Caractérisation du phénomène d'érosion et ses enjeux
La démarche de lutte contre l'érosion des sols se décline en trois étapes :
- Caractériser le phénomène d’érosion.
- Localiser et définir les enjeux liés aux impacts de l’érosion.
- Ancrer la démarche sur des éléments de terrain.
Description
Les éléments qui suivent décrivent le phénomène d’érosion à l’échelle du secteur amont du bassin versant de la Midouze.
L’exercice de modélisation a été réalisé sur un territoire de 1047 km², aussi ces éléments ne sont pas transférables de manière directe à une échelle fine. Pour autant de nombreux éléments sont exploitables et permettent à l’animateur d’avancer rapidement dans la compréhension de ce phénomène sur son territoire.
L'étape suivante consistera à partager les enjeux et mobiliser les acteurs sur le phénomène d'érosion.
Caractériser le phénomène d’érosion
Dans cette première étape, l’animateur doit s’attacher à comprendre et décrire les quatre principaux facteurs à l’origine du phénomène d’érosion à savoir :
- les sols,
- l’occupation du sol,
- la pente,
- les précipitations.
Et à identifier le type d’érosion, diffuse ou concentrée observable sur son territoire d’étude.
Le bassin versant : l’échelle de travail indispensable à la compréhension du phénomène d’érosion
Le premier travail consiste à appréhender les limites hydrographiques du territoire d’étude. Si le périmètre d’étude ne correspond pas à un périmètre hydrographique, il est indispensable de comprendre dans quel bassin et sous bassins hydrographiques il s’inscrit. En effet, la lutte contre l’érosion s’envisage à l’échelle du bassin versant puisque l’érosion hydrique est intrinsèquement liée à l’écoulement des eaux en surface.
Classiquement un bassin hydrographique correspond au bassin topographique. C’est une portion de territoire dont l’ensemble des eaux convergent vers un même point de sortie appelé exutoire : cours d’eau, lac, mer, océan, etc. Le bassin versant est limité par des frontières naturelles : lignes de crêtes ou lignes de partage des eaux. Les conditions du territoire (état de saturation du sol, urbanisation, réseau d’assainissement) peuvent modifier le bassin en déviant les eaux de leurs chemins topographiques initiaux.
Sols : Ǫuelle stabilité des sols face à l’érosion hydrique ?
On cherche ici à caractériser les sols en fonction de leur stabilité. Cette stabilité est notamment liée à leurs textures, qui correspond à la proportion entre les argiles, les limons et les sables ainsi qu’à la teneur en matière organique du sol.
A l’échelle du territoire de l’étude « Erosion Midouze », 58% des sols ont une stabilité faible liée à leurs textures limoneuse, limono-sableuse, sablo-limoneuse ou sableuse.
Cette faible stabilité des terres cultivées concerne plus particulièrement :
- Les sols bruns lessivés présents sur 26 % du territoire. Ces sols se caractérisent par une texture sablo-limoneuse à limono-sableuse, ils sont situés sur les pentes moyennes du secteur Bas-Armagnac.
- Les sols lessivés de très faible stabilité (31%), présentent une texture limoneuse à limono-sableuse sur les versants en rive gauche (glacis) ou zones de plateau/secteur Bas-Armagnac.
En amont, les sols sont plus stables grâce à la bonne stabilité structurale des calcosols et rendosols.
Résumé des textures identifiées, de leur localisation et de leur niveau de stabilité structurale :
Texture superficielle dominante |
Localisation |
Part dans le périmètre
d'étude (%) |
Niveau de stabilité structurale | |
---|---|---|---|---|
Fluviosols et Colluviosols Calcaires |
Fond de vallon et de
vallée alluviale / secteur Ouest-Garonne |
2% |
Moyenne | |
Fluviosols et Colluviosols non
calcaires |
Argilo-limoneuse |
Fond de vallon et de
vallée alluviale / secteur Bas-Armagnac |
12% |
Moyenne |
Calcosol et Rendosol | Argileuse à argilo- limoneuse | Marnes et molasses /
secteur Ouest-Garonne |
15% | Forte |
Sols bruns / Brunisols |
Limono-argileuse à argilo-limoneuse | Secteurs remaniés du
quaternaire ou zones pentues sur Sables Fauves |
13% |
Moyenne |
Sols bruns lessivés / Néoluvisols |
Sablo-limoneuse à limono-sableuse | Pentes moyennes ou basses
terrasses / Secteur Bas-Armagnac |
26% |
Faible à Moyenne |
Sols lessivés / Luvisols |
Limoneuse, limono- sableuse | Versants en rive gauche
(glacis) ou zones de plateau / secteur Bas-Armagnac |
31% |
Très faible |
Plateau des Sables des Landes / Nord du secteur d'étude |
1% |
Très faible (mais sol non battant) |
Qu’est-ce qui rend un sol sensible à l’érosion hydrique ?
