Biochar

De Triple Performance
Aller à :navigation, rechercher
Biochar
Intrant

Le biochar est un charbon d’origine végétale, résultant de la pyrolyse (combustion partielle à haute température et sans oxygène) de biomasse pouvant avoir différentes origines (résidus de culture, déjections solides, paille, bois, etc.). Il est de plus en plus utilisé en agriculture en tant qu’amendement, activateur de compostage ou en mélange dans des substrats horticoles, grâce à ses différentes propriétés physico-chimiques.

Origine

La manifestation la plus emblématique du biochar se trouverait dans la « terra prêta » (terre noire en Portugais). Ces parcelles particulièrement fertiles se situent au cœur de l’Amazonie, tout près de terres très dégradées. L’analyse de cette « terra prêta » a révélé qu’il y a plus de 2 000 ans, les Indiens d’Amazonie pratiquaient l’enfouissement de biochar dans le sol, maintenant le fort potentiel de fertilité de ces parcelles jusqu’à aujourd’hui[1].

Fabriquer du biochar

Sarments de vigne destinés à être brûlés

Les matières premières

Le biochar peut être produit à partir de n’importe quelle matière végétale, suivant sa disponibilité et son coût.

  • Les résidus agricoles et forestiers : bois, branchages, copeaux, pailles, effluents d'élevage
  • La biomasse issue de l'industrie : drêches, marcs, coques, noyaux, co-produits filière bois
  • Les déchets de collectivités : déchet verts et plantes, déchets alimentaires, boues d'épuration

Si l'on souhaite se lancer seul dans la production de biochar, l'étape de broyage est nécessaire.

La pyrolyse

La pyrolyse lente est la plus répandue :

  • Absence d'oxygène
  • Température entre 350°C et 700°C
  • Temps de séjour entre plusieurs minutes ou heures

Vers 350°C, il y a formation d'environ 35% de biochar et de 10% de gaz. Une pyrolyse rapide maximise la production de gaz et/ou d'huile.

Les méthodes de production[2]

Il existe différentes méthodes artisanales pour produire du biochar :

  • Cônes creusés dans le sol
  • Système «Kon Tiki»
  • Système «Retort»
  • Système «TULD»

Il existe des systèmes plus industriels comme les réacteurs industriels sur-mesure ou modulaires et d'autres semi-industriels.

Coût relatif d'achat des différents systèmes de production de biochar (source : Rézomes)
Exemples Coûts
Fours artisanaux à

foyers fixes ouverts

Trous coniques dans le sol

Fours « Kon Tiki »

0-10 K€
Fours artisanaux à

foyers fixes fermés

Systèmes « TLUD »

Systèmes « Retort »

0-20 K€
Réacteurs semi-industriels Systèmes à rideau d’air

Unités de production de

charbon énergie

50-500 K€
Réacteurs industriels Réacteurs modulaires

Réacteurs sur-mesure

1 - XXX M€

Fonctionnement physico-chimique

Le biochar, cumule de nombreux avantages pour le climat, l’environnement et possède des bénéfices agronomiques. Composé essentiellement de carbone, le biochar possède une structure poreuse et stable dans le temps[3]. Cette structure lui permet entre autre de :

  • Séquestrer du carbone : Le biochar est composé à 80% de carbone stable. C'est le fruit de la pyrolyse qui réarrange les molécules et rend sa décomposition par les microorganismes du sol plus difficile.
  • Améliorer la rétention en eau et en nutriments du sol : La pyrolyse crée des micropores qui retiennent l'eau. Ce qui augmente la rétention de l'eau, allant jusqu'à une augmentation de 18% de rétention. Néanmoins, l'eau n'est pas pour autant plus disponible.
  • Augmenter l’activité (micro)biologique : Les pores du biochar constituent des habitats pour les microorganismes, avec une augmentation d'environ 40% de champignons mycorhiziens. Les vers de terres anéciques peuvent également être favorisés avec un mélange compost et biochar issu de compost[4].
  • Augmenter la capacité d’échanges cationiques (CEC) : Les groupes fonctionnels à la surface du biochar, lui permettent de retenir les cations (K+, P+) et augmente ainsi la capacité des sols à retenir les nutriments[5] (jusqu'à 50% de plus[6]).
  • Augmenter le pH du sol : C'est un matériau alcalin, il est composé de calcite et de divers oxydes, qui augmentent le pH du sol dans lequel il est introduit. Il s'adapte bien aux sols acides et tropicaux.
  • Réduire le stress hydrique : Les mélanges âgés permettent une meilleure tolérance des plantes à la sécheresse à court terme (1 semaine de stress hydrique)[7]. À moyen terme, les mélanges âgés et frais tamponnent les effets du stress hydrique dans une moindre mesure.


