Réduire l'IFT en utilisant des cépages résistants

De Triple Performance
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Crédit photo: INRA
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Cet essai système a été conduit de 2012 à 2017 sur le site de La Grande Ferrade de l'INRA dans le cadre du projet Ecoviti Aquitaine.


Le système RES testé est intégré dans le dispositif RESINTBIO, qui a pour objectif de mettre en œuvre et d’évaluer des systèmes de culture viticoles en rupture par rapport au recours aux intrants phytosanitaires.

Contexte de l'expérimentation

  • Projet : Ecoviti Aquitaine - Expérimenter des systèmes viticoles à faible niveau d’intrants phytopharmaceutiques en Aquitaine.
  • Site : INRA La Grande Ferrade. 72 Rue Edouard Bourlaux. 33140 Villenave d'Ornon (44.787866, -0.577008).
  • Durée de l’essai : 6 ans.
  • Conduite : conventionnelle.
  • Type de production : vin de France.
  • Dispositif expérimental : le système est intégré dans un dispositif d’une superficie plantée totale de 1,8 ha, avec 3 systèmes testés, et 3 répétitions spatiales par système. Chaque parcelle fait 0,2 ha, constituée de 20 rangs de 68 ceps. La densité de plantation est de 6 579 ceps/ha.
  • Système de référence : aucun système de référence n’est testé sur le site, mais des références extérieures sont disponibles pour chaque indicateur.
  • Type de sol : sablo-graveleux avec certaines zones plus argileuses - 1,5 % de MO.

Origine du système

Le système est intégré dans le dispositif RESINTBIO, qui a pour objectif de mettre en œuvre et d’évaluer des systèmes de culture viticoles en rupture par rapport au recours aux intrants phytosanitaires.

Le système RES est conçu autour de l’utilisation de nouveaux cépages résistants au mildiou et à l’oïdium. Ce levier, associé à des techniques permettant la suppression des herbicides (travail du sol, couverts végétaux), vise une réduction très importante de l’IFT total pouvant aller jusqu’à la suppression totale de traitement.

Objectif de réduction d’IFT

Deliere_IFT.png

Par rapport à la référence régionale.

Stratégie globale

Evaluation selon la grille d'analyse ESR : Substitution-Reconception


Efficience : amélioration de l’efficacité des traitements. Substitution : remplacement d’un ou plusieurs traitements phytosanitaires par un levier de gestion alternatif. Reconception : la cohérence d’ensemble est repensée, mobilisation de plusieurs leviers de gestion complémentaires.

Le mot du pilote de l’expérimentation

Laurent Delière.

"Ce dispositif a été le premier en France à permettre la conduite et l’évaluation d’un système de culture mobilisant les nouveaux cépages résistants. Une plantation spécifique à été réalisée et les règles de décision associées à ce systèmes ont dû évoluer au cours du temps. Néanmoins, même si de nombreux points restent à travailler, cette expérimentation a permis de montrer tout le potentiel offert en viticulture par l’utilisation du levier de la résistance variétale pour réduire significativement le recours aux produits phytosanitaires" Laurent Delière.

Caractéristiques du système

  • Cépage : IJ134 (Artaban).
  • Porte-greffe : 3309C.
  • Densité : 6580 ceps/ha.
  • Mode de conduite : Cordon double.
  • Hauteur du palissage : 1,10 m.
  • Système d'irrigation : Non.
  • Année d'implantation de la vigne : 2011.
  • Entretien du sol : L’entretien du sol est réalisé sans herbicides. Le rang est entretenu mécaniquement. Les inter-rangs sont soit enherbés (semé ou spontané) soit entretenus mécaniquement lorsque les couverts présentent un impact négatif sur la vigueur de la vigne et l’état hydrique de la plante.
  • Infrastructures agro-écologiques : des haies avec 16 espèces arbustives séparent chaque parcelle élémentaire du dispositif.
Dispositif ResIntBio. Crédit photo: INRA.
Dispositif ResIntBio avec haie arbustive. Crédit photo: INRA.

Objectifs du système

Les objectifs poursuivis par ce système sont de 4 ordres :

Agronomiques

  • Rendement : Maintenir un rendement assez élevé (environ 10 t/ha) pour une valorisation du produit en Vin de France.
  • Qualité : Eviter tous défauts organoleptiques engendrés par les bioagresseurs.

Maîtrise des bioagresseurs

  • Maîtrise des adventices : Limiter la concurrence hydrique excessive.
  • Maîtrise des maladies :
    • Tolérance de symptômes sur feuilles et grappes, tant que l’objectif de récolte est atteint.
    • Limiter la présence de population de mildiou pour favoriser la durabilité des résistances.

