Règlementation et cadre légal des haies

De Triple Performance
Aller à :navigation, rechercher

La haie, élément structurant du paysage agricole et levier majeur de biodiversité, est encadrée par une réglementation dense. Que ce soit pour l’implanter, l’entretenir ou l’arracher, les règles varient selon le contexte (voisinage, infrastructures, biodiversité, PAC). Mieux les connaître permet d’agir en conformité tout en valorisant les fonctions écologiques et agronomiques de ces linéaires boisés.

Cadre politique et incitations récentes

Depuis 2023, plusieurs initiatives publiques ont été lancées pour soutenir les haies : le Pacte en faveur de la haie (septembre 2023) prévoit un gain net de 50 000 km d’ici 2030 et bénéficie d’un budget de 110 M€ en 2024.[1] Le bonus haie de la PAC, inséré dans l’écorégime, a été porté de 7 €/ha à 20 €/ha à partir de la campagne 2025, sous conditions de détention d’au moins 6 % de haies labellisées “Label Haie. Enfin, la loi d’orientation agricole 2025 inclut désormais la haie comme élément réglementé, en encadrant sa destruction et en incitant à sa gestion durable.[2]

Réglementation à l'implantation des haies

L'implantation d'une haie nécessite une attention particulière et le respect de plusieurs réglementations. D'une manière générale, les haies situées le long des limites de parcelles ne doivent pas surplomber la propriété voisine et doivent respecter des distances de retrait spécifiques par rapport à la limite séparative :
• Un retrait de 50 cm est requis pour les haies dont la hauteur est inférieure à 2 mètres.
• Un retrait de 2 mètres est nécessaire pour les haies dont la hauteur dépasse 2 mètres. Ces distances sont mesurées à partir de l'axe médian du tronc et la hauteur depuis le sol jusqu'à la cime de l'arbre. Ces règles bénéficient d'une prescription trentenaire, après laquelle le propriétaire voisin ne peut plus en exiger l'application, sauf accord commun ou preuve de "destination du père de famille". Les haies placées sur la limite séparative sont considérées comme mitoyennes, sauf preuve contraire.
Des règles spécifiques s'appliquent également aux haies situées le long des infrastructures linéaires de transport et d'énergie :
Voies privées : Aucune règle spécifique.
Chemins ruraux : La haie ne doit pas être plantée au-delà de l'emprise du chemin ni la surplomber. Des arrêtés municipaux peuvent fixer des règles spécifiques.
Voies routières (communales, départementales et nationales) : Sauf autorisation, les plantations de plus de 2 mètres de hauteur doivent respecter un recul de 2 mètres par rapport au domaine public, et celles de moins de 2 mètres un recul de 50 cm.
Voies ferrées : Un recul minimal de 2 mètres est à respecter.
Cours d’eau domaniaux : Maintien d'un recul de 3,25 mètres (servitude de marchepied) et, le cas échéant, un recul supplémentaire de 9,75 mètres (servitude de halage). Ces distances peuvent être réduites par l'autorité gestionnaire.
Cours d’eau non domaniaux : Aucune règle spécifique, à condition de ne pas nuire à l'écoulement ni aux propriétés voisines. Des règles particulières peuvent être établies par les SAGE et PPRI.
Réseaux de transport d’électricité : Pas de règles spécifiques tant que les plantations ne débordent pas sur le domaine public où le réseau est installé.
Lignes téléphoniques : Aucune restriction pour les lignes aériennes, mais un retrait de 50 cm par rapport aux lignes souterraines. Des mesures particulières peuvent exister via convention ou arrêté préfectoral.
Enfin, des règles spécifiques peuvent être prescrites au titre du Code de l'urbanisme (PLU, règlement de lotissement, plan de prévention des risques inondations). Pour bien définir un projet de plantation, le bon réflexe est de se rapprocher de la mairie afin de prendre connaissance des éventuelles règles spécifiques qui peuvent s'appliquer. Il est également souhaitable de choisir des essences de provenance locale, la marque "Végétal local" garantissant que les végétaux sont d'origine sauvage et locale.

