Haies en systèmes sylvopastoraux : des ressources multifonctionnelles pour une agriculture durable

De Triple Performance
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Haies linéaires bordant un pâturage brouté par un troupeau de bovins. EARL Des Vieilles Rues © Ver de terre production

Face aux enjeux croissants de durabilité en agriculture, les haies retrouvent une place centrale dans la conception des systèmes agroécologiques, notamment en élevage. Leur intégration dans les pâturages ne relève plus seulement d’une approche paysagère ou environnementale : elles deviennent de véritables infrastructures vivantes, multifonctionnelles et stratégiques. Alliant bénéfices agronomiques, écologiques, économiques et sociaux, les haies en systèmes sylvopastoraux constituent une réponse concrète aux défis de la transition agroécologique, du bien-être animal à la résilience face au changement climatique.

Pourquoi intégrer des haies dans les systèmes de pâturage ?

L’intégration de haies dans les systèmes de pâturage, qu’elles soient inter- ou intra-parcellaires, offre de nombreux bénéfices à différentes échelles. D’un point de vue agronomique, elles améliorent les rendements, protègent contre l’érosion des sols, offrent de l’ombre bénéfique en période de fortes chaleurs et favorisent le bien-être animal. Elles fournissent également du fourrage ligneux, une ressource locale, accessible et durable. De nombreuses essences présentes dans les haies sont en effet consommables par les ruminants et peuvent constituer une ressource alimentaire complémentaire aux pâtures, permettant une meilleure gestion des pénuries de fourrage en période de sécheresse. Pour permettre le pâturage direct, les haies peuvent être conduites en têtard ou en cépée.

Sur le plan écologique, les haies favorisent le stockage de carbone et augmentent la matière organique à proximité des plantations. Elles jouent aussi un rôle dans la régulation de l’eau, en servant de zones tampons face aux excès ou au manque d’eau, tout en créant des corridors écologiques. Elles renforcent la diversité et la complexité des systèmes, hébergent de la biodiversité, et peuvent même contribuer à la régulation du parasitisme et des maladies. L’introduction d’arbres dans les pâtures favorise le développement d’un couvert végétal diversifié, améliore la pousse de l’herbe et augmente ainsi la productivité fourragère.

Sur le plan économique, elles peuvent générer des revenus complémentaires et permettre des économies, notamment sur les matériaux de litière. Enfin, elles ont un impact paysager et social non négligeable, en valorisant les territoires.

Concevoir une haie adaptée aux systèmes de pâturage

La réussite d’un projet de plantation de haies dans un système de pâturage repose sur une bonne compréhension du site. L’analyse doit se faire à l’échelle de la ferme et mobiliser plusieurs niveaux d’observation. Une lecture topographique permet d’identifier les interactions environnementales ainsi que l’influence de l’altitude et de l’exposition. Parmi les facteurs clés : l’altitude, la pluviométrie, les vents dominants, les caractéristiques du sol (texture, profondeur, pH, drainage, présence de pierres ou de calcaire actif) et la végétation existante. Il convient aussi d’identifier les écoulements d’eau (ruisseaux, fossés, mares, zones inondables), car ils influencent l’adaptabilité des essences à des sols humides.

Avant la plantation, il est important de définir clairement les objectifs de la haie : protection du bétail, biodiversité, rétention d’eau, production de fourrage, brise-vent, etc. Le choix des essences, la hauteur et le type de haie (fourragère, mellifère, brise-vent) dépendront de ces objectifs, de l’espace disponible, des contraintes du terrain et du type de bétail. Privilégier des essences diversifiées, de préférence locales, et intégrer plusieurs strates verticales permet de maximiser les bénéfices écologiques.

Repères techniques

  • Conserver au moins 20 % des jeunes arbres de manière permanente pour assurer la régénération naturelle de la haie.
  • Pour maximiser les effets agroécologiques, conserver une largeur minimale de 1,5 mètre et éviter la recépage en hauteur (topping), qui limite la croissance et diminue la valeur écologique et agronomique.
  • L’implantation doit tenir compte des caractéristiques de la parcelle : pente, risque d’érosion, vents dominants, sécheresse. L’ombre projetée doit également être anticipée.

Gestion intégrée des haies dans les systèmes de pâturage durable

Pour valoriser durablement le capital arboré, la mise en place d’un plan de gestion des haies à l’échelle de la ferme est fortement recommandée. Celui-ci permet de planifier les usages (bois d’œuvre, bois de chauffage, plaquettes), d’organiser les rotations de coupe, d’identifier les haies à régénérer, et de programmer les tailles de formation nécessaires.

Dans les systèmes pâturés, la protection des arbres est essentielle. Installer des clôtures à 1,5 mètre de la ligne de plantation permet un espace de croissance suffisant tout en donnant accès aux feuillages et jeunes pousses. La hauteur des clôtures peut être adaptée selon le type de bétail pour une gestion sur-mesure, et l’entretien des abords peut être facilité par le pâturage naturel ou des outils mécaniques.

Le pâturage des haies nécessite une régulation précise de la pression de broutage pour éviter la surexploitation de la partie ligneuse. Le pâturage tournant des haies par des bovins a montré de bons résultats, comme l’ont observé les premiers retours du système OAsYs (Novak et al., 2020), tandis que le pâturage continu par des génisses ou des vaches taries engendre des dommages plus importants : blessures aux arbres et érosion du sol au pied des troncs.

Certaines essences, comme le frêne, l’orme, l’érable ou le saule, présentent un bon potentiel fourrager du fait de leur digestibilité et de leur teneur minérale, certaines ayant également des vertus phytothérapeutiques. En période de sécheresse, les feuilles de châtaignier, noisetier ou sycomore, ainsi que les aiguilles de pin et les bourgeons, peuvent fournir jusqu’à 15 jours de ration aux bovins, caprins ou ovins.

Concernant l’entretien des haies, une taille annuelle en recépage est recommandée pour les jeunes haies (moins de 10 ans), avec des coupes à 10–15 cm du sol pour favoriser la ramification basse et la repousse racinaire, ce qui améliore la résistance et l’ancrage des plants. Pour les haies plus âgées, une coupe tous les 10 à 12 ans (recépage et éclaircie) est préconisée. L’ensemble des interventions d’entretien (taille, broyage à la base) doit être réalisé entre novembre et février, pour préserver la faune et réduire les risques sanitaires.

Pour aller plus loin (Bibliographie)

La version initiale de cet article a été rédigée par Camille Archambaud, Angéline Almeida et Esther Le Toquin.