Environnementaux

  • IFT :
    • Supprimer totalement les herbicides et les insecticides.
    • Réduire drastiquement les fongicides (IFT 0 à 3).
  • Toxicité des produits : Ne pas utiliser de produits CMR (cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques).

Socio-économiques

  • Coûts de production :
    • Maintenir des coûts de production bas, compatibles avec une valorisation du produit en vin de France.
    • Limiter le nombre de passages.


Pour des raisons réglementaires, la valorisation en AOC ou AOP n'est pas toujours possible en fonction des appellations, le plus souvent les vins issus de cépages résistants ne sont valorisables qu’en vins de Pays. Il faut donc assurer un rendement assez élevé.

Résultats sur les campagnes de 2013 à 2016

Maîtrise des bioagresseurs

Variété Artaban – Crédit photo : INRA.
Bioagresseurs 2013 2014 2015 2016
Maladies Mildiou Positif Positif Positif Positif
Oïdium Positif Positif Positif Positif
Black-Rot Neutre Négatif Positif Positif
Botrytis Neutre Positif Positif Positif
Ravageurs Tordeuse Positif Positif Positif Positif
Cicadelles

vertes

Positif Positif Positif Positif

Positif Bonne maîtrise / Neutre Maîtrise moyenne / Négatif Mauvaise maîtrise.


L’oïdium et le mildiou ont été parfaitement maîtrisés par la résistance sans recours à des traitements phytosanitaires complémentaires. Malgré l’implantation récente du dispositif sur un terrain sans vigne depuis du nombreuses années, le black-rot s’est rapidement développé en l’absence de traitements fongicides. Ainsi le développement des épidémies a entraîné en 2014 plus de 40 % de dégâts sur les grappes. A partir de 2015, une règle spécifique d’application des traitements phytosanitaires contre le black-rot a été mise en œuvre avec succès. Les ravageurs ne présentent pas de problèmes particuliers compte tenu des faibles pressions.

Performances agronomiques et environnementales

Deliere PerfAgro.png

Les objectifs en terme d’usage des produits phytosanitaires sont atteints avec un IFT inférieur à 2. Il s’agit de traitements contre la cicadelle de la flavescence dorée (uniquement en 2013) ou pour la maîtrise du black-rot. Quant aux objectifs de rendement, ils ont bien été atteints à partir de 2015. En 2013 et 2014, les objectifs de rendement n’ont pas été atteints compte tenu des dégâts engendrés par le black-rot (en 2013, des tris ont été réalisés pour supprimer les grappes attaquées par le black-rot au mois d’août) et, dans une moindre mesure la pourriture grise (2013). Par ailleurs, les rendements ont été légèrement impactés par des dégâts d’oiseaux, liés à la situation urbaine de la station expérimentale.

Deliere Couts.png

En matière de coûts de production, la taille et les travaux en vert représentent, avec plus de 50 % du coût total, les postes le plus importants. En effet, de nombreuses opérations on été réalisées manuellement (taille, épamprage, relevage), les cordons ont dû être formés et la densité de plantation est élevée.

La prophylaxie a consisté en l’élimination de vrilles, source d’inoculum de black-rot et représente un coût significatif. Le coût de la fertilisation est également assez élevé compte tenu de la sensibilité du cépage sur ce site à la carence magnésienne.

Sur ce dispositif, le coût total est donc trop élevé par rapport au potentiel de valorisation actuel (Vin de France). Néanmoins, les postes traitements phytosanitaires et observations sont très faibles. Par exemple les traitements phytosanitaires coûtent en moyenne 108 €/ha sur 2012-2016, soit dix fois moins que la référence standard.

Zoom sur des bio-agresseurs « oubliés »

L'usage des variétés résistantes au mildiou et à l’oïdium associé à une réduction drastique de l'utilisation des produits phytosanitaires entraîne une modification des profils parasitaires. C’est principalement le cas des bioagresseurs qui étaient habituellement aisément contrôlés par la répétition des traitements visant le mildiou et l’oïdium. En effet, durant les 5 années d’expérimentation nous avons pu observer une recrudescence importante du black-rot mais également l’apparition ponctuelle d’anthracnose ou encore la présence régulière d’érinose sur les grappes.

Crédit photos : INRA.

