GAEC Le Nord Vendéen

De Triple Performance
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Emmanuel Bretaudeau, Samuel Bretaudeau, Cyrille Bretaudeau, Aymeric Delahaye, Melvin Raflegeau
Vendée (département) Élevage bovin lait, Elevage porcin

Le GAEC Nord Vendéen développe son autonomie dans plusieurs domaines notamment l’énergie et l’alimentation animale, c’est donc en partie dans cet objectif qu’une unité de méthanisation a été construite sur l’exploitation.

Fiche d’identité

  • Exploitation : GAEC Nord Vendée
  • Localisation : Cugand, Vendée (85)
  • Date d’installation : 2002
  • UTH : 8 (5 associés et 3 salariés)
  • SAU : 350 ha
  • Cheptel :
    • 310 truies en système naisseur-engraisseur
    • 135 vaches laitières (Prim’Holstein)
    • 180 génisses

Le système agricole

Présentation de l’exploitation

L'exploitation agricole est composée d’une équipe de 5 associés et 3 salariés, qui gèrent ensemble les 350 ha de SAU. L’activité est diversifiée autour de deux productions animales principales.

D'une part, un élevage porcin comptant 310 truies en système Naisseur-Engraisseur, avec 2800 places d'engraissement permettant la production annuelle de 9000 porcs.

D'autre part, un cheptel bovin comprenant 135 vaches laitières et 180 génisses, pour une production annuelle de 1 600 000 litres de lait. Les éleveurs ont pour projet une expansion qui leur permettrait d’atteindre les 2 millions de litres.


La production végétale est organisée pour soutenir ces activités d'élevage tout en valorisant la surface disponible. L'exploitation cultive :

  • 140 ha de maïs (90 ha de maïs grain destiné à l'alimentation porcine et 50 ha de maïs ensilage pour les bovins)
  • 140 ha de céréales (90 ha de blé et 50 ha d’orge)
  • 7 ha de féverole semence
  • 50 ha de RGI
  • 13 ha de prairies

Parmi les 350 ha, 280 ha sont irrigués.


Pour optimiser ses performances techniques et économiques, l'exploitation collabore avec plusieurs partenaires spécialisés :

  • un nutritionniste indépendant qui conseille sur l'alimentation des animaux
  • la coopérative COOPERL pour la filière porcine
  • les entreprises La Source et Pohu pour la gestion des cultures
  • et enfin Terra Lacta qui valorise la production laitière.

Historique

  • 2002 : Emmanuel Bretaudeau s'est installé avec 150 ha et 350 000 litres de lait.
  • 2009 : Samuel Bretaudeau (frère) l’a rejoint pour gérer la production porcine et la fabrication d'aliments à la ferme. Cette année a aussi été marquée par l'installation d'un robot de traite.
  • 2012 : Cyrille Bretaudeau (frère) est arrivé avec 200 000 litres de quota laitier supplémentaires et a pris en charge les cultures ainsi que l'engraissement porcin. A cette même période, un bâtiment de bien-être pour les porcs a été construit.
  • 2020 : Aymeric Delahaye a intégré l'équipe pour gérer les cultures et l'alimentation bovine. Cette année-là, l'exploitation a également investi dans une unité de méthanisation après avoir acquis un semoir direct en 2019 et adopté le strip-till. L'adhésion à l'APAD et l’accès à la certification "Au cœur des sols" en 2022 a confirmé l'engagement agro-environnemental de l'exploitation.
  • 2024 : Melvin Raflegeau a rejoint l'équipe pour la gestion du troupeau laitier.
  • 2025 : Installation de trois robots de traite et mise en place de la litière compostée pour les vaches laitières.


Cultures

Avant la méthanisation

Avant l’introduction de la méthanisation, l’assolement était similaire à l’actuel mais les exploitants pratiquaient des techniques culturales simplifiées : pas de labour (depuis 2012), mais un recours au cultivateur pour le travail du sol. Les effluents (fumier et lisier) étaient épandus principalement au printemps ou à l’automne à l’aide d’un pendillard pour le lisier de porc, puis d’un passage de cultivateur, de vibroculteur et enfin du semis. Ces passages d’outils entraînent des risques élevés de tassement et de compaction.

