Ferti-irrigation

Ferti-irrigation

De Triple Performance
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Un tank utilisé pour la ferti-irrigation, permettant d'injecter la dose d'engrais souhaitée dans l'eau d'arrosage

La ferti-irrigation, aussi appelée fertigation ou fertirrigation, consiste à appliquer des éléments fertilisants solubles dans l’eau par l’intermédiaire d’un système d’irrigation[1]. Cette méthode gagne en popularité au fil des années en promettant une nette augmentation de l'efficacité de l’utilisation des nutriments et de l’eau[2]. En France elle s’utilise principalement pour les cultures fruitières, maraîchères et viticoles mais certains producteurs en grandes cultures commencent à s’y intéresser[3].


Avantages de la ferti-irrigation

La ferti-irrigation comporte de nombreux avantages économiques et environnementaux pour les cultures.


Apport d’engrais en fonction des besoins

L’apport d’engrais se fait en fonction des besoins de la culture. Avec une méthode de fertilisation conventionnelle, les apports se font avec de grandes quantités plusieurs fois au cours de la croissance de la culture. En ferti-irrigation, elle se fait par petites doses tout au long du cycle, en fonction des besoins[2]. La quantité apportée ainsi que le type de nutriment sont donc optimisés ce qui évite d’abîmer les racines avec un apport d’engrais trop important[1].


Augmentation du rendement

Grâce à cette distribution optimisée, la ferti-irrigation permet une augmentation des rendements. Cette augmentation varie en fonction de la culture étudiée, du climat et du sol, mais se situe en moyenne autour de 12%[2]. Cette augmentation est liée à la satisfaction des besoins des cultures au bon moment. Par exemple, un essai sur une culture de carottes en Normandie a permis de réaliser une augmentation de rendements de 32% (essai réalisé par Yara France).


Augmentation de l’efficacité d’utilisation des nutriments et de l’eau

En ferti-irrigation, les nutriments sont apportés à la plante sous une forme facilement assimilable, ce qui lui permet de les assimiler rapidement. De plus, le système d’irrigation utilisé est conçu pour apporter l’eau et les nutriments solubilisés au plus près des racines ce qui améliore l’efficacité d’absorption et limite les pertes[1][2].

Selon des tests réalisés par l’entreprise Yara, spécialisée dans la production d’engrais, cette méthode permettrait d’augmenter l’efficacité de l’engrais de 16%[4].


Enjeux environnementaux

La ferti-irrigation est également une solution pour répondre aux enjeux environnementaux actuels. En effet, l’optimisation de l’utilisation des nutriments et de l’eau évite le gaspillage et limite également le phénomène de lessivage. Selon les tests réalisés par Yara, l’économie d’eau se situe autour de 36%[4]. Il n’y a également pas d’épandage d’engrais, donc moins de passages d’engins agricoles ce qui évite la compaction du sol[1], et limite l’utilisation d’énergies fossiles.


Limiter le développement des adventices

La zone de diffusion des engrais étant réduite par la ferti-irrigation, les adventices ont moins accès aux ressources fournies par ces engrais et se développent moins[2].


Simplicité d’utilisation

La ferti-irrigation est compatible avec la plupart des systèmes d’irrigation de type aspersion ou goutte à goutte, qu’ils soient associés à des réservoirs à charge ou à des pompes doseuses[4]. Elle convient également à la majorité des cultures et aux différents stades de développement des plantes. Cependant, par manque d'information, de temps et de moyen, de nombreux agriculteurs hésitent à se lancer.


Inconvénients de la ferti-irrigation

Coût du matériel

Le principal inconvénient de la ferti-irrigation est le coût du matériel nécessaire[5] :

Coût d’installation

2500 à 3500€/ha de matériel (station de filtration, peignes, raccords, rampes de goutteurs, tank, pompe doseuse…) auxquels s’ajoutent 400 à 600€ de main-d’œuvre. Le facteur majeur de variation du coût d’installation est la distance entre la borne ou le forage et la parcelle. L’efficacité du système dépend du matériel utilisé[2].

Matériel de ferti-irrigation

Coût d’entretien

80€/ha/an pour le nettoyage, les réparations sur le réseau et la main-d’œuvre nécessaire.

Coût d’arrosage

150 à 170€/ha/an, pour le temps nécessaire au pilotage et au déclenchement de l’arrosage.

Coût de l’eau

300 à 1000m3/ha/an en fonction du mode de prélèvement (tours d’eau, forages…).

