Irrigation en grandes cultures
Quelle méthode d'irrigation choisir, quel matériel,...
L’installation d’un système d'irrigation a un coût non négligeable si on part de zéro. Il faudra trouver un lieu où puiser l'eau, creuser un puits plus ou moins profond pour atteindre la nappe phréatique puis installer une pompe adaptée (thermique ou électrique). Ensuite, il faudra mettre en place un réseau de canalisations (aérien ou souterrain) jusqu'aux parcelles et pour finir, il faudra investir dans le matériel d'irrigation : canon + enrouleur, pivot, rampe, couverture avec asperseurs, goutte-à-goutte,...
Le matériel n'est pas le seul point important à prendre en compte, il y a également la technique (pression, débit, pertes de charge, etc).
Un bon équipement et une bonne technicité permettent d'avoir une irrigation de précision.
Tout cela peut représenter un investissement de plusieurs dizaines de milliers d’euros. Mais, les cultures qui nécessitent ce type d’installation en valent la peine financièrement.
Optimiser l’irrigation nécessite des connaissances techniques (physiologie des cultures, sol, matériel), économiques et l’utilisation d’outils de pilotage adaptés.
Différents matériels d'irrigation
La machine la plus utilisée en grandes cultures est l’enrouleur. Son principe est simple : une bobine située sur un châssis se déroule dans le champ puis s’enroule une fois mis en eau. Différents modèles sont disponibles suivant la longueur de la bobine, de son diamètre, de la méthode de mise en place… Le dernier élément en contact avec l’eau, qui se situe en bout de la bobine dans le cas d’un enrouleur, va déterminer le mode d’irrigation. Plusieurs équipements existent : l'irrigation par aspersion, avec un canon ou une rampe et l'irrigation par goutte à goutte.
Les canons d'irrigation
Le canon est le système d'irrigation le plus simple d’utilisation et le moins coûteux. Il s’aide de la pression pour envoyer l’eau dans le champ. Robustes et mobiles, ils sont très utilisés sur les parcellaires morcelés, car facilement transportables avec le tracteur. Le réglage de l’angle d’aspersion permet en outre de les adapter à toutes les formes de parcelles et de varier les assolements. La largeur d’épandage dépendra de la pression de la canalisation. En général, la largeur d’épandage est de 72 mètres avec une pression au canon d’environ 5-6 bars.
Leurs points faibles :
- Leur consommation énergétique est élevée (forte mise en pression pour pouvoir projeter l’eau) et l’enrouleur doit être déplacé à chaque changement de position.
- Lorsqu’il y a trop de vent, le jet d’eau ne couvre pas toute la surface voulue et le jet est moins précis.
- L’eau envoyée par le canon est très violente quand elle atterrit sur le sol. Il n’est donc pas envisageable d’utiliser cet équipement pour des cultures fragiles.
Les rampes d’irrigation
La rampe est un système d’épandage qui permet d’irriguer de manière plus "douce". L’eau n’est pas envoyée dans le champ mais déposée sur la plante par une pluie fine. Elles peuvent être frontales ou en pivot. Elles sont plutôt adaptées aux grands parcellaires et permettent d’augmenter la précision de l’épandage, même dans des conditions difficiles comme les jours venteux. Les pressions nécessaires étant plus faibles qu’avec un canon-enrouleur, la consommation d’énergie s’en trouve réduite. La qualité de répartition de l’eau est également meilleure et les rampes permettent la ferti-irrigation.
Programmables, les pivots libèrent l’exploitant d’une importante charge de main-d’œuvre.
Leurs points faibles :
- Ce type d’équipement représente lui aussi un coût non négligeable
- Plus difficiles à mettre en place. C’est pourquoi il est utilisé principalement pour des cultures très fragiles comme les légumes.
- Elles ne sont pas déplaçables.
Les couvertures intégrales
Ce sont des rampes posées au sol distribuant l’eau jusqu’à des arroseurs. Adaptables à toutes les parcelles (ou pour compléter l’arrosage dans les coins non couverts par les enrouleurs ou les pivots). Elles peuvent être installées en pente et nécessitent moins de pression que les canons. Elles doivent être démontées et remontées chaque année.