Des couverts végétaux (féverole, avoine et phacélie) étaient systématiquement implantés et détruits avec un cover-crop avant les céréales à paille et les maïs. Après récolte des pailles, un déchaumeur était utilisé pour préparer le sol, contrairement à aujourd’hui où les pailles sont désormais laissées au sol.

Aujourd’hui

Depuis la méthanisation, le choix du semis direct a été conforté, ainsi, le travail du sol est désormais supprimé, limité uniquement au passage du semoir à dents pour les céréales et du strip-till pour le maïs. Cette évolution vise à réduire l’impact des engins agricoles (consommation de fioul, temps de travail) tout en permettant des semis rapides post-récolte, soit pour implanter une CIVE (sorgho, tournesol, seigle ou vesce), soit pour installer un couvert restitué au sol.


Après la moisson, environ 35 ha sont semés en maïs précoce ou en sorgho-tournesol pour alimenter la méthanisation, tandis que le reste des surfaces reçoit des couverts végétaux. L’exploitation récolte également 42 ha de seigle-vesce pour la méthanisation. L’objectif est clair : maintenir un sol toujours couvert pour limiter les pertes par lessivage notamment.


Depuis que la méthanisation est fonctionnelle, la fertilisation se fait en partie grâce au digestat liquide, ce qui limite les intrants en engrais azotés minéraux (cf. le paragraphe “Valorisation de la méthanisation”).


Les agriculteurs ont décidé d’investir l’argent gagné par la vente de CIVE (à la méthanisation) dans l’achat de couverts bénéfiques pour le sol.

Surfaces irriguées






Pour ces cultures, l’épandage de digestat se fait avec un Duaferti branché au système d’irrigation (cf. le paragraphe “Focus matériel”).

Surfaces non irriguées


Sur ces surfaces, l’épandage se fait avec la tonne à lisier car il n’y a pas de réseau d’irrigation sur lequel se brancher et la fosse où est stocké le digestat est trop loin pour puiser directement dedans.

La féverole a vocation à réduire la pression des ray-grass résistants sur certaines parcelles, elle ne s'inscrit pas systématiquement dans une rotation.

Préparation des bouillies avec l’Aqua phyto

Pour chaque culture, l’eau utilisée dans la préparation des bouillies est optimisée (pH, dureté, déminéralisée), ce qui permet une réduction des doses des produits phytosanitaires de ⅔ (par rapport aux doses homologuées) sans pour autant amoindrir leur efficacité. Pour les herbicides racinaires, la dose des produits est divisée par deux.

Elevage

Bovin

En 2025, l’exploitation a remplacé la litière des vaches laitières en paille de blé par des copeaux de bois broyés achetés à une entreprise située à proximité de la ferme. Cette substitution permet de laisser au sol les pailles et chaumes des céréales, contribuant ainsi à l’enrichissement en matière organique et à la structuration des sols. La litière est brassée quotidiennement à l’aide d’un cultivateur, assurant une bonne aération pour le processus de pré-compostage des copeaux de bois. L’objectif des éleveurs est de curer une à deux fois par an (au printemps et en septembre, pour pouvoir épandre les copeaux de bois sur les céréales), cependant, ce système est trop récent pour savoir si cela est réalisable ou s’ils devront augmenter le nombre de curages, par exemple l’hiver en cas de périodes humides.  Les copeaux pré-compostés de la litière sont retenus par un dégrilleur afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent dans le méthaniseur (seul le lisier est envoyé en méthanisation).


Les vaches laitières se trouvent dans un bâtiment inspiré du système israélien, c’est-à-dire une étable couverte par un toit mais complètement ouverte (sauf du côté Est-Ouest à cause des pluies principales), ainsi, l’air circule et les courants d’air régulent la température sous le bâtiment en été.

Porcin

L’élevage porcin est mené en 4 bandes et 5 semaines. Les porcs en engraissement sont sur trac[1], ainsi, un racleur sépare les phases solide et liquide.

Système TRAC pour les bâtiments porcins

Ce système permet :

  • une réduction de 50% des émissions d’ammoniac
  • la valorisation de la partie solide dans l’unité de méthanisation
  • la valorisation du lisier par l’épandage
  • l’amélioration du bien-être des animaux.

