Fractionnement granulométrique de la matière organique
Le fractionnement granulométrique de la matière organique (MO) distingue celle-ci selon sa taille, en fractions grossières (> 50 µm) et fractions fines (< 50 µm), au sein desquelles sont distribués l’azote et le carbone.
La fraction fine correspond à une MO humifiée, c’est-à-dire la partie la plus stable de la MO. Elle est présente en plus grande proportion en climat tempéré.
Les fractions grossières, encore appelées « MO particulaire », correspondent à des débris végétaux en cours de décomposition. Ces fractions constituent une source d’énergie pour les organismes vivants dans le sol. Elles constituent la partie dite “labile” ou active de la MO.
L'analyse peut être réalisée sur deux fractions (<50 µm, 50 à 2000 µm), ou trois fractions (<50 µm, 50 à 200 µm, 200 à 2000 µm). Le fractionnement sépare donc les différents compartiments qualitatifs des MO selon un critère de taille :
- 200 - 2000 µm = la fraction fraîche qui regroupe les MO les plus grossières et les plus jeunes (2 à 5 ans). Elle assure les rôles de réserve en éléments, de réserve en énergie et de protection physique du sol.
- 50 - 200 µm = la fraction labile qui regroupe les MO en cours de décomposition. Elle représente la réserve d’énergie et de nutriments disponible sur le moyen terme (10 à 12 ans) pour les organismes vivants du sol et les cultures
- 0 - 50 µm = la fraction stable qui regroupe les MO les plus fines et les plus dégradées (>50 ans). Elle joue un rôle dans la structuration et la stabilisation des sols sur le long terme, la rétention d’eau ainsi que dans sa capacité d’échange cationique (alors les éléments nutritifs sont mieux retenus et restitués lentement aux plantes)
Norme
NF X31-516 : Qualité du sol - Fractionnement granulo-densimétrique des matières organiques particulaires du sol dans l'eau
Échantillonnage et logistique
Analyse sur sol sec.
Description de la méthode de mesure
La mesure consiste en un fractionnement physique de la terre fine (dispersion du sol en milieu aqueux, tamisage, sédimentation, centrifugation), une pesée des fractions et une mesure des teneurs en C et N dans les fractions.
Exemple de gammes de variation
Pour les 20 premiers centimètres d’un sol occupé en grandes cultures et polyculture-élevage (183 observations) :
| Épaisseur de sol étudiée | Min | Max | Médiane | |
| Quantité de C | 0 - 50 µm | 6 g/kg de matière sèche | 27 g/kg de matière sèche | 11 g/kg de matière sèche |
| 50 - 200 µm | 0,5 g/kg de matière sèche | 4,2 g/kg de matière sèche | 1,7 g/kg de matière sèche | |
| Part du carbone organique | 0 - 50 µm | 72% | 94% | 88% |
| 50 - 200 µm | 6% | 28% | 12% | |
| Quantité de N | 0 - 50 µm | 0,5 g/kg de matière sèche | 2,7 g/kg de matière sèche | 1,2 g/kg de matière sèche |
| 50 - 200 µm | 0 g/kg de matière sèche | 0,3 g/kg de matière sèche | 0,1 g/kg de matière sèche | |
| Proportion d’azote | 0 - 50 µm | 80% | 97% | 93% |
| 50 - 200 µm | 3% | 20% | 7% |
Pour les 20 premiers centimètres d’un sol occupé en viticulture (42 observations) :
| Épaisseur de sol étudiée | Min | Max | Médiane | |
| Quantité de C | 0 - 50 µm | 5 g/kg de matière sèche | 26 g/kg de matière sèche | 12 g/kg de matière sèche |
| 50 - 200 µm | 2g/kg de matière sèche | 10 g/kg de matière sèche | 4 g/kg de matière sèche | |
| Part du carbone organique | 0 - 50 µm | 49% | 85% | 76% |
| 50 - 200 µm | 15% | 51% | 25% | |
| Quantité de N | 0 - 50 µm | 0,4 g/kg de matière sèche | 2,5 g/kg de matière sèche | 1 g/kg de matière sèche |
| 50 - 200 µm | 0,1 g/kg de matière sèche | 0,7 g/kg de matière sèche | 0,3 g/kg de matière sèche | |
| Proportion d’azote | 0 - 50 µm | 56% | 93% | 81% |
| 50 - 200 µm | 7% | 44% | 19% |
Interprétation
L’évolution de la part des différentes fractions est connue pour renseigner sur l’évolution du statut organique du sol dans un laps de temps plus court que la teneur en carbone et azote total du sol.
Une augmentation de la part de C ou N de la fraction grossière est assimilée à un signe précurseur d’enrichissement du sol en matière organique.
La proportion de fraction fine permet d'identifier le stockage à plus long terme du carbone (durée de vie dans le sol de plusieurs dizaines d’années). Elle correspond à la fraction stable et influence la rétention en eau et la capacité d'échange cationique.
Une valeur élevée du carbone de la fraction < 50 µm indique une stabilisation chimique élevée du C dans les sols (liaisons organo-minérales), en lien avec une fonction de stockage de carbone. Le carbone dans les fractions supérieures à 50 µm, facilement disponible pour les organismes du sol, est lié à la minéralisation de la MO et à la macro-agrégation.
Une valeur élevée de l’azote dans les fractions > 50 µm semble être favorable à la fourniture d’azote pour les cultures.
Une répartition optimale des fractions de MO serait : 85% de MO stable, 10% de MO labile et 5% de MO fraîche, cependant, ce partage est à revoir selon les objectifs établis.
Avantages et limites
Avantages
- Les fractions grossières (matière organique particulaire) répondent rapidement à des changements de pratique (4 à 5 ans)
- Souplesse dans les périodes de prélèvements et la conservation des échantillons (analyse sur sol sec)
- Utilisable en situation de conseil
Limites
- Une des limites est son coût (80-120€) car ces indicateurs multiplient le nombre d’analyses, et donc les frais de la prestation. Le lien entre les fractions et la dynamique du carbone reste à préciser
Source
- RMT Bouclage. 2025. Indicateurs de fonctionnement biologique des sols agricoles. [03/11/25]. https://www.rmt-fertilisationetenvironnement.org/moodle/pluginfile.php/5041/mod_resource/content/3/Recueil%20indicateurs%20de%20fonctionnement%20biologique%20des%20sols%20agricoles_vf251009.pdf
- Balloy B. et al. 2017. Tour d’horizon des indicateurs relatifs à l’état organique et biologique des sols. https://agriculture.gouv.fr/tour-dhorizon-des-indicateurs-relatifs-letat-organique-et-biologique-des-sols
- Deschamps T. et al. 2022. Guide d’interprétation à l’analyse des bioindicateurs. https://www.arvalis.fr/infos-techniques/douze-indicateurs-pour-evaluer-la-fertilite-biologique-du-sol