Approche RedOx en élevage laitier : Protocole & indication pour l'éleveur

De Triple Performance
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L'élevage laitier d'aujourd'hui fait face à de multiples défis : optimiser la production, garantir la qualité du lait, tout en respectant l'environnement et le bien-être animal. Dans ce contexte, la gestion des troupeaux est complexe et nécessite des outils innovants. C'est pourquoi Ver de Terre Production, en collaboration avec UniLaSalle, explore l'application de la méthode Redox comme indicateur de performance en bovin laitier.

Notre objectif est de répondre à une question centrale : l'utilisation de la méthode Redox, à l'aide d'un protocole simplifié pour l'agriculteur, peut-elle devenir une référence comme indicateur de performance (production, digestibilité, état de santé) dans les troupeaux bovins laitiers ?

Cet article vous présente cette approche, son protocole testé sur le terrain, et les premiers résultats observés par notre équipe dans le cas évoqué.


Comprendre la méthode Redox

Le potentiel Redox (Eh), ou potentiel d'oxydo-réduction, est la capacité d'un milieu à capter ou à donner des électrons. Cet équilibre est un indicateur crucial de la santé d'un système, qu'il s'agisse du sol, d'une plante ou d'un animal. En élevage, le pilotage Redox, tel que proposé par des experts comme Pierre-Emmanuel Radigue (5MVET), se base sur la mesure des variations d'oxydo-réduction dans les fluides biologiques des animaux (lait, bouse, urine) pour évaluer leur état de santé général.

Bien que la méthode soit très utilisée dans les productions végétales, elle s’applique aussi dans le cadre des productions animales. On peut observer notamment certains déséquilibres du Redox pendant les périodes dites “critiques”, telles que le vêlage ou les changements alimentaires, qui peuvent conduire à une altération de la production laitière, des urines et même des fèces[1][2].

Les éléments essentiels pour évaluer le Redox dans un élevage laitier sont le lait, l’alimentation, les bouses, l’urine et si vous en avez la possibilité, les jus du rumen via une sonde oro-ruminale (pratique restant encadrée par un vétérinaire) ainsi que le sang.

En étudiant ces indicateurs, nous pouvons appréhender la présence d’un stress oxydatif et/ou réducteur par le biais de ces différents fluides. On peut notamment évaluer la bonne ou mauvaise digestion au travers d’une étude du Redox dans les bouses (voir Santé des troupeaux & bio-électronique de Vincent ) ou encore un déséquilibre métabolique à travers le relevé des urines[2].


Les avantages de cette méthode

  • La détection précoce des problèmes de santé (dans le cas de l’analyse du sang ou des jus du rumen, non abordée ici), ce qui peut améliorer considérablement les chances de traitement réussi.
  • La surveillance de la santé digestive des animaux, ce qui peut avoir un impact significatif sur la rentabilité globale de l’élevage (meilleure valorisation des aliments ingérés, meilleure production laitière).
  • La contribution à une exploitation plus durable et plus rentable (allongement mieux maîtrisé du nombre de lactations par animal, donc une meilleure rentabilité sur le long terme et une réduction des émissions d’équivalent CO₂ par kilogramme de lait produit).


Du sol à l'animal : Une approche globale

Nos recherches ont souligné l'importance de l'équilibre pH/Eh dans le sol. Un sol vivant, riche en microflore, favorise une meilleure assimilation des nutriments par les plantes, ce qui se traduit par des fourrages de meilleure qualité. Une plante bien nourrie réduit le stress oxydatif et renforce l'immunité des animaux qui la consomment. Ainsi, la santé du sol est un levier central pour optimiser l'alimentation animale et le bien-être des troupeaux.

Des fourrages déséquilibrés ou oxydés peuvent entraîner un stress oxydatif chronique chez les bovins, nuisant à la digestion, à l'immunité et à la production laitière. L'ajout d'antioxydants naturels (vitamine E, sélénium, oméga-3, extraits de plantes) peut également aider à renforcer les défenses immunitaires des animaux[3]. Le suivi du potentiel Redox du lait permet aussi une détection précoce de pathologies comme la mammite subclinique.

Opportunités et limites de l'approche

Fiabilité et interprétation

Les outils portables utilisés sont pratiques mais moins précis que des équipements de laboratoire. La variabilité individuelle des vaches (stade de lactation, métabolisme, santé, génétique) influence aussi les résultats. Les prélèvements réalisés juste avant la traite pourraient également être affectés par le stress ou les hormones, pour une mesure sur l’état général du troupeau.


