Bioremédiation

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Le processus de bioremédiation

La bioremédiation est un processus qui utilise des organismes vivants, comme des bactéries, des champignons, ou des plantes (phytoremédiation), pour décontaminer des sols, des eaux ou de l’air pollués. Ces organismes dégradent, neutralisent ou transforment les substances polluantes en composés moins toxiques ou inoffensifs pour l'environnement.

Pourquoi dépolluer les sols ?

Avec le développement rapide de l’économie mondiale, la surexploitation et l’extraction des ressources naturelles entraînent le rejet constant de métaux lourds dans l’environnement, notamment dû aux activités telles que l’exploitation minière et la combustion d'énergie fossiles. Ces métaux sont toxiques pour l’environnement et la santé des écosystèmes, des animaux et des êtres humains. Selon la Commission Européenne, on estime que 2,8 millions de sites européens sont potentiellement contaminés[1].

Les polluants principaux

Les hydrocarbures et les métaux (et métalloïdes) sont les deux principales familles de polluants qui affectent les sols et les nappes phréatiques en France.

Les hydrocarbures

Ils contaminent 61 % des sols et 64 % des nappes phréatiques des sites pollués recensés dans la base de données Basol. Globalement, les différentes familles d’hydrocarbures (minéraux, chlorés, HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques)) sont impliquées dans 65 % de l’ensemble des pollutions des sols et des nappes.

Les métaux et les métalloïdes

Ils polluent 48 % des sols et 44 % des nappes des sites pollués, et représentent près de 25 % des polluants retrouvés dans les sols et les eaux. Le plomb, le chrome et le cuivre sont les métaux les plus fréquemment détectés. Le plomb est présent dans 17 % des sols et 9 % des nappes. Le chrome et le cuivre sont présents dans 14 % des sols et 7 % des nappes[2].

Où sont les sites pollués ?

Des cartes interactives issues du même rapport sont disponibles ici.

Les méthodes traditionnelles

Il est possible de dépolluer les sols via :

  • L'excavation : Le sol contaminé est excavé (retiré) et transporté vers des centres de traitement spécialisés.
  • Le confinement : Les polluants sont isolés ou immobilisés dans le sol pour empêcher leur dispersion (matrice solide, couche étanche). Utilisé quand l'excavation n'est pas possible.
  • Le traitement thermique :
    • Incinération : Le sol est chauffé à très haute température pour décomposer les composés organiques.
    • Désorption thermique : Les polluants volatils sont chauffés pour être évaporés et ensuite capturés.
  • Le lavage des sols : Le sol est lavé avec de l’eau, des solvants, ou des solutions chimiques pour extraire les polluants. Les particules fines ou les contaminants solubles sont séparés par agitation ou centrifugation. Les eaux usées sont ensuite traitées séparément.
  • L'extraction ou stabilisation chimique : Utilisation de réactifs chimiques pour solubiliser ou transformer les polluants et les extraire du sol ou les rendre moins mobiles/toxiques.

La moitié des terres polluées sont excavées ou stockées dans des sites spécialisés (excavation : 29% ; stockage : 19%), mais 25% de ces sols sont traités biologiquement[6].

La bioremédiation

Différents types de bioremédiation existent.

Stimuler ou ajouter des micro-organismes ?

Biostimulation (ou bioremédiation intrinsèque)

Elle consiste à accroître l’activité de la microflore indigène d’un environnement donné, en palliant à l’insuffisance d’un élément fondamental pour la biodégradation d’un hydrocarbure, via un apport de nutriments et/ou d’accepteurs finaux d’électrons (oxygène, nitrate, sulfate), comme :

  • Les engrais minéraux hydrosolubles à usage agricole ou horticole composés d’azote et phosphore,
  • Les supports solide à diffusion lente : N et P associés à un élément solide carboné,
  • Les supports oléophiles liquides développés pour assurer un apport en nutriments au plus proche de l’activité bactérienne (à l’interface eau – hydrocarbure)[7].