- Son érodibilité : elle permet de déterminer le niveau de facilité avec lequel le sol a été érodé.
- Sa battance : qui est la propension du sol à générer un écoulement par la fermeture du sol et la formation d’une croute de battance.
Les sols limoneux et sablo-limoneux sont particulièrement sensibles à l’érosion, notamment lorsqu'ils sont pauvres en humus.
- Quels sont les types de sols sur mon territoire d’étude ?
- Quelles sont les différentes textures de ces sols et leurs niveaux de stabilité ?
- Repérer les sols de faible à très faible stabilité.
Occupation du sol : Quelle couverture végétale dans le temps et dans l’espace ?
Pour ce critère on cherche notamment à connaitre les périodes pendant lesquelles les sols sont sans couverture végétale lors des pluies intenses. Ce sont donc les rotations des cultures annuelles, c’est-à-dire la succession entre deux cultures et la période de sol nu, qui sont particulièrement importantes à appréhender.
Sur le territoire de cette étude, les surfaces agricoles occupent 70 % et les cultures annuelles 54 % de la superficie du territoire. Ce sont sur ces surfaces que le risque d’érosion est le plus important en période de sol nu, période correspondant au passage entre deux cultures.
Le maïs (principalement du maïs grain), couvre plus de 40 % des surfaces cultivées. Cette culture est pratiquée majoritairement en monoculture. Après récolte, les résidus sont laissés sur place jusqu’à la préparation des sols, l’année suivante. On observe ponctuellement d’autres cultures de printemps telles que le soja et le tournesol. Les prairies temporaires occupent 17 % des surfaces et entrent en rotation notamment avec des céréales d’hiver telles que le blé. La vigne occupe 7 % des surfaces. La majorité est enherbée sur l’inter-rang ou sur un rang sur deux.
Le croisement entre occupation du sol et texture de sol met en évidence que 32 % de la surface d’étude est concernée par des cultures à risque d’érosion sur des sols limono-sableux à faible stabilité structurale.
Critères influençant le ruissellement et l'érosion
Parmi les critères liés à l’occupation du sol qui influencent le ruissellement et l’érosion, on peut citer :
- La taille, la forme, le positionnement et l’orientation des parcelles.
- L’assolement sur l’ensemble du bassin versant.
- Les rotations pratiquées sur plusieurs années : les cultures principales et cultures intermédiaires.
- Les éléments fixes du paysage.
Quelle est la répartition de l’occupation du sol sur mon territoire ? Quelles sont les rotations pratiquées et quelles sont les périodes à risque : période de sol nu ?
Quels sont les axes préférentiels de ruissellement ?
Relief : Un relief qui a une influence
Le territoire d’étude se caractérise par des pentes soit très fortes soit plutôt faibles : 51% du périmètre présente des pentes supérieures à 6% (=3,4°) et 35 % du périmètre se situe sur des secteurs de pentes inférieures à 4% (=2,3°).
En amont, le territoire se caractérise par la prédominance de coteaux et de vallons formant un paysage ondulé. Le réseau hydrographique très ramifié s’organise dans des vallons symétriques (secteurs à fortes pentes) puis s’étend dans les vallées plus larges dissymétriques. Les pentes fortes favorisent l’apparition du processus d’érosion. Les sols minces s’observent en position sommitale ou rupture de pente, tandis que les sols profonds apparaissent au niveau des secteurs où le relief est plus atténué. En aval, le relief s’adoucit en lien avec des sols plus sensibles à l’érosion.
L’intensité de l’érosion est directement proportionnelle à la pente :
- L’érosion diffuse devient significative dès que la pente dépasse 1 degré.
- L’érosion en rigole sur le versant apparaît au-delà de 3 degrés et l’érosion par ruissellement concentrée dans les talwegs au-delà du seuil de 0,7 degré.
Même sur une parcelle de faible pente, un sol peu stable, (ex : limono-sableux) est sensible à l’érosion.
Précipitations : A partir de quelle intensité de précipitation le phénomène d’érosion peut-il être observé ?
L’objectif est d’identifier les évènements pluvieux susceptibles de déclencher un phénomène d’érosion.
Le ruissellement se déclenche lorsque la croute de battance est formée ou lorsque le sol est saturé. Ce phénomène est amplifié lors de pluies de forte intensité. On distingue deux périodes d’érosion :
- L’érosion hivernale, avec des pluies généralement continues et peu intenses.
