Vitiforesterie : intégrer des arbres dans les vignes

De Triple Performance
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Arbres plantés en bordure de parcelles viticoles, espacés de plusieurs mètres des rangs de vigne © Marie-Pierre Lacoste


Face aux défis climatiques et environnementaux croissants, de plus en plus de viticulteurs s’intéressent à la vitiforesterie, une pratique qui associe arbres et vignes sur une même parcelle. Héritée de méthodes anciennes, cette approche agroécologique vise à restaurer des équilibres naturels tout en diversifiant les productions et en renforçant la résilience des vignobles. Cet article présente les principes, bénéfices et recommandations techniques pour intégrer efficacement les arbres dans les systèmes viticoles.

Pourquoi intégrer des arbres dans les vignes ?

La vitiforesterie associe deux plantes pérennes — les arbres et la vigne — sur une même parcelle. Plusieurs modèles existent : arbres en rangs entre les vignes, haies arbustives en bordure ou à l’intérieur des parcelles, ou encore arbres isolés directement intégrés dans les rangs. Issue de l’Antiquité, cette méthode traditionnelle replace la vigne dans son écosystème, en utilisant l’arbre comme tuteur vivant et en favorisant une relation symbiotique.

Les bénéfices écologiques sont multiples : meilleure valorisation de l’eau et des nutriments, enrichissement de la biodiversité (sols, faune, flore). Les arbres créent également un microclimat favorable grâce à l’ombrage, la réduction du vent, le maintien de l’humidité en période de canicule et un meilleur drainage en cas d’orage. Ils contribuent à atténuer les écarts thermiques extrêmes induits par le changement climatique. En outre, ils permettent de diversifier la production : bois d’œuvre, énergie, fruits, noix, etc.

Comment adapter les espèces d’arbres et les pratiques à la viticulture ?

Le choix des essences et des modes de gestion doit être adapté au contexte pédoclimatique ainsi qu’aux objectifs du viticulteur : améliorer la biodiversité, produire du bois ou des fruits, protéger contre les vents latéraux ou les écarts de température. Il est essentiel de choisir des espèces dont le cycle de vie est similaire à celui de la vigne afin d’éviter que les arbres ne survivent au vignoble. Par exemple, éviter les arbres à durée de vie courte comme le pêcher dans des vignobles à long terme.

Les alignements d’arbres sont souvent orientés nord-sud afin d’optimiser l’ensoleillement. Leur densité et les distances de plantation doivent être ajustées en fonction des contraintes de la parcelle, de la mécanisation, de l’entretien, et des réglementations (cahiers des charges, AOC). Il est recommandé de planter 30 à 50 pieds par hectare, avec un espacement de 3 à 5 mètres entre les arbres et les premiers rangs de vignes, et de 25 à 30 mètres entre les alignements.

Repères techniques

  • La régénération naturelle, via la conservation des arbres spontanés, renforce la résilience et la vigueur du système, ces arbres étant mieux adaptés au milieu local.
  • Les effets climatiques des arbres dépendent de la densité du feuillage, de l’espacement, de l’orientation et de la hauteur, qui influencent l’impact global.
  • La vitiforesterie est une pratique agroécologique à combiner avec d’autres techniques comme les couverts végétaux, la réduction d’intrants ou la gestion de l’irrigation.

Bénéfices écologiques des arbres et haies en viticulture

Les arbres et les haies absorbent l’excès d’eau en cas de fortes pluies, réduisant les risques d’engorgement. Ils limitent également les dégâts dus au gel en agissant comme tampon contre le froid extrême. En période sèche, l’évapotranspiration augmente l’humidité bénéfique à la végétation. L’ombrage réduit la température lors des canicules. Les haies denses agissent comme brise-vent, tandis que les alignements d’arbres élagués en canopée haute améliorent la ventilation des rangs.

Grâce à leur enracinement profond, les arbres favorisent l’infiltration de l’eau et des nutriments, tout en structurant le sol et en réduisant les risques d’asphyxie. Ils restaurent la biodiversité via des corridors écologiques et des interactions naturelles entre plantes, auxiliaires et ravageurs, réduisant les besoins en intrants. La matière organique issue des feuilles, racines ou bois broyé enrichit la fertilité du sol et stimule la vie microbienne.

Compétition hydrique et nutritionnelle

Les arbres ayant des racines profondes accèdent à des ressources hydriques inaccessibles à la vigne, mais une compétition peut survenir dans les 2 à 3 premiers rangs proches. Les études montrent que la compétition en azote est plus marquée que celle en eau (Trambouze & Goma-Fortin, 2013). Pour la limiter, on peut recourir à des techniques comme l’anneau racinaire (outil cranté) tous les trois ans. L’introduction de couverts végétaux, notamment de légumineuses, permet aussi de fixer l’azote et de le restituer au sol au profit de la vigne.

Gestion de la canopée

La gestion de la canopée est essentielle pour réduire la consommation d’eau. La taille hivernale permet de diminuer le volume de la canopée et du système racinaire, induisant une dégradation partielle des radicelles. La taille en vert en cours de saison réduit la transpiration. Un recépage tous les 5 à 10 ans permet aussi de maîtriser la taille des arbres afin d’éviter une trop grande compétition.

Pour aller plus loin (Bibliographie)

  • Bourgade E. et al. (2018). Agroforesterie et viticulture. Institut Français de la Vigne et du Vin, Itinéraires n° 28
  • Bastide I., Vinet M. & B., Domaine Émile Grelier, Wyss D., Delinat Consulting (2022). Agroforesterie en viticulture : une étape vers la résilience
  • Arbres et Paysages 32, Viticulture et agroforesterie
  • Triple PerformanceAgroforesterie en viticulture
  • Dupraz C., Liagre F. (2011). Agroforesterie : Des arbres et des cultures, 2e édition, Collection Univers Agricole
  • LPO Alsace – Les haies dans la vigne
  • Trambouze W. & Goma-Fortin N. (2013). Agroforesterie viticole : Résultats de 11 ans d’étude sur la production et la vigueur des vignes. Lire le rapport

La version initiale de cet article a été rédigée par Camille Archambaud, Angeline Almeida et Esther Le Toquin.