Bioaugmentation

Elle consiste à ajouter des microorganismes exogènes dans un environnement caractérisé par l’absence ou le manque d’abondance de bactéries hydrocarbonoclastes. Leur mise en œuvre se fait en général par pulvérisation d’un lyophilisat réhydraté.

Les différentes techniques de bioremédiation

Biotertres ou biopiles

Principe d'un biotertre, BRGM, 2023

C'est une technique de traitement ex situ qui stimule l'activité des micro-organismes aérobies ou aérobies facultatifs responsables de la biodégradation des contaminants dans les sols. Essentiellement, les sols contaminés sont excavés et empilés en tas (biopiles), généralement de 0,91 à 3,05 m de hauteur, avec une largeur et une longueur sans trop de restrictions. La biopile doit être conçue et exploitée de manière à fournir des conditions optimales de température, d'humidité, d'aération et de nutriments pour favoriser la biodégradation des contaminants ciblés. La biodégradation est généralement assurée par des micro-organismes indigènes, mais l'ajout de micro-organismes spécifiques peut parfois être nécessaire. L'ajout d'agents structurants tels que des copeaux de bois et des amendements peut être nécessaire pour améliorer la circulation de l'air dans la biopile et favoriser les processus de biodégradation[8].

Bioréacteurs

Fonctionnement d'un bioréacteur, BRGM, 2023

La technique consiste à mélanger les sols pollués avec de l’eau et divers additifs afin de mettre les particules de sols en suspension dans l’eau et de former un mélange boueux. Les boues obtenues sont traitées par voie biologique dans des bioréacteurs puis sont déshydratées[9]. Le but est d'augmenter la surface de contact entre les contaminants et les microorganismes responsables de leur biodégradation dans un environnement contrôlé[10].

L’atténuation naturelle

L’atténuation naturelle n’est pas considérée à proprement parler comme une technique de dépollution mais plutôt comme une mesure de gestion de la pollution. Elle se déroule sans intervention humaine directe (à l'exception de la surveillance) et vise à diminuer la masse, la toxicité, la mobilité, le volume ou la concentration des contaminants. Des dispositifs de surveillance, principalement des piézomètres, permettent de contrôler un certain nombre de paramètres : concentrations des polluants, concentration en gaz dissous, concentration en accepteurs d'électrons, concentration en COT, dénombrement bactérien paramètres physico-chimiques, effet «rebond»[11].

Principe du bioventing, BRGM, 2023

Bioventilation

Le bioventing consiste à stimuler les micro-organismes indigènes par l'ajout d'un gaz (généralement de l'air) pour dégrader les contaminants organiques (généralement des hydrocarbures pétroliers) présents dans le sol non saturé. L'air est le plus souvent injecté dans la zone vadose (zone non saturée), mais sur certains sites, il peut être extrait de la zone vadose. L'application la plus courante du bioventing consiste à introduire de l'air pour augmenter la concentration en oxygène à plus de 5 % afin de stimuler la biodégradation de la contamination par les hydrocarbures pétroliers[12].

Principe du biosparging, BRGM, 2023

Biosparging

Le biosparging consiste à stimuler la biodégradation en augmentant les teneurs en oxygène dissous par le biais de puits d’injection dans le sol ou l'eau. L'air injecté permet principalement le développement de la population microbienne aérobie mais il facilite aussi les contacts entre l'air, l’eau et l'aquifère, ce qui favorise la désorption des polluants. Le biosparging est souvent confondu avec le sparging, on parle de biosparging lorsque la biodégradation est plus importante que la volatilisation[13].

Principe du landfarming, BRGM, 2023

Landfarming

Le principe consiste à étaler des sols pollués sur une faible épaisseur (30 cm) et de grandes surfaces, ce qui permet une interaction entre la matrice polluée et l’atmosphère. Le but est de favoriser l’aération et donc la dégradation aérobie. Le labour des sols permet l’aération régulière. La biodégradation peut être favorisée par l’ajout de compléments nutritionnels. Les terres polluées doivent être étalées sur des supports imperméables (asphalte, géomembrane, plus rarement béton) afin d’éviter toute pollution des sols et des eaux souterraines.