Réglementation à l'arrachage des haies

Toute personne souhaitant arracher une haie, qu'elle soit morale ou physique, doit au préalable s'assurer du respect des réglementations en vigueur.
Le droit commun et les dispositions de la PAC encadrent strictement l'arrachage :
Droit de propriété : Un locataire doit obtenir l'accord préalable du propriétaire. Des clauses spécifiques peuvent être incluses dans un bail rural ou une obligation réelle environnementale (ORE).
Santé et sécurité publique : L'arrachage peut être réglementé si la haie se trouve dans un périmètre de protection de captage d'eau potable ou un plan de prévention des risques inondations (PPRI).
Paysage et patrimoine : Si la haie est située dans un périmètre de protection du paysage (site classé, site inscrit, site patrimonial remarquable ou monument historique), l'arrachage peut être soumis aux prescriptions de la mairie et/ou de l'Architecte des Bâtiments de France (ABF).
Urbanisme et aménagement du territoire : Les documents d'urbanisme (PLU notamment) peuvent protéger certaines haies (éléments protégés au titre du paysage, des continuités écologiques et des espaces boisés classés – EBC). Les communes sans document d'urbanisme peuvent préserver les haies via une délibération municipale. Pour les allées arborées et alignements d'arbres bordant les voies de communication, l'article L.350-3 du Code de l'environnement interdit d'y porter atteinte, sauf pour des raisons sanitaires, de sécurité ou paysagères.
Loi sur l’eau : Les haies situées le long des cours d'eau (ripisylves) sont essentielles. Leur destruction, modifiant le profil du cours d'eau, est soumise à déclaration ou autorisation selon le linéaire et peut avoir des impacts significatifs sur la vie aquatique.
Espaces de biodiversité protégés : Les réserves naturelles (nationales ou régionales), les réserves pour la chasse et la faune sauvage, et les arrêtés préfectoraux de protection (biotope, habitat naturel, géotope) peuvent interdire l'arrachage des haies.
Espèces protégées : La destruction des habitats d'espèces protégées (mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles, insectes, flore) est interdite, bien que des dérogations puissent être accordées sous certaines conditions.
Principe de la séquence ERC (Éviter, Réduire, Compenser)

La Loi Biodiversité de 2016 renforce le principe de la séquence ERC (Éviter, Réduire, Compenser) comme cadre général pour les atteintes à la biodiversité. Cela signifie qu'il faut d'abord éviter les impacts négatifs sur la biodiversité, puis, si ce n'est pas possible, les réduire, et enfin, en dernier recours, compenser les atteintes qui n'ont pu être ni évitées ni réduites. L'objectif est d'atteindre une non-perte nette, voire un gain de biodiversité. Les haies définies comme mesures compensatoires doivent être maintenues pendant toute la durée des impacts.

Interdictions et autorisations spécifiques de la PAC pour les exploitants agricoles

Spécifiquement pour les exploitants agricoles, l'arrachage des haies est interdit. Des autorisations peuvent toutefois être délivrées par les services de la DDT (Direction Départementale des Territoires) dans les cas suivants :

Destruction sans réimplantation, pour des motifs précis :
   ◦ Création d'un nouveau chemin d'accès (max 10m de large) nécessaire à l'accès et à l'exploitation de la parcelle.
   ◦ Création ou agrandissement d'un bâtiment d'exploitation justifié par un permis de construire.
   ◦ Gestion sanitaire de la haie décidée par le Préfet.
   ◦ Défense de la forêt contre les incendies décidée par le Préfet.
   ◦ Réhabilitation d'un fossé pour rétablir une circulation hydraulique.
   ◦ Travaux déclarés d'utilité publique.
   ◦ Opération d'aménagement foncier liée à des travaux déclarés d'utilité publique, avec consultation du public.
Déplacement d'un linéaire identique soit au même endroit, soit sur un emplacement environnementalement plus favorable.

Réglementation de l'entretien des haies

L'entretien des haies est soumis à des règles précises, variant selon leur statut et leur emplacement.