- L’érosion printanière, avec des pluies courtes, intenses et des orages. L’érosion sur le territoire d’étude s’observe majoritairement en période printanière lors d’évènements intenses et courts dans la durée.
La fréquence d’apparition de précipitation annuelle (pluie dépassée en moyenne 1 fois par an) sur les stations météorologiques disponibles à proximité du territoire d’étude (Eauze, Mont de Marsan, Peyrusse Grande) varie autour de 17 mm pour une pluie d’une heure, cette valeur atteint 20 mm pour une pluie de 2 heures. Les précipitations sur le territoire atteignent rarement 40 mm mais ce peut être le cas ponctuellement. L’évènement pluvieux considéré pour la modélisation de l'érosion présentée ci-après s’appuie sur un évènement de 21 mm en 1 heure avec un précédent de 20 mm (pluie d’imbibition).
- Quels sont les évènements pluvieux à l’origine de l’érosion ?
Carte finale de l’aléa Erosion
La carte finale de l’aléa Erosion réalisée sur l’amont du bassin versant de la Midouze (1 047 km²) correspond à la combinaison par superposition des deux types d’érosion : érosion concentrée et érosion diffuse. Ces figures d’érosion sont issues d’une modélisation réalisée sous STREAM et calées pour la Midouze.
Les surfaces en prairies permanentes et boisées ainsi que les surfaces urbaines et en eau ont été considérées comme des secteurs où le phénomène d’érosion n’est pas visible. Ces occupations du sol figurent sur la carte et couvrent donc d’éventuelles traces d’érosion que le modèle aurait cartographiées. Cette hypothèse est à considérer avec précaution car les prairies permanentes peuvent être sujettes à un retournement et une reconversion en terres arables. Des phénomènes d’érosion peuvent être visibles dans certaines zones boisées et enfin, les surfaces urbaines peuvent générer un ruissellement important.
La carte finale a été modélisée sur une hypothèse de sols nus pour l’ensemble des surfaces en cultures annuelles, au printemps et pour un évènement pluvieux de 21mm/1h pour l’érosion de versant.
Les résultats mettent en évidence une grande sensibilité du territoire au phénomène d’érosion. La présence des cultures annuelles (54%), dont 29% de cultures de printemps, combinées aux sols lessivés (56%) et aux fortes pentes sont les principaux facteurs à l’origine de l’intensité de cet aléa.
Les résultats sont à interpréter au regard de la connaissance fine du territoire (en lien avec la compréhension des sols, de l’occupation des sols, des pentes et des précipitations appréhendées précédemment).
Localiser et caractériser les enjeux liés aux impacts de l’érosion
Les enjeux liés à l’érosion des sols sont organisés en trois thématiques :
- Les enjeux de sécurité des personnes, des biens et équipements : habitations et infrastructures de transport, captages Eau Potable, plans d’eau.
- Les enjeux sur les cours d’eau et les milieux naturels : cours d’eau, milieux naturels et biodiversité.
- Les enjeux sur la ressource en sol.
Habitations et infrastructures
La cartographie des habitations met en évidence le caractère diffus de ces dernières. Ainsi l’ensemble du territoire, y compris des petites communes rurales, peut être concerné ponctuellement par un phénomène d’érosion. Pour exemple, la commune de Monguilhem (≈ 300 habitants) a connu en 2008 suite à un évènement orageux de 27 mm en 20 minutes d’importants dégâts dans le secteur de la ville basse. Ces dégâts ont mobilisé les acteurs dans une démarche ZSCE (Zone Soumise à Contraintes Environnementales).
Concernant les infrastructures linéaires de transport, on notera également le caractère diffus des routes départementales, elles forment un maillage homogène sur l’ensemble de la zone d’étude.
Plans d’eau
Les plans d’eau sont considérés dans leur ensemble comme vulnérables vis-à-vis de l’aléa érosion car ce sont les premières zones de dépôts et de risque de pollution. Ceux destinés à la baignade apparaissent à un niveau d’enjeu supérieur du fait des enjeux économiques et de loisirs locaux. Certains acteurs témoignent d’une perte autour de 20 % du volume de stockage des plans d’eau au cours des 20 dernières années.
Ressource en eau et milieux aquatiques
Les particules de terres issues de l’érosion hydrique sont transportées jusqu’aux fossés et cours d’eau et sont à l’origine de la turbidité des eaux superficielles et de transport de polluants.
La distribution spatiale et temporelle des Matières En Suspension (MES) dans les eaux de surface met en évidence un enjeu de qualité des eaux important par rapport à l’aléa érosion. En effet, la qualité des eaux est mauvaise pour l’altération MES pour les stations situées en aval et sur la partie médiane du territoire d’étude (taux de MES > 50 mg/L).
