Un bioherbicide est un produit composé de substances naturelles utilisé pour lutter contre les adventices. Ce sont des produits de désherbage dérivés d’organismes vivants. La présence d’adventices entraîne une diminution du rendement, il faut donc réduire leurs populations, mais les produits majoritairement utilisés (glyphosate, acide 2,4-dichlorophénoxyacétique…) laissent des résidus et polluent les sols et l’eau. Les bioherbicides sont une alternative moins nocive pour les écosystèmes, et pourraient aussi être une alternative pour les exploitations en agriculture biologique qui ont recours au désherbage mécanique [1][2].
Les types de bioherbicides
Les bioherbicides peuvent être composés de différentes substances naturelles : bactéries, champignons, substances végétales (huiles essentielles)…Il y a des bioherbicides spécifiques à une adventice, mais aussi des bioherbicides non spécifiques.
Huiles essentielles
Les huiles essentielles font l’objet de nombreuses recherches pour le désherbage.
- Exemples d’huiles efficaces : les huiles essentielles contenant de l’acide pélargonique comme l’huile essentielle de géranium, ou encore le vinaigre (acide acétique).
- Mode d’action : Effet allélopathique inhibiteur de la germination et de la croissance des adventices, comparable à certains herbicides chimiques sur des espèces comme la moutarde des champs (Sinapis arvensis).
Le seul produit bioherbicide actuellement autorisé en grandes cultures est l’acide pélargonique (par exemple le produit “Beloukha”).
L’acide pélargonique est un acide gras que l’on retrouve par exemple dans le géranium. Cet acide dessèche et déshydrate la plante en détruisant son épiderme. C’est un bioherbicide non sélectif. Il agit en seulement quelques heures, cependant cette efficacité décroît au fil du temps[3].
En viticulture, il est utilisé pour l’épamprage et le désherbage sous le rang.
Il n’est pas autorisé en agriculture biologique car il peut potentiellement avoir un impact sur l’environnement de la culture[4].
Projet APEO
En Belgique, l’entreprise APEO (Agronomical Plant Extracts and Essential Oils) développe un bioherbicide à partir d’huiles essentielles[5][6].
En 2011, pour répondre aux problématiques d’adventices résistantes aux herbicides et aux risques liés à l’utilisation de produits phytosanitaires, ils décident de commencer à s’intéresser aux huiles essentielles comme moyen de lutte.
Il y a tout d’abord eu une présélection de 91 huiles essentielles parmi les 3000 existantes, en fonction des prix et de la disponibilité, pour les tester comme fongicide et herbicide.
Elles ont d’abord été testées comme fongicides et cela a permis de montrer que certaines sont toxiques pour les plantes, d’où l’idée de les utiliser comme herbicide.
Trois huiles parmi celles testées ont été retenues car elles ont montré des propriétés intéressantes contre les monocotylédones, dicotylédones, mousses et prêles.
La formulation de l’huile essentielle est importante pour influencer l’efficacité du produit car elle influence le mode d’action et la stabilité, et elle peut aider à protéger l’huile essentielle contre les facteurs défavorables qui limiteraient son action.
Le travail de recherche sur la formulation du produit a été effectué entre 2015 et 2016. La formulation initiale était basée sur des coformulants chimiques, ce qui était contradictoire avec l’objectif de proposer un produit respectueux de l’environnement et différent des produits phytosanitaires de synthèse déjà disponibles sur le marché. Ils ont donc été remplacés par des coformulants biologiques.
Des tests ont ensuite été réalisés en serres, et ont montré que le produit avec des coformulants biologiques était très efficace contre les dicotylédones et un peu moins contre les monocotylédones.
Essais au champ
La dose la plus élevée est au bout d’un mois plus efficace que l’acide pélargonique et aussi efficace que le glyphosate.
Le produit est efficace contre les dicotylédones et un peu moins contre les monocotylédones, et efficace surtout sur des stades assez jeunes.
Résultats après 5 ans d’essai
Sur 40 espèces de dicotylédones, on a une efficacité égale, voire supérieure au produit à base d’acide pélargonique, et dans 4 cas sur 7, c’est aussi le cas pour les monocotylédones.
Il y a donc une bonne efficacité pour un grand nombre d’adventices, et c’est encore le cas deux mois après l’application du traitement.
Persistance d’action
La persistance d’action est un paramètre important pour un herbicide. Sur les dicotylédones, après 100 jours il y a encore une bonne persistance d’action, supérieure à celle de l’acide pélargonique.
De plus, à priori ce produit permet de diminuer le stock de graines d'adventices d’une année sur l’autre, ce qui n’est pas le cas de l’acide pélargonique.
Principe d’action
L’action est multi-site : plusieurs endroits de la cellule sont attaqués, donc le produit agit selon plusieurs modes d’action.
Lorsqu’on applique le traitement on voit que les organites se regroupent au milieu de la cellule et qu’il y a une atteinte des parois cellulaires, une atteinte sur les mitochondries, un effet de dessiccation…
Comme le produit est vite biodégradé, en 48 à 72h, il n'y a pas d’atteinte sur la culture suivante.