Obligations générales d'entretien

Haies mitoyennes : Elles sont considérées comme appartenant aux deux propriétaires. Leur entretien revient donc aux deux parties, sauf si l'un d'eux renonce à sa mitoyenneté. Les arbres mitoyens, s'ils meurent, sont coupés ou arrachés, sont partagés par moitié, et les fruits sont recueillis et partagés à frais communs.
Haies non mitoyennes : Le propriétaire voisin peut agir directement sur les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur sa propriété, mais n'a pas le droit de couper les branches, arbres ou arbrisseaux du voisin. Il peut cependant contraindre le propriétaire de la haie à les entretenir.
Haies le long d'infrastructures linéaires de transport et d'énergie :
   ◦ Voies privées : Les propriétaires doivent contribuer à l'entretien et au maintien de la viabilité.
   ◦ Voies routières et ferrées : En cas de manque d'entretien, le gestionnaire peut faire exécuter les travaux aux frais des propriétaires.
   ◦ Cours d’eau non domaniaux : Obligation d'entretien pour maintenir le profil d'équilibre et l'écoulement naturel des eaux.
   ◦ Réseaux de transport d’électricité : Pas de règles spécifiques, à condition que les plantations ne débordent pas sur le domaine public où le réseau est installé.
Périodes de réalisation des travaux d'entretien Il est crucial de respecter des périodes d'intervention spécifiques pour l'entretien des haies, afin de concilier les exigences réglementaires et la préservation de la biodiversité :
Période
Type d'Interdiction/Recommandation
Objectif / Contexte
1er avril - 31 juillet
Interdiction de taille fixée par la PAC
Concerne spécifiquement les exploitants agricoles.
15 mars - 15 août
Période déconseillée pour la biodiversité
Interdit de porter atteinte aux individus d'espèces animales protégées, notamment en période de reproduction (oiseaux et de nombreux autres groupes). Forte sensibilité des fleurs et insectes.
Janvier - mi-mars
Période préconisée/conseillée
Permet de tenir compte de la fructification des haies et de la disponibilité des ressources alimentaires pour la faune. Le risque d'affaiblissement des ligneux est faible.
Novembre - Février
Période recommandée pour systèmes sylvopastoraux
Pour préserver la faune et réduire les risques sanitaires.
Octobre - Février
Période possible pour la biodiversité
Moins de sensibilité biologique, mais des risques d'affaiblissement des ligneux peuvent exister en octobre.
Août - Septembre
Période possible (orange)
Risque élevé pour l'affaiblissement des ligneux si la taille est réalisée en septembre. Pour les oiseaux et les fleurs/insectes, la sensibilité diminue par rapport à l'été.
En résumé, la période de novembre à fin mars est généralement la plus favorable pour l'entretien des haies, car elle se situe en dehors des périodes de nidification, de floraison intense, et minimise les risques d'affaiblissement pour les végétaux. Les travaux doivent être évités entre le 1er avril et le 31 juillet pour les agriculteurs soumis à la PAC, et idéalement entre le 15 mars et le 15 août pour respecter la biodiversité.
Il est également conseillé de ne pas entretenir toutes les haies à la même hauteur et les mêmes années, car différentes espèces d'oiseaux et d'insectes préfèrent des types de haies variés (basses, hautes, denses). Une taille mécanique inadaptée ou trop fréquente peut affaiblir les ligneux. Pour un entretien durable, il faut éviter de couper des branches de gros diamètre et privilégier des interventions régulières sur des branches plus fines. Il est essentiel de maintenir une largeur minimale de 1,5 mètre pour la haie, ainsi qu’une bande herbacée d’au moins 1 mètre de large servant de refuge à la faune auxiliaire. Pour les ripisylves, la période d’intervention la plus propice est en automne-hiver (déconseillé de mars à septembre).

Sources

  1. Direction départementale des territoires. Les haies, enjeux et réglementation. Mai 2022.
  2. Arrêté ministériel du 24 avril 2015 relatif aux règles de bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE)
  1. Pacte en faveur de la haie, 2023, Ministère de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire.
  2. Ils tirent un revenu de leurs haies, 2025, La France Agricole