A noter que ce paramètre MES traduit l’ensemble des particules de terres dans l’eau quelles que soient leurs origines (versants ou berges de cours d’eau). Par ailleurs le phénomène d’érosion hydrique peut engendrer un transport de polluants, ces polluants pouvant être transportés par l’eau ou par les particules de terres (colloïdes du sol). C’est le cas des pollutions dites « diffuses », qui peuvent concerner les nitrates ou les produits phytosanitaires.
Les eaux souterraines, protégées par des couches plus ou moins profondes ne sont quant à elles pas concernées par les problématiques de turbidité. Tous les captages d’eau potable situés sur le territoire d’étude sont issus de ressources en eaux souterraines.
- où sont localisés les enjeux du territoire : habitations, routes, cours d’eau, plans d’eau, ressource en sol ?
- Quel est l’impact de l’érosion sur ces enjeux ?
- Où sont localisées les coulées de boues, quels sont leurs impacts ?
- Quelle est la qualité des eaux, le taux de matière en suspension et son évolution annuelle ?
- Quelles sont les zones tampons existantes et appréhender leurs efficacités ?
Cette compréhension peut se faire sur la base d’enquêtes auprès des acteurs du territoire (services des routes, agriculteurs, élus), par l’exploitation de données de stations de suivi des cours d’eau (stations départementales), de données sur les catastrophes naturelles de type inondation et coulée de boues...
Ancrer la compréhension de l’érosion sur des éléments issus du terrain
Au-delà de la compréhension théorique du phénomène d’érosion et de ses enjeux, il est essentiel et indispensable pour l’animateur d’ancrer sa connaissance sur des constats, des observations, des témoignages sur le phénomène d’érosion. Pour ce faire plusieurs méthodes sont à combiner :
Exploitation des photos aériennes
Recherche des traces d’érosion sur photos aériennes. L’exploitation des photos aériennes sur « Google Earth » permet d’observer différentes dates de prises de vues aériennes et accroît les chances d’observations de traces d’érosion suite à un évènement pluvieux. Sur le secteur amont Midouze, les photos aériennes de 2008 apparaissent particulièrement intéressantes.
Observations sur le terrain
Observations sur le terrain en particulier sur les secteurs où des traces d’érosion sont mises en évidence par la modélisation ou les photos aériennes ainsi qu’à proximité des enjeux. Cette observation sur le terrain pourra être réalisée à plusieurs périodes de l’année afin d’observer les différentes couvertures végétales et la réaction du territoire. Les événements pluvieux précédant ces observations pourront être caractérisés (quantité de pluie et durée, secteur) afin d’apprécier le lien entre l’intensité de l’évènement pluvieux et l’intensité de l’érosion. Lors de l'observation sur le terrain, il est important d’appréhender la dimension du bassin versant et les chemins de l’eau.
En l’absence de traces d’arrachement bien visibles que forment les rigoles et ravines, on peut examiner les traces de dépôts récents ou anciens accumulés.
Ces différentes observations permettront de mettre en cohérence les traces d’érosion issues de la modélisation, celles observées sur photos aériennes et celles présentes sur le terrain.
Les traces d’érosion concentrée sont davantage visibles comparativement aux traces d’érosion diffuse. En effet l’érosion diffuse ne forme pas de sillons visibles. Pour autant l’érosion diffuse représente une part importante de l’érosion sur le territoire.
Glossaire
- Érosion diffuse : Ce type d’érosion intervient lors de la mise en place d’un écoulement diffus de surface et peut potentiellement concerner la majorité de la surface d’un bassin versant. Les particules de sol entrainées proviennent majoritairement des particules de sols détachées lors de l’impact des gouttes de pluies sur le sol (effet « splash »).
- Érosion concentrée : L’érosion concentrée intervient lorsque les écoulements se concentrent sous la forme de rigoles ou ravines lorsque leur taille augmente. Cette forme d’érosion arrache et entraine les particules de sol.
- Pluie d’imbibition : Précipitation qui correspond à la quantité d’eau que le sol peut infiltrer avant que le ruissellement ne se déclenche.
- STREAM : « Sealing and Transfert by Runoff and Erosion in relation with Agricultural Management » est un modèle spatialisé simulant le ruissellement et l’érosion en contexte agricole.
Sources
- Institution Adour, Sage Midouz, SCE. 2016. Démarche de lutte contre l’érosion des sols : De la préparation à la mise en œuvre. Gers, France, 23p.
- Guide pratique Erosion - Démarche de lutte contre l'érosion des sols, de la préparation à la mise en oeuvre
- www.sce.fr
Annexes