Les rampes sur enrouleurs
Elles combinent la polyvalence de l’enrouleur tout en améliorant les performances d’arrosage (25 % d’eau en moins). Ce type de matériel allie finesse et précision dans l’apport d’eau à l’adaptabilité d’un canon classique, sans toutefois convenir à tous les types de parcellaire. Toutefois, il reste encore onéreux. Dans le nord de la France, on utilise plus souvent les rampes sur enrouleur.
La micro-irrigation
Elle repose sur le principe d’un goutte à goutte (en surface ou enterré) localisé au niveau des racines, à faible débit. Très efficiente, la micro-irrigation est de loin la technique la plus économe, en termes d’énergie comme de consommation en eau. L’avantage de ce type d’installation est qu’une fois en place, aucune manipulation supplémentaire n’est nécessaire pour l’utilisation (sauf maintenance et réparation d’urgence bien sûr). Elle présente d’autres avantages, mais son coût excède d’environ 50 % celui d’une installation d’irrigation classique.
Ce type de système demande plus de travail à l’installation et au démontage en début et fin de saison que le système par aspersion. En effet, cela consiste à placer des tuyaux troués dans les rangs de la culture et d’y envoyer de l’eau. Les trous étant très fins, l’eau s’échappe mais goutte par goutte.
On pourrait penser que ce système est plus efficient qu’un système par aspersion mais ce n’est pas nécessairement le cas. En effet, pour un même de niveau de rendement, la différence de quantité d’eau utilisée entre un système par aspersion et le goutte à goutte n’est pas significative.
Type de
matériel |
Efficacité
d'application |
Qualité de
répartition |
Consommation
d’énergie |
Canon-enrouleur | 80 à 95 % | Moyenne à bonne | Élevée |
Pivot, rampe | 90 à 95 % | Excellente | Modérée |
Rampe sur enrouleur | 90 à 95 % | Bonne à excellente | Modérée |
Couverture intégrale | 70 à 95 % | Bonne à excellente | Faible à modérée |
Micro-irrigation | Proche de 95 % | Excellente | Faible |
Avantages et inconvénients
Avantages
- Plus la surface irrigable de l'exploitation est importante, plus le potentiel de la ferme est important.
- Possibilité de cultiver sur un assolement plus diversifié.
- Maintient des rendements en cas de fortes périodes de chaleur et de sec
- Plus facile de produire des cultures à haute valeur ajoutée.
Inconvénients
- Avoir une ressource en eau à proximité.
- La réglementation évolue. L'accès aux ressources naturelles comme l'eau se durcit. L’acquisition d’un puits d’irrigation devient difficile et pousse certains agriculteurs à investir dès à présent pour assurer l'avenir de leur outil de production.
Coûts d'investissement
Le coût de tout le matériel nécessaire peut être assez important suivant des besoins. La station d’irrigation est une des dépenses les plus importantes, mais une fois achetée, il n'y aura pas besoin de la remplacer. De plus avec un moteur/pompe électrique, la maintenance est presque inexistante. Une fois le puits opérationnel, il faut des tuyaux pour amener l’eau jusqu'au champ et un système d’épandage. Le coût de canalisation aérienne mobile en 5 pouces de diamètre (débit de 60m³/h) est d’environ 13 000€ pour 1Km de canalisation (soit 13€/m). Le prix d’un enrouleur en revanche est aussi très variable en fonction du choix de la machine et des options.
Pour avoir une idée des coûts, consultez les tables de calculs des coûts d’irrigation de la chambres d’agriculture des Hauts de France.
Le prix de revient moyen de l'énergie électrique est très variable. Il comprend le coût de l’électricité et de la location du compteur. Néanmoins, lorsque l’électricité n’est pas disponible au pied du puits, il faudra installer une ligne électrique jusqu’au puits à ses frais.
De même, si la ligne électrique publique sur laquelle on veut se servir n’est pas adaptée pour une station d’irrigation comme la nôtre, il sera indispensable de faire installer un transformateur aux normes à ses frais, par une société agréée.