Les bénéfices apportés par le biochar dépendent :

  • De la qualité de la biomasse initiale.
  • Des conditions pédoclimatiques[8].
  • De son âge.
  • De sa composition (ratio biochar/compost).
Diversité des biochars en fonction des matières premières et de la température

Utilisation et application en agriculture

Comment utiliser le biochar?

Les techniques d’utilisation et les doses ne sont pas clairement définies, néanmoins, on peut dégager différentes méthodes d’utilisation en fonction des filières (n'hésitez pas à partager avec nous votre expérience sur le sujet dans la zone de commentaires en bas de page).

  • Horticulture et maraîchage : Le biochar peut être utilisé en remplacement ou en incorporation dans des substrats non renouvelables comme la tourbe. Il peut être utilisé en enfouissement, combiné à de l’engrais à une teneur d’environ 35%[9].
  • Viticulture : Le biochar peut être appliqué à une dose de 6 tonnes/ha et mélangé à du compost, à 40cm du rang et à 30 cm de profondeur : il réduit le stress hydrique et augmente la densité du couvert[10].
  • Arboriculture : Le biochar peut être épandu en enfouissement (rang et inter rang) sur 5cm à 5 tonnes/ha[11].
  • Lorsqu’il est utilisé seul comme amendement, la quantité recommandée est d’environ 2 à 5 tonnes par hectare[3].
Différents ratios de biochar + compost : le ratio 30% de biochar et 70% de compost est conseillé

Outre son usage en tant qu’amendement, le biochar peut être utilisé à des fins de traitement des fumiers et des litières (réduction des odeurs et des gaz à effet de serre), ainsi qu’en tant qu’additif pour le compostage, l’ensilage, la méthanisation ou encore l’alimentation (effet positif sur la digestibilité, le gain de masse et l’apport en nutriments)[12].

Bénéfices

L’utilisation de biochar revêt un double bénéfice :

  • La production d’énergie renouvelable (biogaz et huiles) lors de la pyrolyse. Les gaz et huiles produits lors de la pyrolyse peuvent être captés et réutilisés ou bien directement brûlés.
  • L’amélioration de la qualité des sols :
    • Le biochar augmente la CEC, permettant ainsi d’améliorer la rétention des nutriments et d’éviter les phénomènes de lessivage.
    • Il permet aussi la rétention d’eau (d’autant plus sur un sol grossier) et fournit un habitat pour les microorganismes.
    • La rétention et la disponibilité de l’eau et des nutriments ainsi que la présence de nombreux microorganismes permettent une meilleure croissance des plantes et donc de meilleurs rendements.
    • L’apport de biochar, dont le pH se situe entre 7 et 10, rééquilibre les sols acides[3].
    • La stabilité et la résilience du biochar dans le sol permettent en une seule application de créer et de maintenir une fertilité de longue durée.
Effets agronomiques du biochar selon une méta-analyse basée sur 371 travaux scientifiques (Source : Biederman & Harpole - 2013).