Une ferme en cours d'autonomisation

La ferme vise une autonomie alimentaire progressive en fabriquant ses propres aliments (maïs grain et ensilage, blé et orge), les grains sont alors stockés entiers dans des cellules et le maïs humide (destiné à nourrir les cochons) est stocké dans un silo tour. Les éleveurs doivent encore faire quelques achats pour compléter les rations : soja, colza, blé, orge, tournesol et minéraux.

L’autoconsommation électrique via des panneaux photovoltaïques et le chauffage à partir du bois issu de la taille des haies bocagères (≈210 m³/an) illustrent une approche énergétique cohérente et durable.

Ventes

En 2017, une épicerie a été montée sur la ferme par deux associés (Florian Boudaud et Fabien Bretaudeau), afin de vendre en direct une partie de la production du GAEC.

Depuis 2023, elle a été déplacée dans une zone commerciale à proximité de la ferme mais a toujours le même objectif. Ainsi, le GAEC Nord Vendéen vend à l’épicerie 60 000 litres de lait par an et 10 à 15 porcs chaque semaine.

Aujourd’hui, l’épicerie a plusieurs activités (boucherie, charcuterie, transformation de boeufs et de porcs, traiteur et transformation de lait (fromage frais, beurre, fromage blanc, crème fraîche, riz au lait, yaourt et crème dessert)) et vend des produits diversifiés en travaillant avec d’autres producteurs.


Le reste des ventes se fait :

  • à Terra Lacta pour le lait
  • et à la coopérative COOPERL pour les porcs

Présentation de l’unité de méthanisation

Mise en place

Les agriculteurs ont commencé à se questionner sur la possible installation d’une unité de méthanisation à la ferme en 2012. A l’époque, la réflexion, en partenariat avec le cabinet ASTRADEC, portait sur une méthanisation en co-génération. Ces démarches ont été lancées dans la perspective :

  • de réduire les nuisances olfactives pour le voisinage
  • de valoriser les effluents d’élevages
  • d’apporter un revenu supplémentaire


Dans une logique d'économie circulaire déjà bien ancrée au sein de l'exploitation, la méthanisation représentait une étape supplémentaire.

Cette ambition a été mise en pause jusqu’en 2018 car les éleveurs avaient beaucoup de travail sur l’exploitation.

Finalement, ils ont opté pour un méthaniseur en injection de gaz car une arrivée de gaz est située à proximité de la ferme. La construction du bâtiment s’est déroulée de 2019 à 2020 avec le partenaire PlanET.

Les agriculteurs n’ont pas eu de problèmes de voisinage lors de l’installation de leur projet car la ferme est relativement isolée et il n’y a pas de transport d’effluents d’élevage.

Financement

La construction de l’unité de méthanisation a coûté environ 3 millions d’euros. Ce coût s’est réparti entre 3 acteurs :

  • le GAEC représente 45% des investissements
  • Vendée Energie 25%
  • et les associés en tant qu'individus 30%


En 2025, la part de chaque actionnaire du méthaniseur a évolué :

  • le GAEC détient toujours 45% du méthaniseur
  • les associés en tant qu'individus ont maintenant 50%
  • et Vendée Energie n'a plus que 5%

Aujourd’hui, Vendée Energie n’a plus qu’une petite part dans le méthaniseur mais sa présence permet aux agriculteurs d’être accompagnés et de rassurer les banques.

Mise en service

L'exploitation a mis en service l’unité de méthanisation à la ferme le 15 décembre 2020. Cette installation comprend un mono-fermenteur de 2800 m³ qui injecte 65 Nm³/h, les agriculteurs n’utilisent que la moitié de la capacité du méthaniseur car ils n’ont pas besoin de plus (capacité maximale = 120 Nm³/h).

Au total, l'unité traite 10 950 tonnes de biomasse par an, soit environ 30 tonnes par jour.

La ration quotidienne du méthaniseur se compose de :

  • 10 m³ de lisier de bovin
  • 13 t de fumier des génisses (les génisses sont dans un bâtiment à part avec une litière en paille)
  • 2 t de fraction solide issue de la séparation de phase des déjections porcines
  • 3 t de CIVE sorgho-tournesol
  • 2 t de CIVE seigle-vesce

Aujourd’hui, le fabricant du méthaniseur assure la maintenance.