Transfert en exploitations agricoles

L’expérimentation a montré les potentialités offertes par les cépages résistants pour réduire l’utilisation des produits phytosanitaires dans les conditions de la pratique. Néanmoins, deux aspects nécessitent des approfondissements et des développements techniques :

  • Le potentiel de valorisation commerciale de ces nouveaux cépages sera un facteur clé pour leur utilisation à large échelle (aspects qualitatifs et réglementaires).
  • La durabilité des résistances utilisées est également un enjeu majeur du déploiement en exploitations. Des stratégies de gestion complémentaire, bas intrants, visant le mildiou et l’oïdium mais également les bioagresseurs non ciblés par la résistance doivent être définies et mises en œuvre.

Pistes d’améliorations du système et perspectives

Plusieurs pistes doivent être poursuivies pour l’amélioration de ces systèmes :

  • Un travail sur l’adaptation de ces systèmes à différents cadres de contraintes agronomiques et économiques. C’est notamment le cas pour les coûts de production, trop hauts malgré la baisse des charges liées aux traitements phytosanitaires. Différents scénarii doivent être testés : réduction de la densité de plantation, augmentation du degré de mécanisation, etc.
  • Une meilleure définition des stratégies complémentaires de gestion des bio-agresseurs, intégrant des indicateurs locaux et permettant de limiter l’usage des produits phytosanitaires en dernier recours. Les méthodes de gestion à efficacité partielle (biocontrôle, méthodes agronomiques) doivent également être intégrées dans ces stratégies.
  • L’utilisation d’infrastructures agro-écologiques, permettant d’augmenter les performances environnementales et favoriser les services écosystémiques du système. On peut penser par exemple à une meilleure réflexion sur la gestion des couverts végétaux pour favoriser à la fois la biodiversité fonctionnelle du système et la fertilité du sol.

Stratégie de gestion des maladies

  • Maladies cibles : Mildiou, oïdium, black rot
  • Objectifs : Maîtrise du black rot sur grappes et limitation du mildiou sur feuilles en fin de saison.
Seuls les principaux leviers permettant une réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires sont présentés sur ce schéma. Il ne s’agit pas de la stratégie complète de gestion des maladies.

Résistance variétale

  • Principes d’action : Utilisation d’une variété résistante INRA IJ-134 (Rpv1 - Rpv3 – Run1 – Ren3). Résistance totale à l’oïdium et partielle au mildiou.
  • Enseignements : Confirmation de la très forte résistance au mildiou, y compris en conditions de forte pression parasitaire. Quelques symptômes de mildiou sur grappes les années à forte pression. Augmentation des symptômes sur feuilles en fin de saison dans le cas d’années favorables. Sensibilité au Black-rot de la variété.

Traitements complémentaires mildiou

  • Principes d’action : Appliquer un traitement fongicide après la véraison, dans le cas de présence de symptômes et de conditions favorables (pluie). L’objectif est de limiter les niveaux de populations sur le feuillage pour limiter la formation d’oospores en fin de saison.
  • Enseignements : Aucun traitement n’a été nécessaire durant les années d’expérimentation.

Traitements Black-rot

Symptôme de black rot. Crédit photo: INRA.
  • Principes d’action :
    • Application des traitements en "curatif" d’évènements contaminants. L’objectif de ces applications curatives est d’augmenter la durée de protection couverte par les traitements, en bénéficiant de la curativité et de la préventivité des applications.
    • Un traitement en préfloraison dans le cas d’un inoculum sur feuille important et d’une pluie significative. L’objectif est de limiter les quantités d’inoculum sur feuille au moment de la grande sensibilité des grappes.
    • Un traitement entre Floraison et Fermeture en cas de symptômes et d’une pluie significative.
  • Enseignements : L’application de cette règle a permis le contrôle du black-rot avec un (2016, 2017) ou deux (2015) traitements. Quelques dégâts sont présents mais à un niveau compatible avec les objectifs de production. La recherche d’effet « curatif » limite le choix des fongicides. Les seuils d’intervention (fréquence de symptômes, quantité de pluie) restent à préciser.

Source

Réduire l'IFT en utilisant des cépages résistants - Système culture Expé. Document réalisé par : Laurent Delière (laurent.deliere@inra.fr), INRA, en 2018.

Action pilotée par le ministère chargé de l'agriculture et le ministère chargé de l’environnement, avec l’appui financier de l’Agence française pour la biodiversité, par les crédits issus de la redevance pour pollutions diffuses attribués au financement du plan Ecophyto.

Logos REXDeliere.png

Annexes

Leviers évoqués dans ce système

Bioagresseurs évoqués


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