Saisonnaliser sa conduite au pâturage
L'adaptation saisonnière de la conduite au pâturage permet de :
- Choisir la stratégie générale de son système d’alimentation : prioriser le pâturage ou le stock ?
- Savoir réagir face aux aléas climatiques et ne pas subir des excès ou des manques de fourrage.
- Mieux s’appuyer sur la diversité des végétations sur la ferme.
- Créer de la disponibilité fourragère au pâturage au printemps et à d'autres périodes de l'année.
- Satisfaire les besoins alimentaires des animaux au pâturage tout au long de l’année.
Alors que le changement de saison est à la fois normal et accepté par tous, son côté aléatoire le rend le trop souvent subi par les éleveurs. Si le changement climatique, avec les extrêmes qui l’accompagnent, nous donne une raison d’aborder ce thème, il faut reconnaître que les éleveurs ont toujours eu à faire face à des fortes variabilités saisonnières.
Identifier les saisons et leurs variabilités, c'est :
- Reconnaître que les végétations et les besoins des animaux évoluent au fil de l’année : cela amène à raisonner la rencontre entre cette demande animale et la disponibilité fourragère au pâturage à chaque saison.
- Accepter qu’il n’y ait pas que le printemps dans son calendrier de pâturage : cela demande de reconsidérer la valeur alimentaire des végétations en pousse ou en report quelles que soient les saisons.
- Prévoir l’effet du prélèvement des animaux sur les végétations en fonction des saisons : cela permet de construire la ration et de maîtriser les dynamiques végétales.
Analyse du contexte saisonnier de la ferme
Chaque ferme a ses particularités saisonnières. Car, si le climat local existe, le parcellaire a ses propres caractéristiques saisonnières (c’est-à-dire ses périodes de pousse, ses vitesses d'épiaison, ses capacités à se maintenir sur pied, etc.). De plus, chaque éleveur définit « ses saisons » à gérer sur la ferme pour chaque lot d’animaux selon les besoins alimentaires qu’il cherche à couvrir et les périodes de pâturage souhaitées.

Variations saisonnières climatiques
Les saisons climatiques influencent les conditions de pousse de l'herbe. Elles fluctuent selon le contexte géographique et selon les années par l’intensité de la température et de l’humidité, par leur période d’apparition ainsi que leur durée.
Besoins alimentaires par type d'animal
Les préoccupations au sujet de la végétation disponible au pâturage sont avant tout dictées par les différentes périodes de demande alimentaire de chacun des types d’animaux. Cette demande varie en fonction du nombre d’animaux et des besoins physiologiques que l’éleveur cherche à couvrir en lien avec le calendrier de reproduction et de production. Elle dépend également des capacités alimentaires des animaux et de leur motivation au pâturage.
Le repérage de la diversité des lots et de leurs besoins permet d'identifier des périodes distinctes de demande alimentaire au cours des saisons.
Typologie des parcelles pâturées
Selon les espèces végétales et les conditions stationnelles (sol, exposition), le cycle des plantes se déroule à des rythmes variés. Les plantes croissent, se développent, fleurissent, fructifient et meurent non pas de façon synchrone. Ainsi, au sein d’une ferme, à une même saison, certaines parcelles sont en pleine pousse alors que d’autres n’ont pas démarré.
Le repérage du fonctionnement des plantes permet d'identifier des types de végétation ou de parcelle, qui offrent des disponibilités fourragères au pâturage différentes au cours des saisons.

La diversité des types de végétation est un atout pour allonger le pâturage.
Chaque couvert végétal a sa propre saisonnalité, offrant une opportunité d’utilisation plus facile à une saison donnée. Pour autant, le caractère saisonnier d’une surface ne peut pas toujours déterminer automatiquement « la bonne pratique » à mettre en place. Il est tout à fait envisageable de vouloir s’en servir à une autre saison ou de vouloir faire évoluer la végétation en place pour améliorer les caractéristiques réellement recherchées, en ajustant les pratiques en conséquence.
Optimisation des ressources pastorales saisonnières
La reconnaissance des saisons et de leurs variabilités sur la ferme amène à assumer le fait que la disponibilité fourragère ne sera pas toujours celle prévue et attendue. Les éleveurs ont donc à faire face, au début, à la fin ou au cœur d'une saison de pâturage, soit au « pas assez de fourrage disponible », soit au « trop de fourrage disponible » par rapport aux besoins alimentaires à couvrir.
Des leviers techniques existent pour réussir la rencontre entre la demande alimentaire des lots au pâturage et la végétation disponible sur les surfaces au cours des utilisations saisonnières.
Adaptation de la demande alimentaire
Les éleveurs font des choix stratégiques en organisant la demande alimentaire par saison pour chaque lot. Ils peuvent activer différents leviers pour faire varier cette demande :
- Réorganiser l'allotement : par exemple en jouant sur la taille du lot (augmentation ou diminution du nombre d’animaux) ou en redécoupant un lot existant en deux si les animaux n’ont pas des besoins similaires (création d’un lot que l’on va considérer à plus faibles besoins qui sera conduit sur les surfaces les moins riches et un lot à plus forts besoins sur les plus vertes), etc.