Coût de l’engrais

Sa forme peut être soluble ou liquide. Entre 50 à 200€ / 100 kg. Les engrais à utiliser sont des engrais spécifiquement conçus pour la ferti-irrigation et présentent les caractéristiques suivantes :

  • Solubilité élevée : Les engrais doivent être complètement solubles dans l'eau pour éviter les obstructions du système d'irrigation.
  • Pureté : Une haute pureté est nécessaire pour minimiser les risques de précipitation et de colmatage des goutteurs ou micro-asperseurs.
  • Concentration en nutriments : Les engrais pour ferti-irrigation sont souvent plus concentrés pour fournir la quantité nécessaire de nutriments dans un volume d'eau limité[6].
  • Compatibilité chimique : Les produits doivent être compatibles avec les autres substances appliquées via le système d'irrigation[6].
  • pH et conductivité électrique adaptés : Les engrais choisis doivent maintenir ces paramètres dans une plage de valeurs acceptable pour les cultures

Parmi les formes d'engrais préconisées, on trouve :

  • Les solutions NPK solubles.
  • Les engrais chélatés pour les micronutriments[6].
  • Les formules liquides concentrées compatibles avec les systèmes d'irrigation[6].
  • Le nitrate de magnésie soluble, comme le YaraTera® KRISTA MAG[7].
  • Le phosphate monoammonique[8].

En moyenne, les coûts engendrés par les équipements sont compensés au bout d’environ trois ans, par l’augmentation des rendements et la diminution des coûts des intrants utilisés.

Entretien du matériel

Pour fonctionner correctement, le matériel de ferti-irrigation nécessite un entretien fréquent. En effet, un défaut dans le système peut conduire à une perte de rendement, une mauvaise croissance des cultures ou des dégâts sur les équipements. Il y a aussi un risque de reflux de produits chimiques vers la source d’eau, il faut donc installer un clapet anti retour pour éviter cela[2].

Un outil de filtration ne suffit pas à maintenir l’état des conduits. Il est conseillé de réaliser une maintenance d’hiver par acidification ou chloration du réseau d’irrigation. Le réseau doit être vidangé en particulier si les goutteurs sont enterrés, pour éviter l’obstruction du circuit par les racines[5], les risques de gel ou de développement d’algues[9].

Par ailleurs, il faut rincer abondamment le circuit à l’eau claire après chaque ferti-irrigation pour éviter que les produits utilisés ne réagissent et précipitent, ce qui entraînerait un colmatage. Pour éviter un apport hydrique trop important, il faut bien calculer la dose totale d’eau à apporter aux cultures. Dans un système de ferti-irrigation, les étapes sont donc :

  • Une première irrigation
  • Ouverture de la cuve à engrais et ajout des engrais dans le système grâce à la pompe doseuse,
  • Une fois l’étape de fertilisation terminée, l’irrigation continue pour rincer le système

La dose finale d’eau apportée doit être calculée en prenant en compte les trois étapes, il faut bien y réfléchir en amont.


Qualité de l’eau

La qualité de l’eau utilisée en ferti-irrigation est un facteur important pour le système. Il est donc nécessaire de vérifier différents critères pour que le système fonctionne correctement[9].


Salinité de l’eau

La salinité correspond à la quantité totale de sel soluble contenue dans un volume d’eau. Ce critère est mesuré par la conductivité électrique (EC), exprimée en dS/m ou en mS/cm. Plus la teneur en matière dissoute totale est élevée, plus le taux de salinité de l’eau est fort. Cette teneur notée TDS (mg/L) se calcule de la façon suivante :

TDS = 640 x EC

Il faut contrôler la quantité de sel car si la solution apportée dans le sol est une solution hypertonique (solution dont la concentration moléculaire est plus élevée que celle du milieu), les racines ne pourront plus absorber l’eau et donc satisfaire leurs besoins en eau et en éléments nutritifs.  

La qualité de l’eau dépend de sa conductivité électrique qui est une image directe de sa teneur en sel. Elle est définie avec les seuils suivants :

  • 0.05 dS/m à 0.4 dS/m : Très bonne qualité.
  • 0.4 dS/m à 0.75 dS/m : Bonne qualité.
  • 0.75 dS/m à 1.5 dS/m : Qualité médiocre.
  • Au-delà de 1.5 dS/m : Très mauvaise qualité.

