en relief. Elles permettent de visualiser le relief en 2D et indiquent que l’écoulement de l’eau se fait toujours perpendiculairement à ces lignes dans le sens de la pente. Les formes des courbes de niveau permettent d’identifier les crêtes et les vallées.

On identifie aussi :

  • Réseau hydrographique : Ensemble des cours d’eau permanents (traits bleus continus sur les cartes) ou intermittents (traits pointillés) s’écoulant sur un territoire donné. Les cours d’eau intermittents peuvent être dus à des sources saisonnières ou à l’écoulement des eaux de précipitation dans les talwegs.
  • Point clé (Keypoint) : Dans une pente, au niveau du talweg, c’est le point juste en dessous du point d’inflexion où la vallée passe d’une forme convexe à concave. C’est un point où l’écoulement de l’eau passe d’érosif à dépositaire. Sur une carte, il est identifiable par le resserrement des courbes de niveau au-dessus et leur écartement en dessous. Le point clé est stratégiquement situé sous la plus grande aire de drainage de ruissellement tout en étant au-dessus de la plus grande zone irrigable par gravité, ce qui en fait un emplacement idéal pour la création de retenues collinaires.
  • Ligne clé (Keyline) : Courbe de niveau qui passe par le point clé. Elle sépare une zone de plus faible pente en aval d’une zone de plus forte pente en amont. Une succession de points clés et de lignes clés existe dans un paysage, mais ils ne sont pas nécessairement à la même hauteur d’une vallée à l’autre.


Chemins artificiels de l’eau

Les aménagements humains impactent bien plus encore les déplacements de l’eau :

  • Drainage de parcelles : Répandu historiquement et encore pratiqué, il vise à évacuer artificiellement l’eau gravitaire du sol pour limiter l’engorgement. On distingue :
    • Drainage de surface : Souvent réalisé par des fossés en limite de parcelle pour capter les eaux de ruissellement superficiel et de subsurface.
    • Drainage enterré : Traditionnellement des tranchées remplies de pierres, aujourd’hui des tuyaux perforés en plastique installés à une certaine profondeur pour évacuer les nappes affleurantes. Les réseaux de drainage, qu’ils soient de surface ou enterrés, finissent souvent par rejeter l’eau dans le réseau hydrographique naturel.
  • Routes et chemins : Ces infrastructures, souvent accompagnées de fossés, interceptent et drainent d’importantes quantités d’eau qui, au lieu de s’infiltrer, sont rapidement évacuées vers le réseau hydrographique. Les routes sont souvent conçues pour faciliter cette évacuation, contribuant parfois à des problèmes d’inondation en aval. Il est crucial de considérer l’existence d’un réseau hydrographique artificiel parallèle au réseau naturel.
  • Surfaces imperméabilisées et toitures : Bien que représentant parfois de petites surfaces proportionnellement au terrain, elles génèrent d’importantes quantités d’eau de ruissellement qui peuvent être gérées à des fins bénéfiques ou problématiques.


Les routes en particulier peuvent intercepter une grosse partie de l'eau qui s'écoule entre deux parcelles qu'elle sépare. Plutôt que d'infiltrer la parcelle en aval, l'eau suit la route et s'évacue dans le réseau naturel.

D’énormes quantités d’eau circulent dans un véritable réseau hydrographique artificiel qui rejoint le réseau hydrographique naturel, contribuant à évacuer l’eau du paysage, plus ou moins assécher sols et aquifères, augmenter les crues en aval,…

Estimation des volumes d’eau

On peut calculer les volumes d'eau sur une parcelle en prenant en compte les cumuls de précipitations sur une période donnée, la surface du terrain, et son coefficient de ruissellement (inverse du coefficient d'infiltration).