Pertinence de la méthode

Le Redox semble pouvoir révéler des déséquilibres passagers. Cependant, établir un lien direct avec les indicateurs classiques de production (TB, TP) reste complexe. Le Redox serait plutôt un outil complémentaire, reflétant l'état de stress oxydatif ou le métabolisme général, utile pour un suivi préventif en amont de problèmes plus graves.

Applicabilité pour les éleveurs

La mise en place du protocole demande une organisation rigoureuse et du temps, particulièrement pendant la traite. La collecte des bouses et urines est plus complexe au pâturage. Le changement de saison et d'alimentation influencent également les résultats.

Toutefois avec une bonne organisation, le protocole énoncé ci-dessus est tout à fait applicable et interprétable directement sur la ferme. Il peut également servir au suivi des vaches laitières les plus à risque ou simplement les plus productrices sur lesquelles vous avez envie d’une surveillance supplémentaire simple, sans investissement couteux.


Perspectives d'amélioration

Le protocole testé montre qu'un suivi métabolique simple et peu coûteux est possible. Pour l'avenir, nous envisageons :

  • Intégrer toutes les données (Redox, alimentation, production, santé) dans un tableau de bord numérique pour une vision d'ensemble.
  • Étendre l'expérimentation à d'autres fermes (bio, conventionnel, etc.) pour exercer la méthode dans d’autres types d’installation.
  • Compléter le Redox avec d'autres données (rumination) pour un diagnostic global et réactif de la santé du troupeau.


Conclusion

Après plusieurs mois d'analyses, notre projet confirme la pertinence scientifique de la méthode Redox en élevage. Bien que sa mise en œuvre sur le terrain puisse être complexe au début, elle offre un instrument facile d'utilisation, non intrusif et complémentaire aux méthodes de suivi traditionnelles.

Fluide Indicateur Zone optimale Interprétation Hors zone : causes possibles
Lait RedOx 200–270 mV Bonne activité métabolique mammaire, production stable <200 mV : stress oxydatif / inflammation chronique>270 mV : stress oxydant, déséquilibre alimentaire, carence antioxydants (vit. E, sélénium)
pH 6.6 – 6.8 Légèrement acide : normal pour le lait <6.5 : acidose métabolique / inflammation>6.9  : alcalose, déséquilibre digestif ou alimentation trop basique
Brix >10% Lait énergétique, bon apport nutritionnel (riche en lactose) <9% : ration trop pauvre en énergie ou stress métabolique
Urine RedOx +10 à -20 mV État oxydatif stable ou légèrement réducteur >+50 mV : stress oxydatif (ration déséquilibrée, inflammation)<-50 mV : surcharge réductrice (rumen en dysbiose, fermentation lente)
pH 7.8 – 8.2 Bon équilibre acido-basique <7.5 : acidose métabolique, excès de protéines dégradables>8.5 : alcalose, manque d’azote, carence énergétique
DS (densité spécifique) 1015 – 1025 Bonne hydratation, filtration rénale correcte, pas de surcharge pour le métabolisme <1010 : déshydratation, stress thermique>1025  : surcharge minérale, alimentation trop concentrée ou trop riche
Bouse RedOx ~-140 mV à -250mV Bonne fermentation ruminale (zone réductrice) >-100 mV : fermentation incomplète, fibres trop longues ou ration pauvre

<-250 mV : excès de sucres rapides, troubles digestifs

pH 6.7 – 7.2 Digestion équilibrée, bon pH ruminal <6.5 : acidose ruminale (cas rare), excès de concentrés>7.5 : digestion lente, fourrage trop ligneux
Fourrages Brix >10–12% Fourrage riche en sucres, bonne énergie disponible <9% : ensilage oxydé, mauvaise fermentation, récolte tardive ou sol en déséquilibre

Figure 1 : Tableau d’interprétation des données mesurés par les appareils


Cette page a été rédigée en partenariat avec UniLaSalle



Sources

  1. Hartman, 2021
  2. 2,0 et 2,1 Husson et al., 2021
  3. Nunn & al 2022 https://doi.org/10.3390/antiox11051012


La version initiale de cet article a été rédigée par Jean-Michel Feuillet Besnouin, Héloïse Danès et Emeline Carel.