Risques et freins à l’utilisation

  • Risque de réduction de l'efficacité des herbicides : le biochar entraînerait l’inactivation des herbicides [13]. Cette observation reste préliminaire et dépend du type d’herbicide et d’adjuvants utilisés.
  • Coût élevé du biochar, 600-800€ / tonne[8], ce qui le rend difficile d’accès pour des systèmes de grandes cultures. Avec un apport conseillé de 2 à 5 tonnes/ha, cela engendrerai des coût de 1400€ à 3500€/ha. Il est néanmoins intéressant à utiliser sur des petites surfaces, en serre ou sur des plantes pérennes, et est autorisé en agriculture biologique.
  • Disponibilité de la biomasse et de la production : Seulement 2 unités industrielles de production de biochar en France, coût potentiel du transport important. Une utilisation massive du biochar pourrait entraîner une pression sur les ressources naturelles s'il n'est pas géré durablement.
  • Contamination des sols avec une biomasse initiale polluée.
  • Fabrication artisanale compliquée : chronophage, matériel, manque de législation sur la pyrolyse (interdiction de faire des feux dans certaines régions et à certaines périodes), etc. Exemple de tutoriel Four à Biochar sur le Low-tech lab.
Inconvénients liés à l'utilisation (excessive) du biochar

Production industrielle

Il existe 2 producteurs industriels établis en France. En Europe en 2023, 75 00 tonnes de biochar ont été produites soit +40% par rapport à 2022. Des entreprises comme Rezomes produisent et vendent des fours à biochar pour les agriculteurs, qui sont faciles à monter et à utiliser. La production de biochar artisanal reste plus compliquée que l’achat direct, puisqu’elle comporte une étape de broyage supplémentaire et demande du temps, ainsi qu’une biomasse initiale de qualité.

En résumé

Le biochar stocke du carbone stable dans les sols agricoles sur une grande échelle de temps, une tonne de biochar permettrait de séquestrer entre 1,3 et 3 tonnes de CO2 dans le sol pendant des siècles[14]. Il présente de nombreux avantages pour gérer durablement les sols et s'adapter au changement climatique. Néanmoins, il faut rester vigilant quant à la variabilité de ses bénéfices, il existe une multitudes de conditions pédoclimatiques et une multitudes de biochars. Les sols restent des systèmes complexes avec des interactions multiples, le biochar n'est qu'une solution parmi tant d'autres.

Sources

  1. Énergie, stockage de carbone et restauration des sols : le biochar est-il un produit miracle ?, CIRAD, 2024 https://www.cirad.fr/les-actualites-du-cirad/actualites/2024/le-biochar-est-il-un-produit-miracle#:~:text=Une%20r%C3%A9action%20de%20pyrolyse%20de,utilis%C3%A9e%20pour%20autoalimenter%20la%20pyrolyse.
  2. Webinaire "le biochar au service de l'agriculture" présenté par Agronov le 15/10/2024
  3. 3,0 3,1 et 3,2 Rezomes, 2022, Qu'est-ce que le biochar ? https://www.rezomes.com/biochar
  4. N Honvault et al. 2023 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0929139322003006
  5. D Houben et al. 2022https://link.springer.com/article/10.1007/s13593-022-00848-7
  6. Guy Reinaud : Le biochar est un intrant qui augmente les rendements agricoles de manière écologique en séquestrant du carbone https://www.pronatura.org/biochar/
  7. C Védère et al. 2023, https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048969722060193
  8. 8,0 et 8,1 Frédérique Hupin, 2022: Le biochar : enjeu climatique, potentiel agronomique et leviers pour une utilisation systémique en Europe https://agriculture-de-conservation.com/Le-biochar-enjeu-climatique-potentiel-agronomique-et-leviers-pour-une.html
  9. Thomas Harcourt, Biochar en agriculture : une solution polyvalente https://carbon-centric.fr/biochar-agriculture/
  10. Sarah El Makhzoumi, 2023: Le biochar à l'essai dans les vignes pour lutter contre le changement climatique https://www.vitisphere.com/actualite-99266-le-biochar-a-lessai-dans-les-vignes-pour-lutter-contre-le-changement-climatique.html
  11. Chris Fields-Johnson, 2020 : Applications of Biochar for Arboriculture https://wwv.isa-arbor.com/quizbank/resources/5611/CEU_022020.pdf
  12. Raphaël Lecocq, Tout savoir (ou presque) sur le biochar, 2023, https://www.pleinchamp.com/actualite/tout-savoir-ou-presque-sur-le-biochar
  13. Rodrigo Nogueira de Sousa, 2022: Interaction Mechanisms Between Biochar and Herbicides https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.jafc.7b00458
  14. https://www.novethic.fr/lexique/detail/biochar.html
Partager sur :