Choisir ses pratiques de fauche

Choisir ses pratiques de fauche

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Bien choisir ses pratiques de fauche permet de :

  • Faire varier les dates de fauche sans impacter le rapport quantité/qualité du fourrage, et répartir le chantier de récolte
  • Requestionner ce qui fait la qualité d'un fourrage récolté
  • Reconnaitre que les pratiques de fauche ont une influence sur la végétation et ne pas pénaliser le pâturage, au risque de devoir distribuer trop vite le fourrage récolté

Le but de cette fiche est de comprendre les liens entre les pratiques de fauche, le comportement alimentaire du troupeau et le fonctionnement de la végétation.

Dans les élevages, la fauche a différentes fonctions. Elle permet de récolter du fourrage pour nourrir le troupeau lorsque l’accès au pâturage est impossible. Elle permet de résoudre les décalages saisonniers entre les besoins alimentaires des lots d’animaux et la nature des ressources disponibles sur pied. Elle constitue une sécurité en cas de mauvaise année.

Si la constitution de stock est légitime, il faut considérer que les pratiques de fauche ne sont pas sans conséquence sur le rendement, la valeur du fourrage, la répartition annuelle de l’offre alimentaire et la place que tient le pâturage dans l’alimentation du troupeau. Avoir en tête la diversité des modalités de récolte possibles et leurs implications permet de choisir des pratiques de fauche cohérentes avec ses propres objectifs.

Cette fiche apporte des éléments de connaissance pour aider à choisir des pratiques de fauche adaptées à son système et oser les faire varier sereinement.

Cette fiche propose :

  • D’identifier les différents profils de croissance et de maturation des végétations présentes sur la ferme
  • De déterminer la quantité et la qualité des fourrages nécessaires selon le niveau de production recherché et la conduite d’alimentation mise en place
  • De considérer les implications de la fauche sur la disponibilité de la ressource sur pied au cours de l’année
  • D'anticiper les conséquences des pratiques de fauche sur l’évolution à long terme de la flore

Elargir sa vision de la récolte et faire varier ses pratiques de fauche

Varier les dates de fauche selon le type de prairies

Le principe d’un compromis entre la quantité et la qualité du fourrage est bien connu en élevage. Si on fauche tôt, on récolte un fourrage vert. Sa valeur azotée est forte mais la quantité de matière sèche est faible. Et inversement.

Ce principe résulte de l’enchainement progressif au cours du printemps de la croissance feuillue, puis de la floraison, et enfin de la fructification. Cette dernière est associée au mûrissement de la végétation. En effet, dès que la production de graine est assurée, les plantes rentrent dans une dormance estivale qui entraîne une descente de sève et la sénescence des feuilles. La quantité de fourrage augmente progressivement, avec dans un premier temps une diminution de la teneur en azote, une augmentation de la teneur en fibres digestibles, puis l’augmentation des fibres non digestibles.

En prairie précoce et productive, il faut faire un compromis entre la quantité et la qualité, car les plantes mûrissent vite, puis leurs tissus se dégradent


Néanmoins, si ce principe se vérifie dans des prairies à flores simplifiées et à croissance rapide, il devient moins exact dans les prairies à flores plus lentes ou à flores diversifiées qui offrent une souplesse de fauche. En effet, leur valeur nutritive se maintient sur un temps plus long. Cette propriété rend possible de récolter plus tard une qualité de fourrage similaire pour une quantité égale voir plus élevée. Ainsi, selon le profil de croissance et de maturation des différentes prairies de la ferme, on peut retarder les dates de fauche sans modifier le compromis recherché entre quantité et qualité pour le fourrage récolté (voir la figure ci-dessous).

Diversité de fonctionnement des prairies de fauches en fonction des espèces dominantes. Les graphiques représentent l’accumulation du fourrage dans la parcelle et l’évolution de sa composition biochimique (gradient de couleurs) au cours du printemps et de l’été : . début de printemps (dP), . plein printemps (pP), . fin de printemps (fP), . été (E) Le stade d'épiaison des graminées est représenté par la barre rouge

Selon la diversité et le type d’espèces végétales dans la parcelle, la saisonnalité de la croissance et de la senescence varie. En voici, quelques raisons :

  • Le démarrage de la croissance des espèces peut se faire dès les toutes premières élévations de la température, ou après seulement plusieurs semaines de températures clémentes
  • L’épiaison des graminées est associée rapidement à un arrêt de la croissance feuillue. Elle est donc le moment où la quantité de biomasse à récolter est maximale. L’épiaison varie selon les espèces : elle peut être précoce voire très précoce (dans la première partie du printemps) ou tardive voire très tardive pour d’autres espèces (au cours de l’été)
  • L’épiaison des graminées est également associée à la diminution de la digestibilité de l’herbe. Néanmoins, selon les espèces végétales, elle n’est pas toujours corrélée à une perte de leur appétence. Elle n’est donc pas forcément le moment où la valeur du fourrage diminue.