Coefficient de ruissellement

Il s'agit du pourcentage de l’eau précipitée qui ruisselle et n’est ni infiltrée ni évaporée. C’est une estimation qui dépend de plusieurs facteurs :

  • Nature du revêtement : Les surfaces imperméabilisées (villages, toitures) ont un coefficient élevé (environ 0,9), tandis que les surfaces boisées ont un coefficient très faible (environ 0,1). Les routes ont des coefficients variables selon leur revêtement.
  • Type de sol : Les sols sableux (drainants) ont un coefficient plus faible que les sols argileux (moins perméables). Le type de culture (champ cultivé, pâture, forêt) influence également ce coefficient.
  • Pente du terrain : Plus la pente est forte, plus le ruissellement est important et le coefficient est élevé.
  • Type de précipitation : Les fortes pluies saturent rapidement le sol et augmentent le coefficient de ruissellement.

Voici quelques ordres de grandeurs de ce coefficient :

Type de terrain Coefficient de ruissellement
Bois 10%
Prés, champs cultivés 20%
Vignes, terrains nus 50%
Zones artificialisées, routes 90%

En fonction de la texture du sol, ce coefficient peut aussi varier[1] :

Texture du sol Cultures Pâturages Forêt
Sol sableux, graveleux 20% 15% 10%
Sol limoneux 40% 35% 30%
Sol argileux 50% 45% 40%

Estimation des volumes d’eau captés

En connaissant la hauteur des précipitations, la surface de captation et le coefficient de ruissellement estimé, on peut estimer le volume d’eau ruisselée grâce à la formule :

Volume (m³) = (Surface de captation x Coefficient de ruissellement x Cumul de pluie (mm)) / 1000


Il est important de calculer au niveau des différentes parcelles la quantité d'eau qui peut ruisseler de cette manière. L'objectif premier est de limiter ce ruissellement au maximum, en commençant par mettre en place tous les principes agroécologiques (couverts, apport de matière organique, fissuration du sol, pâturage) - l'idéal est que l'eau s'infiltre à 100% dans le sol. Un test de pénétration peut être fait pour comparer la capacité d'infiltration du sol aux maximums de précipitation (voir cette page en particulier).

Le cas échéant, le trop plein peut être stocké pour pouvoir s'infiltrer via des fossés tampons (baissières ou noues).

Données topographiques et relevés

Il est important d’obtenir une représentation graphique précise du relief pour étudier la gestion de l’eau. Cette représentation peut se faire avec un professionnel (topographe) ou bien soi-même à l'aide des outils suivants :

  • Échelle macro (bassin versant) : Pour étudier la zone autour de son terrain, notamment en amont, des outils en ligne comme Géoportail sont souvent suffisants. Géoportail offre des photographies aériennes, des cartes topographiques IGN (avec le réseau hydrographique et les courbes de niveau généralement tous les 5 mètres), et les parcelles cadastrales. Google Earth est une autre option pour visualiser le terrain et créer des données.
  • Échelle micro (terrain spécifique) : Pour une précision supérieure au niveau de son terrain, plusieurs solutions existent :
    • Photogrammétrie par drone : Permet de créer des modèles numériques en 3D précis du terrain, utile pour le design, mais reste une solution professionnelle onéreuse. Des solutions amateurs existent avec des drones personnels et des logiciels libres.
    • Géoportail : Bien que gratuit et complet en termes de données, sa précision altimétrique (courbes de niveau au minimum tous les 5 mètres) peut être insuffisante pour une représentation détaillée de la topographie locale.
    • Géoservice (IGN) : Offre des données de relevés altimétriques précis (courbes de niveau au mètre, voire moins) gratuitement depuis mars 2021. Cependant, ces données brutes nécessitent un traitement avec un logiciel de Système d’Information Géographique (SIG) comme QGIS pour générer les courbes de niveau et les superposer à l’image aérienne. Un tutoriel pour utiliser QGIS à cette fin est mentionné.


Cette page a été rédigée en partenariat avec Pleinchamp


Références

  1. Livre : Hydrologie 1 Une science de la nature. Une gestion sociétale de André Musy, Christophe Higy, Emmanuel Reynard