Principe du compostage, BRGM, 2023

Compostage

Le compostage consiste à mélanger des sols excavés avec des amendements organiques (compost) et à les disposer en tas trapézoïdaux (aussi appelés andains) régulièrement espacés afin de favoriser la biodégradation. Les matières organiques peuvent être d'origine animale ou végétale. Le compost agit sur la biostimulation (apport de nutriments, de carbone, d’azote ….), la bioaugmentation (apport de bactéries) et l’aération (apport d’agents structurants et d’éléments rigides augmentant la porosité)[14].

Récapitulatif

Source : SelecDEPOL
Techniques in situ Polluants ciblés
Bioventilation
  • TPH (tétrahydropyrane) lourd
  • TPH léger
  • SCOV (Composés Organiques Semi-Volatils)
  • COV (Composés Organiques Volatils)
  • COHV (Composés Organiques Halogénés Volatils)
Biosparging
  • TPH lourd
  • TPH léger
  • SCOV
  • SCOHV (Composés Organiques Halogénés Semi-Volatils)
  • COV
  • COHV
Techniques ex situ Polluants ciblés
Biopiles ou biotertre
  • TPH lourd
  • TPH léger
  • SCOV
  • SCOHV
  • Explosifs et composés pyrotechniques
  • COV
  • HAP ( Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques)
  • Pesticides/Herbicides
  • PCB (Polychlorobiphényles)
  • COHV
Bioréacteurs
  • TPH lourd
  • TPH léger
  • SCOV
  • SCOHV
  • Explosifs et composés pyrotechniques
  • COV
  • HAP
  • Métaux/Métalloïdes
  • Pesticides/Herbicides
  • PCB
  • COHV
Compostage
  • TPH lourd
  • TPH léger
  • SCOV
  • SCOHV
  • Explosifs et composés pyrotechniques
  • COV
  • HAP
  • Pesticides/Herbicides
  • PCB
  • COHV
Landfarming
  • TPH lourd
  • TPH léger
  • SCOV
  • Explosifs et composés pyrotechniques
  • COV
  • HAP
  • Pesticides/Herbicides

Mise en pratique

  • Dépollution des plages après la marée noire de l’Exxon Valdez : En Alaska, une marée noire a contaminé le littoral avec environ 41 millions de litres de pétrole brut. Les scientifiques ont ajouté des nutriments, azote et phosphore (biostimulation), pour stimuler les bactéries naturellement présentes dans l'environnement et capables de dégrader les hydrocarbures[15]. La biodégradation des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) a été significative, avec une diminution allant de 13% à 70% par an[16].
  • Mycoremédiation de pesticides dans des sols agricoles : Des projets en Belgique et ailleurs ont démontré que le mycélium de champignons comme le pleurote peut dégrader des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des pesticides, grâce à des enzymes comme les laccases et les peroxydases. Ces procédés transforment les molécules toxiques en composés inoffensifs, réduisant jusqu’à 90 % de la pollution dans des essais pilotes.

Avantages et risques

Avantages

  • Solution écologique :
    • Utilise des micro-organismes (bactéries, champignons), des plantes ou leurs enzymes pour transformer ou dégrader les polluants en composés non toxiques, évitant ainsi l’utilisation de produits chimiques agressifs.
    • Minimise l’impact sur l’écosystème environnant par rapport aux méthodes traditionnelles comme l’incinération ou l’enfouissement​.
  • Coût relativement bas :
    • Les techniques de bioremédiation sont souvent moins coûteuses que les méthodes mécaniques ou chimiques, surtout sur des zones étendues ou pour des pollutions organiques complexes (hydrocarbures, solvants)​.
  • Amélioration de la santé des sols :
    • Certaines approches, comme l’ajout de matière organique pour stimuler les micro-organismes, peuvent améliorer la qualité du sol et sa capacité à retenir l’eau et les nutriments.
  • Flexibilité et spécificité :
    • Adaptable à divers types de polluants : hydrocarbures, métaux lourds, pesticides, solvants, etc. De plus, des techniques comme la phytoremédiation ou la mycoremédiation permettent de traiter des environnements spécifiques.
  • Acceptabilité sociale plus élevée que les solutions thermiques et chimiques.