Point réglementaire
Les réglementations concernant l’irrigation se trouvent principalement autour du forage et de l’homologation du puits. En effet, il est interdit de forer sans autorisations et/ou déclaration. Deux organismes sont concernés pour les déclarations et les autorisations de prélèvements de l’eau : la DDT (direction départementale des territoires) et la police de l’eau.
Tout projet de forage nécessite le dépôt d’un dossier de déclaration au titre de la loi sur l’eau (article R.214-1 du code de l’environnement - rubrique 1.1.1.0). Les prélèvements associés sont soumis à la loi sur l’eau selon les cas :
- Rubrique 1.1.2.0 : prélèvement dans un aquifère (hors nappe d’accompagnement) :
- Pour un volume supérieur ou égal à 200 000 m³/an : une autorisation est obligatoire.
- Pour un volume supérieur à 10000 m³/an mais inférieur à 200 000 m³/an : une déclaration suffit.
- Rubrique 1.2.1.0 : prélèvement en nappe d’accompagnement de cours d’eau :
- Supérieur à 1000m³/h ou à 5 % du débit du cours d’eau : Autorisation.
- Compris entre 400 et 1000 m³/h ou entre 2 et 5 % du débit du cours d’eau : Déclaration.
- Rubrique 1.3.1.0 : prélèvement en Zone de répartition des eaux :
- Supérieur à 8 m³/h : Autorisation.
- Dans les autres cas : Déclaration.
Pour forer un puits d'irrigation agricole, il faut déposer un dossier auprès de la DDT avec les informations suivantes :
- Coordonnées du demandeur.
- Emplacement de l’ouvrage.
- Caractéristiques techniques.
- Une lettre de demande.
- Une étude hydrogéologique.
Il convient donc de contacter un hydrogéologue pour réaliser cette étude pour vérifier l’incidence du prélèvement sur la ressource en eau et la qualité des eaux.
Le forage doit être réalisé selon les règles de l’art, conformément à l’arrêté de prescriptions générales applicable aux sondage, forage et création de puits du 11 septembre 2003 au titre de la loi sur l’eau, de la norme dédiée NF X10-999 et du guide d’application de cet arrêté établi par le BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières).
Rationnaliser l'irrigation
Bien gérer son irrigation, c’est préserver les ressources hydriques en mettant en relation éléments naturels et nouvelles technologies. Pour cela de nombreux outils sont là pour aider à une bonne gestion de l'eau : régulateur électronique, sondes, OAD (Outils d'Aide à la Décision) comme Irré-LIS®, IRRINOV®,... mais il faut aussi bien penser son système afin d'optimiser son irrigation.
Mieux irriguer, c’est prendre en compte 4 éléments que sont l’eau, le sol, le climat et la plante :
- Mieux connaître l’eau, c’est connaître l’origine de l’eau d’irrigation (nappes phréatiques ou rivières) et sa disponibilité (en quantités limitées ou non).
- Mieux connaître le sol, c’est connaître sa capacité à stocker de l’eau.
- Connaître le climat, c’est connaître l’évapotranspiration potentielle du site et les fournitures en eau de pluies.
- Connaître la plante, c’est connaître les besoins de chaque plante et les phases sensibles à la sécheresse de la culture. Par exemple, le maïs a de forts besoins en eau autour de la floraison (de 2 semaines avant jusqu’à 3 semaines après).
L’irrigation des parcelles demande beaucoup de temps, notamment du temps de surveillance. Deux outils permettent de piloter plus facilement l’irrigation : le GPS et la téléphonie mobile. Le GPS permet de savoir où en est l’enrouleur ou le pivot. La téléphonie (ou le GSM) permet de commander à distance la station de pompage, de consulter les paramètres de l’installation, de voir l’état d’avancement des tours d’eau...
Pour plus d'infos sur le sujet, vous pouvez consulter la plaquette Matériel d’irrigation grandes cultures : quelles pistes pour économiser l’eau ? éditée par la Chambre d'Agriculture Centre et Cuma Centre.
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