- Jouer sur les niveaux de besoins et la couverture des besoins : par exemple en sevrant plus tôt, en assumant une baisse de la quantité de lait ou de la vitesse de croissance ou d’engraissement (rattrapable si possible à une période plus favorable), en décalant dans le temps le pic de production laitière ou les mises-bas, etc.
- Modifier les choix de commercialisation : par exemple en avançant les périodes de vente pour décharger un lot d’animaux, en changeant la nature des fromages fabriqués pour s’adapter à la quantité de lait disponible, etc.
Allocation stratégique des pâturages
Il s’agit de décider des types et de la quantité des surfaces dédiés à un lot d'animaux avec des besoins alimentaires définis pour une saison donnée, en tenant compte de l’intensité ou la durée habituelle de la saison et des résultats de ses expériences les années passées.
Quels types de surface choisir ?
Il est logique de s’appuyer sur les aptitudes saisonnières des végétations pour décider des parcelles à affecter en priorité à une saison donnée. Par exemple les prairies poussantes pour le printemps et l’automne, les milieux frais plus ou moins en report sur pied pour l’été, les milieux secs en report sur pied pour l’hiver, etc. Mais il est tout à fait envisageable de vouloir s’en servir à une autre saison ou de vouloir faire évoluer la végétation en place pour améliorer les caractéristiques réellement recherchées, en ajustant les pratiques en conséquence. Par exemple des regains de pâturage ou de fauche, des reports plus ou moins complets de pâturage, etc.
Combien de surface affecter à une saison donnée ?
L'éleveur prévoit si possible des surfaces de base et de sécurité. Les surfaces de base sont affectées prioritairement pour la saison donnée. Elles peuvent être volontairement réduites, de façon à faciliter la gestion du prélèvement attendu sur la végétation.
Les surfaces de sécurité doivent pouvoir être utilisées de façon facultatives à une saison donnée. C'est à dire que la gestion de la végétation doit pouvoir être reportée (elles peuvent servir de surfaces de base pour une autre saison).
Gestion saisonnière du pâturage
Les conduites des animaux sur les surfaces choisies sont garantes de la réussite de la rencontre entre la demande alimentaire visée et la végétation disponible au cours d’une période de pâturage donnée. Les choix du mode d’exploitation des parcelles permettent d'orienter le prélèvement successif des animaux sur les végétations. Ce prélèvement est décidé à la fois :
- Pour agir sur la ration prélevée selon les besoins à couvrir. Les pratiques d’élevage et de pâturage influent sur la nature et la vitesse du prélèvement des animaux (motivation, stimulation de l’ingestion, apprentissage alimentaire, etc.) et modifient ainsi la valeur de la ration effectuée sur une même végétation. Par exemple : il est possible de laisser trier les animaux au pâturage ; de faire varier le chargement instantané ; d’organiser le repas au cours de la journée (parcs de jour et nuit, circuit de garde, point d’attraction, etc.) ; de distribuer du fourrage complémentaire et motivant par rapport au fourrage que l’on veut faire pâturer ou encore d’apprendre et d’habituer les animaux à élargir leur gamme de bouchées et leur capacité d’ingestion ou de digestion pour valoriser des végétations en report sur pied.
- Pour agir sur ce qu’on laisse. Les pratiques influent sur le cycle de développement annuel des plantes ce qui modifie la nature du disponible (en particulier la proportion de vert et de pailleux à une période donnée) et les conditions du milieu. Ceci a des conséquences sur la végétation disponible pour l’utilisation suivante. Par exemple : le déprimage au printemps retarde la sénescence et allonge donc la période de disponibilité en « vert » ; l’étêtage, en évitant la mise à graine, relance la croissance végétative et améliore donc la qualité du report sur pied pour l’été.
- Pour agir sur le maintien ou l'évolution de la végétation au fil des années selon ses objectifs. Les pratiques influent sur les conditions de vie des plantes : reproduction végétative ou par graine, survie des plantules, survie en lien avec la mise en réserve des plantes, concurrence entre espèces en lien avec les conditions du milieu (évolution de la fertilité, lumière, etc.). Ainsi, elles favorisent ou pénalisent certaines espèces végétales. Par exemple : un pâturage répété sur de l’herbe ou des ligneux en croissance pénalise plus ou moins les plantes prélevées selon leur vitesse de mise en réserve (nanification ou mortalité des espèces herbacées ou ligneuses) ; le maintien d’herbe haute ou des ligneux renforce les conditions de fraîcheur et de fertilité (protection du sol) ; etc.
Programmer une conduite pour chaque lot d'animaux et par saison
Les ressources alimentaires au pâturage se fabriquent par des conduites saisonnalisées des animaux et des surfaces. Elles ne dépendent pas uniquement des conditions climatiques ou stationnelles.
La programmation de la conduite des lots d’animaux et des surfaces à une période donnée aide, avec l’expérience des années précédentes, à s’adapter aux saisons et à leurs variabilités en prévoyant, à une période donnée, une conduite « de base » et une conduite « de sécurité » pour réussir malgré les variabilités saisonnières.
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Sources :
- SCOPELA, avec la contribution des éleveurs. Fiche technique du réseau Pâtur’Ajuste : Saisonnaliser sa conduite au pâturage. Novembre 2020. Disponible sur : https://www.paturajuste.fr/parlons-technique/ressource/ressources-generiques/saisonnaliser-sa-conduite-au-paturage