Limites et risques

  • Temps long :
    • Les processus biologiques peuvent être lents et nécessitent plusieurs mois, voire des années, pour obtenir des résultats significatifs, ce qui peut être problématique en cas d’urgence​.
  • Limitation aux polluants biodégradables :
    • Certains polluants, comme les métaux lourds ou les substances chimiques très stables (pesticides persistants, PCB), ne peuvent être dégradés mais seulement immobilisés ou transformés partiellement.
  • Dépendance aux conditions environnementales :
    • L’efficacité de la bioremédiation dépend fortement des conditions locales : température, pH, disponibilité en nutriments, teneur en oxygène. Si les conditions ne sont pas optimales, le processus peut être inefficace​​.
  • Risque de bioaccumulation :
    • Dans la phytoremédiation, les plantes peuvent accumuler des métaux lourds, ce qui nécessite une gestion des végétaux contaminés (incinération ou stockage sécurisé).
  • Risque de dissémination de micro-organismes :
    • Les techniques de bioaugmentation, qui introduisent des micro-organismes spécifiques, peuvent entraîner des déséquilibres écologiques ou des impacts non anticipés sur la biodiversité locale.
  • Résistance des polluants :
    • Certains contaminants complexes ou mixtes (hydrocarbures lourds combinés à des métaux, par exemple) peuvent nécessiter des approches combinées, ce qui augmente la complexité et les coûts.

Annexes


  1. Parlement Européen, 2024, page consultée le 26/11/2024 : https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20240408IPR20304/le-parlement-prevoit-des-mesures-pour-assainir-les-sols-d-ici-2050
  2. https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-10/ed97-sols-pollues-05112013.pdf
  3. The state of soils in Europe, European Environment Agency, 2024 ; Rapport téléchargeable à cette adresse : https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC137600
  4. The state of soils in Europe, European Environment Agency, 2024 ; Rapport téléchargeable à cette adresse : https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC137600
  5. The state of soils in Europe, European Environment Agency, 2024 ; Rapport téléchargeable à cette adresse : https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC137600
  6. ADEME, https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/sante/la-pollution-des-sols-ressources/article/les-sites-et-sols-pollues#:~:text=La%20d%C3%A9pollution%20des%20sols,-Les%20techniques%20de&text=La%20pollution%20peut%20%C3%AAtre%20trait%C3%A9e,limiter%20la%20migration%20des%20polluants.
  7. Les techniques de biorémédiation,Cedre, 2015, https://wwz.cedre.fr/content/download/8120/file/4-cedre-bioremediation.pdf
  8. Fiche descriptive : Biopile aérobie, Gouvernement du Canada, [page consultée le 18/11/2024] https://gost.tpsgc-pwgsc.gc.ca/tfs.aspx?ID=6&lang=fra
  9. Bioréacteur, SelecDEPOL, 2023, https://selecdepol.fr/fiche-technique/bioreacteur
  10. Fiche descriptive : Bioréacteur, Gouvernement du Canada, 2019, [page consultée le 19/11/2024] https://gost.tpsgc-pwgsc.gc.ca/tfs.aspx?ID=7&lang=fra
  11. Atténuation naturelle contrôlée, SelecDEPOL, 2023 [page consultée le 19/11/2023] https://selecdepol.fr/fiche-technique/attenuation-naturelle-controlee
  12. Bioventing, Federal Remediation Technologies Roundtable, https://frtr.gov/matrix/Bioventing/
  13. SelecDEPOL, 2023, [page consultée le 19/11/2024] https://selecdepol.fr/fiche-technique/biosparging
  14. Compostage, SelecDEPOL, 2023, https://selecdepol.fr/fiche-technique/compostage
  15. http://www.marees-noires.com/fr/lutte/lutte-a-terre/biorestauration.php
  16. Bioremediation of the Exxon Valdez oil in Prince William Sound beaches, Michel C. Boufadel et al., 2016, https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0025326X16307214
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