Valorisation de la méthanisation

Digestat

Les agriculteurs utilisent tout le digestat produit par la méthanisation dans la fertilisation de leurs cultures, soit environ 10 000 m³ de digestat. Ce dernier est stocké dans :

  • une fumière couverte pour la phase solide
  • une des trois fosses couvertes de l’exploitation pour la partie liquide (le volume de chaque fosse est de : 1800 m³, 2000 m³ et 4000 m³)


Cette démarche leur a permis de diminuer les intrants en engrais azotés minéraux (un mètre cube de digestat contient l’équivalent de 7 unités d’azote dont 2,5 d’azote ammoniacal et 4,5 d’azote organique) :

  • avant la méthanisation, la consommation annuelle était de :
    • 56 t d’urée
    • 28 t d’ammonitrates
    • 28 t d’azote soufré
  • après la méthanisation, la consommation annuelle est de :
    • 56 t d’urée
    • 10 t d’azote soufré

Cette réduction s’explique principalement par une meilleure valorisation des effluents organiques, rendue possible grâce à l’épandage sans tonne, via un système de rampe connecté au réseau d’irrigation. Ce mode d'application permet une substitution efficace de l’azote minéral, tout en limitant les pertes par volatilisation.


L’épandage sans tonne via le réseau d’irrigation limite les allers-retours des engins lourds ce qui a permis :  

  • une réduction significative de la consommation de fioul
  • la préservation de l’état des chemins agricoles
  • la forte réduction du tassement des sols.

Par ailleurs, cette méthode offre une meilleure précision d’application, avec la possibilité de réaliser des apports fractionnés et ciblés au moment le plus opportun pour les cultures, en fonction de leurs stades et des conditions météorologiques. Elle s’inscrit ainsi pleinement dans une logique d’optimisation des effluents et de cohérence avec les principes de l’agriculture de conservation des sols.

Filtres à charbon

Des filtres à charbon sont utilisés en aval du digesteur, juste avant l’injection. Ces derniers nécessitent 4 m³ de charbon par an pour fonctionner correctement. Les agriculteurs font analyser ce charbon chaque année, afin de vérifier l’absence de métaux lourds par exemple, et de pouvoir l’épandre au printemps en utilisant un épandeur d’engrais (le charbon est sous forme de petits granulés). En effet, cet épandage permettra d’enrichir le sol en soufre car le filtre à charbon sert à bloquer le soufre avant l’injection de gaz dans le réseau.

Focus matériel

Le digestat est épandu grâce à un épandeur sans tonne Duaferti. Ce dernier est composé d’une rampe de 30 m couplée à un enrouleur qui sera connecté au réseau d’irrigation lors de l’épandage (le réseau d’irrigation est alors connecté à la fosse de stockage du digestat). L’épandage se fait en deux passes - l’une en marche avant et l’autre en marche arrière, avec la rampe qui se plie entre les deux passes.

Ce système innovant permet l’application de digestat sur céréales, maïs et prairies, y compris en période de végétation avancée (grâce aux passages de traitement et inter rangs de maïs). Cette démarche permet de limiter la volatilisation de l’azote et les pertes par lessivage, tout en réduisant le tassement des sols.

Bilan

Economique

  • L’utilisation du digestat a permis de faire des économies sur les intrants minéraux azotés.
  • La méthanisation permet une diversification des revenus du GAEC.

Environnemental

  • Utilisation d’un système sans tonne pour l’épandage qui impacte peu les sols.
  • Utilisation d’un système Aqua phyto pour diminuer les quantités de produits phytosanitaires.
  • Epandage fractionné selon les besoins des cultures.

Sources

  • Interview téléphonique d'Aymeric Delahaye le 23/10/2025 et le 07/11/2025.
  1. Thomas Dagorn. 2020. Porc : un bâtiment qui respire par le dessous. [21/11/2025]. https://www.paysan-breton.fr/2020/11/porc-un-batiment-qui-respire-par-le-dessous/