Différents produits en cours de développement
Un premier produit est une formulation prête à l’emploi, le dossier d’homologation a été déposé en 2024. L’objectif est de commencer à le commercialiser en 2026 aux Etats-Unis et en 2027 en Europe.
Un deuxième produit est encore un prototype, la formulation est beaucoup plus concentrée pour que les volumes d’application à l’hectare soient raisonnables (5 à 10L).
Il y a également un projet de développement d’un produit sélectif contre les dicotylédones, car pour le moment les produits sont non sélectifs.
Bactéries et champignons
Des chercheurs travaillent sur l’utilisation des bactéries et champignons pour lutter contre les adventices.
Les usages des bioherbicides
Les bioherbicides limitent les populations d’adventices en produisant des métabolites toxiques ou en affectant les fonctions cellulaires des cellules végétales, notamment en dégradant les membranes, en provoquant une déshydratation ou en inhibant la germination… [2].
Le principe d’action ressemble à un mécanisme hôte/pathogène ou peut également ressembler au phénomène d’allélopathie[1].
Par ailleurs, pour que le bioherbicide soit efficace il faut prendre en compte différents paramètres comme le stade phénologique de l’adventice ciblée, les conditions environnementales ou encore la dose de bioherbicide appliquée.
Les bioherbicides peuvent être utilisés pour :
- Le désherbage spécifique ou l’application ponctuelle : clôtures (élevage), cours, jardins privatifs
- La gestion des mauvaises herbes sur les cultures à grande échelle avant le semis
- Le contrôle de couverture (en utilisant une dose plus faible)
- Le défanage des pommes de terre : le défanage chimique est la méthode la plus utilisée. Mais une méthode consistant à broyer les fanes de pommes de terre puis compléter par un bioherbicide pourrait se révéler efficace et permettrait la réduction de l’utilisation de produits chimiques. Pour cette méthode, l’application de Beloukha peut être une solution. Cependant, c’est un produit qui nécessite de bonnes conditions de mise en œuvre (volume d'eau, conditions climatiques..) pour un bon résultat[7].
- L’ébourgeonnage des vignes et arbres fruitiers (contrôle des gourmands en arboriculture, épamprage de la vigne, gourmands des pommiers, poiriers, cerisiers)
- Le contrôle de l’enherbement de la vigne
Méthode d’utilisation
Pour que le bioherbicide soit efficace il faut l’utiliser au bon moment et dans de bonnes conditions :
- Entre avril et septembre, après la levée de dormance des graines ;
- Une température supérieure à 15°C;
- Il est conseillé de traiter au stade 3 à 4 feuilles, sans dépasser le stade 6 feuilles
- Il faut éviter la pluie : un délai de 2 heures minimum est conseillé entre l’application et une pluie pour éviter que le produit ne ruisselle
- Il est conseillé de traiter lorsque le ciel est lumineux car cela permet une meilleure dessiccation ;
- Deux à quatre passages par an doivent être effectués selon les critères d’homologation des produits ;
- Il faut traiter régulièrement au fil des ans, cela permet de faire baisser le stock en graines du sol ;
- Mouiller l’intégralité de la plante pour une utilisation en tant qu’herbicide
- Suivre le dosage indiqué sur l’étiquetage[8].
Efficacité des bioherbicides
- Bonne efficacité contre les dicotylédones
- Moins bonne efficacité contre les monocotylédones[9]
- Efficace surtout sur des stades jeunes et lors de la croissance des plantes
Cependant, en fonction des composés utilisés, des doses appliquées et des adventices ciblées, les bioherbicides ne sont pas forcément efficaces et leur impact sur l’environnement pas toujours bien évalué.
Coût
Les bioherbicides sont généralement plus coûteux à l’achat que les herbicides chimiques, en raison des coûts de production, de la faible échelle industrielle, et parfois d’une efficacité moindre qui impose des applications répétées ou des doses plus élevées.
Sources et références
- ↑ 1,0 et 1,1 https://hal.science/hal-01604035/document
- ↑ 2,0 et 2,1 https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0147651318303129?fr=RR-2&ref=pdf_download&rr=945e43b7ce9ee187
- ↑ https://www.arvalis.fr/infos-techniques/sous-quelles-conditions-peut-encore-avoir-recours-au-glyphosate#:~:text=Le%20seul%20produit%20bioherbicide%20actuellement,aussi%20efficace%20essentiellement%20sur%20dicotyl%C3%A9dones.
- ↑ https://intox-detox.fr/article/1713-l39acide-pelargonique-est-il-aussi-dangereux-que-le-glyphosate
- ↑ https://fr.apeosolutions.com/our-solutions#individuals
- ↑ https://www.valbiom.be/actualites/un-bioherbicide-aux-huiles-essentielles-pour-concurrencer-le-glyphosate
- ↑ https://www.arvalis.fr/infos-techniques/plusieurs-techniques-possibles-pour-defaner-les-pommes-de-terre
- ↑ https://www.placedupro.com/articles/1393/herbicides-de-biocontrole-une-alternative-au-desherbage
- ↑ https://www.perspectives-agricoles.com/sites/default/files/imported_files/407_1598158642402231489.pdf