Evaluer la qualité des foins

La valeur d’un foin pour un lot d’animaux est souvent résumée à sa composition biochimique. Ce raisonnement n’est pas complet car il ne tient pas compte du point de vue de l’animal, c’est-à-dire de sa réelle motivation à consommer le fourrage qu’on lui distribue. En effet, la composition biochimique d’un foin est évidemment déterminante pour la digestion et le métabolisme de l’animal. Mais, la capacité de l’animal à ingérer, digérer et produire à partir d’un fourrage est construite et modulée par plusieurs pratiques de l’éleveur présentées ci-dessous.

Le niveau de production des animaux:

Le niveau de production des animaux (vitesse de croissance ou quantité de lait) est largement décidé et organisé par les éleveurs à travers le choix des périodes de reproduction, des périodes de commercialisation ou encore en fonction du bagage génétique des animaux. Il modifie les besoins alimentaires que l’éleveur cherche à couvrir par l’alimentation et conditionne le type de fourrage distribué. Pour valoriser l’ensemble des fourrages produits sur la ferme sans avoir recours à de la complémentation, l’éleveur peut ainsi différencier les foins récoltés pour les adapter aux variations des besoins alimentaires. L’éleveur peut également décider de limiter le niveau de production à l’échelle de l’animal et/ou selon les périodes de l’année. Par exemple, la distribution des fourrages de haute valeur nutritive, qui coûtent cher à produire et qui sont en quantité limitée sur la ferme, est privilégiée pour les animaux pour lesquels l’éleveur recherche un haut niveau de production.

Le niveau d’ingestion du fourrage

Le niveau d'ingestion du fourrage n’est déterminé qu’en partie par sa valeur nutritive. Il est aussi déterminé par son appétence, qui dépend de la motivation des animaux à ingérer le ou les fourrages proposés. Certaines pratiques motivent ou démotivent l’animal à manger. Par exemple, la distribution d’un foin peu appétent en tête de ration permet de profiter de l’appétit des animaux, à condition de ne pas amener trop rapidement un autre fourrage plus apprécié. De la même façon, lorsque la distribution est associée au pâturage au cours d’une journée, le type et la quantité de fourrage distribué sont choisis pour créer une synergie avec la ressource pâturée et non une compétition.

La connaissance des caractéristiques des fourrages

La connaissance préalable des fourrages par les animaux est un facteur important d’appétence. Goût, texture, odeur, conséquences digestives, effets physiologiques, sont des caractéristiques que les animaux sont capables de mémoriser à long terme et de mobiliser au moment de constituer leur ration. Ainsi, un foin grossier peut être appétent. Les apprentissages alimentaires sont d’autant plus faciles que les animaux sont jeunes. Par exemple, les jeunes peuvent apprendre à consommer volontairement et en grande quantité un fourrage fibreux peu valorisé par un lot de mères, grâce à une conduite adaptée permettant un apprentissage.

La fibre, un élément indispensable aux ruminants

Les ruminants ont un système digestif particulier qui leur permet d'utiliser les fourrages comme principale source de nutriments. Une ration qui ne contient pas assez de fibres peut conduire à des dysfonctionnements du rumen, qui peuvent se traduire par l’apparition de pathologies (l’acidose est probablement la plus connue) et par une baisse des performances. Une ration équilibrée en fibre favorise la rumination, activité coûteuse en temps mais indispensable pour la régulation du pH du rumen, la préparation des aliments à la dégradation microbienne, l’absorption des nutriments. Par exemple, la fauche précoce permet de produire des fourrages riches en azote qui détériorent l’équilibre nutritionnel des ruminant s’ils sont donnés seuls. Les éleveurs ajoutent alors souvent dans la ration une source de fibre comme de la paille.