Point de vigilance : en ferti-irrigation, la salinité de l’eau s’ajoute à celle de l’engrais. La solution eau + engrais est donc plus saline que

l’eau[9]. Il faut adapter la ferti-irrigation au système et bien raisonner l’apport d’engrais pour éviter d’apporter une eau trop concentrée en sel.


Salinité spécifique (quantité de sodium)

L’ion Sodium est très soluble et peut remplacer le Calcium et le Magnésium dans la structure des agrégats du sol. Cela entraîne leur destruction et une déstructuration du sol qui devient plus étanche et moins aéré.

Le Taux d’Adsorption du Sodium (SAR), exprimé en meq/L, est utilisé pour déterminer la qualité de l’eau par rapport à l'élément Sodium. Cette qualité est classifiée selon les seuils suivants :

  • 0 meq/L à 3 meq/L : Très bonne qualité.
  • 3 meq/L à 6 meq/L : Bonne qualité.
  • 6 meq/L à 9 meq/L : Qualité médiocre.
  • Au-delà de 9 meq/L : Très mauvaise qualité.


Le Chlorure (Cl–)

L’ion Chlorure est abondamment présent dans les solutions salines et peut se retrouver absorbé par les plantes en grande quantité. Une forte concentration en Cl– dans les feuilles peut causer des brûlures voire la mort complète des feuilles. Cela peut entraîner une perte du pouvoir photosynthétique de la plante et affecter directement la croissance[9].


Dureté et alcalinité

La dureté de l’eau est un indicateur qui correspond à la quantité de calcium et de magnésium présente dans le milieu. Elle peut être responsable d’une future formation de calcaire. L’alcalinité définit le pouvoir basifiant de l’eau et donc sa capacité à désacidifier et sa teneur en carbonates. Les indices de dureté et d’alcalinité sont obtenus par des analyses chimiques en laboratoire.

Le Magnésium et le Calcium précipitent en présence de carbonates pour former du calcaire, il existe donc des risques de colmatage lorsque la dureté est élevée. Il faut prendre en compte les différents niveaux de risque :

  • 0 à 100 eq de carbonate : Risque faible de colmatage.
  • 100 à 200 eq de carbonate : Risque modéré.
  • Au-delà de 200 eq de carbonate : Risque sérieux.

Afin de pallier à un risque de colmatage, il est nécessaire d’acidifier le réseau en abaissant le pH de l’eau sous le seuil de 7. Des traitements à l’acide sulfurique ou nitrique suppriment les liaisons entre le carbonate et les cations et permettent ainsi d’épurer le réseau en calcaire[9].


Le pH

Le profil acido-basique du sol dépend du pH. En cas d’acidification, il y a risque de dégradation de la structure du sol, une diminution de l'activité biologique et une augmentation des risques de toxicité induite.

Le pH de l’eau utilisée en irrigation doit ainsi être compris entre 5,5 et 6,5[9]. Si le pH est trop élevé, on peut ajouter un engrais acidifiant. Si au contraire le pH est trop bas, il faut faire attention à la quantité d’engrais à apporter car les engrais ont tendance à acidifier le sol. Dans ce cas là, il vaut mieux apporter de plus faibles quantités d’engrais pour éviter de dégrader le sol, et préférer un apport faible mais régulier plutôt qu’un apport important d’un seul coup.


Cas du fer

Sous sa forme Fe2+ (ferreux), le Fer est soluble dans l’eau et ne pose aucun problème. Sous l’action de bactéries ferriques ce dernier peut précipiter sous forme de Fer ferrique (Fe3+) et devient insoluble dans l’eau. Cela crée alors un gel visqueux et brunâtre qui représente un facteur de colmatage du réseau d’irrigation. Ainsi, une eau à plus de 0.5 mg/L de Fer ne doit pas être utilisée avant un traitement préalable.

Pour ce traitement, il faut faire oxyder le Fer ferreux (soluble) avant qu’il n’arrive dans le réseau, soit par une forte agitation dans le réservoir pour qu’il précipite au fond de celui-ci, soit en incorporant un corps hautement oxydant (Chlore, sous forme de Javel par exemple) pour le faire précipiter et le récolter dans le filtre du système[9].


S’assurer de la qualité de l’eau

Dans le cas d’une ferti-irrigation, un autocontrôle en début et en fin de ligne peut s’avérer efficace pour conditionner ou réajuster la concentration de nutriments injectés. Si les valeurs ne coïncident pas en amont et en aval du réseau, cela montre un problème de distribution[9].


Sources et références



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