La capacité d'ingestion des animaux

La capacité d’ingestion conditionne l’aptitude des animaux à valoriser des fourrages grossiers et encombrants. Les animaux disposant d’une grande capacité d’ingestion peuvent ingérer des quantités élevées de fourrage et atteindre des performances zootechniques équivalentes à celle obtenues avec un fourrage plus azoté mais consommé en quantité limitée. La capacité d’ingestion d’un animal est en partie innée car elle dépend de l’espèce et de la race. Mais elle est aussi en partie acquise. En effet, elle peut être augmentée dans le jeune âge de l’animal par une conduite appropriée. Après, c’est trop tard. La panse des ruminants se développe en fonction de sa sollicitation dans le jeune âge (avant la première mise-bas).

Par exemple, la distribution de fourrages grossiers et appétents à volonté à de jeunes animaux permet de solliciter la panse et de définir son volume pour le reste de sa vie.

Optimiser les repousses grâce à la fauche

La fauche, comme le pâturage, modifie le cycle de croissance et de reproduction des plantes au cours de l’année. Elle impacte donc l’intensité et la saisonnalité de la repousse des prairies. On peut choisir ses pratiques de fauche dans le but d’obtenir des repousses
qui seront bien positionnées dans l’année (date, quantité, qualité adaptée à un lot d’animaux donné). Les pratiques de fauche peuvent se différencier, entre autres, selon :

La date de la fauche

Une fauche au cours du printemps va provoquer une repousse feuillue si les conditions météo sont favorables. Une fauche en fin de printemps ou en début d’été sera suivie du repos végétatif des plantes donc il n’y aura pas de repousse avant l’automne.

La hauteur de la coupe

La coupe haute laisse davantage de feuilles sur pied qui vont continuer à produire de la photosynthèse. Ceci limite la mobilisation des réserves racinaires des plantes lors de la relance de croissance. Elle permet de réutiliser plus rapidement la parcelle (par la fauche ou la pâture).

La préparation par un pâturage de début de printemps

Le déprimage (pâturage des 1ères feuilles) oblige les plantes à relancer une croissance en début de printemps. La floraison est décalée mais n’évite pas la chute de valeur nutritive liée à l’épiaison des graminées.

Sur la moitié de la parcelle (à droite), le déprimage a décalé la croissance et l’épiaison. La prairie se tient mieux jusqu’à ce que les conditions soient favorables à la fauche du foin, et le fourrage sera plus appétent pour les bêtes.

L’étêtage (pâturage des 1ères feuilles et des jeunes épis) oblige les plantes à relancer une croissance, mais sans nouvelle floraison pour la majorité d’entre elles. Cela provoque généralement un rendement plus faible au second cycle, mais la valeur nutritive ne chute pas. On récolte un fourrage peu fibreux.

Sélectionner la flore par les pratiques de fauche

La fauche est une exploitation complète de l’herbe avec exportation de la biomasse. Sa combinaison avec les autres utilisations de la parcelle dans l’année (fauches ou pâturages) entraine une évolution de la flore. Pour comprendre le lien entre les pratiques de fauche et l’évolution de la flore, il s’agit d’avoir à l’esprit trois processus :

La mise en réserve d'énergie

Elle se déroule lorsque les feuilles sont photosynthétiques (de couleur verte). Elle est nécessaire pour que la plante dispose d’assez d’énergie pour relancer une croissance après chaque exploitation qui la prive de ses feuilles. Elle peut être pénalisée si la période de repos entre deux utilisations successives est réduite.

La mise à graine des plantes

Elle est nécessaire pour la reproduction d’un grand nombre d’espèces (sauf celles qui se reproduisent de façon végétative par des stolons, des rhizomes, etc.). Elle doit être respectée de façon à alimenter suffisamment la banque de graines dans le sol, ce qui peut être assuré par une mise à graine irrégulière (une année sur 3 ou 4 par exemple), ou par une mise à graine dans les bordures, les haies ou les parcelles voisines.

Le niveau de fertilité du sol

Il correspond à la capacité du sol à libérer les nutriments utiles aux plantes. Le niveau de fertilité est le résultat de l’activité du sol : dégradation de la roche mère, aération du sol, activité de la faune et des microorganismes, minéralisation de la matière organique.

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Sources

SCOPELA, avec la contribution des éleveurs. Fiche technique du réseau Pâtur’Ajuste : Choisir ses pratiques de fauche. Octobre 2018. Disponible sur : https://www.paturajuste.fr/parlons-technique/ressource/ressources-generiques/choisir-ses-pratiques-de-fauche



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